[Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] De l'autre côté du mur {Terminé}

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Nuit d'Elenwënas à Oglicos de la deuxième ennéade de Bàrkios, neuvième année du onzième Cycle.
Forêt d'Anaëh, protectorat d'Eteniril.

Il était temps d'y aller. Temps de s'embourber encore plus dans un conflit qui n'aurait pas dû les concerner, pour la plupart. Répartis en différents groupes, ayant différentes missions, il était désormais temps pour les quelques dizaines d'elfes de se parer à la bataille. Seulement trois groupes de six personnes entreraient dans la cité, et les autres resteraient à l'extérieur... dans un premier temps seulement. Malheureusement - ou heureusement ? - l'arrivée du seigneur-protecteur ainsi que d'autres personnes aux talents différents de ceux habituels des soldats avait amené le plan de bataille à changer. De plus, la façon dont s'était passé le conseil des sages et la quête prenant Neraën ainsi qu'un druide n'avait fait que faire pencher la balance vers cette décision. Désormais il était temps d'y aller.

"... et le troisième groupe est composé de Telvan, Hiradrilion, Severan, Fenris, Maître Tylraen et Macabre. Comme pour les autres, je vous donnerai les détails de votre mission en aparté. Soyez tous prêts dans vingt minutes, on se retrouve ici."

Falaedhel fit signe aux soldats de s'occuper du peu d'affaires qu'ils avaient à faire avant d'être envoyés en mission. Même si cela avait été impossible pour certains, tout le monde avait essayé de se reposer pour être au meilleur de sa forme au beau milieu de la nuit. Ils étaient à une heure ou même les Elfes étaient généralement couchés, eux qui avaient nettement moins besoin de dormir que les autres races... alors autant ne pas se perdre en bêtises dues à la fatigue.

"A vous ! Falaedhel regarda un à un les six membres de cette mission. Votre but sera d'infiltrer le palais lui-même. C'est la raison pour laquelle vous avez un mage de l'immatériel et une de l'ombre avec vous. Une fois que vous aurez réussi à entrer dans le palais il vous faudra remonter jusqu'à la salle de l'Aube. Là-bas vous prendrez l'orbe et la mettrez en sureté, le mieux étant que vous puissiez la ramener dans la forêt après. Vous devrez également aller jusqu'à la salle du conseil et trouver des documents attestant de la réelle origine de la guerre civile. Severan vous guidera à travers le palais, je lui ai déjà montré où ce genre de choses se trouvait. Si vous tombez sur des conseillers ou hauts-conseillers... interrogez-les si c'est dans votre intérêt, capturez-en si vous le pouvez, tuez-en si vous le devez... mais ne vous mettez pas inutilement en danger, votre mission est déjà suffisamment dangereuse pour cela."

Le capitaine semblait fatigué, et la vieillesse soudaine qui l'accablait depuis deux ennéades n'aidait en rien. Cela se ressentit dans sa voix, mais il n'en faisait rien. Pour tout dire, pour ceux qui étaient habitués à le côtoyer, il cachait cet état de fait, si bien que c'était la première fois que des gens doués d'empathie pouvaient s'en rendre compte -fallait-il qu'ils soient présents dans cette salle. Ne relevant pas le regard inquiet de son propre fils, il montra plusieurs endroits sur une carte et continua à expliquer les différents points de la mission en présentant tout ce dont il se souvenait du palais qui pourrait leur être utile, c'est-à-dire un nombre incalculable d'éléments : tours de garde, zones plus ou moins gardées (elfiquement comme magiquement), pièces, passages secrets découverts... tout y passait dans un ordre bien précis. Une fois qu'il en eut fini avec le palais en lui-même, il donna le lieu d'une porte dérobée au pourtour de la ville, au cas où ils ne pourraient pas revenir en s'aidant de la magie. Puis, une fois fait, il répondit aux quelques questions et leur souhaita bonne chance. Il se tourna vers Urthel, un aigle présent à ses côtés, qui fit signe qu'il n'avait rien à rajouter. Libre au groupe de s'organiser comme il le souhaitait... il n'en était plus du ressort des hauts-gradés.

Fenris suivit le briefing avec un intérêt tout particulier, posant régulièrement des questions pour affiner sa connaissance du terrain et de la mission qui était la leur. Par moment, son regard se posa sur Urthel, son tuteur, se demandant pour quelle raison c'était lui que l'on avait mis en charge d'une telle mission. Il y avait bien assez d'Aigles présents pour n'ait pas besoin que la dernière recrue de ce corps d'armée soit ainsi mise en première ligne. Il aurait pu prendre cela pour une mise à l'épreuve mais son intégration était bien trop récente et l'enjeu ici était bien trop grand pour qu'il se permette de prendre ce genre de risques.
Toutefois, ce n'était pas vraiment le moment de s'en soucier. Sa priorité était de mener à bien sa mission.

Lorsque Falaedhel fut parti, Fenris tint à discuter avec chaque membre de son groupe et devant tout le monde. Son but était que chacun apprenne à mieux se connaître et ait une idée des capacités des uns et des autres.
Severan était jeune et très peu expérimenté. Il n'avait même pas encore fait sa cérémonie du choix et même Macabre était plus âgée que lui, malgré les apparences. En revanche, il avait acquis un certain nombre de connaissances de fait de sa relation avec son père, Capitaine des armées d'Eteniril. Il était donc tout indiqué pour leur montré la voie mais il valait mieux éviter de trop le mettre en danger.
Tylraën était l'un des tuteurs en magie de Neraën. Il maîtrisait l'Art de l'esprit, non pas pour manipuler ou lire dans les gens, bien qu'il en soit capable, mais il s'était spécialisé dans la défendre ou le fait de ressentir la présence de magie. Il pourrait donc détourner l'attention d'un garde, endormir quelqu'un, interroger l'un des Conseillers ou dire si de la magie était à l'oeuvre quelque part.
Hiradrilion avait appris à chasser dès son plus jeune âge et se révélait particulièrement doué. Vétéran de plusieurs guerres en tant qu'archer, il jouerait donc le rôle d'éclaireur furtif.
Telvan était un soldat épéiste d'environ trois siècles. Pourvu d'un esprit vif, il savait repérer les emplacements de pièges sans difficulté et calculer le déplacement le plus adapté à chaque situation. Il serait donc, avec Fenris et le soutien à distance d'Hiradrilion, l'un des garants de la sécurité armée du groupe. Il ne semblait pas être des plus aimable mais ils n'avaient pas besoin de ce genre de qualités pour cette mission...
Enfin, Macabre, celle que tout le monde prenait à tort pour une enfant... Ce fut Hiradrilion qui la présenta, résumant brièvement son histoire de plus horribles afin d'expliquer le fait qu'elle s'exprime peu et de manière énigmatique. Puis il évoqua ses capacités en terme de magie.

-Marcher dans les ombres, ce n'est pas comme marcher dans un Palais. On fait partie des murs et du sol.

-Est-ce que l'on nous entend lorsque l'on est dans une ombre ?

-Pas si je ne le veux pas.

-Comment pourrons-nous faire la différence ?

-Si ça résonne, c'est qu'on vous entend.

-Sinon, le son est directement étouffé. C'est une sensation assez étrange. Compléta le garde de Tethien.

La discussion dura ainsi un moment atour de la magie de Macabre car c'était l'une de celles qui étaient le moins connu en Anaëh et plusieurs éclaircissements étaient nécessaires. Il fallut également trouver un surnom ou un diminutif à la plupart des membres du groupe afin que Macabre soit en capacité de les appeler si besoin. Seuls Fenris et Hiradrilion seraient en capacité de discuter pleinement avec elle. Serevan avait quelques notions mais il appréciait les traductions qui étaient faites par le chasseur. Pour les autres, les mots ne lui seraient d'aucune utilité pour communiquer avec eux.
Lorsque l'heure approcha, Urthel reparut dans la "salle" et demanda à Macabre de le suivre. Avant de partir avec son groupe, elle devait conduire les deux autres près de leur lieu d'action. Le temps pressait et Telvan ne manqua pas de faire une remarque sur le temps qu'il faudrait à quelqu'un qui ne connaît pas la cité pour accomplir cette tâche, même avec l'aide de la magie.

