Le reproche est bavard ; la rancune égoïste | Jérôme de Clairssac

Au jour 3
De la seconde ennéade
Bàrkios, mois d’automne
De l’an 9 au 11ème cycle

La soirée prenait doucement sa place, laissant le soleil entamer sa longue chute. L’assemblée avec les vassaux et vavasseurs d’Etherna venait de se terminer. Au lendemain, seulement, profitant de la présence de toute la noblesse Ethernienne, l’office aura lieu, cédant ainsi la couronne de Baron à Guillaume.

Jérôme avait décidément laisse que très peu de temps à son frère de réaliser ce qui venait de lui tomber dessus. Maélyne quant à elle n’avait pipé mot de tout l’après-midi et avait évité le regard et la compagnie de son époux. Pourtant, elle fut bien vite convoquée et ce par le futur ancien Baron. Que voulait donc Jérôme ?

C’est d’une humeur de chien que la Dame pénétra dans le salon où attendait Guillaume, un peu surprit de la voir. Sans doute pensait-il d’abord s’entretenir en privé avec son frère. Aucun mot ne fut prononcé, prouvant ainsi la tension que Jérôme a su placer de par son annonce. Ils attendaient, là, tous les deux, dos à dos, l’arrivée de celui qui était responsable d’un tel embarras.

La rencontre avec la noblesse ne s'était pas passé comme Jérôme l'espérait. Il se doutait bien que cela coincerait un peu et qu'il faudrait discuter mais il ne s'attendait pas à ce qu'on ne valide pas son choix de nommer son frère à sa succession. En effet, l'héritage était ainsi fait de toute façon et il était évident que c'était Guillaume qui prendrait la relève en cas de défaut de Jérôme. Ce dernier regrettait un peu de ne pas avoir prévenu son cadet avant de le mettre devant le fait accompli, cela devenait courant ces derniers temps et il devrait faire attention à l'avenir s'il ne voulait pas s'aliéner son frère et détruire la fratrie qui était si soudé avant ses deux derniers choix. A la suite de cette rencontre, Jérôme fit donc mander Guillaume et Maélyne afin de parler, un peu tardivement, de tout cela. L'abdication était prévue pour le lendemain, histoire de ne pas trainer et que tout soit acté rapidement pour plus de sérénité.

Jérôme était dans la chambre attenant à son bureau, et il tournait en rond, encore en train de chercher les mots qu'il dirait, ne les trouvant pas. Il entendait la porte s'ouvrir une fois, puis une seconde fois assez rapidement, preuve que ses deux "invités" étaient présent. Le Baron, pour ce jour encore, tourna la poignée et il entra à son tour, regardant tour à tour Maélyne et Guillaume. La moindre des choses à dire, c'est que les sourires n'étaient pas au rendez vous. Jérôme se frotta les mains nerveusement

"Asseyez vous"

Tout le monde prit place, il y avait deux fauteuils et un canapé devant une cheminée qui n'était pas encore allumée

"Je me doute que la nouvelle n'était pas attendue, je suis désolé, j'aurais du te prévenir avant, mais j'étais sur que tu tenterais de me dissuader alors que ma décision était murement réfléchie"

Jérôme se tût, ne sachant pas trop quoi dire de plus même s'il en avait, des choses à dire. Il attendait la tempête qui ne manquerait pas d'arriver vu l'humeur qui semblait être celle de Guillaume.

Jérôme les avait invités à s’assoir. Prenant place, Maélyne resta silencieuse, scrutant le visage de son époux qui n’avait pas changé d’expression.

"Je me doute que la nouvelle n'était pas attendue, je suis désolé, j'aurais dû te prévenir avant, mais j'étais sûr que tu tenterais de me dissuader alors que ma décision était murement réfléchie"

« Oui ! » s’était-elle empressée de répondre au tac au tac. « Oui nous aurions décidé de t’en dissuader mais nous aurions toutefois respecté ta décision finale. Tu viens de faire une grave erreur Jérôme. Pas seulement pour toi, pas seulement pour Guillaume mais pour la Baronnie toute entière. Si tu nous en avais parlé avant, nous aurions pu trouver une solution, ensemble. Nous aurions pu éviter les problèmes à venir, car problèmes il y aura. » La jeune femme soupira, jetant un regard à Guillaume, resté étonnement silencieux. « Tu ne te rends pas compte de ce que cela implique Jérôme. Tu ne te rends vraiment pas compte… »

Un silence pesant vint s’installer entre les trois personnes. Maélyne n’avait pas hésité à attaquer et ce directement car même si Jérôme restait son fidèle ami, elle avait néanmoins plus de facilité à lui parler franchement sans avoir peur de le blesser.

« On abdique pas comme ça, Jérôme. » Lâcha enfin Guillaume sur un ton qui ne démontrait pas moins son énervement. « Malgré le titre de Baron, nous sommes vassal. Qui dit vassalité dit suzerain et on ne peut pas dire que nos relations avec Gaston sont saines en ce moment. Que pensera-t-il de te décision si spontanée ? Ne crois-tu pas qu’il aurait été plus judicieux de s’entretenir avec lui d’abord ? Comment crois-tu qu’il va réagir maintenant ? »

Cela faisait déjà plus de cinq ennéades que le mariage était passé. Tout s'était bien déroulé jusque là, du moins pour ce qui pouvait l'être de l'avis de la société... En effet, le jeune couple que formait Jérôme et Aline était encore chaste et, contrairement à ce que voulait la tradition, le mariage n'avait toujours pas été "consommé". Il fallait du temps pour que l'esprit d'Aline arrive à vaincre ses démons et les deux amoureux le savaient parfaitement. A partir de là, tout ce qui avait pu se passer était en bonne voie et bien des choses annonçaient le bonheur des deux êtres. Tout, jusqu'à ce jour de la deuxième ennéade de Barkios. Jusqu'à cette décision qui passa par la tête de Jérôme, pour une raison qu'Aline ne connaissait aucunement.

