9e ennéade de Karfias an 10, Cycle XI
Le Nord. Ainsi était connues les contrées austères du septentrion. L'adage disait que les hivers rudes forgeaient les hommes à son image. Forts. Indomptables. Sans Pitié. Les adages moins flatteurs ajoutaient généralement qu'ils étaient aussi froids et bas du front, mais ne prêtons pas foi aux billevesées de bonnes femmes.
De la force, il en fallait cette année là. Après les guerres qui avaient sévi durant des années, qu'elles opposent les peuples aux peuples ou les fils de la DameDieu aux hérétiques noireaux, il avait fallut que la nature se rappelle aux bons souvenir des humains. Le froid avait prélevé son du. Le vent, le froid, le poids de la neige avait fait s’effondrer des ponts, croulé des toits dans toutes les régions nordiennes. Les lacs et les rivières gelées étaient si solide qu'il était possible de les traverser à pied pourvu qu'il ne s'agisse pas de torrents. Pourtant, le blizzard avait rendu toute communication presque impossible, coupant des vals, des passes et des villages du monde extérieur. La nature a elle seule avait fait le travail de la garde en tuant les bandits qui n'avaient pu trouver de toit. Les voyageurs solitaires étaient bien rares et encore plus rares ceux qui réussirent à atteindre leur destination en un seul morceau.
L'approche du printemps ravivait cependant la flamme de l'espoir. Des jours moins rudes étaient attendus de pied ferme... Ou plutôt les pieds humides. Enfin d'après ce que disait le vieux Georges en tout cas.
" Ta vieille tante sera encore là en été. Va donc, Jean. Laisse le temps au gel de partir, sinon tu finiras au fond du lac ou dans la boue jusqu'à la taille. "Soit disant qu'avec la neige on allait avoir des inondations et qu'avec tous les arbres coupés pour le bois, les glissements seraient légions. Toujours alarmiste ce vieux Georges !
Alors je l'avais rapporté à Gwenda, ma femme. Et contre toute attente, elle était de son avis. Sa sœur de Valpelle avait vu la maison de son voisin emportée lorsque la digue avait lâché. Et puis sa mère lui avait raconté des histoires similaires. Des histoires de bonnes femmes tout ça ! Ma vieille tante n'était pas éternelle et ce fichu hiver donnait quelques signes d'amélioration depuis le début de l’ennéade. Alors je maintenait mon départ. J'eus le droit à la visite de mon fils et aux remarques du boulanger. Mais je savais tout de même examiner le ciel! On est bon a rien dans mon métier si on ne peut pas prévoir le temps qu'il fera. Les plantes ne poussent pas d'elles même !
Remonté comme un coucou, j'avais préparé mon baluchon pour le jour dit.
Hélas pour moi, les femmes, ces filles d'Arcam, ont des armes contre lesquelles nous sommes bien faibles. En voyant Gwenda pleurer sur le pas de la porte, je n'ai pas pu aller plus loin.
Et évidement, les rumeurs et les histoires de bonnes femmes se sont révélées fausses. Alors qu'approche la fin du mois, je peux le certifier à présent. Pour que les inondations commencent à nous toucher, il aurait fallut que le gel cesse... Hélas, si le temps se radoucissait à l'égal d'un hiver normal, nous étions encore loin d'un franc printemps.
Le bois serait-il suffisant ? Le vieux Georges et ses vieux os verraient-ils la fin de l'hiver ? Combien de temps avant de pouvoir ressemer ? Combien de temps la dépouille de la petite Margaret devrait attendre avant que le sol soit suffisamment meuble pour pouvoir l'enterrer ? Ces questions nous taraudaient un peu plus de jour en jour.
Une telle chose ne pouvait avoir qu'une origine ! Les mages et leurs expériences impies... et ça je n'étais pas le seul à le penser. Que Néera nous protège.