-A votre place, je ne m'inquiéterai pas pour cela. Elle a déjà retenu le plan complet du palais et chaque indication donné par Falaedhel. Sans compter que nous sommes déjà venu une fois donc elle avait déjà quelques points de repères.

Puis, se tournant vers Urthel.

-Montrez-lui une carte de la cité et dites-lui où elle doit aller. Elle saura comment faire.

L'air d'une chanson

L'ombre. Tout était désormais noir et seuls les quelques bruits qui naissaient faisaient vivre cette partie du palais. La mort ne frappa pas, cette fois-là. Pas encore du moins... parce que les évènements de la nuit ne faisaient que commencer. Ils étaient cinq militaires bien entraînés à monter la garde. Ils étaient six à tenter de les maîtriser en même temps, ayant la chance de pouvoir voir dans l'ombre comme si le soleil lui-même éclairait leurs pas. Avantagés par l'ombre, les six elfes réussirent à venir à bout de leurs propres frères et le seul cri qui nacquit fut suffisamment tôt arrêté par Maître Tylraen. Mais qu'allait-il naître de cette altercation ? Quels seraient les fruits de cet arbre qu'ils contribuaient à planter ?

La folie...
La folie...
Source de tant de cris.

La folie...
La folie...
Douce en cette nuit.

N'aviez-vous donc pas vu, fils d'une seule Mère, qui vous regardait ? Naviez-vous pas remarqué, enfants d'une même forêt, qui se cachait derrière toutes ces dorures ? Vous regardez autour de vous, peu fiers de ce que vous veniez d'accomplir... La clef vous la trouvez, désormais les portes vous sont ouvertes et c'est dans les couloirs que vos yeux se perdent afin de vous assurer que l'alerte ne soit pas donnée. Mais lequel d'entre vous aura remarqué ce visage sculpté dans le mur, perdu au milieu des représentations de feuilles, dont l'ancienneté a effacé les traits ? Personne ; trop peu. Mais lui a vu ce que vous faites et ses pairs n'ont pas besoin d'hurlement aux lunes pour comprendre.

Le visage...
Le visage...
La face à trois yeux.

Le visage...
Le visage...
Au fond de vos coeurs.

Vous entrez dans cette petite salle chaude et bienveillante, dont les couleurs rappellent l'aube au moment de ses plus doux rayons et où chaque sculpture, chaque relief représente la nature. Des racines aux pieds des piliers, des troncs et magnifiques végétaux le long des murs jusqu'au plafond, et un soleil rayonnant composé d'une multitude de feuilles. Au fond de la pièce, un autel finement ouvragé portait une orbe aux couleurs chatoyantes reposant sur un socle de feuilles dorées. La couleur dominante, à cet instant précis, était un bleu très profond dans lequel un elfe simplement venu contempler l'ouvrage magique se serait perdu. Derrière elle se trouvent plusieurs stèles de marbre sur lesquelles sont inscrits des noms ainsi que des dates. Le premier est Eteniril ; le dernier est Neraën Yeldoreï. Alors que certains d'entre vous contemplez la plus belle réussite de ceux qui construisirent le palais d'Eteniril des Cycles auparavant, c'est le respect qui s'impose en vos coeurs. Respect face à l'Aube ; respect face à la salle des protecteurs.

Ils vous voient...
Ils vous voient...
Les loups de jadis.

Ils vous voient...
Ils vous voient...
Ceux d'Eteniril.

Il ne tient plus qu'à vous de faire ce pour quoi vous êtes venus. Mais c'est alors que vous vous approchez que tu te retournes, toi qui n'es pas d'ici, toi qui de toute ta hauteur a déjà pu admirer cet endroit lors d'une cérémonie. Tu te retournes et tu sens, au plus profond de toi... tu sens que quelque chose a changé depuis que tu es venu. Quelque chose que tes yeux ne peuvent encore voir mais que ton esprit perçoit, qui t'intrigue, voire même t'appelle. Il est à toi de décider... Il est à vous de le faire... Il est à elle de la garder.

La vieille orbe...
La vieille orbe...
L'Aube des premiers temps.

La vieille orbe...
La vieille orbe...
L'enfant des elfes d'avant.

La jeune Aube...
La jeune Aube...
Celle libre de choisir.

La jeune Aube...
La jeune Aube...
Aux loups de grandir.

Debout au milieu des corps étendus, Fenris regardait autour de lui, masquant -comme il savait si bien le faire- son ressenti et ce qu'il pensait de tout ceci. Tous avaient raison de parler de folie pour désigner ce qu'il se passait en ces lieux. Certes, les missions des Aigles pouvaient parfois les conduire à s'en prendre à un Enfant de la Mère, un frère ou une sœur, mais c'était une vie pour la survie de tant d'autres... La seule chose qui le consolait un peu était de savoir que les cinq hommes n'étaient que sonnés.

Les tâches suivantes se répartirent de manière presque naturelle. Hiradrilion, Telvan et Severan s'affairèrent à attacher et bâillonner leurs captifs avec leurs propres lacets et chaussures. Macabre et Tylraën s'assurèrent que personne ne les avait entendu. Quant à Fenris, il trouva la clef sur l'un des gardes et ouvrit la salle de l'Aube. Ce n'était que la deuxième fois qu'il contemplait le spectacle et l'admirer de nuit le rendait probablement plus impressionnant encore.
L'orbe était là, au fond de la pièce, mais l'Aigle osait à peine faire deux pas dans la salle pour l'instant. Il n'entendit même pas la petite ombre le rejoindre après avoir terminé sa tâche.

-Fenris ?

Curieusement, elle n'avait aucun mal à prononcer son nom contrairement à tous les autres. Avec ses deux syllabes, il était suffisamment court pour qu'elle parvienne à le retenir aisément et le "r" se trouvant au milieu l'empêchait d'en rajouter un comme elle le faisait avec Anorn.
L’interpellé se retourna vers le visage toujours aussi impassible de la jeune fille. Semblant revenir de loin, il lui adressa un sourire assuré avant de se tourner à nouveau vers l'objet de leur venue. Puis il s'adressa à ceux qui achevaient de vérifier les liens sur les gardes.

-Mettez-les au centre de la pièce. Nous fermerons à clef. Ainsi ils ne risqueront pas d'être découverts trop tôt et nous gagnerons un peu de temps lorsque la prochaine patrouille arrivera et cherchera à découvrir ce qu'il s'est passé ici.

La confusion créée par cette petite mise en scène et le retard de la découverte de la disparition de l'orbe devrait désorganiser un peu les troupes au départ et donc leur faire gagner un peu de temps. Ce n'était certes pas grand chose mais chaque minute pouvait compter dans cette mission.
Tandis que l'on traînait les corps inanimés vers le centre de la salle de l'Aube en prenant soin de ne pas les malmener, Fenris avançait vers l'autel. Il s'arrêta à bonne distance. Il avait de plus en plus l'impression d'être jugé. Peut-être par Kÿria elle-même. Mais il y avait le monde des Dieux et la terre où vivaient leur création. Il chercherait le pardon de la Déesse, mais plus tard. Pour l'heure, il le fallait accomplir cette tâche avant de pouvoir passer à la suite.

-Nerèn m'a demandé de la prendre.

Surpris, l'Aigle se tourna une nouvelle fois vers Macabre qui se tenait non loin derrière lui. Il ne l'avait même pas senti ou entendu le suivre...

-Que veux-tu dire ?

-S'il lui arrive quelque chose. Je dois la prendre et la rendre aux Noss.

Fenris lui adressa un sourire amical.

-Dans ce cas, tu la porteras.

