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| Où l'on fout le camp [Thibaud] | |
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Roderik de Wenden
Ancien
Nombre de messages : 1133 Âge : 34 Date d'inscription : 25/12/2014
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 27 ans (né en 982) Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Où l'on fout le camp [Thibaud] Mar 29 Nov 2016 - 16:57 | |
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Neuvième année du onzième cycle Sixième ennéade de Favriüs Le deuxième jour...
« Allez mes enfants, on lève le camp. »C'est en ces termes que Roderik avait passé la porte de l'auberge du Cul qui Brille où l'attendaient les gens de sa maisonnée. Deux nuits passées dans ce boui-boui lui avaient amplement suffi ; son confort rudimentaire restait plus douillet que le navire à bord duquel il s'était récemment rendu à Merval, mais il n'était pas faché de regagner ses pénates. Il y avait bien longtemps qu'il n'était pas rentré au pays ; il y avait bien longtemps aussi qu'il ne s'était pas senti chez lui. Aussi, après avoir salué et félicité une dernière fois Jérôme pour son mariage, Roderik se trouvait prêt à mettre les voiles - façon de parler, évidemment ; plaise à Néera qu'il ait assez navigué au cours des dernières ennéades pour s'en passer durant le restant de ses jours. Une longue chevauchée l'attendait, à présent. La douzaine de cavaliers qui quittait prestement Etherna ne ressemblait guère à un cortège de joyeux noceurs ; on s'étonnait facilement de ce que le comte se soit déplacé en si petite compagnie, sans un chevalier de renom à ses côtés, encore moins une belle dame - ni une dame tout court - pour se présenter au mariage du baron. Il s'en allait à présent aussi soudainement qu'il était apparu ; à tel point qu'on pourrait se demander pourquoi était-il vraiment venu. Ils suivaient un sentier descendant une colline en pente douce, que longeait un ruisseau couvert d'un tapis de feuilles mortes. Derrière eux s'éloignaient les tours d'Etherna dans un horizon bleuté ; ils n'en étaient pas encore loin lorsqu'ils rattrapèrent un autre groupe de voyageurs. Certains d'entre eux portaient la livrée de Kelbourg, un vavasseur du Berthildois que Roderik connaissait bien. Les cavaliers arétans ralentirent l'allure, et Roderik s'approcha, cherchant le seigneur Thibaud au sein du groupe. Roderik l'avait aperçu dans le temple au moment de la cérémonie, aussi n'était-il pas surpris de le retrouver là ; mais n'ayant pas assisté au banquet qui avait suivi, il n'avait pas eu l'occasion de le saluer pendant qu'ils étaient à Etherna. « Eh bien, voilà le lieu de rendez-vous des grands de ce monde », dit-il lorsqu'il eut accroché le bonhomme, et d'ajouter, amusé : « je ne vous imaginais pas si fleur bleue au point de vous revoir à un mariage, seigneur Thibaud, mais peut-être que le chevalier que j'ai connu en Oësgardie s'est adouci. » Et il émit un léger rire, non parce qu'il trouvait son trait d'esprit tordant, mais parce que la chose était drôlement impensable pour qui connaissait un peu le bonhomme. « Comment vous portez-vous, l'ami ? »
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| | | Thibaud de Kelbourg
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Mar 29 Nov 2016 - 18:16 | |
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Ce n'est non pas sans éprouver une certaine joie qu'il délaissa la cité des grands blonds. Les murailles etherniennes désormais loin derrière lui, il avança au sein de sa compagnie sans s'être retourné une seule fois. Etherna n'avait été qu'une étape, un prétexte. Désormais, une toute autre affaire l'attendait. Cela ne l'empêcha pas de repenser à ce mariage et à ce défilé de nobles en provenance des quatre coins de la péninsule. Cette bonne humeur générale dans laquelle s'était engouffrée tous ces nobliaux de pacotilles l'avait irrité au plus haut point. Ça se souriait, ça se caressait dans le sens du poil et puis... ça s'envoyait des fions une fois le dos tourné. Pas nouveau, certes, mais cette fausse modestie s'apparentant bien plus à de l'hypocrisie avait eu le mérite de le faire sortir de ses gonds. C'est qu'il en avait vu des visages durant ces deux derniers jours. Si certains avaient fait ressurgir des bons souvenirs de la campagne sgardienne, d'autres l'avaient profondément foutu en rogne.
-C'était quand même un beau mariage, lâcha Albert de Mandebourg. -La ferme, ponctua-t-il.
Plus personne ne l'ouvrit et la joyeuse bande s'engouffra sur un petit chemin de terre en direction du sud. En tête de colonne, il en profita pour tirer quelques conclusions de son périple hors de ses terres et en conclut que les voyages diplomatiques n'étaient pas son fort. Néanmoins, sa rencontre avec le baron de Nelen – relevant du plus grand des hasards – avait eu le mérite de faire mûrir dans son esprit une idée pourtant déjà bien ancrée. Il repensa à ce suderon, Enrico de Montecale. Un homme charmant et aussi doué que lui pour la diplomatie. Mais également un ennemi du berthildois, et pas des moindres. Un ennemi avec qui il avait « traité » et parlé d'avenir. Il ne put que s'imaginer la face du Saint-Aimé en le découvrant agir ainsi. C'eut été à pisser de rire à tous les coups !
En étant perdu dans ses pensées, il ne remarqua même pas l'arrivée d'une troupe de cavaliers venant s'immiscer à leur côté. Ce n'est que lorsque l'un de ces gars vint lui taper la discute qu'il comprit à qui il avait à faire. Roderik de Wenden tiens donc, le comte d'Arétria et vassal de son suzerain en prime. Un bon gars avec qui il avait guerroyé en sgardie et qui avait eut le mérite de dire assez haut et fort ce qu'il pensait des dernières décisions du marquis pour foutre un vent glacial sur le banquet. Un chic type, vraiment, qui avait mérité toute sa sympathie. Cette dernière manqua d'ailleurs de s'effriter lorsque le maudit bougre tenta un trait d'humour sur sa présence au mariage.
