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| Les ruines, se donnant à un stupre prodigue, palpitaient, revivaient | Franco | |
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| Sujet: Les ruines, se donnant à un stupre prodigue, palpitaient, revivaient | Franco Ven 4 Aoû 2017 - 0:10 | |
| 3ème jour de la 4ème ennéade de Karfias Hiver de l'an 9 du XIe Cycle
Ernest avait voulu le voir de ses propres yeux. L’état de Diantra au coeur de l’hiver lui avait été rapporté par maints témoignages et une douzaine de rapports commandés expressément mais il se devait d’en avoir le coeur net avant de prendre les décisions nécessaires. L’approvisionnement des greniers de la capitale par les efforts combinés de Missède et de Langehack durait depuis le printemps dernier et s’était révélé essentiel au vue de l’impitoyable sévérité de la froidure hiémale. Ainsi, si les troupes du Duché avaient été contraintes à se retirer en pays édelysien après les cafouillages d’une régence claudiquante, le Langecin avait, auprès des chevrotants et des affamés, oeuvré à conserver une certaine aura bienfaitrice d’autant plus moirée par les espoirs d’une renaissance qui dévalaient les délicates collines d’Edelys et faisait miroiter des jours meilleurs au peuple de Diantra. Mais l’autre raison qui avait poussé le Comte de Missède à faire le déplacement résidait dans la nouvelle du retour des domaines royales, anciennement réunis sous la bannière fantoche du duché du garnaad, dans le giron du pouvoir royal. Si c’était le cas, il fallait s’en assurer, car dès lors le sort de Diantra ne dépendait plus que d’une résolution qu’Ernest était déterminé à prendre.
C’était donc sous prétexte d’une inspection de la Route d’Or et des projets qu’on lui réservait pour le printemps, que le Comte et ses hommes avaient poussé leur incursion en terre diantraise et avait établi leur campement à la nuit tombée dans un amoncellement de bercails en ruine à l’extérieur du périmètre de la ville. Sous couvert de la nuit, ils avaient passé les remparts — une tâche aisée vu leur délabrement — et comme des ombres silencieuses avaient marché à travers les rues des bas quartiers de la ville. Le sinistre silence qui étouffait la cité rompue forçait les hommes à se tenir sur le qui-vive. Il régnait dans l’ancienne capitale du royaume une brise malsaine; et Ernest se rendit rapidement compte que ce constat n’était pas uniquement figuratif. Ça puire, murmura un de ses hommes en couvrant son visage d’un pan de sa cape. Il semblait en effet que même la toute puissante frigidité de l’hiver n’avait su museler la vermine. Ernest se demanda alors ce qu’avait bien pu foutre les Ligards tout ce temps: laisser crever la gueusaille était une chose, la laisser pourrir en était une autre. Et pour ce qui était des vivants, il fallait les courrir. Le froid, la faim, la peur, et la nuit, semblaient à eux tous avoir complètement vidé les rues de la ville. Lorsque, dans l’encadrement d’un coin de porte, des yeux miraient en direction du Comte et ses hommes, Ernest commandaient alors à l’un d’entre eux d’aller leur offrir quelques pièces, en tâchant bien de mentionner qui était leur bienfaiteur d’un soir et en récupérant bien évidemment des renseignements sur la situation de Diantra.
Une fois qu’il en eut assez vu et entendu, le Comte ordonna le retour au campement et les Missèdois glissèrent hors de la ville sans faire défaut au mutisme de la nuit. Dans sa tente, Ernest prit soin d’abandonner sa tenue de voyage pour se couvrir d’une simple pelisse de fourrure. Il avait convié ses lieutenants à une réunion après qu’ils se soient sustentés et reposés un peu; les informations glanées au cours de leur escapade nuiteuse méritaient d’être tirées au clair. En attendant, on lui apporta de quoi manger mais il ne toucha à rien et préféra se plonger dans l’évaluation de cartes auprès du feu apprêté au centre de son pavillon. Il ne fallut pas quelques minutes pour qu’on vienne le déranger.