En entendant ces mots, Hiradrilion voulut intervenir mais son élan fut aussitôt interrompu par un geste de l'Aigle.

-Néanmoins... Commença-t-il pour parer à toute réaction. Nous devons d'abord nous assurer qu'il n'y a aucun danger et nous avons besoin de toi pour accomplir la suite de la mission.

Il se tourna ensuite vers le mage de l'esprit qui les avait rejoint dans la salle tandis que Telvan faisait le guet.

-Ni vous Maître Tylraen. Vos compétences pourraient nous être fortes utiles si jamais des protections ont été mises en place pour empêcher quiconque de partir avec l'Aube.

-Nerèn ne me mettrait pas en danger.

Hiradrilion fut assez surpris de la remarque de Macabre et un blanc s'installa durant un court instant. Elle n'était pas en train de se rebeller d'une quelconque manière que ce soit mais elle semblait avoir confiance en la parole du Protecteur. Protecteur qui l'avait fait souffrir et qu'elle connaissait seulement depuis sa nomination à la tête d'Eteniril. Le lien qui s'était créé entre eux était déjà plus avancé que celui que lui-même avait réussi à obtenir au bout de cinq ans d'efforts laborieux.

-L'Aube n'a pas été conçu comme une arme. Remarqua Severan.

Le regard bicolore de l'Aigle se posa sur le plus jeune du groupe. C'était vrai, les risques étaient peut-être minimes mais ils n'étaient pas à l'abri d'une protection magique de dernière minute. Ils en avaient rencontrés tant sur le chemin... Il fit un rapide tour d'horizon de leur petit groupe. Il était hors de question de Macabre et Tylraen y touchent pour l'instant du fait de leurs compétences magiques respective et du rôle qu'ils avaient encore à jouer dans cette mission. Ils avaient besoin du cadet pour les mener à travers le palais. Telvan était à l'autre bout de la pièce et ils n'avaient plus une minute à perdre. Quant à Hiradrilion, il était le seul archer du groupe et le mieux placé pour interagir avec la petite elfe. Non, c'était à lui d'agir. Lui dont les compétences étaient les moins indispensables pour la suite et dont l'esprit avait été conditionné à contrôler ses émotions au point de parvenir à rire lorsque à l'intérieur il pleurait. De part l'éducation qu'il avait reçu des Nöldorion, il était sans doute l'un des esprits les plus forts du groupe.
Aussi, quelques secondes seulement après la remarque du jeune Severan, Fenris se tourna vers l'orbe. Il franchit les quelques pas qui l'en séparait et tendit le bras vers elle pour s'en saisir.

Décider, tu l'as fait. Et ce sont tes pas qui te menèrent vers l'autel, ton bras qui se tendit pour que ta main puisse se saisir de l'objet. Tes doigts effleurèrent l'Aube ancestrale et tes yeux vairon se perdirent un instant dans la contemplation de cet artéfact aux tourbillons de couleurs. Dans le peu de lumière de la pièce, l'orbe était bien plus éteincelante qu'en plein jour alors que tu te retrouves entouré de dizaines de personnes. Tes yeux s'accrochent à elle s'en s'en rendre compte, tout comme ta main se referme sur elle. Alors tu ressens sa magie ; alors tu te rends compte de sa vieillesse ; alors tu te retrouves à nu face à sa puissance, ton esprit fut-il si entraîné qu'il l'était. Tu te sentis happé par l'objet, sondé jusqu'au plus profond de ton être, placé face à tes propres souvenirs. Quelques phrases te revenaient parfois, quelques images aussi. Les secondes n'étaient plus ; seuls tes quelques siècles vécus existaient à tes yeux.

Alors que tu avais réveillé l'Aube par ton contact, tu ne pouvais te rendre compte de ce qui t'entourait. Parce qu'à côté de toi, tes frères de sang se retournaient, ressentant à leur tour cette désagréable impression qui t'avait assaillie lorsque tu étais entré dans la pièce : quelque chose changeait. Là où leurs yeux ne voyaient que des reliefs représentant des végétaux, leurs esprits comprenaient désormais qu'en changeant de perspective ils pouvaient constater que des visages animaliers gardaient ce lieu presque sacré.

"Fenris !"

Au fond de toi, tu ressentais qu'elle ne comprenait pas, que tu n'aurais pas dû être là. Ta main se crispa plus fort sur elle et tu commenças à sentir une brûlure au niveau de ta paume, malgré le gant qui la protégeait. Mais ton esprit pouvait-il seulement se rendre compte de ce qui se passait ? Des souvenirs, encore et toujours... des associations entre eux. Des images, des mots, un devoir qui n'aurait jamais dû être tien... ne jamais exister même.

Tu te réveillas soudain, arraché à un rêve étrange. La sensation de brûlure avait disparue et l'Aube voyait ses couleurs ternir alors qu'elle comprenait dans quel but tu avais posé la main sur elle. Du voilà ce que ton esprit comprit, lui qui était au plus proche d'elle ; il comprit qu'elle t'acceptait comme étant celui qui devait l'éloigner de la folie des Elfes. Un regard vers ton épaule et tu vis la main du mage posé sur toi, l'elfe étant certainement intervenu pour t'arracher à son emprise. Vos regards se croisèrent ; il était temps que vous partiez.

Dans la salle de l'Aube, tout était redevenu normal, l'impression d'être observé avait disparu au même moment où tu étais revenu parmi les tiens. Mis à part les gardes inconscients qui gisaient là, rien n'avait changé par rapport au premier jour où tu étais benu ici. Rien, ou presque... Alors que vous partiez, un arrière-goût bien trop amère emplissait ta bouche.

Et il ne te faudrait que quelques minutes avant que tu ne constates que la main qui avait touché l'Aube était belle et bien gratifiée d'une brûlure.

Ce fut avec une assurance de façade que Fenris se saisit de la pierre. L'éducation de sa famille ne représenta pas le moindre rempart contre la magie de l'Aube qui entra dans son esprit sans le moindre mal. On ne pouvait guère attendre moins de la part d'un artefact millénaire. Voyant ses souvenirs défiler, l'Aigle n'essaya pas de lutter. Pas tant qu'il ne comprenait pas ce qu'il se passait. Puis, il eut la sensation de tout ceci ne provenait pas d'une protection magique quelconque mais bien de l'orbe elle-même. Elle cherchait à savoir qui il était, ce qu'il faisait là, pourquoi il comptait la prendre. Il essaya de la guider et y parvint sans se rendre compte de l'aide extérieure qu'il recevait et sans laquelle il aurait éprouvé davantage de difficultés à le faire. Nul doute que l'orbe se serait défendue si ses intentions n'avaient pas été bonnes. Mais il était là pour elle. Pour la protéger.
Alors elle lâcha prise. Le jeune Nöldorion releva la tête, détachant enfin son regard de l'Aube. Il sentit le poids de la main de Tylraen sur son épaule et se tourna vers lui. Il le remercia d'être intervenu d'un simple signe de tête. Puis son regard se posa sur la petite elfe qui n'avait pas bougée d'un millimètre. Comme tous les autres, elle avait ressenti cette sensation d'être observée et avait vu les visages bestiaux apparaître sur les murs. Toutefois, si elle en avait été effrayé, elle n'en avait rien montré.

Neraën lui avait dit de venir chercher l'orbe. Il n'y avait pas de quoi s'inquiéter outre mesure.

De son côté, Fenris se félicitait de sa décision de ne pas la laisser prendre l'Aube elle-même et d'avoir mis le mage de l'esprit à l'écart en guise de secours. Car si la plupart des souvenirs de l'Aigle étaient heureux, il n'avait pas de doutes sur le fait que Macabre ne connaisse rien au bonheur. Qui sait quel impact cela aurait pu avoir sur elle.
Et si l'Aube était allé jusque dans la partie de sa mémoire à laquelle elle n'avait pas accès ? Les conséquences étaient imprévisibles.