-Que nenni, sire, pendant ces deux derniers jours, je n'étais point à un mariage, mais bien sur un champ de bataille. J'y ai vu des alliés, mais aussi des ennemis... en commençant par toutes ces rosières en quête de romance et d'aventure. Ecoeurant, rajouta-t-il en faisant mine de vomir.
Il partagea alors le même rire que l'arétan, bien qu'il y ait eu quelques vérités dans ses paroles qui ne méritèrent probablement pas que l'on se gausse.
-Je vais bien, sire Roderik, dit-il en tentant d'apercevoir les traits du garçon. Je ne crois pas vous avoir aperçu au banquet, ni même avoir entendu des gens s'interroger de votre absence. Dois-je en conclure que vous êtes venu, tout comme moi, sans une belle et bien écrite invitation ? Si c'est le cas, vous n'avez rien raté, rassurez-vous. Même la bière n'était pas aussi bonne que la nôtre... Son amertume se fit ressentir. Comment pourrait-elle l'être d'ailleurs ? Il ne doit même plus y avoir assez d'hommes en cette baronnie pour la brasser.
Par cette dernière pique, il fit référence à l'esprit « s'en va-t-en guerre » du baron ethernan. Si, pendant un temps il avait admiré le caractère belliciste de ce Clairssac, force était de constater qu'il avait mené ses terres sur une pente descendante depuis bien trop longtemps. Conclusion : la bière était dégueulasse.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Mer 30 Nov 2016 - 9:13 | |
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Les derniers jours n'avaient pas été particulièrement drôles pour Roderik ; pour lui qui avait baigné dans la morosité et l'ennui, la harangue du sire de Kelbourg avait quelque chose de rafraîchissant. C'est qu'il reconnaissait bien là le bonhomme, un hutin dont la rhétorique frôlait régulièrement l'insolence et qui ne s'embarrassait jamais d'une grande moralité. Tous deux s'étaient côtoyés en Oësgardie, car c'était Thibaud qui commandait le détachement de troupes berthildoises envoyé par Godfroy de Saint-Aimé pour renforcer l'ost arétan. Lorsque le comte Alwin était mort et que Roderik s'était lui-même retrouvé aux commandes, il avait eu tout le temps d'apprendre à connaître le bougre. Aussi étrange que cela puisse paraître, ils s'étaient entendus, car Roderik appréciait la franchise sans détour de Thibaud. Il le soupçonnait malgré tout de manquer d'idéaux, et son insensibilité avait parfois quelque chose de désarmant ; car bien qu'il fut aisé de savoir qui Thibaud détestait, nul n'eut su dire qui il aimait. Aussi, malgré l'apparente cordialité de leurs échanges, il demeurait toujours entre eux une distance, un pas que Roderik n'osait franchir.
« Si vous avez fait le déplacement pour la bière, vous avez dû être foutrement déçu, en effet », lança Roderik tout en flattant l'encolure de Tonnerre d'Ivoire, le hongre qu'Arnoul de Stern lui avait offert en présent pour ses noces avec Iselda. « Pour ma part, la cérémonie m'a tant ennuyé que je ne me sentais pas les épaules à subir un banquet interminable. » L'explication était quelque peu simplifiée par rapport à la réalité, mais Roderik ne tenait pas particulièrement à expliquer pourquoi ce mariage lui plaisait si peu ; et le rôle de confident des amoureux transis seyait assez mal à quelqu'un comme Thibaud. « Si j'avais su à quoi m'attendre, j'aurais écouté ma femme et je serais resté chez moi... enfin, je n'ai jamais été très doué pour écouter ma femme. » Il haussa les épaules ; il savait qu'il n'était pas un époux modèle, mais Iselda n'était pas pour autant à plaindre. Il lui était fidèle, au moins de corps sinon d'esprit, et il ne la brutalisait pas. La jeune femme, de toute façon, s'affirmait de jour en jour, et protestait chaque fois qu'elle désapprouvait son mari - bien qu'elle se heurtât à chaque fois à un mur d'indifférence. « D'ailleurs, comment se porte Dame, euh... comment se porte la vôtre ? » Il venait de réaliser qu'il ignorait comment s'appelait la femme de Thibaud, et n'était même plus tellement sûr qu'il soit marié ; c'est que le berthildois ne l'avait jamais mentionnée devant lui, ce qui, d'une certaine manière, en disait long sur son propre rapport au mariage.
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| | | Thibaud de Kelbourg
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Mer 30 Nov 2016 - 15:12 | |
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Les explications de l'arétan, sur la raison de sa venue, ne manquèrent pas de créer de nouvelles interrogations. Mais après tout, lui-même avait bien eu les siennes, alors qu'est-ce qu'on pouvait bien en avoir à foutre vraiment ? Songeur dans un premier temps, il l'écouta parler et comprit que la cérémonie de mariage, déjà ennuyeuse, avait eu raison de sa motivation pour venir assister au banquet. Il marquait là un point ce maudit bougre ! S'il avait su... Deuxièmement, l'arétan était venu, tout comme lui, sans épouse pour venir l'emmerder et c'est bien ce que cette Iselda avait l'air d'être : une chieuse. Pour le coup, ils se rejoignaient tous deux sur ce dernier point qui le fit lâcher un rire sans retenue. Néanmoins, ce n'est que lorsque l'arétan s'enquit de son épouse à lui qu'il déjanta et fit de nouveau la même gueule abatttue qu'avant l'arrivée du comte.