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Les ruines, se donnant à un stupre prodigue, palpitaient, revivaient | Franco Lun 7 Aoû 2017 - 11:00 | |
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~ L’échec est le début de la réussite ~ Quelques jours plus tôt, Dans le manoir de la famille Di Celini - Cléandre, tu sais pertinemment que si je viens ici, ce n’est pour t’entendre te plaindre comme un enfant. Nous avons une urgence ! - Mais, messire, l’hiver fait rage dehors et il ne sera pas aisé de faire ce voyage !- N’as-tu donc jamais chevauché dans des conditions difficiles ? - A vrai dire …- Eh bien, ce sera une première ! Je ne vais pas te le demander cinquante fois. Cléandre, boucle mes affaires, nous partons immédiatement pour Diantra. La nouvelle avait vite fait le tour des terres environnantes. Comme si le froid avait la force de stopper à peu près toute les opérations de ce monde, excepté les rumeurs. Roderik de Wenden était mort. L’homme qui avait accueilli Franco, un mois plus tôt, pour discuter de l’avenir du Royaume dans la joie et la bonne humeur avait disparu en mer. Il paraitrait même que des dispositions testamentaires avaient été mises à la lumière du jour. Ma foi, en voilà une bien triste nouvelle. Quoiqu’il en soit, l’opération avait été un échec une première fois, elle ne serait pas à renouveler. Les nordiens n’étaient pas faits pour vivre ici-bas, dans le sud. Tyra venait d’envoyer un message on ne peut plus clair en reprenant dans ses bras le malheureux chancelier. Aux hommes d’interpréter les signes divins et à eux le libre-arbitre de construire un avenir durable. Après quelques minutes d’organisation de ses affaires, le duc fit parvenir un mot au palais pour prévenir sa femme qu’il quittait la ville sur le champ. Il lui avait dit quelques heures plus tôt devoir se rendre sur les terres royales immédiatement pour faire suite à la disparition du chancelier de sa majesté. Si Franco faisait partie du conseil de régence de Bohémond, il faisait avant tout le déplacement pour défendre les intérêts de sa ville bien aimée. - Cette auberge est crasseuse à souhait- Oui, mais au moins, ici, personne ne nous remarquera. - Tu as raison. Allez, mettons-nous au travail afin de glaner le peu d’infos que ces gueux peuvent avoir. Pendant que Cléandre se dirigeait vers le comptoir de l’auberge, le duc en profita pour examiner les personnes présentes afin de choisir une proie. Plusieurs hommes jouaient à un jeu avec des pièces en bois dans un coin sombre. Un autre semblait plus ou moins ivre mort, accoudé au comptoir. Deux hommes, faisaient un bruit innommable tout en dégustant ce qui semblait être une sorte de grosse dinde farcie. A priori, la famine ne touchait pas tout le monde en ces terres abandonnées des cinq. Curieux de voir de pareils manants se délecter d’un festin, le duc s’approcha d’eux. Il voulait rester discret, aussi, il fit en sorte de ne pas employer un vocabulaire trop élaboré. - Eh bien, on dirait qu’il y en a qui ne se refusent rien !L’un des deux hommes jeta un œil au duc. L’autre continua de croquer à pleines dents dans la viande, sans se soucier de lui. - Qu’est ce tu veux, l’bourgeois ?- Rien. Enfin si, savoir comment deux gueux comme vous ont pu se payer un pareil festin. L’homme qui avait le nez fourré dans la dinde se redressa subitement avant de prendre la parole tout en laissant des bouts de viande couler le long de son menton. - C’parce qu’on a croisé le riche qui met-ses-doigts ! Franco parut surpris. Il en vint presque à se demander si ce n’était pas deux simples brigands légèrement illuminés. Il essaya tout de même d’en savoir plus. - Hein ?- Pfff, l’écoute pas. C’est pas met-ses-doigts qu’il s’appelle mais missédois !- Oui, vous avez croisé quelqu’un de Missède, d’accord. Et il vous a payé cette volaille ?