On mit l'artefact dans un petit sac de tissu afin d'en masquer les rayonnements. Avant de la lâcher, l'Aigle eut une dernière pensée, espérant qu'elle ne réserverait pas le même sort à la petite elfe qui était chargée de la mettre en lieu sûr. On attacha les liens du sac à la ceinture de Macabre et le petit groupe reprit le cours de sa mission.
Comme prévu, Fenris ferma à clef en partant, non sans éprouver le besoin de changer de main. Après son "réveil", il avait cru un moment que la douleur n'avait été que magique mais il devait se rendre à l'évidence : tel n'était pas le cas.

Rapidement, le petit groupe retrouva le chemin des ombres et descendit d'un étage avant d'atteindre la salle du Conseil. Leur chemin croisa celui de quelques gardes, en poste ou en patrouille, ainsi que de faibles protections magiques mais rien qui ne les empêchèrent de progresser ni d'entrer dans le lieu ciblé. Avant de sortir de l'ombre, Fenris profita de l'atmosphère qui étouffait leurs voix pour préparer leur recherche et ainsi gagner du temps. Il se tourna donc naturellement vers Severan, lui demandant où ils devaient chercher, avant de demander à Macabre de monter la garde puisqu'elle ne pouvait pas les aider dans leur tâche.
Lorsque tout le monde sut ce qu'il avait à faire, la petite elfe les libéra, leur ouvrant le passage jusque dans la salle vide avant de se poster près de la porte pour tendre l'oreille.

Passer de l'ombre à la lumière n'est pas forcément aisé, tout comme il peut être intriguant de passer du bruit au silence absolu. L'ombre vous aidait jusque là, mais sera-t-elle encore suffisante maintenant que vous portiez sur vous le regard des gardiens ? Vous prenez le temps de converser une fois les gardes maîtrisés, profitant du silence de l'ombre pour ne pas être entendus, et vous faites bien : là où vous pensiez avoir des chances de ne trouver personne en cette heure tardive, vos oreilles affutées détectes des sons provenant de voix masculines.

"... et tu crois vraiment que nous allons y aller ?!
- Cesse de crier ! S'il est revenu c'est une bonne chose.
- Une bonne chose... Même s'il est insomniaque, jamais il n'a demandé à ce que le Conseil se réunisse en pleine nuit.
- Croyez-vous qu'il sait ?
- Comment veux-tu qu'il sache ? Il était en Alëandir et surveillé...
- Il sait, intervint alors une voix féminine calme et assurée. Je le connaissais avant même qu'il ne soit devenu lieutenant des Aigles et une telle arrivée cache chez lui une détermination autre que le simple fait de vouloir savoir.
- Peut-être juste la m...
- A ce que je sache, j'ai l'habitude des mages et de leurs façons de penser. Et bien que Neraën soit un cas à part et que beaucoup le considèrent comme étant "différent" depuis trois siècles, il déroge bien moins à la règle que ce que vous pensez. Ce qui vous a toujours fait défaut est la peur que vous avez nourrie concernant la magie de l'esprit.
- Il faudra donc cesser de jouer la comédie.
- S'il est revenu, c'est une bonne chose... peut-être pas de la manière dont tu...
- Asylria ?
- Tais-toi."

Un silence lourd de sens pesa alors dans la salle et le ressenti qui s'insinua dans l'esprit des fugitifs ne les fit pas se sentir au mieux. De longues secondes passèrent avant que les portes de la salle du Conseil ne s'entrouvrent, invitant les étrangers à y entrer...

En entrant dans la pièce par la voie des ombres, le petit groupe fut surpris de voir que la salle du Conseil était occupée à une heure pareille. Ils ne perdirent pas une miette de la conversation qui se déroulait devant eux. Visiblement, les quatre personnes présentes faisaient partie du complot mais si Severan pouvait en identifier quelques uns, il ne les connaissait pas tous. Et la parole du petit groupe rentré illégalement dans le Palais ne suffirait certainement pas à les faire tomber.
Apparemment, ils étaient au courant du retour du Protecteur car celui-ci avait convoqué le Conseil. Le rituel était donc terminé et n'avait probablement pas eu le résultat escompté. Sans doute était-ce de là que provenait la sensation inhabituelle que Fenris avait ressenti il y avait un moment déjà.

La conversation s'arrêta brusquement et on s'approcha pour ouvrir les portes. Le groupe retourna dans le couloir dès qu'il se surent repéré afin que leur position ne soit pas trahie par la marque de l'ombre sur le sol. L'un d'eux, a priori la femme, avait senti leur présence. Impossible toutefois de savoir s'il s'agissait de magie de l'esprit ou mystique. Cependant, le malaise qui venait de les traverser faisait pencher la balance pour la première possibilité...
L'Aigle se tourna vers Tylraen.

-Cachez la présence de Macabre à un mage de l'esprit.

Puis se tournant vers la petite elfe.

-Ces gens font partie du complot contre Neraën et cette femme est peut-être une mage de l'esprit. Maître Tylraen va te cacher d'elle, laisse-le faire. Et si quelque chose arrive, fais ce que Neraën t'as demandé.

Faisant signe au reste du groupe de rester là où il se trouvait, Fenris sortit de l'ombre et vint se placer au milieu des portes grandes ouvertes. Il observa les quatre individus avant de finalement prendre la parole.

-N'est-il pas un peu tard pour un Conseil improvisé ?

Pendant ce temps, dans l'ombre, Hiradrilion faisait de son mieux pour rassurer Macabre qui n'aimait pas la magie de l'esprit.
Malgré tout, elle laissa Tylraen l'approcher et faire ce qu'il avait à faire.

"N'est-il pas un peu tard pour un Conseil improvisé ?
- N'est-il pas un peu tard pour s'inviter à une discussion, aigle ?"

L'un des hommes avait répondu d'un ton sarcastique, n'appréciant aucunement l'entrée en scène de Fenris. Il y eut un silence pesant pendant lequel Fenris eut tout loisir de croiser le regard des etenirilis et se déplacer, avant que le même elfe ne reprenne la parole.

"Pouvons-nous savoir ce que vous faites ici, vous qui n'êtes pas de cette cité ? Et pourrions-nous savoir ce que vous avez fait des gardes ?"

Les yeux d'Asylria étaient braqués sur le jeune Nöldorion, mais son esprit s'intéressait à tout à fait autre chose qu'un garnement faisant diversion. Tranquillement assise sur sa chaise face à Fenris, jambes croisées, elle jouait d'une main avec ses longs cheveux châtain clair descendant jusqu'à son bassin. Ses doigts s'emmêlaient grâcieusement dans les quelques mèches en une danse tout à fait contrôlée, invisibles aux yeux de l'aigle, alors que la magie parcourait son corps pour ensuite se répendre jusqu'à ce point noir qui la gênait particulièrement.

Du côté de Macabre, Hiradrilion n'eut pas le temps de terminer de rassurer la jeune elfe que l'un de ses mots résonna soudainement dans l'ombre. Tout le monde se tut alors et Maître Tylraen leva les yeux pour apercevoir au mieux ce qui se passait dans l'autre pièce et faire appel à la magie pour comprendre de quoi il en retournait. Alors qu'il s'y affairait la fissure d'ombre par laquelle les elfes pouvaient regarder la scène commença à se fermer et Macabre put sentir son sort commencer à s'éroder... trop rapidement.

-C'est vous qui avez ouvert les portes. Remarqua posément Fenris.