-Vous voulez sans doute parler de dame Hélène de Villeroy... mon épouse ? Cette maudite garce doit profiter de mon absence pour trouver le moyen de me tuer. Autant dire qu'un voyage sans elle est comme une promenade de santé, dit-il, acerbe. J'imagine que vous avez également prit goût à ces petites escapades loin de votre chère et tendre; Sinon pourquoi faire un tel voyage jusqu'en ces terres pour ne venir assister qu'à une foutue cérémonie interminable...
Sans s'en rendre compte, il s'était immiscé sur une pente bien trop privée qui risquerait de brusquer le comte. Comme pour se faire pardonner, il ne put que rebondir sur les dernières paroles de son – désormais – partenaire de cavalcade.
-Soyez rassuré, sire Roderik. Lorsque mon épouse me parle, ce n'est point sa voix que j'entends et qui résonne dans ma tête, mais bien le bruit des vagues, apaisantes et fraîches. Je ne saurai comment l'expliquer, ni dire pourquoi, mais toute cette maudite merde qu'elle me jette à la gueule n'atteint jamais sa cible. Je dois être béni des dieux.
Il laissa s'échapper un petit ricanement à peine perceptible.
-Vous transmettrez mes salutations à votre dame lorsque vous la reverrez, rajouta Thibaud en clignant d'un œil. D'ailleurs, regagnez-vous vos terres prestement ou m'accompagneriez-vous jusqu'au port de Sharas ? Je ne serai pas contre votre compagnie et celle de vos hommes pour me rendre jusque là-bas.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Jeu 1 Déc 2016 - 10:17 | |
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Alors que Thibaud vilipendait sa femme avec véhémence, Roderik se demanda s'il n'avait pas mis les pieds dans le plat. Quelque part, il aurait dû s'en douter : Thibaud n'avait pas franchement le profil de l'époux prévenant qui fait porter des fleurs à sa dulcinée chaque matin avec le petit déjeuner. Il y avait chez cet homme une grande rudesse. Son cœur de pierre doit être enfoui dans un coffre, lui aussi en pierre. Il n'était pas sûr qu'Iselda ait franchement envie qu'il lui transmette ses salutations, mais il le remercia d'un signe de tête.
« Ainsi, le blocus tient toujours ? Foutre-Néera, je n'aurais jamais cru que ces fous de langecins tiendraient aussi longtemps sans se lasser. Remarquez, depuis le temps que le duché de Langehack a le cul entre deux chaises, ces gens savent tenir en équilibre comme personne. Enfin ! Je vous aurais bien accompagné, mais il y a certaines affaires qui requièrent mon attention ; je dois rejoindre mes domaines. Le baron Sigvald, lui, devrait pouvoir vous aider... j'imagine. J'espère. » Après tout, les problèmes olysseans ne sont point les miens, songeait Roderik ; mais cette histoire de blocus l'agaçait et l'intriguait. Il s'étonnait de ce que Sigvald, qui n'était point un mauvais bougre et ne manquait pas de bon sens, ait pu autant tarder à régler ce problème. « C'est Saint-Aimé qui vous envoie là-bas ? Tiens, d'ailleurs, n'est-ce pas aussi à son initiative que vous devez votre petite virée en pays ethernan ? »
Sans doute Godfroy avait-il voulu qu'un berthildois soit présent à la cérémonie ; connaissant le bonhomme, c'était moins pour faire preuve de politesse que pour narguer certaines des convives présentes. Le choix de Thibaud pouvait surprendre, car Roderik n'ignorait pas que les Saint-Aimé et les Kelbourg n'étaient pas les meilleurs amis du monde ; mais cela n'avait pas empêché Godfroy, déjà, de désigner Thibaud comme capitaine pour l'Oësgardie. Après tout, Godfroy se moquait d'être aimé ou méprisé ; il trouvait toujours une utilité à chacun de ses vassaux, indépendamment de ses dispositions à son égard. D'une certaine manière, il aimait être obéi, en particulier par ceux qui lui crachaient dans le dos. Néanmoins, cette tendance à tout déléguer prenait ces derniers temps une ampleur inédite ; c'est que Godfroy avait toujours aimé faire les choses de lui-même : ne s'était-il pas dépensé sans compter ses efforts pour tenter de mener à bien - et en vain - ses projets de réunification du royaume ? Depuis son dernier échec, on le voyait finalement assez peu.
« C'est bizarre qu'il n'ait pas lui-même pris les devants pour mettre un terme à ce blocus plus tôt. Comment va-t-il ? »
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| | | Thibaud de Kelbourg
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Jeu 1 Déc 2016 - 15:56 | |
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Ils venaient de parcourir une moyenne distance déjà. Nulle trace de la cité ethernienne dans leur dos. Enfin, ils s'en étaient débarrassés. Le petit chemin de terre s'était fait plus grand au fil des lieux parcourus et l'on pouvait à présent se mouvoir à trois de tête. Pour autant, Thibaud resta seul aux côtés de l'arétan et tint bonne allure. Le voisin du nord, monté sur le bel étalon châtré, ne cessa guère de parler et continua de l'accompagner en rendant ainsi le voyage un peu moins long. Roderik était un brin mystérieux. Un peu trop à son goût. Il savait que l'homme avait cherché à quérir des soutiens suite à son éclat de Cantharel. Si lui s'était toujours tenu de parler franchement au Saint-Aimé, préférant attendre le meilleur moment, Roderik avait mit quant à lui les deux pieds dedans. Si quand bien même il se délecta d'avoir assisté à tel spectacle remettant directement en cause l'autorité et les décisions de l'effroyable, les vieilles tensions et rancœurs entre berthildois et arétans ne tardèrent pas à ressurgir et à faire se regarder les deux voisins en chiens de faïence.