- Ben non ! Il nous a filé d’la mitraille pour qu’on puisse grailler. - Il vous a dit son nom ? - Ouais ouais ! Il a dit qu’il s’appelait … Un nom bizarre, ça commençait par la lettre c j’crois. - Il s’appelle Con Met-ses-doits ! - Abruti, c'est toi qui est con, et en plus t’es sourd. C’était Comte Missédois. - Je vois. Sans dire un mot de plus, Franco quitta la charmante compagnie des deux hommes. Il n’eut même pas besoin de leur donner le moindre sou pour en savoir plus, car il vit que leur niveau intellectuel limiterait la qualité des informations obtenues. Franco appela rapidement son serviteur, Cléandre, et l’invita à quitter l’auberge délabrée en même temps que lui. Si le nouveau Comte de Missède était dans le coin, il devait y avoir une bonne raison. Qu’est-ce que le jeune parvenu originaire du fief Langecin d’Ethin pouvait bien faire dans les parages ? Le duc tâcha de se renseigner sur la présence d’un noble en ville et il fut rapidement approché au cours d’une conversation avec des passants par une vieille femme qui semblait rôder dans l’ombre. - Eh, toi, le soltari. Donne-moi 10 souverains et je te dis ce que tu veux savoir. - Messire, méfiez-vous, elle nous espionne depuis tout à l’heure. Franco n’hésita pas un instant. La somme demandée était conséquente mais il ne souhaitait pas passer la soirée à arpenter les rues sombres de la capitale déchue. Il dénoua sa bourse et en sorti les dix pièces avant de les tendre à la vieille femme. - Sors de la ville. Au sud-est. Y’a des tentes. On dit que …La vieille femme s’arrêta de parler et fixa Franco dans les yeux. Sans dire un mot. Le duc comprit immédiatement et dénoua une nouvelle fois sa bourse pour ajouter quelques pièces dans la main de la femme. - On dit qu’il vient ici pour voir à quoi ressemble la ville. Il a posé des questions sur la Ligue et sur la sorcière de Hautval. Ah et … Il est plutôt fringuant comme type.Sans dire un mot, ni à la vieille femme, ni à Cléandre, le duc prit immédiatement la direction du Sud-Est de la ville. De toute manière, il n’avait qu’une envie : quitter ce trou à rats.
Si une chose était sure : Diantra-la-déchue était à la hauteur de sa réputation. Grande, abandonnée, sale et mal famée. Cette ville était devenue le lieu de tous les vices. En quelques heures d’exploration, le duc avait pu côtoyer tout un tas de choses qui n’étaient pas vraiment dans ses habitudes. Lèpre, magie, esclaves, prostitution … En fait, ici, tout était devenu possible. Et dire que feu Roderik de Wenden voulait envoyer l’enfant-roi vivre dans un pareil endroit. Quoiqu’il en soit, une chose avait réjoui Franco : ici, point d’armoiries veltériennes. Encore moins d’armoiries hautvaloises. Il aurait pu poser plus de questions. Mais si Ernest d’Ethin-Missède-Langehack s’était donné tout ce mal, autant se les éviter. Le duc n’eut pas de mal à trouver le campement de fortune des missédois. Hommes de bien qu’ils étaient, leur équipement faisait presque tâche dans le paysage délabré des faubourgs et alentours de la capitale. Il se présenta aux gardes, de la manière la plus simple qu’il soit et demanda à parler à sa grandeur le comte dès que possible. L’heure était tardive mais cette rencontre ne pouvait attendre. Cléandre, affolé de ne pas avoir trouvé de quoi les loger, lui et son seigneur, pour la nuit semblait de plus en plus nerveux. Mais il savait à quel point Franco pouvait être surprenant lorsqu’il était déterminé. Franco fut conduit jusqu’à la tente principale du campement. Il invita son serviteur à l’attendre dehors, avant de franchir la toile qui faisait office de porte. - Votre Grandeur, c’est un honneur pour moi de vous rencontrer. Je me présente, Franco di Celini, duc de Soltariel et amiral de sa majesté. Le duc s’inclina selon les formules de politesse d’usage. Il avait conscience de débarquer ici à l’improviste. Mais n’était-ce pas également ce qu’était en train de faire cet homme que de débarquer quelque part à l’improviste ? C’était donc l’arroseur qui était arrosé.