Elle ne l'avait appris que tardivement et n'avait pu en parler avec son mari de vive voix. Au départ elle avait essayé de comprendre, de ne pas se mettre en colère ou encore de prendre suffisamment de recul pour pouvoir en parler avec Jérôme sereinement. Et pour une fois, elle n'y était pas arrivée. Aussi, le soir venu, elle se rendit directement dans le bureau du baron - ou du futur ex-baron - afin de prendre le temps de lui parler. Si ce n'est qu'elle n'était visiblement pas la seule à avoir eu l'idée...

"Oh... Maélyne, Guillaume... Vous dérangerais-je, peut-être ?"

Pour une fois qu'elle n'avait pas frappé avant d'entrer, persuadée que son mari se trouverait dans la pièce d'à côté, elle s'était retrouvée nez à nez face à son beau-frère et son épouse. Son regard fixa Jérôme, se demandant dans le fond s'il avait fait une autre bêtise ou pas.

Maélyne fut la première à réagir et elle ne s'y prit pas avec le dos de la cuillère. La surprise passée, Jérôme l'écouta avec attention, ayant beaucoup de sympathie et de respect pour elle. Un silence suivit sa diatribe alors que les mots l'agressait, Guillaume continua. Jérôme du faire beaucoup d'efforts pour garder sa contenance. Il savait qu'il n'avait pas fait un cadeau à son frère, bien que la position l'amènerait vers des horizons qu'il ne pouvait envisager auparavant

"Et quelle décision aurions nous pu prendre Maélyne ? dis le moi, je t'écoute. J'ai réfléchis avant de prendre cette décision, ce n'est pas un coup de tête. Cela me déchire, après tout ce que j'ai fais pour Etherna, de l'abandonner, et c'est le cœur gros que j'ai abdiqué. Heureusement, j'ai confiance en Guillaume et je sais qu'il sera un bon Baron. Ses décisions seront sans nul doute meilleures pour la santé de la baronnie que celles que j'ai prise jusque la"

La guerre avait été longue et les campagnes s'étaient succédé, toutefois, même si la situation aurait dû être meilleure, les buts avaient été atteint. Serramire était réunifié, outre Odélian mais cela datait de bien avant les envies de l'ancien Baron. Le nord n'était plus en guerre civile, alors que cela faisait de nombreuses années que c'était le cas et peut être que la prochaine invasion serait mieux repoussée que la dernière en date

"L'on n'abdique pas comme ça ? et pourquoi donc ? j'ai décidé d'abdiquer, le titre de Baron que Grégoire m'a donné est héréditaire, tu es mon héritier, point. Alors si tu ne fais pas serment d’allégeance à Gaston, oui, nous avons un problème et Odélian aura un casus bélli en or pour venir expliquer à Etherna sa façon de penser. Bon encore faudrait il que son armée soit opérationnelle après la raclée qu'ils ont pris aux champs pourpres, face à nos vétérans endurcis. Mais il n'y a pas de soucis puisque tu vas rendre ce serment, il n'a donc aucune raison de venir mettre ses pieds dans nos affaires, nous ne sommes pas ses esclaves."

Jérôme soupira

"Gaston m'a mentit, vous le savez. Il m'a contraint à un serment pour Oësgard, puis il a abandonné Etherna tout seul, s'enfuyant comme un lâche. Il devait me soutenir pour devenir Comte, charte royale en poche mais non il est partit et à abandonné Oësgard à Serramire tout en nous laissant seul face à Serramire et Alonna, et encore si Sainte-Berthilde et Aretria ne s'y étaient pas mêlées. Il n'est pas venu à mon mariage et n'a envoyé aucun émissaire pour le remplacer, ni même envoyé un courrier pour s'excuser. Son amitié était feinte, l'ami que je pensais avoir m'a dupé pour accroitre sa position et son pouvoir et lorsqu'il l'aurait pu, il a fuit. L'abdication est la meilleure des solutions pour Etherna et éviter un conflit. Je n'en vois pas d'autres et c'est sans parler de problème plus...personnels"

Aline et Jérôme n'avaient toujours pas consommé leur mariage, la Dame ayant beaucoup de mal à affronter ses angoisses depuis son viol. Jérôme ne lui en voulait pas, il savait que ce serait long et compliqué et elle l'avait prévenu. Il désirait l'aider du mieux qu'il pouvait et ses allers retours ne l'aideraient pas. Sur cette pensée, la dame de son coeur fit son entrée, poussant la porte avant de s'étonner de voir son frère et sa nouvelle épouse en face de Jérôme. L'ancien Baron fit signe à Aline de s'approcher

"Entre Aline, tu ne nous dérange pas, et cela te concerne également. Enfin pas moi"

Il se tourna vers Maélyne et Guillaume, peut être que eux ne voulaient pas parler devant son épouse.