Le mal étant fait, il ne restait plus qu'à attendre pour voir comment tout ce merdier allait se finir. Qu'avait-il à risquer – lui – de toute façon ? Ses terres étaient éloignées de la frontière arétane, alors hein, ils pouvaient bien se frapper la gueule, Kelbourg arriverait en toute fin pour récolter les fruits des uns et des autres. De facto, il ne s'offusqua nullement que le comte décline son invitation. L'homme avait ses affaires, lui les siennes, il n'irait pas le supplier pour le garder avec lui et briller grâce à son aura. Si le comte fit genre de s'intéresser au blocus du port, il s'en détourna assez vite pour aborder la question de son suzerain.
-Le blocus tient toujours, sire Roderik. J'en ai d'ailleurs eu la confirmation par son principal meneur, un certain Enrico de Montecale. Un brave suderon qui n'a pas manqué d'attiser ma curiosité, car selon lui, le pire est encore à venir.
Un petit village se dressa subitement au détour d'un virage. L'allure fut momentanément bien moins rapide, pour ne pas dire qu'ils finirent au trot.
-Je m'en vais justement rencontrer le baron Sigvald et je gage d'ailleurs que ce seront des éclairs qui m'accueilleront, dit-il, exaspéré. Le pauvre hère doit haïr le marquis de lui avoir fait un tel coup. M'est avis qu'il y ait autant impliqué que l'effroyable, mais qu'il n'avait point prévu les retombées exclusives pour sa poire. Au moins, me direz-vous, cela ne fait qu'une personne de plus qui souhaiterait sa mort, n'est-ce pas ? s'enquit-il tout en poursuivant sans laisser au comte le temps de répondre. C'est d'ailleurs ce que j'ai moi-même souhaité lorsque le marquis m'a envoyé à Etherna, vous avez juste. Enfin bon... ce maudit mariage est derrière moi maintenant, plus que Sharas et retour en Argonne !
Quant à la question sur l'état du Saint-Aimé, il ne sut quoi dire. Devait-il parler des rumeurs au comte ? Ledit homme ne devait pas être friand de ragots populaires. Quoiqu'en réalité, c'était bien le vieux Tom qui en avait parlé à la grosse Régine, qui en avait parlé à Serge le boiteux, qui l'avait su de sire Paul de Lamotte, qui logeait au palais de Cantharel. Rien de plus fiable en soit. Alors il s'y risqua.
-Les dernières nouvelles ne sont guère réjouissantes, sire, dit-il avec un ton qui sonnait faux. L'on dit le marquis alité depuis la fin des festivités. Ce pourquoi il délègue à ses seigneurs préférés les missions d'importance capitale. Vous comprenez ? Il n'y avait, sans nul doute, pas meilleur que moi pour représenter le berthildois à ce mariage. Mon sens de la diplomatie doit y être pour quelque chose à tous les coups.
Il s'était demandé, pendant tout le voyage, si Godfroy l'avait bel et bien envoyé en sachant éperdument qu'il commettrait suffisamment d'incidents diplomatique. C'eut été bien mal le connaître. Jusqu'à présent, il s'en était tiré avec les honneurs (si on oubliait bien entendu les calembours foireux et le vomi sur la statue des Clairssac). -Jusqu'à sa mort, il continuera de me faire chier celui-là...
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Ven 2 Déc 2016 - 9:53 | |
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Roderik laissa échapper un soupir d'exaspération. C'était déjà une chose que le baron d'Etherna ait convié à son mariage certaines des plus grandes crapules de toute la péninsule, mais il ignorait que l'un des meneurs du blocus de Sharas figurait également sur la liste des invités. Il avait renoncé à s'en plaindre à Jérôme, mais il commençait à le regretter. Jérôme, Jérôme... votre candeur vous perdra un jour, songea-t-il avec amertume. C'est que le baron d'Etherna ne lui paraissait pas être un mauvais bougre, à présent qu'il le connaissait un peu mieux ; mais cette façon qu'il avait de ne pas prendre parti et de fermer les yeux devant les actions de ses amis lui porterait forcément préjudice. Hochant la tête avec mauvaise grâce, Roderik se redressa légèrement sur sa selle tandis qu'ils traversaient un village. Indifférent aux regards interloqués des badauds devant cette étrange coterie, il écouta le seigneur de Kelbourg évoquer tout le « bien » qu'il pensait de Saint-Aimé ; il ne regretta pas d'avoir abordé le sujet, même si c'était assez maladroit de sa part, car la réponse était plutôt instructive. Godfroy malade, ce colosse inébranlable ? Il plaignait les médecins s'échinant à traiter un patient aussi remuant et furibard ; il devait leur en faire voir de toutes les couleurs, l'enfoiré.
