La route continue

Le chemin mena le barde d'Hautval à la Baronnie d'Ysari. Encore un lieu qu'il allait découvrir. Encore un endroit qui pourrait certainement apporter un peu d'eau à son inspiration.
La fatigue commençait à le gagner. L'éloignement attristait son coeur, et rendait maussade son regard. Sa viole dans le dos, sa coiffe vissée sur son crâne il arriva à Ysari. Qui allait-il rencontrer ? Ce mystère était pour lui un divertissement.
Le pas assuré, il entra dans la cité. Direction comme toujours le palais. Comme toujours il observait tout, marchait, longeait des ruelles, de rues marchandes.
Une main dans la poche de sa tunique s'amusait avec des pièces. Une bourse qui se dilapidait trop rapidement à son goût.
S'approchant du palais d'Ysari, il devait avant traverser des jardins. Il montra aux gardes la missive de sa suzeraine.
Il avait l'habitude des soupçons à son égard, et s'en moquait bien. Le son de l'océan berçait agréablement sa marche. Il entendait des murmures lointains mentionnant la présence de la Baronne Sarina par ici. Une aubaine ! S'exclama l'artiste en se grattant le menton.

Serrant le parchemin de sa maîtresse entre ses doigts en prenant soin de ne guère l'user - il savait que sans, on le jetterait dehors rapidement de toutes les cours - en appuyant trop. Le pas feutré il longea des chemins fleuris, forts charmants en glissant sa rétine un peu partout.
Lorsqu'il croisa du monde, il déclara avec fierté:-" Je suis un humble serviteur de la Duchesse du Median." Une annonce qui leva une certaine curiosité.
Manel parlait, il racontait quelques histoires aux gens aimables. Puis on lui annonça que la Baronne d'Ysari se trouvait un peu plus loin.
Il ôta la coiffe de sa tête, et se dirigea donc vers le coin indiqué. Il s'agissait d'une belle terrasse, ornée de fleurs, dégageant un parfum hypnotique.
Jamais auparavant il n'avait vu si bel endroit. Si bucolique. Entourée de deux dames, la Baronne était là ! Elle respirait l'odeur d'une rose. Cette fois, il ne devait pas échouer. Son rang ne devait pas être une entrave à la mission.
Cela lui avait joué des tours.
La coiffe sur le coeur de sa petite tunique pauvre il s'approcha avec une certaine élégance. Il se souvint des mouvements qu'on lui avait enseignés à la cour de sa Dame.
-" De toute ma vie je n'ai vu endroit si jolie. Déclara-t-il en inclinant son buste bien bas. Je me nomme Manel, je suis un troubadour au service de sa Grandeur, la Duchesse du Médian, Blanche D'Ancenis." Il tendit le parchemin.

Il se redressa lentement, le regard sérieux, sans en rajouter, sans en faire plus. Son seul souhait était à présent d'avoir l'opportunité de pouvoir parler un instant avec la noble.
-" Me feriez vous l'honneur de m'accorder un entretien, mon intention n'est nul de vous faire perdre votre temps."

Respectant l'endroit qu'il visitait, le jeune homme conservant son âme poétique profitait du moment pour abreuver sa mémoire du paysage qu'offrait les jardins et le domaine dans son ensemble. Rapidement il voyait dans le raffinement la main de la Dame des lieux. Saluant les gens avec respect, il fut fort content d'obtenir un entretien avec la Baronne.

Le visage réjoui par la réception, le jeune garçon était fort heureux d'avoir un peu de répit. Les querelles semblaient loin maintenant.
Heureux, il suivit la Dame en direction d'une salle. Evidemment, même si tout était beau, il devait rester sur ses gardes afin de permettre à sa suzeraine de conserver un lien cordial avec cet endroit.
Sarina l'invita à s'asseoir.
Timidement, Manel ôta le luth accroché à son dos et le posa sur le côté. Les mains sur le coeur.

-" Le ravissement est pour moi votre honneur." Répondit-il d'un ton enjôleur avec sa voix clair de rossignol.
-" Votre terre est un endroit remarquable." Compléta-t-il le sourire aux lèvres. Sincère, il cherchait à présent ses mots afin de présenter le plus clairement possible la raison de sa venue.
Au moins, il était satisfait en écoutant son interlocutrice, que la duchesse du Médian était ici, plutôt bien vue. Du moins il le devina.
Un instant il regardait autour de lui, le beau décors, le calme paisible... Trouvant là une confiance bénéfique.
La voix clair, la tête droite le poète débuta, posant avec un geste magnifiquement théâtral une main sur le coeur.
-" Vous ne devez pas ignorer qu'une grande partie de la Péninsule ne porte guère en estime ma Maîtresse..." Il acheva sa phrase, et poursuivit rapidement.
-" Je ne suis que son ambassadeur, et ne vient qu'avec un simple souhait: Connaître votre sentiment sur la Dame du Val ? " Demanda-t-il avec son air mélancolique.
-" Je me fais également le plaisir de vous transmettre ses hommages car je n'ignore point la situation et la cordialité de son Royaume avec le Sud." Puis il cessa, attendant la réponse de la Baronne d'Ysari.