Le pardon couronne la grandeur | Jérôme de Clairssac

Au jour 4
De la seconde ennéade
Bàrkios, mois d’automne
De l’an 9 au 11ème cycle

Le soleil venait à peine de montrer le bout de son nez que Maélyne était déjà apprêtée. Ce n’était pas un jour banal et malgré les doutes qui assaillaient encore l’esprit de la Dame, elle se devait de se présenter en son meilleur jour pour soutenir son époux, qui et ce dès aujourd’hui, devra supporter la charge de Baron.

La cérémonie aura lieu en fin de matinée, laissant ainsi le loisir aux vassaux de savourer une dernière ripaille avant de prendre la route. Même Maélyne se devait se partir et ce avant la tombée de la nuit si elle ne voulait rater sa rencontre avec la communauté naine. Et c’est bien pour cela que tout se fit dans l’urgence, et cette urgence laissera sans doute des marques –et beaucoup de travail à Guillaume qui lui-même s’est juré de se rendre immédiatement en Odélian-

C’était impatiente que la Dame attendait l’heure et elle attendit seule vu que Guillaume lui-même s’était une nouvelle fois isoler pour l’occasion.

La nuit avait été courte et le sommeil fuyant. Jérôme avait peu dormit, surtout avec ce qu'il s'était passé la veille, entre ses vassaux et la réaction de son frère. Le Baron pour encore quelques heures était las, même Aline n'était pas d'accord avec son choix et ils s'étaient disputé, une première. Il faisait tout pour elle, abandonnant ce qu'il avait façonné et elle lui reprochait de vouloir s'occupait d'elle. Bien entendu, ce n'était pas la seule raison qu'elle avançait, ne voulant sans doute pas non plus être l'objet de son abdication. Jérôme se prépara avec soin, revêtissant une chemise de velours d'un noir intense et un pantalon de la même couleur, comme s'il allait à un enterrement. Et c'était peut être le cas, il enterrait son ancienne vie et il tournait la page afin d'en découvrir une vierge. Il se dit que c'était orgueilleux de penser qu'on le regretterait, puis il ensevelit cette idée au fond de lui. La n'était pas la question. Afin de rehausser le noirceur de sa tenue, il prit des bijoux en or, le jeune se mariant à merveille avec sa chevelure et le noir de sa tenue. Tout ce jaune ressortait, le bracelet d'or massif, la chaine qui pendait à son cou ou encore les deux bagues qu'il avait à ses doigts. Il s'était préparé seul, s'isolant dans sa chambre, attendant l'heure dite.

Lorsque le temps fut venu, il sortit de sa chambre, un duo de garde le suivit, dernier vestige de son titre. Sa garde resta à l'entrée et le Baron entra seul dans la salle du trône, tous les vassaux étaient déjà présent, tout comme le Grand Prêtre qui attesterait de l'abdication par devant les Dieux. Le scribe également, lui qui relaterait tout ce qu'il se disait par écrit. Un parchemin avait déjà été préparé, sur lequel les signatures et les sceaux seraient apposés. Jérôme avança très doucement, posant son regard sur chaque visage présent dans la salle, comme s'il voulait les graver dans sa mémoire et qu'il ne les reverrait jamais. Aline était également présente afin d'assister à l'abdication de son époux. Jérôme s'attarda un instant sur elle, lui souriant à demi teinte. En cherchant parmi les personnes présentes, il constata l'absence de sa sœur Mathilde et cela le chagrina et l'inquiéta, il se demandait l raison de son absence à un acte si important. Guillaume et son épouse étaient la également, Maélyne, ancienne marquise qui avait abdiqué également comprendrait peut être la démarche de Jérôme. Elle retrouverait un titre plus important que celui de châtelaine par la même occasion, devenant Baronne d'Etherna. Jérôme monta sur le piédestal ou le trône se trouvait, ainsi que son frère et il le regarda. Le silence était de mise dès que Jérôme eut franchit le seuil de la pièce, tous les regards étant braqué sur lui. Dans les yeux du Baron pouvaient se lire plusieurs sentiments pour son cadet qui était tout proche. De l'amour en raison des liens de fraternités qui les unissaient, de la tristesse vis à vis de ses derniers choix sans le consulter, et en raison des lourdes responsabilités qu'il allait mettre sur ses épaules. il y avait également la confiance qu'il avait à l'encontre de Guillaume et de ses capacités à diriger Etherna.

L'instant était solennel, peut être se demandait on si Jérôme irait jusqu'au bout ou s'il ferait marche arrière au dernier moment. Certains le souhaitaient même ardemment, s'étant attaché à cet homme qui les avait mené si haut après la déchéance que la baronnie avait connu avant son arrivée.