« Ça explique pourquoi il n'a pas une énième fois retourné sa casaque », lança Roderik avec une nonchalance assumée. « Qu'il vienne à guérir, et je me demande quelle nouvelle idée lui viendra. Après avoir envisagé tous les prétendants possibles pour le trône, il finira par nous proposer de soutenir un noirelfe ou un magicien, qui sait ? Remarquez, ça vaudrait toujours mieux que le Boucher du Médian, m'enfin ! Essayons quand même de ne pas être ridicules. »
Il ne pardonnait pas à Godfroy de Saint-Aimé d'avoir renoncé à soutenir les droits d'Alcyne - même si l'ascendance maternelle de celle-ci compliquait les choses, elle était la prétendante la plus légitime pour le trône, du moins lorsque Roderik prenait pour avérée la mort du petit roi Bohémond. Il ne s'était jamais senti à l'aise avec ce suzerain, mais leur relation s'était pendant un temps faite plus cordiale lorsque Godfroy s'était rangé à son conseil de soutenir Alcyne ; Roderik avait cru, alors, que Godfroy pouvait se montrer raisonnable derrière ses airs d'ours déchaîné. Il avait fait l'erreur de croire qu'il serait écouté par son suzerain, qu'il pourrait lui éviter de faire de mauvais choix. Il s'était trompé ; il n'avait pu empêcher Godfroy de se précipiter tête baissée dans une guerre inutile, de nouer des alliances douteuses et fragiles avec des hommes tels que feu le duc Oschide dont la loyauté était floue... Godfroy avait même envisagé d'amnistier Nimmio de Velteroc et d'oeuvrer à faire reconnaître par la régence son faux duché du Médian, ce à quoi Roderik ne s'abaisserait pour rien au monde. Depuis son excursion secrète en pays mervallois, Roderik était désormais certain d'avoir eu tout faux depuis le début : non seulement Godfroy les conduisait dans le mur, mais Godfroy n'était point le marquis légitime du Berthildois ; car le petit roi Bohémond, héritier par sa mère du marquisat, était en vie. Bohémond se trouvait là-bas dans le sud, et ce que l'on prenait pour mensonges depuis un an n'était que vérité ; mais jamais Godfroy n'accepterait de reconnaître cette vérité, car reconnaître que Bohémond était en vie impliquerait du même coup de reconnaître qu'il n'était pas, lui, Godfroy, marquis de Sainte-Berthilde. Aujourd'hui Roderik connaissait suffisamment l'homme qu'il avait pris pour son suzerain pour savoir, avec certitude, que Godfroy n'effacerait pas ses intérêts personnels au nom de la légitimité. Nul ne le savait encore, car Roderik n'avait pour le moment rien entrepris ; mais en son for intérieur, les ponts étaient déjà coupés entre Godfroy et lui. Cet homme, il ne le soutiendrait plus. Il n'attendait qu'une chose désormais : sa perte. Mais il doutait fort qu'une maladie, quoiqu'apparue fort à-propos, suffirait à débarrasser l'Atral d'un usurpateur aussi acharné. Roderik ne se permettrait pas un tel optimisme. Ce con est bien capable de guérir, pour notre malheur à tous.
Il jaugea Thibaud du regard un bref instant. Devait-il s'en ouvrir à lui ? Il décida rapidement qu'il n'en ferait rien. Il savait que Thibaud n'appréciait pas le « marquis », mais c'était une chose que de s'opposer à Godfroy ; c'en était une autre que d'accepter de remettre les clés du marquisat à un enfant qui, aussi légitime soit-il, restait un parfait étranger aux yeux d'un berthildois ; car c'était en les murs d'Edelys et des maisons suderonnes que le petit roi et marquis avait vécu l'aube de son existence, et il en était encore beaucoup, dans l'Atral, à s'être faits à l'idée que l'enfant-roi en exil dans le sud était un imposteur, une marionnette. Non, Thibaud était trop turbulent, trop imprévisible pour que Roderik puisse lui révéler ce qu'il savait ; il devait s'accorder le temps de la réflexion. Il commencerait par regagner ses terres, qu'il n'avait pas vues depuis son départ pour Merval trois ennéades plus tôt.
« Saint-Aimé a changé en beau merdier une situation qui était déjà pas mal bordélique », finit-il par dire, afin d'évoquer ses doutes sans pour autant révéler ses pensées profondes. « Je me demande où tout ça va nous conduire. Rien de bien, j'en ai peur. Langehack nous tient pour responsables de la mort de son duc, à présent, et je crains que Sharas ne soit qu'un début... certes, ils se sont déjà mis à dos le Sud et la Ligue, aussi je doute qu'ils puissent aller bien loin. Mais le clébard à moitié crevé sur le bord du chemin est toujours hargneux et peut mordre si l'on n'y prête pas attention. Je ne connais pas la duchesse, mais je connais les femmes : je gage que celle-ci ne s'accroche à la vie que pour venger son cher mari, et elle ruinera son duché si ça peut nous atteindre. Les femmes sont hargneuses, Thibaud, terriblement hargneuses ; nous sommes tous les deux mariés, nous sommes donc bien placés pour le savoir. »
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| | | Thibaud de Kelbourg
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Ven 2 Déc 2016 - 15:59 | |
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Thibaud s'amusa de la raillerie faite sur le marquis pendant un bref instant. Un bref instant seulement, puisque au moment de supposer que le Saint-Aimé ait pu soutenir un puysard où un magicien sur le trône, Thibaud s'en dit que le con en serait probablement capable ! Qu'il était bon de plaisanter dans le dos d'un homme qui inspirait toutes les haines et provoquait les plus grandes envies de meurtre. Jamais, dans sa vie, il ne connut pareil homme. Pour le coup, si Godfroy n'avait jamais fait l’unanimité. Force était de constater qu'à présent il la faisait, mais point dans le bon sens du terme. La période qu'il vivait était bien morne. Au sortir d'un conflit dans lequel Kelbourg avait payé un lourd tribut, voilà qu'un nouveau pointait le bout de son nez. Sainte-Berthilde, tout d'abord, à qui il faudrait trouver une solution un jour où l'autre... Mais ce qu'il redoutait bien plus encore, était les dangers représentés par un voisin du sud passé dans le camp ennemi. Si Léandre d'Erac et son père avaient entretenu, jadis, de bonnes relations. Jamais, en ce jour, l'on ne connut autant de véhémence et d'animosité entre l'Erac du Lyron et l'Argonnois. Inquiétude d'ailleurs redoublée lorsque Thibaud s'imaginait une potentielle incursion de la ligue sur ses terres. L'effroyable s'en serait probablement donné à cœur de joie de le laisser languir quelques ennéades avant de lui porter assistance. Et ce, non seulement afin de l'affaiblir drastiquement, mais également pour lui donner une bonne leçon. A trop remuer la merde, on finit par en prendre plein la gueule, disait le papa.