L'Aigle observa chaque individu les uns après les autres, mémorisant leur visage. Il les avait peut-être croisé lors de l'intronisation de Neraën mais il n'en avait pas souvenir. Au mieux, les traits que quelques uns d'en eux lui rappelaient vaguement quelqu'un mais il avait rencontré tant de monde ce soir-là. Depuis, il avait fait le front Sud et les Wandres. Il avait passé sa première nuit avec Halie et affronté la réaction de ses parents concernant sa relation avec Halylindë. Tant d'évènements si importants et chargés d'émotions... Il avait sans doute oublié quelques visages depuis.
Tandis qu'il les regardait, il remarqua l'attitude de la femme qui semblait bien moins préoccupée par lui que part une chose qui ne se trouvait pas ici... Sans doute son esprit était-il tourné vers le petit groupe, toujours caché dans l'ombre. Fenris ne se laissa pas perturber pour autant et répondit au Conseiller qui se montrait assez vindicatif face à l'intrus pourtant parfaitement calme et d'une sincérité qui semblait parfaite.

-Les Aigles ne servent-ils pas toutes les cités ? Quant à vos gardes, n'ayez crainte. Ils vont bien.

Tandis qu'il parlait, le jeune Nöldorion crut voir un mouvement dans les limites de son champ de vision. Sur le moment, il se refusa à tourner la tête mais, lorsque trois de ses compagnons se retrouvèrent à la lumière, il posa sur un regard serein, comme si leur présence n'avait rien d'anormale. Il se tourna finalement vers la dame à l'origine de ce léger revirement de situation.

-Cela n'était pas nécessaire.

Bien. Puisqu'il n'était plus question d'essayer d'obtenir des informations de leur part, il lui fallait changer de stratégie. Sur les cinq personnes qu'il venait de laisser, il en manquait deux et, au vu de regard d'Hiradrilion, c'était volontaire de leur part. Macabre avait probablement pris la fuite en voyant son sort céder et, avec l'Aube en sa possession, c'était une excellente chose. Il ignorait pourquoi elle avait pris Severan avec elle mais ce n'était sans doute pas pour les mêmes raisons qu'il était heureux de ne pas l'avoir vu immerger de l'ombre. La présence du fils de Falaedhel, personnellement visé par le complot qui touchait la cité, aurait fait échouer toute tentative de se sortir de cette situation sans heurt.
Sans lui, ils avaient une chance... Et Fenris entendait bien la saisir. Il se redressa et reprit la parole avec toujours autant de calme et d'assurance.

-Pardonnez-nous de ne pas être passé par la grande porte mais nous sommes envoyés par Neraën Yeldorei. Il soupçonne la présence de traîtres mettant en danger la cité et il convoque un Conseil afin de trouver la solution la plus pacifique qui soit. Je ne pense pas me tromper en disant que votre réunion a probablement un lien avec l'affaire qui le préoccupe. Peut-être avez-vous même des pistes concernant lesdits traîtres et je suis certain qu'il a hâte d'entendre vos voix sur le sujet.

Tandis qu'il parlait, Telvan, Hiradrilion et Tylraen avait rejoint ses côtés. Puisqu'ils étaient découverts, ils avaient tout intérêt à jouer le jeu de l'Aigle. De son côté, le jeune Nöldorion semblait parfaitement serein et sûr de lui, arborant une expression pleine de sincérité. Le secret d'un mensonge, c'est d'y croire soi-même... Et, en l'occurrence, il ne mentait pas vraiment. Ils étaient bien envoyés par Neraën. Il avait bien convoqué un Conseil puisque les Conseillers eux-mêmes venaient de le dire. Et Neraën avait bien des doutes sur la loyauté de tous ses sujets. Fenris ne faisait donc que détourner légèrement la vérité pour laisser à penser que leur groupe n'était là que pour venir chercher les membres manquant au Conseil.
Se remémorant le plan des lieux, l'ex-cavalier indiqua la direction de la porte principale, invitant les Conseillers à les accompagner.

-Si vous êtes prêts, votre Protecteur vous attend.

***************

Déjà déstabilisé à l'idée que Tylraen s'apprête à user de magie de l'esprit sur elle, Macabre ne retrouva pas son aplomb durant les secondes suivantes. Tandis que la Conseillère se concentrait sur leur ombre, la petite elfe commença à regarder de tout côté. Elle sentait son sort s'effilocher lentement. Lui échapper complètement. Puis vite. Bien trop vite. Elle tenta de lutter mais elle avait presque l'impression que cela produisait l'effet inverse de ce qu'elle voulait...
Non, pas ça... Pas encore... Pas deux fois en une seule journée !
C'était trop tard. Lutter était inutile. Alors elle prit Severan par le bras et l'entraîna avec elle à travers les ombres. En un battement de cils, ils se retrouvèrent dans un couloir perpendiculaire à celui où se trouvait Fenris (et, désormais, le reste du groupe). Cacher à la vue de tous, ils y avaient échappé belle.

Pourquoi s'être enfuie ? Parce qu'elle ne devait pas être prise avec l'orbe. ça, elle l'avait bien compris.
Pourquoi avoir emmené quelqu'un avec elle ? Parce que s'ils étaient découverts, alors il n'y aurait plus qu'elle pour achever leur mission et elle ne savait pas lire l'elfique.
Pourquoi Severan et pas Hiradrilion, celui avec qui elle avait le plus d'affinité ? Parce qu'il était le plus jeune et le plus inexpérimenté du groupe. Ils avaient dit qu'il fallait le protéger...

Désormais seuls, il n'était plus question pour les deux plus jeunes du groupe d'user de magie tant qu'ils se trouveraient à proximité de cette femme. Pourtant, ils ne pouvaient rester à découvert dans un couloir. Après s'être remis de ses émotions, le jeune homme fit signe à la petite elfe de le suivre en silence. Il y avait une réserve accolée à la salle du Conseil. Elle servait très peu. Ils pourraient donc écouter et attendre en toute sécurité que les lieux soient vides. Et l'attente ne serait sans doute pas très longue... Après tout, les quatre Etenirilis étaient demandés à un Conseil de l'autre côté de la cité.

"Je vous remercie pour l'attention toute particulière que vous nous portez ainsi qu'à notre protecteur, mais nous sommes au regret de vous informer que nous avons déjà eu connaissance de la demande de Neraën. Et à vous comme à vos prédécesseurs, veuillez désormais continuer votre route et nous laisser nous rendre auprès de notre protecteur lorsque nous le pourrons. Nous avons une discussion à terminer avant."

Bien que polie, la prise de parole du conseiller était condescendante et faisait clairement sous-entendre le fait qu'ils étaient assez grands pour se rendre eux-mêmes au temple sans être escortés par des personnes ne provenant même pas de la cité. Enfin du moins pour la majorité d'entre eux, puisque l'un des leurs lui disait quelque chose.

"Ils ne partiront pas, Denelvan. Ils ne partiront pas parce que leur mage de l'ombre n'est pas parmi eux.
- Hum ?
- Le seul dans ce petit groupe qui ressemble à un mage digne de ce nom n'est autre que Melendir Tylraen, maître du domaine de l'esprit. A moins que vous n'ayiez développé un don pour l'ombre, cher confrère ?
- Votre sens de l'obrservation vous fait une nouvelle fois honneur, Asylria Telen'Mak. Mais pour une fois vous feriez bien de m'écouter et de prendre les recommandations de ce cher aigle pour bon échange. Cela vous a déjà valu votre concours, et il serait fort dommage que la beauté que vous êtes ainsi que l'intelligence dont vous savez tant faire preuve ne soient gâchées par une oreille quelque peu sourde."

La concernée eut un large sourire et se leva, jouant toujours avec sa fine chevelure. Melendir avait raison, cette femme possédait un charme certain et savait visiblement en jouer sans pour autant partir dans l'outrance. Les différents elfes se regardèrent sans broncher, les deux mages se faisant face avec courtoisie et adversité. Parce que Melendir avait eu comme camarade d'académie Asylria et qu'ils s'étaient longtemps fait concurrence, y compris lorsqu'ils avaient tous les deux essayé de devenir maîtres de leurs domaines respectifs. Ce qui avait fait défaut à l'etenirili, était persuadé Melendir, était la mauvaise mentalité de sa consoeur. Et s'il devait se battre contre elle, il espérait bien jouer là-dessus pour prendre l'avantage.