La cérémonie d'abdication se passa dans toutes les règles de l'art, authentifiée et actée par écrit, signée par les protagonistes. Le Grand Prêtre en attesta aussi par devant les Dieux. Cela dura une éternité pour Jérôme, qui, tout au long, regarda intensément son frère, conscient du fardeau qu'il lui léguait, mais aussi heureux d'en faire un Baron, statut inespéré sans décès ou défection de son ainé. Délivré de la charge, Jérôme perdait son statut pour avoir un ascendant sur sa fratrie, il en restait tout de même le patriarche. Il se demandait s'il parviendrait à garder cette unité qu'il avait mis à mal tout seul. Il espérait que l'amour qu'il portait à sa sœur et à son frère seraient toujours réciproque à l'avenir et pour toujours.

Malgré la discussion qu’ils eurent la veille au soir, Guillaume et Maélyne n’avaient pas réussi à faire changer d’avis Jérôme. Il abdiquerait et ce dès aujourd’hui. C’est à ce demander si celui-ci n’était pas victime d’un sortilège tant son comportement n’était pas habituel. Cet empressement à tout laisser tomber au plus vite ne lui ressemblait pas. Ce qui dérangea énormément Guillaume, qui aurait voulu prendre son temps pour officialiser tout cela. Il sentait que ce n’était pas le bon moment, il estimait qu’on ne pouvait pas laisser un trône vacant comme cela sans assurer ses arrières. Quelque chose l’inquiétait et les réticences du seigneur de Romeno n’étaient que les premières d’une longue liste à venir.

La cérémonie d’abdication se passa bien. Aucun seigneur ne vint s’interposer, tous avaient compris que Jérôme avait fait son choix et qu’il était dorénavant impossible de lui faire entendre raison. Le plus épineux toutefois, restait à venir. Un couronnement se devait d’être fait dans les règles de l’art et il manquait une chose essentiel : l’autorité du suzerain.

« Messires. C’est donc en ce triste jour que mon frère, Jérôme fît acte de son abdication, laissant ainsi le trône d’Etherna vacant. » Son regard balaya l’assemblée pour terminer sur Romeno, toujours présent, toujours réticent malgré un léger sourire aux lèvres. « Son souhait était que je le succède. Pour cela, je me dois de me rendre auprès de notre Marquis, Gaston d’Odélian car sans son aval, aucun baron ne peut être couronné et ce, malgré la présence du clergé. » Il fit une pause, scrutant toujours la flopée de nobles se dressant devant lui, certaines messes-basses commencèrent à apparaître, Guillaume reprit alors son discours, d’un ton plus porteur, attirant ainsi l’attention de tout le monde. « Toutefois. Avant de me rendre auprès du Marquis, je me dois de connaître la position de chacun d’entre vous. Faites-moi donc part de votre soutien ou de votre opposition. »

Il s’arrêta là et attendit les premières réactions. Le premier à s’avancer était le seigneur de Caerlyn. D’un pas lent et lourd, il vint se planter devant Guillaume, toisa son regard puis plaça un genou à terre.

« La maison de Caerlyn vous offre son soutien, Guillaume de Clairssac. » Le vieil homme prononça alors ses vœux et se releva pour rejoindre les rangs. Une dizaine de petits seigneurs dont les seigneuries se trouvaient réparties dans le centre et l’est d’Etherna firent de même.

L’ouest des terres ne se manifesta pas et pour cause, Ack était toujours sans seigneur.

Il persistait des réticents et notamment les hommes du nord de la baronnie. Romeno s’avança alors, les mains dans le dos, il toisa à son tour Guillaume mais resta silencieux dans un premier temps.

« Seigneur Romeno. Je connais vos réticences, notamment à cause de mon mariage avec la Dame de Lourmel. » Dit-il en désignant Maélyne, restée en retrait depuis le début de la cérémonie. « Sachez Messire, et sachez tous, que si le Marquis d’Odélian offre son consentement à ma nomination en tant que Baron, les termes de notre mariage seront revus. Il ne sera plus question d’union matrilinéaire. »

« Tout cela est bien beau, Messire de Clairssac. Néanmoins, je ne reste point convaincu du bien-fondé de cette transition surtout concernant la double vassalité qui vous incombe. Je vais donc, si vous le permettez, vous accompagner en Odélian, à la rencontre du Marquis. »

Guillaume hésita un instant mais au fond, avait-il réellement le choix ?

« Soit. Accompagnez-moi. Nous partons à la prochaine ennéade, soyez prêt. »