-Nous vivons une sacrée période de merde, sire Roderik, lâcha-t-il en tâchant de voir si l'on ne pouvait trouver une taverne dans l'une des ruelles. Je pensais retrouver la quiétude de mon fief à la fin de cette maudite campagne sgardienne, et j'y ai retrouvé un suzerain changeant de cap aussi souvent qu'une girouette. Autant dire de suite que tous ces changements de position m'ont particulièrement gonflé. Que le colosse se fasse roi était déjà une drôle d'idée, méritant un certain degré de connerie. Puis soutenir ensuite la légitimité de l'aînée d'Hautval... Son regard vira au noir. Non mais vous avez entendu, sire Roderik ? Après que nos hommes se soient fait massacrer par le velterien ! Nous ! Ployer le genou devant cette médianaise ! A ce moment-là, mon sang n'a fait qu'un tour et je me suis juré d'agir avant que l'irréparable ne soit commis. C'était mal connaître le bonhomme, puisque comme vous le savez, il s'est mit en tête de soutenir Bohémond, ce qui a selon moi finit d'annoncer sa perte. Mais soit, revenons en au Langecin, vous semblez vous en inquiéter bien plus que moi.
Il repensa subitement à la conversation qu'il avait eu, presque saoul, avec le suderon parvenu. Si les récits faisaient de cet homme un héros vivant ; le voir en vrai n'avait pas été chose extraordinaire. En plus d'avoir une jambe en bois, le bougre avait eu une mine atroce au point qu'il avait craint un saut du haut des remparts.
-Il y a certes de la hargne dans ce combat mené, mais vous comme moi, savons éperdument qu'aucune guerre ne peut être gagnée qu'avec une envie irascible de vengeance. C'est le coup à griller des étapes et à se brûler les ailes et autant dire tout de suite que c'est ce que le Langecin est train de commettre. Le port de Sharas est bloqué ? Très bien, Seram est à côté et nos navires n'ont qu'à battre pavillon ethernan pour duper la vigilance de l'ennemi. C'est que le Clairssac nous est fort utile dans cette histoire, vous ne croyez pas ? De l'autre côté, Langehack poursuit une lutte avec comme seul objectif de se venger. Comme vous l'avez remarqué, les caisses de leur suzeraine fondront comme neige au soleil, et ce, si les premières gelées hivernales n'ont pas atteint le moral de leurs hommes. Alors elle peut très bien être hargneuse. Dans le meilleur des cas ça la réchauffera pour l'hiver, mais tant qu'aucun ost ne foulera les terres d'Olyssea, nous ne risquerons pas grand chose.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Lun 5 Déc 2016 - 10:18 | |
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Roderik acquiesça sans réserve aux remarques de son compagnon de route. La hargne langecine n'avait guère atteint les côtes arétrianes, par bonheur ; cela dit, il se gardait bien de penser que le blocus de Sharas ne serait qu'un coup d'épée dans l'eau. Quand bien même il était aisé de contourner le blocus - il en avait lui-même fait l'expérience lorsque, partant des rivages lünestenais, il avait pu gagner Merval sans encombre autre que les troubles liés au mal de mer - cela ne manquait pas de générer un manque à gagner, pour-lequel les guildes locales ne manqueraient pas de pointer la responsabilité du marquis. Au moins la duchesse de Langehack réussissait-elle un pari audacieux : celui de rendre Godfroy de Saint-Aimé un peu plus impopulaire auprès des petites gens, si la chose était encore possible.
Il se garda de commenter les confidences de Thibaud, surtout lorsque celui-ci fustigea la décision de Godfroy de soutenir Alcyne pour le trône ; car c'était la seule décision prise par Godfroy que Roderik avait appuyée sans réserve. Il commençait à cerner les convictions de Thibaud : le bougre se fichait bien de savoir qui était légitime pour être roi ou reine ; seule lui importait la situation du Berthildois. Roderik ne pouvait lui en vouloir, il avait été comme lui à une époque. Lorsque son père était mort au combat et qu'on lui avait volé son fief, Roderik n'aspirait qu'à reprendre Wenden, et il régnait un tel chaos dans la malelande que le comté lui semblait alors une idée bien abstraite, quand le royaume lui passait carrément par-dessus la tête. Puis les circonstances l'avaient entraîné dans le sillage des Karlsburg, les nouveaux maîtres du comté, lesquels cultivaient une certaine idée du royaume car c'était d'Arsinoé, alors marquise et régente du royaume de son fils Bohémond, qu'ils tenaient leurs nouveaux droits ; et petit à petit, Roderik s'était fait à cette idée qu'il existait quelque chose hors des frontières du comté, quelque chose de plus grand que les hommes. Son voyage à Merval et sa rencontre avec le Chancelier avaient achevé de faire de lui un royaliste convaincu. Mais il doutait fortement qu'une heure de son temps suffirait à en faire de même pour Thibaud. Aussi, alors qu'était retombé le silence, se laissa-t-il à divaguer un peu, et à poser une question totalement hors de propos, sur le ton banal de la conversation.
