[Terminé] Pour bien commencer, il faut savoir crayonner ! <La Guilde>

_ Mais bordel, c'que c'est laid... Soupirait Garrick, toujours aussi encourageant.

Gallen abattit le crayon sur la table, et froissa sa feuille de vélin, visiblement très agacé des remarques constantes de celui qu'il surnommait dès lors « vieux con ». Cela devait faire, au bas mot, quatre heures qu'il essayait de dessiner quelque chose de propre, en guise de symbole pour la guilde.

_ Alors pourquoi t'essaierais pas de le faire toi, ce foutu dessin, hein ? Demanda Gallen avec un brin d'agacement bien senti au fond de la voix.

_ Ah mais j'suis comme toi, moi, mon p'tit !

_ Comment ça ?

_ Bah nul en dessin ! Répondit Garrick, secoué d'un rire gras.

Le marchand était écroulé de rire sur chaise, il en pleurait autant qu'il en avait mal au ventre. Le jeune homme tirait une tête qu'il n’oublierait pas de si tôt. Et après un fou rire partagé avec le vieux soldat, il finit par apporter de l'eau au moulin.

_ Sinon, on a qu'à s'y mettre tous ensembles. Et c'est moi qui gribouille cette fois-ci. Déclara-t-il en tendant la main vers le crayon de bois avec un sourire narquois.

_ Tu sais dessiner ? Toi ? L'interrogea Gallen, plutôt étonné.

_ Ne sous-estime pas mes talents de faussaire, je te prie. Tu me blesses. Lui répondit le marchand, le faciès un peu trop tordu par la douleur et la déception pour les exprimer avec sincérité.

_ Arrête ton char et dessine l'ami !

_ Doucement, doucement. Je sais que t'es aussi rapide avec les femmes que dans le reste, mais avant tout, il faut savoir ce qu'on met dedans ! Dans le dessin. Pas dans les femmes, hein ?

Garrick leva les yeux ciel, exaspéré par les remarques du marchand à son encontre.

_ T'sisra voulait un truc avec des ailes, pour symboliser la liberté.

_ Moi je pense qu'un truc qui rappelle la terre, les forêts et la mer, ce serait pas mal.

_ Mh... D'accord... Et quelque chose qui rappelle la richesse aussi.

_ Arrête... Tu veux mettre quoi ? Des pièces d'or ?

_ Mais non ! Tiens, pourquoi pas un minéral, un genre de pierre ? Ça rappelle la terre... La montagne en plus !

_ Ouais, ben t'as qu'à mettre un bâton aussi. Ça fera penser à la verdure.

_ Pourquoi un bâton ? S'enquit Gallen auprès du vieux, visiblement perplexe.

_ Bah pour la verdure, et puis le voyage aussi tiens ! On dit pas un « bâton de marche » ?

_ Si mais... Et les ailes ? Les oiseaux ça voyage aussi.

_ T'as qu'à lui mettre un plume, c't'un truc de piaf aussi.

Dagobert crayonnait rapidement un croquis approximatif sur un parchemin abîmé mais vierge. Les deux autres contemplaient la chose prendre forme, et ils avaient l'air circonspect.

_ T'appelles ça un dessin ?

_ C'est vrai que ce qu'il avait fait était encore mieux. Commenta Garrick en désignant le jeune homme.

_ Ecoutez-moi les as du crayon là... Commença Dagobert abandonnant son fusain pour se dresser sur ses jambes. Dessiner est un art, d'abord on croque, ensuite on affine pour arriver à quelque chose de propre ! C'est clair ? Conclut-il agacé.

Alors qu'il retournait à son oeuvre, il constata avec stupéfaction, que la fée apportait sa touche personnelle. La petite damoiselle ailée tentait, en maniant un crayon plus grand qu'elle, d'apposer sa patte, en dessinant ce qui ressemblait vaguement à une fleur.

_ Eho ! Va pas saloper mon dessin ! Lâcha-t-il en retirant vivement le fusain des mimines de la p'tite, puis en l'écartant du dos de la main.