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| | | Invité Invité
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| Sujet: Re: Les ruines, se donnant à un stupre prodigue, palpitaient, revivaient | Franco Mar 8 Aoû 2017 - 0:27 | |
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Le vin que ses hommes transportaient dans leurs besaces était acescent et gras. Se faisant cette réflexion, Ernest voulut s’en coller une. Quelques ennéades sur le trône du Comté et le voilà qui oubliait déjà d’où il venait. Les tord-boyaux ne lui étaient guère inconnus pourtant; au contraire, ils avaient été son quotidien durant ses années passées en poste dans le delta isgardien, et bien avant encore. Heureusement, après quelques gorgées, le picrate lui titilla les méninges, la mémoire lui revint et il trouva dans ce reginglard de quoi faire. Loin de chez lui, et des décoctions de racines de Maître Obélias, Ernest savait l’ivresse être la seule échappatoire à ses crises. Il n’avait guère le loisir de se retrouver à poil dans les rues malfamées de Diantra, tout inconscient d’où ses jambes le mèneraient. Non, s’il voulait s’assurer de ne pas finir pendu au clocher de Notre Dame de Deina, la verge battant aux grands vents, il fallait qu’il s’enfile le contenu des deux carafons qu’on lui avait apportés, minimum.
Dans sa chaise, auprès du feu, une coupe à la main et une carte dans l’autre, il remontait le Garnaad d’un regard térébrant. Les informations qu’il avait récoltées dans la ville semblaient l’inviter à agir. Mais les sombres remous que pourraient occasionner la disparition du chancelier changeaient une nouvelle fois la donne. Ainsi, moins d’un mois avant la fonte des neiges et l’avènement du printemps, le paysage politique de la péninsule restait des plus abscons. Le sommeil des grands du royaume, affecté pour certains, indifférent pour d’autres, échauffait la bile du Comte, lui dont tous les efforts de ces derniers mois avaient attenté à l’inertie du Langecin; si seulement le pouvoir royal pouvait se secouer d’un même tressaut, songeait-il.
L’irruption soudaine d’Elmure de Champant sous le pavillon fit sourciller Ernest. Le capitaine de sa garde personnelle avait cet air que son suzerain lui reconnaissait si bien; un air qui alliait contrariété et embarras et qui se trouva d’autant plus renforcé que la montagne de muscle qu’il était dut se résoudre à s’approcher au plus près du Comte pour murmurer à son oreille. « Le Duc de Soltariel, messire. Ernest demeura perplexe. - Et ? Eh bien, qu’en est-il du Duc ? A-t-il crôni lui aussi ? s’emporta légèrement Ernest face à la réserve de son capitaine. - Non, messire. Le Duc de Soltariel est là et vous demande audience. Le Comte se leva d’un bond, renversant l’un des carafons au sol et se maudissant aussitôt. - Qu’est-ce que vient foutre ce Soltarii à Diantra ? reprit Ernest en chuchotant à la façon de son interlocuteur. Je croyais ces oisillons suderons incapables de survivre au frimas. - Il n’a pas donné les raisons de sa visite. Peut-être est-ce un imposteur ? Voulez-vous que j’aille le bouter, messire ? - Comment cela, un imposteur ? Vous n’êtes pas sûr ? Mais enfin, n’est-il pas accompagné ? - Il est seul, messire. Seulement accompagné d’un serviteur. Tiburce de Telmont assure reconnaitre le Duc. - À cette heure là, de Telmont doit être si bien beurré qu’il ne reconnaitrait même pas sa mère, dit Ernest avant de prendre quelques secondes de réflexion. Soit! Surveillez les environs et remettons le conseil à demain. Faites entrer le Duc. - Bien, messire, acheva Elmure en s’apprêtant à se retirer. - Attendez, Elmure. Son nom ? Rappelez-moi son nom. Le capitaine chercha un instant. - Oh, ces noms du Sud et leurs rimes… di Celine… - Francky di Celini, c’est cela ! Faites-le entrer. » Ceignant l’unique pelisse de fourrure qui lui servait de vêtement, Ernest alla se tenir derrière le feu et attendit l’arrivée du Soltarii. Il ne l’avait jamais rencontré mais sa réputation le précédait et son rôle dans la chute de l’Asnozia n’était pas étranger au Missèdois. En outre, il n’avait pas oublié la missive que le Duc avait envoyée à Langehack le mois dernier concernant la Route d’Or, ni la réponse qu’il avait lui-même dictée au conseil de régence. Sous la tente, Ernest dissimula néanmoins sa surprise à entendre l’homme jouer du “Votre Grandeur”; qu’il était fort aise qu’un membre du conseil de régence s’attache à reconnaitre le statut de Comté de Missède. « Votre Altesse, fit Ernest en retour, sobre. Je dois bien avouer que ce n’est ni le lieu, ni le moment que j’aurais imaginé pour notre rencontre. Que puis-je faire pour vous, messire ? Et si nulle succincte réponse ne saurait satisfaire cette question, laissez-moi vous offrir un siège et une coupe de vin. » De toute sa hauteur, Ernest demeura immobile, les mains jointes devant lui, le port altier et la carrure imposante. Seules les flammes du brasier s’invitaient dans l’habitacle de ses yeux verts pour y danser avec un certain piquant.