"Et votre mage de l'ombre ?
- Cesse cette plaisanterie, Asylria. Et si messieurs nous donnaient la raison véritable de leur présence ? Parce que vu la lettre que nous avons pu recevoir du régent d'Alëandir lui-même, il est fort étonnant que vous ne soyez pas à l'instant-même auprès de notre protecteur. Parce que vous venez bien d'Alëandir, n'est-ce pas ? Là où est resté Neraën..."

~~~~~~~~

Severan écouta, faisant une moue désapprobatrice en entendant ce qui se disait dans la salle d'à côté. Asylria... Il avait déjà entendu parler de cette femme, parfois en bien et parfois en mal. Et de ce qu'il avait pu comprendre de son père ces dernières ennéades - notamment lorsqu'il grommellait tout seul dans son bureau - la mage de l'immatériel risquait fort de donner beaucoup de fil à retordre aux autres. Le combat était même pratiquement inévitable.

Il prit un temps pour bien revoir dans son esprit là où ils se trouvaient et réfléchir... Au bout d'un moment, il gesticula pour se faire comprendre de sa compagne du moment, histoire de ne pas faire de bruits. Dès qu'elle serait trop occupée pour penser à eux, il leur faudrait rapidement aller de l'autre côté de la salle du Conseil. Là se trouvait la fameuse salle où étaient entreposés les écrits qu'ils cherchaient, s'ils n'avaient pas déjà été déplacés ou détruits.

[justify]Fenris se doutait qu'il serait mal reçu, mais pas au point de se faire ainsi renvoyer comme le vulgaire messager qu'il représentait à leurs yeux. Soit ils n'avaient aucun respect pour son grade, soit il les dérangeait. L'Aigle ne s'en offusqua nullement, jouant les crédules mais il n'eut pas le temps de répondre avant que la femme n'intervienne pour informer ses co-conspirateurs de la présence d'une mage des ombres. Le jeune homme ne montra aucun signe de surprise ni de culpabilité, comme si l'aide magique qui leur avait été apportée était tout à fait normal et que le fait qu'elle soit découverte ne pose aucun problème.
Les deux mages se prêtèrent à une joute orale, Tylraen piquant la dame au bon endroit pour la faire réagir comme il le souhaitait. Il y avait bien des façons de manipuler quelqu'un et, visiblement, le mage n'avait pas toujours besoin de son art pour cela. S'il avait pu, il lui aurait adressé un regard entendu sur la manoeuvre qu'il venait de lancer.

Finalement, le premier Conseiller qui c'était adressé à eux voulu mettre à jour leurs véritables intentions, ne semblant pas dupes sur le mensonge concernant la raison de leur présence. Fenris n'en perdit pas son sang froid pour autant.

-Vous avez raison, je n'ai pas été assez clair quant à la raison de notre présence ici. Nous ne sommes pas là pour vous délivrer un message que vous avez déjà reçu. Nous étions chargés de l'escorter jusqu'à ce que nous découvrions ce qu'il se passait ici. Après que Neraën ait convoqué le Conseil, plusieurs d'entre nous ont été envoyés escorter les Conseillers jusqu'à lui. Plusieurs d'entre vous ont déjà disparu, il ne souhaite pas que cela se reproduise aujourd'hui. Notre mage des ombres a rempli son office en nous amenant ici et est allé aider un autre groupe.

Si ce dernier subterfuge ne fonctionnait pas, Fenris avait parfaitement conscience de la suite qui serait donné à cette conversation. Si lui cherchait une issue la plus pacifique qui soit, ce n'était visiblement pas le cas de ses interlocuteurs. A quoi aurait-il pu s'attendre après l'assassinat du Régent et celle -à n'en pas douter- de Conseillers.

"Si je comprends bien, donc, Neraën souhaite s'assurer de la présence des conseillers à cette heure de la nuit ?

-Nous pouvons attendre une heure plus décente pour nous préoccuper de votre sécurité si vous le souhaitez. Rétorqua Fenris avec sincérité."

On leur parlait de protéger leurs vies et ils regardaient l'heure... C'était assez original comme réaction. Cela aurait pu le surprendre s'il n'avait pas d'ores et déjà su que ses interlocuteurs faisaient partie du complot visant Neraën. Mais ce dernier n'avait pas pu convoquer ses Conseillers avant d'avoir achevé le rituel avec le druide et sa démarche ne pouvait avoir qu'un seul but : donner toutes leurs chances aux groupes dispersés dans la cité pour remplir leur mission. Il ne les avait donc pas appelé pour attendre le levé du jour.

"Nous pouvons également nous demander pourquoi il ne vient pas à la salle du Conseil..."

Les quatre conseillers se regardèrent et Asylria finit par soupirer d'agacement. Qu'est-ce que les choses pouvaient rapidement devenir compliquées avec certains politiciens... et Neraën était loin d'être l'exception qui confirmait la règle. Alors elle se leva, sembla se concentrer puis envoya un regard noir à Melendir. Après seulement elle fit un regard entendu à ses comparses, marcha jusqu'à Fenris, se campa devant lui soutint son regard.

"Plus de magie, ou trop peu pour que cela en vaille la peine. J'espère que vos intentions sont aussi louables que vous le prétendez, sinon attendez-vous à entendre parler de moi jusqu'à la fin de votre existence, que vous soyez aigle ou non. A vous d'ouvrir la marche."

Ainsi avait-elle décidé pour son groupe... en sachant très bien que ce qui se passerait au temple risquerait de mal se passer pour l'un des deux camps, le sien étant de ce qu'elle savait le plus fort.

Maître Tylraen connaissait bien celle qui avait également été une élève de l'immatériel à l'Académie d'Alëandir et, pour s'être considérés comme des rivaux lors d'examens par pure bêtise d'adolescents, ses faiblesses. Il attendit que les quatre conseillers soient passés devant lui pour soupirer en silence, car il avait craint en plus qu'Asylria ressente la magie de Macabre celle de l'Aube. Il ne savait pas où cette enfant était partie avec Severan mais il savait la magie de l'orbe ancestrale pouvoir résonner puissamment. Il ne se doutait pas à quel point le chaud tempéremment de l'elfe lui avait fait passer ce détail de très peu... vraiment très peu.

Fenris sourit intérieurement à la menace de la Conseillère. Si elle voulait entendre parler des Nöldorion jusqu'à la fin de ses jours... Grand bien lui fasse. Mais ce n'était pas le moment de se prêter à ce petit jeu des menaces auquel il n'aimait guère participer en général. Il conserva donc tout son sérieux et se contenta d'incliner la tête avec respect avant de se tourner vers Telvan.

-Vous êtes d'ici. trouvez-nous un chemin sûr et évitez les gardes si vous pouvez. Bien que notre mission soit officielle, nous ne sommes pas censé être ici.

L'homme hocha la tête et prit la tête du groupe avec Hiradrilion. Fenris invita les Conseillers à les suivre, Maître Tylraen et lui fermeraient la marche. L'Aigle tira les portes de la salle du Conseil et on entendit le cliquetis du mécanisme des poignées.

C'était à Severan et Macabre de jouer désormais.

Macabre entendait les voix et savait les différencier mais elle ne comprenait pas la conversation qui avait lieu à portée des oreilles des deux jeunes elfes. Elle observait le fils du Capitaine qui avait l'air sévère mais elle n'était pas capable d'interpréter ce qu'elle lisait sur son visage. A cet instant, elle se serait presque sentie inutile.

C'est alors que Severan s'agita, essayant visiblement de lui faire comprendre quelque chose. Un plan ? Entrer dans la salle... Au fond de la salle... Oui, c'était là qu'il y avait les archives à en croire ce que lui avait traduit Hira quelques instants auparavant. Il voulait entrer dans cette petite pièce pour continuer leur mission. Tous avaient le regard tourné vers l'entrée... Mais il y avait un autre moyen d'accéder à une pièce, même sans magie. Un moyen que la petite ombre avait déjà expérimenté plus d'une fois.
Macabre sortit de la pièce pour retourner dans le couloir où ils étaient apparus un peu plus tôt. Suivie par Severan, elle se dirigea vers le mur du fond et l'ouverture qui donnait sur l'extérieur. Elle se pencha pour voir que les fenêtres de la salle du Conseil n'étaient qu'à quelques mètres. Le mur était plein d'aspérités et de plantes grimpantes qui s'y étaient hissées.
En quelques gestes, la petite elfe expliqua qu'ils pouvaient passer par là mais qu'ils ne devaient pas faire un bruit. Elle en était parfaitement capable mais elle aurait besoin de lui une fois là-bas et s'assura qu'il y parviendrait également. Puis elle enjamba le rebord, posant ses pieds sur une corniche, et fit signe à son compagnon de faire comme elle.

Macabre progressa lentement, non pas pour elle mais pour le jeune homme qui la suivait avec hésitation. Elle ignorait ce qu'il ressentait exactement mais elle avait fini par comprendre que sa façon d'agir et de penser n'était pas des plus communes. Elle se faisait donc un peu plus attentionnée que d'ordinaire en prenant le temps de lui indiquer comment procéder.
Après de longues minutes, la jeune mage atteignit enfin la première fenêtre. Avec toute la discrétion qui était la sienne, elle jeta un œil à l’intérieur. Il n’y avait personne… Puis un mouvement attira son regard vers la porte d’entrée. Ce fut ainsi qu’elle vit Fenris fermer lentement les portes.
Ils avaient réussi à leur libérer la voie.

Sans plus d’hésitation, Macabre retira la dague du fourreau que Severan portait à la ceinture. Poussant légèrement sur les montants de la fenêtre, elle put y glisser la lame avant de la monter vers le haut, soulevant ainsi le loquet. Libérée de son attache, les pans de la fenêtre cédèrent sous la pression de la main de la petite elfe qui sauta à l’intérieur de la pièce sans plus de ménagement et ce sous l’œil effaré de son camarade. Ignorant encore que la pièce était désormais vide, il était surpris d'entendre le bruit que faisait sa compagne jusque là si silencieuse. Ne voyant pas Severan apparaître après quelques secondes, la petite elfe se pencha à la fenêtre et lui fit signe de venir. Peu convaincu, le jeune homme approcha lentement et passa la tête pour faire le même constat que sa comparse. Comprenant alors la situation, il entra à son tour sans faire plus de manière.
Bien heureux de retrouver le sol sous ses pieds, Severan se dirigea aussitôt vers la salle d’archives qui se trouvait dans cette partie de la salle du Conseil. La pièce n’était pas immense mais chaque mètre carré avait été optimisé afin de permettre de conserver ici un maximum de documents. Les étagères montaient jusqu’au plafond et une échelle était disponible pour accéder au dernier niveau. Chacune était remplie à ras bord de livres et de parchemins. Macabre avait l’habitude des bibliothèques, y passant beaucoup de son temps, mais cette pièce lui semblait immense… Trop pour le temps qui leur était imparti.

-Caché. Pas évident.

La petite elfe pencha la tête sur le côté pour réfléchir aux sens des mots de Severan.

-Ce qu’on cherche ?

Le jeune homme hocha lentement la tête.
Bien. Ils devraient donc se concentrer sur les parties les moins accessibles ou les moins évidents. Le fond des étagères, les documents les plus hauts, les sections dont le thème était éloigné du sujet qui les concernait… Les caches peut-être bien… Ils ne seraient pas trop de deux pour accomplir cette tâche. Macabre ne pouvait lire l’elfique mais trouver quelque chose de cacher était dans ses cordes et, à présent que la mystique était partie, elle pouvait utiliser sa magie pour l’aider à passer derrière les meubles et dans les recoins les plus difficiles d’accès. Si elle mettait la main sur quoi que ce soit, elle n’aurait qu’à demander à Severan de vérifier son utilité.

La voie était libre, libre de toute personne pouvant se mettre en travers du chemin que désiraient prendre les deux jeunes elfes. Une fois la fenêtre crochetée, ils purent entrer dans la salle attenante à celle du Conseil, où les scribes entroposaient là leurs écrits et souvenirs de tout ce qui avait été dit et fait. Une trace, donc, de toutes les décisions prises au fil des siècles.

Après avoir vérifié que personne n'entrait derrière eux, Severan se doutait que s'ils devaient trouver un document compromettant pour le conseil, il ne serait certainement pas bien à la vue de tous - bien qu'on ne faisait jamais trop attention à ce qui était trop mis en évidence - dans le cas où il se trouvait bien dans cette salle. Alors il indiqua à sa drôle de compagne que ce ne serait pas évident de trouver, s'assura qu'elle avait bien compris puis commença à chercher le détail qui indiquerait que certains conseillers n'étaient pas exempts de tous blâmes : une irrégularité là où il n'y en avait jamais. Alors que Macabre s'occupait d'essayer de repérer quelque chose grâce à sa magie, lui trouva les carnets de compte-rendus des trois derniers mois du Conseil et commença à feuilleter les ouvrages en commençant par le plus récent. Il avait besoin de temps pour être sûr de ne rien louper... et du temps il en manquait cruellement.

Au bout de quelques minutes la mage aux longs cheveux ébène revint, un fin calepin en main. Le bougre avait été bien caché entre de gros volumes et l'impression de la jeune femme que ce livre n'était pas à la bonne place alors que tout semblait être méticuleusement rangé avait été la bonne. Severan prit l'objet à la va vite, le feuilleta, s'arrêta une fois, deux fois... et sourit à l'elfe. Il n'avait pas le temps de bien voir de quoi il en revenait, mais le peu qui lui avait sauté aux yeux lui disait que ces écrits risquaient d'être intéressants.

C'est alors qu'ils entendirent du bruit dans le couloir et purent reconnaître au son qu'il devait s'agir de la garde. Ils avaient dû retrouver ceux ligotés dans la salle de l'Aube... Sans se poser de questions, Severan referma tous les livres qui lui semblaient avoir un minimum d'intérêt - c'est à dire le calepin et les compte-rendus de réunions, ainsi qu'un autre livre - et les prit dans ses bras après avoir fait signe à Macabre qu'il fallait qu'ils sortent d'ici. L'alerte était lancée... il était grand temps qu'ils aillent récupérer les autres.