« Avez-vous déjà rêvé d'être roi, Messire Thibaud ? »
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| | | Thibaud de Kelbourg
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Lun 5 Déc 2016 - 18:19 | |
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Les sentiers qu'ils empruntèrent, ainsi que les routes s’immisçant toujours un peu plus profondément dans la campagne ethernienne, ne manquèrent pas de lui faire prendre conscience de l'état des terres du baron. Ce Clairssac avait été en guerre depuis bien trop longtemps pour que les mâles du pays soient aujourd'hui suffisamment nombreux pour labourer, cultiver et récolter. L'hiver approchait à grand pas et l'on devinait que ses longues bandes de terre laissées en friches n'avaient point donné un seul radis. Au final, une énième guerre aurait eu raison de l'ethernan, pis encore, la famine s'arrimerait à la populace bien avant la trêve hivernale, créant épidémie, exode et contagion des pays voisins. Pour avoir fréquenté, à de nombreuses reprises, des contrées dépouillées par les guerres, Thibaud savait à quel point ces foutues épidémies pouvaient éventrer une population et se souvint que ledit comte d'Arétria : Wenceslas de Karlsburg, avait fini par être emporté par la peste à l'issue tragique de la première campagne d'Oesgard. Il se garda bien de prononcer ce nom, tâchant de ne point réveiller de mauvais souvenirs à son partenaire de chevauchée. Étonnamment, ce fut Roderik qui rompit le silence et lui posant une seule et unique question : Avait-il déjà rêvé d'être roi ? Tout d'abord curieux de comprendre où voulait en venir le comte, Thibaud se laissa le temps de la réflexion en laissant traîner un œil du côté des terres en friches.
-Comment peut-on rêver d'être roi, sire Roderik ? N'y a-t-il pas point de pis rôle à jouer dans ce monde ? Vous ne choisissez, tout d'abord, pas de le devenir. On vous l'impose par votre sang et votre patrimoine. Puis l'on vous pose le cul sur un trône et c'est alors que des milliers de regards se tournent dans votre direction, cherchant la moindre sympathie dans un premier temps. Puis ces regards changent au fil des années, ils cherchent enfin des signes de faiblesses, des signes de dépérissement où l'on finit par ne plus espérer autre chose que votre mort. Je ne le sais pour vous, mais selon moi, il n'y a vraiment aucune raison de vouloir être roi.
Il n'avait pas caché ses mots. Tout était vérité. Jamais ô grand jamais il n'aurait souhaité qu'on lui mette une couronne – d'épines – sur la tête. Il suffisait de voir ce que l'on avait fait de la couronne, ici en péninsule, pour comprendre que cette responsabilité relevait d'un merdier aussi haut qu'une montagne. Il repensa ainsi à ce Bohémond suderon que l'on avait pensé être un faux depuis les élucubrations du Saint-Aimé. Cela le rendait amer, à chaque fois. Godfroy s'était bien payé leurs trognes.
-Imaginez ce Bohémond du sud. Il n'a que deux printemps et se retrouve déjà détesté et renié par la moitié du royaume. Rêveriez-vous d'être à sa place un bref instant, sire Roderik ? Je ne vous parle pas de recouvrir vous aussi vos deux années et chier, manger et boire dès que vous en avez l'envie. Mais aimeriez-vous franchement que l'on vous chasse de votre trône, puis que l'on proclame haut et fort que vous êtes mort ?
L'accusation était à peine voilée. Roderik comprendrait tôt où tard là ou il avait voulu en venir. En traitant ainsi son suzerain de menteur, il risquait de s'attirer les foudres du comte. Mais qu'importe ? Il ne cesserait jamais d'être franc et détestait tourner autour du pot.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Mar 6 Déc 2016 - 16:54 | |
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« Nous sommes bien d'accord », répliqua Roderik, et son sourire s'élargit car la véhémence du seigneur de Kelbourg le faisait rire. On ne pouvait que se féliciter de ce qu'un homme comme lui n'ait pas d'aspiration à la royauté ; car, en toute objectivité, Thibaud aurait fait un roi épouvantable. Cela dit, il y a certainement eu bien pire que lui, se dit-il, et sa mémoire s'égara à la recherche d'exemples récents, sans devoir aller chercher bien loin : le roi Trystan l'Aveugle, le si bien nommé, n'avait-il pas décrété lors de la révolte des grands barons que les nobles et les roturiers seraient égaux devant la justice ? Il a pratiquement signé l'arrêt de mort du royaume ce jour-là, et c'est miracle qu'il ait pu garder ses miches sur le trône. Un homme comme Thibaud, sans aucun doute, aurait fait un roi quelque peu plus « sanguin » ; la révolte, il l'aurait réprimée avec toute la dureté qui avait manqué à l'Aveugle. Les dramaturges missédois lui auraient sans doute trouvé peu de qualités et bien des défauts, eux qui louaient tant le romantisme de Trystan, mais au moins aurait-il su éviter le délitement du pouvoir royal qui avait, peu à peu, laissé la main libre aux intrigants.