Gallen et Garrick riaient de bon cœur, en regardant la fée qui tapait du pied sur la table, les mains sur les hanches. Elle tenait absolument à sa fleur et n'en démordrait pas.

_ Ça va ! Je vais te la faire ta fleur ! Fais pas cette tête, on dirait qu't'es constipée.

La fée se planta au bas de la page, penchée sur le dessin, comme pour superviser la tâche, les mains jointes dans le dos.

_ Mortecouille veut « Pique le cul » ! Intervint le gobelin qui grimpait tant bien que mal sur la table, en tenant une flèche dans la main.

_ Pique le... Qu'est-ce que c'est que ça ? Demanda le faussaire en faisant des yeux ronds.

_ « Pique le cul » ! Vociféra Mortecouille en brandissant sa flèche, avant de mimer une passe d'arme avec.

_ Va pour ta flèche...

_ « Pique le cul » ! Répéta-t-il pour corriger le marchand.

_ Ouais, ouais... Maintenant va jouer ailleurs, avec tes crottes de nez là.

Le gobelin, très heureux d'avoir participé à l'élaboration du symbole de la guilde, descendait de la grande table pour aller fanfaronner dans toute la pièce, sous les regards circonspects de Gallen et Garrick.

_ Et moi alorrs ? On s'en tamponne le coquillarrd de mon avis ? Interjeta Balir qui venait à peine de revenir des latrines, et avait d'entendu les dernières idées fuser.

Le marchand fit signe au nain d'approcher, pour qu'il jette un œil. Ce que le dawi fit aussitôt, et arrivé à hauteur de la table, il se saisit du vélin pour l'examiner tout en se passant l'autre main dans la barbe.

_ Mh... Mh... Oui. Oui ! S'exclama-t-il en souriant. Des étoiles ! Et la lune ! La voûte céleste ! Essaie de faire ça ! As-tu déjà observé les étoiles depuis nos montagnes ? Les nuits sont magnifiques... Soupira le nain de bonheur, accompagnant le geste à la parole.

_ Vendu ! C'est bon tout le monde a eu son mot à dire ? J'peux enfin m'y mettre ? Ou un chieur de dernière minute va apparaître là d'un coup ?

Personne n'intervint, et aucun emmerdeur n'apparut, ainsi chacun retourna à ses occupations habituelles. C'est a dire ne rien faire. Puisqu'il la bruine et le brouillard s'étaient emparé des bois, personne n'avait envie de sortir, et tout le monde préférait rester près de l'âtre.
Dagobert se mit alors au dessin, et pour de bon cette fois ! Tandis que la fée prenait place sur son épaule et pour ne pas quitter des yeux le travail de l'artiste. Il lui fallut une bonne heure et demi pour arriver à un résultat qui lui semblait convenable. Brandissant son crayon en l'air, sous les applaudissement d'une fée radieuse, les quatre autres compagnons s'approchèrent pour découvrir le travail accompli.


_ Je suis mitigé. Mais c'est trrès beau ! Dit la nain en applaudissant.

_ Mitigé ?! S'offusqua le dessinateur.

_ Mortecouille beaucoup aimer !

_ Ah ! En voilà au moins un qui a du goût ! Rétorqua Dagobert en désignant le gobelin.

_ C'est que ça fait un peu foutoir en fait.

_ C'est pas faux. Ajouta Garrick pour appuyer le blondin.

_ Mais au moins tout est dedans.

_ C'est pas faux. Répéta le vieil homme.

_ Adjugé vendu alors ?

Les autres semblaient assez d'accord, ce fût un « oui » unanime, quant à l'adoption de ce dessin plus beau que symbolique, en tant qu’emblème de la guilde.
Pour fêter ça, parce que lorsqu'ils ne se volaient pas les plumes, il aimaient fêter tout et n'importe quoi, Balir s'en alla ouvrir un tonnelet de bière naine.
C'est ça qu'on reconnait les solides relations qui se créent. Ils n'avaient pas l'air d'être des amis, et sautaient sur la première occasion pour s'envoyer des piques, il avait l'air d'une véritable famille.