~~~~~~~~

Le temps passait aussi rapidement qu'il semblait être long. Partir du palais n'avait pas été spécialement compliqué du fait de la présence des conseillers, mais la peur de ne pas arriver à donner assez de temps aux deux jeunes du groupe faisait paraître le temps bien plus long qu'il ne semblait l'être. Et pourtant... Et pourtant ils n'eurent pas le temps de marcher jusqu'au temple avant de rencontrer des problèmes.

L'alerte de leur vol venait d'être lancée et il ne fallut pas même quelques secondes pour que la dénommée Asylria ne réagisse. La femme, arcaniste du mysticisme, n'avait pas arrêté de se préparer à jeter une onde de choc au moindre soupçon, ce qui fit instantanément tomber ses adversaires. L'un de ses collègues prit un porte-plume en bois dans sa sacoche et commença à tracer dans l'air des symboles. Deux mages... La terre commença à trembler et Hiradrilion put sentir le sol sous lui devenir maléable, voire même visqueux. La terre s'arrêta l'avaler de même que Telvan lorsque Melendir tendit la main vers les deux mages, l'une de ses bagues luisant fortement dans la nuit. Une froideur inhabitelle couvrait son visage. Rendre les autres incapables de penser et donc de continuer leurs sorts, voilà déjà ce qu'il pouvait faire ; cependant il ne pouvait faire reculer le temps. Il était donc à Fenris de s'occuper des deux autres et d'aider ses frères d'armes à sortir de là. Pour Telvan ce ne fut pas très compliqué, l'elfe ayant eu la chance de ne pas avoir été la principale cible du lanceur de sort. Pour Hira par contre, il était déjà bien pris et le sort ne faisant plus d'effet le sol commença lentement à reprendre consistance, broyant au passage le corps du malheureux soldat. Melendir lâcha la prise sur l'élémentaliste qui eut un instant d'arrêt devant l'horreur qui venait de se produire, n'y étant pas encore préparé psychologiquement parlant. Alors que l'elfe encore à terre criait de douleur, le mage dessina à nouveau dans l'air en direction d'Hiradrilion et le sol recommença alors à reprendre une substance liquide. Puis l'ombre vint.