« J'ai grandi loin de Diantra, aussi n'ai-je pas souvenir d'avoir rêvé, étant môme, de devenir roi. Quand j'étais un petit chiard haut comme trois radis, je rêvais plutôt de devenir un grand guerrier, un héros des champs de bataille. » Pensif, il jeta un regard sur les étendues non-cultivées ; étant môme, il imaginait une bataille faisant rage chaque fois qu'il contemplait une longue plaine vide. Les Cinq savent que dans la malelande, il en avait drôlement l'occasion. « Je ne voulais pas être roi, je voulais être un grand chef de guerre. Je crois que le Boucher du Médian rêvait des deux, lui ; mais il n'aura réussi ni l'un ni l'autre, à moins qu'on ne considère comme une "bataille" le fait de massacrer des chevaliers dans leur lit. » Il eut une grimace de dégoût, et poursuivit : « à mon humble avis, il n'y a pas d'honneur à vouloir devenir roi. On ne devient pas roi parce qu'on le veut, mais parce qu'on est appelé à l'être. Je ne voudrais pas être à la place de ce Bohémond, pas plus que je n'aurais voulu celle d'Ultuant ; non seulement parce qu'elle n'est pas enviable, mais parce qu'il serait sacrilège de la convoiter. Les Fiiram ont bâti ce royaume, ils y ont planté l'étendard de notre Foi : comment une famille aurait-elle pu se maintenir sur le trône pendant si longtemps sans être bénie par Néera ? Tous ceux qui ont tenté de s'approprier un si antique héritage s'y sont cassés les dents. Velteroc suivra. Saint-Aimé, probablement aussi. »
Thibaud avait suffisamment laissé filtrer son aversion pour leur suzerain à tous les deux ; guettant la réaction du sire de Kelbourg, Roderik se laissa enfin aller à une première confidence... en forme de question, car il aimait décidément les questions :
« Entre nous, Thibaud... si le mouflet dont vous parlez, qui est détesté et renié par la moitié du royaume, celui qui passe ses journées à chier, manger et boire... si c'était bel et bien le roi, lui donneriez-vous les clés de Cantharel ? »
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| | | Thibaud de Kelbourg
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Mer 7 Déc 2016 - 14:28 | |
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La curiosité du comte d'Arétria n'avait point de limite. A chaque nouvelle réponse s'ajoutait une nouvelle question, pourtant, Thibaud percevait peu à peu le terrain casse gueule sur lequel voulait le mener son compagnon de route. Devait-il être franc où risquer de trop vite se dévoiler ? La question demeura dans son esprit un long instant, tandis qu'il cherchait ses mots pour donner une nouvelle réponse. De toute évidence, Roderik avait été l'un de ceux qui avait le plus vilipendé Godfroy. Fallait-il y voir de la sincérité où un jeu auquel le suzerain et son vassal jouaient ? Fichtre, encore une question... Les derniers mots de l'arétan n'avaient guère été élogieux, bien qu'il se garda toujours de montrer une once de colère où d'amertume dans sa voix. C'était à cause de cela que le comte le rendait perplexe. Il avait eu beau batailler à ses côtés pendant de longs mois, Roderik restait prudent et ne se dévoilait qu'à coup de pioche.
-Voulez-vous vraiment savoir ce que je pense de tout cela, sire Roderik ? Ma foi, je peux vous le dire, mais vous risqueriez bien de m'injurier et de vouloir me faire la peau. Son regard le défia de passer à l'acte. Si le marquis venait à mourir, je récupérerai les clés de Cantharel par la force et m'en irai traverser le médian. Je raserai les castel des félons, je brûlerai leurs terres et leurs récoltes, puis j'irai reprendre un par un les fiefs constituant ce foutu duché de Garnaad. Après cela, j'assiégerai la cité des rois et je ferai occire toutes ces chiures médianaises. Enfin, je reprendrai la route jusqu'à la cité dans laquelle se trouve ce Bohémond du sud et lui livrerai une charrette remplie de clés à en dégueuler.
Il mit la main sur le pommeau de son épée.
-Sainte-Berthilde revient de droit à Bohémond Ier. Vrai ou faux, Saint-Aimé nous a offert sa tête sur un plateau d'argent. Alors une fois chez moi en Argonnois, j'attendrai le meilleur moment et j'agirai de sorte que plus un seul Saint-Aimé ne soit fait marquis après sa mort.
Il tira sur les rênes de son cheval violemment et fit arrêter ses hommes par la même occasion. Le regard fixe en direction du comte, il fut prêt à sortir sa lame.
-Alors Roderik, ami où ennemi ?
Il n'ignora pas un seul instant qu'il ne pourrait se résigner à laisser s'enfuir le comte en cas d'inimitié. Les retombées seraient grandes après un meurtre pareil, mais maintenant qu'il était décidé à ramener le berthildois dans les mains du Roy, autant débarrasser ses ennemis sans attendre.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Où l'on fout le camp [Thibaud] Mer 7 Déc 2016 - 16:16 | |
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Roderik écouta la profession de foi de Thibaud avec autant de soulagement que de prudence ; se pouvait-il qu'un homme qu'il croyait si différent de lui aspirât exactement à la même chose ? Rendre Sainte-Berthilde au roi, et s'en aller venger les morts des champs pourpres en réunifiant le royaume ? Roderik ne doutait pas du tempérament belliqueux du sire de Kelbourg : il trouverait certainement un grand plaisir à faire tout ceci, mais le goût du sang n'expliquait pas tout ; et il ne l'imaginait pas si fervent défenseur de l'ordre établi pour qu'il puisse accomplir tout ceci sans aucune arrière-pensée. Mais, bah ! Après tout, je peux me tromper ; qui suis-je pour juger cet homme ? Parfois, les plus turbulents sont aussi les plus convaincus.
« Ami », répondit-il, et il était si évident qu'il dirait cela qu'il n'avait même pas remarqué que Thibaud se tenait prêt à l'estourbir en cas de mauvaise réponse. Et, indifférent au fait qu'il était passé tout près de rendre gorge, il se sentit soulagé d'un poids, car il avait désormais un allié sur qui compter. Un compagnon de route, un camarade de folie, un frère d'armes, un ami des batailles ; ensemble, ils allaient faire les quatre cent coups. « On va trouer la panse au gros Saint-Aimé », dit-il et il ricana d'allégresse, car tout cela lui semblait soudain facile, oui, tellement facile maintenant qu'il n'était plus aussi seul. « Je guetterai moi aussi le moment opportun. Si vous le pouvez, sondez la loyauté des maisons du Berthildois. Tâchons d'éviter que tout cela ne se termine en bain de sang ; je détesterais que des hommes dignes d'estime ne payent chèrement les mensonges de Godfroy. Nous aurons besoin de toutes les bonnes âmes le jour où nous disperserons les Ligards et planterons la tête de Velteroc au bout d'une pique. »
Là, les hommes poursuivirent leur route, forts de leurs nouveaux projets ; c'est en milieu d'après-midi qu'ils se séparèrent, Thibaud et les siens partant pour Sainte-Berthilde tandis que les arétans prenaient le chemin de la malelande. Désormais silencieux, Roderik réfléchissait ; faisait-il bien de se fier à cet homme ? Ce n'est pas comme si j'avais le choix, de toute façon.
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