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Les ruines, se donnant à un stupre prodigue, palpitaient, revivaient | Franco Mar 8 Aoû 2017 - 11:12 | |
| A première vue, Franco fut forcé de constater que l’homme en face de lui n’était pas si « fringuant » que ça. Il avait l’allure d’un valeureux chevalier. Son physique, dégageant honneur et bravoure, laissait comprendre que l’homme n’avait pas passé ses premières années à croupir derrière un bureau. Ledit comte était sobrement vêtu, le duc ne put contenir un ou deux coups d’œil hasardeur vers le corps de son interlocuteur. Ernest se tenait près de l’âtre qui le réchauffait. Il se présenta à son tour et puis invita le duc à prendre une coupe de vin avec lui ainsi qu’à s’installer à la seule table qui était présente dans l’abri de fortune. Franco accepta volontiers son invitation.
Il était clair que cet Ernest ne s’attendait pas à recevoir une visite d’un dignitaire à une heure aussi tardive. Mais peu importe. Franco était intimement convaincu que c’était dans les situations les plus impromptues que les meilleures décisions étaient prises. Après tout, il existait bien un proverbe disant « La première intuition est toujours la bonne ». Le duc osa gouter au vin servi par le missédois. Malheureusement pour lui, il ne s’agissait pas d’un doux cru hautvalois. Certainement plus d’une piquette scylléenne bon marché. Mais peu importe, il n’était pas venu ici pour déguster du bon vin.
- Oh, vous savez, je crois à la perfection des moments inattendus. Je suis ici en cette heure tardive car l’heure est grave.
Franco prit un instant pour ordonner ses pensées. Il savait très bien où il voulait en venir. Mais il n’aurait pas pensé que cette conversation avec son principal allié potentiel dans le sud viendrait aussi vite.
- Vous savez, messire, il y a un mois de cela je fus en la charmante compagnie de notre chancelier bien aimé. Je n’ai eu de cesse de lui répéter que nous construisions aujourd’hui le monde de demain. Un mois s’est écoulé et je me rends désormais compte que, demain, c’est maintenant aujourd’hui.
Le duc de Soltariel savait pertinemment qu’il entrait dans le vif du sujet. Mais il n’avait pas de temps à perdre. D’autant plus que l’heure était tardive et l’attention du comte de Missède ne serait peut-être pas éternelle.
- Roderik de Wenden est mort. Avec lui, tous les espoirs de paix sont morts également. L’armée coalisée nordienne va marcher vers le sud. Et avec elle, elle apportera la mort qui caractérise tant ces gens-là.
Volontairement, les paroles de Franco se voulaient légèrement théâtrales. Mais peu importe, après tout c’était à ça que l’on reconnaissait la touche personnelle des soltaris.
- J’ai été amené au pouvoir par le peuple de Soltariel. Il m’a choisi pour le défendre et c’est bien ce que je compte faire. L’ennemi aujourd’hui n’est pas celui qui se dit de telle ou telle allégeance. L’ennemi est bel et bien celui qui veut tuer les sujets du roi.