Le guerrier disparut ; puis ses frères d'arme ; puis le maîre de l'esprit. Il fallait fuir maintenant, fuir avant qu'Asylria ne ronge à nouveau le sort de Macabre ou bien ne les empêche de partir. Melendir s'agenouilla auprès de l'elfe gravement blessé et posa l'une de ses mains sur son front. Peut-être y avait-il une chance que malgré l'état déplorable de l'originaire de Tethien qu'il puisse encore survivre, qu'un guérisseur arriverait à soigner le plus important de ses plaies. Mais pour cela il fallait faire vite, très vite. Après avoir incité la jeune fille à les faire revenir immédiatement auprès des noss, il s'occupa de maintenir le pauvre Hira éveillé... tout en essayant de cacher à son esprit toute la douleur que son corps ressentait.

Rp suivant : Au fond des geôles

Mac avait fait ce qu'on lui avait demandé. Tout ce qu'on lui avait demandé...
Elle avait conduit les trois groupes jusqu'à leurs destinations.
Elle avait rapporté l'Aube comme Neraën le voulait. Fenris s'en était fait mal en l'empêchant de le faire elle-même.
Elle avait conduit ceux qui l'accompagnait dans la salle du Conseil où Severan et elle avaient trouvé ce qui semblait être des preuves de la culpabilité de certains dans la folie qui avait pris la cité.
Elle avait retrouvé son groupe de justesse pour les tirer d'un très mauvais pas et, ignorant sa propre peur en voyant Hiradrilion dans un état déplorable, elle avait ramené tout le monde à leur point de départ.
Elle était presque aussitôt repartie à la recherche des deux autres groupes tandis que l'on emmenait son garde et ami loin de ses yeux. Afin de gagner du temps, elle ne ferait qu'un seul voyage. Elle avait retrouvé le premier sans trop de difficultés. Ceux-ci avaient réussi à se cacher après l'accomplissement de leur mission. Puis elle les avait emmené à la caserne où, là, les choses s'étaient quelque peu envenimées. Il y avait eu deux morts. Seregon était là. Blessé mais bien vivant. Elle emmena tout le monde, récupérant les corps si cela lui était possible. Non pas qu'elle accorde une quelconque importance au sort des cadavres ni à la mémoire des défunts mais on le lui avait demandé...
Alors elle l'avait fait...

Une fois tout le monde dans les ombres, elle les emmena aussi loin que possible. D'abord hors des murs de la cité puis hors du champ de vision de quiconque cherchant à retrouver les fuyards. Elle les emmena même trop loin pour qu'on puisse retrouver leur trace parmi les feuilles jonchant le sol. Epuisé et accablé, les hommes qui revenaient seulement d'Eteniril ne parvenaient pas à savourer le soulagement de s'en être sorti. Ils avaient des blessés et des morts à ramener...
Sans attendre, Macabre tira sur le bras valide de Seregon. Celui-ci poussa un cri de douleur en l'appelant à y aller avec plus de douceur. Mais celle-ci n'écouta pas et continua. Après deux essais infructueux pour le faire avancer, elle le fit entrer dans une nouvelle ombre dont ils sortirent au bout de quelques dizaines de mètres. Le vétéran tira sur son bras, se libérant ainsi de l'emprise de la petite elfe. Il venait de quitter ce qui était l'enfer à ses yeux, combattant ses propres frères et ce genre de voyage avec de telles blessures étaient douloureux. Il venait seulement de sortir de tout cela et ne souhaitait pas recommencer de si tôt. Pourtant, malgré toutes ces contestations, Macabre voulait poursuivre et il ne lui échappa que de justesse.

-Macabre ! Mais qu'est-ce que tu en enfin ?

-HIRA !!!

Seregon se figea. Il comprenait enfin ce qui la pressait tant et craignait le pire pour son ami. Sans plus hésité, il lui tendit la main.

-Conduis-moi à lui.

Seulement quelques minutes furent nécessaires pour arriver jusqu'au campement. Tout de suite, on s'enquit de savoir où étaient les autres membres du groupe. Le garde expliqua brièvement qu'ils étaient en chemin et annonça l'état des troupes. Mac commençait à s'épuiser et qu'elle ne l'avait conduis que parce qu'elle s'inquiétait pour Hiradrilion. On envoya aussitôt du monde pour leur venir en aide tandis que l'on conduisait les deux étrangers auprès de leur ami. Une des salles de la caverne avait été aménagée en infirmerie pour prendre soin de ceux qui avaient été blessés quelques heures auparavant. Seregon chercha parmi les visages présents celui du chasseur, mais en vain. Son regard s'arrêta finalement sur un corps recouvert d'un drap. Non loin de là, Olorin était assis en tailleur à même le sol, la tête lourdement posée contre le mur derrière lui. Il se tourna en voyant une silhouette approcher et laissa son mentor poser un genou à terre à côté de la dépouille. Ce dernier prit un instant avant de tirer lentement le drap pour découvrir le visage de son ami.
Seregon était le plus âgé des trois gardes qui accompagnaient Macabre. Il avait vu tant de batailles, perdu tant d'amis. En demandant un poste à Tethien il ne pensait pas revivre tout cela un jour... Tout comme Hiradrilion s'était cru à l'abri. Lui qui pourtant ne combattait qu'à distance, il avait fallu que ce soit lui qui soit le plus sévèrement touché.

-Mac !

Olorin s'était soudainement relevé en voyant la petite elfe disparaître. Elle était resté prostrée en découvrant le visage sans vie de son ami, comme si elle ne comprenait pas ce qu'il se passait. Pourtant, elle avait vu plus d'un mort... Mais jamais quelqu'un qu'elle connaissait. Jamais quelqu'un dont elle était aussi proche. Elle savait pertinemment qu'il ne reviendrait plus et ne pouvait pourtant s'empêcher de l'espérer. Elle sentait son cœur souffrir mais sans être capable de savoir de quoi. Ni savoir comment l'exprimer.
Ses pensées s'étaient alors tournées vers une personne. La seule dont elle soit désormais suffisamment proche pour vouloir lui demander assistance. La seule qui pourrait l'aider à ne plus avoir mal, sans même savoir qu'il ne suffirait pas de quelques mots pour apaiser sa douleur.

-Laisse, Olorin. Tu ne la rattraperas pas. Seregon s'était retourné en voyant son apprenti se lever. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre ce qu'il se passait.

-Mais où va-t-elle ?

-Chercher Neraën...

-Quoi ?! Mais...

-Il n'y a rien que tu puisses dire ou faire pour la faire changer d'avis. Nous lui avons appris à suivre son cœur et c'est ce qu'elle fait.

Seregon se tourna à nouveau vers son ami comme il se serait tourné vers son complice. Tous deux avaient participé à ce changement chez Macabre et ils n'en regrettaient rien. La petite elfe était parfaitement capable de se débrouiller toute seule. Et puis, même si elle fatiguait après la nuit qu'elle venait de passer, elle n'avait désormais plus qu'elle a transporter. Elle serait parfaitement en mesure de rentrer une fois qu'elle aurait eu les réponses à ses questions. En attendant, ils ne pouvaient rien faire de mieux que de prendre un moment près du corps de leur ami.