Ne voulant rester trop longtemps dans les spéculations, le duc choisi d’en venir aux faits. - Vous savez, j’ai rencontré nombre des anciens membres hauts placés des instances renégates ligardes. Renaud d’Erac ou encore Niklaus d’Altenberg. L’un comme l’autre sont venus avec un message de paix. Ces gens veulent là veulent la paix, là ou d’autres veulent la guerre.
Franco savait que les mots qu’il utilisait étaient durs. Ceux qu’il utiliserait dans la suite de cette conversation le seraient encore davantage.
- En tant que membre du conseil de régence de sa majesté, je refuse d’œuvrer à lui léguer une terre dévastée et meurtrie. Notre roi, sa majesté Bohémond de la maison Phyram, a besoin de nous pour défendre ce qu’il reste de son royaume. Nous devons défendre ses sujets et empêcher une guerre irréversible d’affaiblir un peu plus notre bien aimée mère-patrie.
Franco ne savait pas si l’homme en face de lui percevrait tous les sens cachés derrière les phrases qu’il employait. Mais on disait les Langecins tout autant experts en œuvres théâtrales que les soltaris. Mais après tout, Missède, n’est-ce pas un peu Langehack ?
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| | | Invité Invité
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| Sujet: Re: Les ruines, se donnant à un stupre prodigue, palpitaient, revivaient | Franco Mar 8 Aoû 2017 - 20:32 | |
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Servant une coupe de vin au Duc, Ernest se rendit compte qu’il ne lui en resterait pas assez pour passer la nuit. Un amer renfrognement le prit soudain à cette idée et il en alla jusqu’à négliger de mentionner à son invité de fortune la qualité piètre de la vinasse qu’il lui présentait. Quoi qu’il en fût, une fois qu’il eut observé les règles les plus élémentaires d’hospitalité, Ernest retourna à son siège et s’appliqua à écouter attentivement les dires de son interlocuteur de marque. Celui-ci avait des airs, des airs de quoi, cela le Comte ne savait pas encore bien l’affirmer. Il avait le mot chantant et harmonieux, nul doute là-dessus. Ainsi, la garde d’Ernest ne cessait de croitre car il n’avait aucune confiance en ces nobles beaux parleurs qui pépiaient au sujet de la guerre et de l’avenir du royaume comme s’ils cherchaient à prendre de court les prétentieux ménestrels que l’on trouvait dans toutes les cours supposément dignes de ce nom. Cette histoire de demain qui était demain hier mais qui maintenant était aujourd’hui le laissa dubitatif. Son regard se posa finalement sur les mains du Duc; pour lui c’était toujours le meilleur moyen de juger de la valeur d’un homme. Peu importe ce qu’il y vit, il détourna rapidement les yeux, lesquels vinrent s’abîmer dans les flammes attenantes jusqu’à la fin du discours du Soltari.
Visiblement, le Duc avait une bien triste opinion du Nord. Ernest se demanda à quoi avait pu avoir l’air la relation de ce dernier avec feu Roderik de Wenden. Après tout, ils avaient tous deux siégé au conseil de régence. Pourtant l’ancien Chancelier était tout ce qu’il y avait de plus nordien et s’il avait compté parmi les rangs des pacifistes, il n’aurait pas remis le sénéchat au Marquis de Serramire, car il fallait n’en point douter, cette nomination n’était pas l’idée du Mervalois. Si le Nord représentait vraiment tout ce qu’il y avait de plus sinistre dans la péninsule, si c’était sa vérité intrinsèque, pourquoi ne pas avoir agi plus tôt ? Pourquoi avoir attendu que le loup rentre dans la bergerie ? Sans réponses avérées à ces questions, le Comte ne put s’empêcher de contempler le possibilité que le Soltari soit animé par un certain opportunisme. Quant aux voeux de paix exprimés par quelques anciens ligards, Ernest s’en épongeait le fignard. Peut-être était-ce parce qu’il n’avait jamais eu le pied marin qu’il n’avait aucune complaisance pour ceux qui s’émouvaient lorsqu’ils sentaient le vent tourner. Au final, le Comte ne savait à qui faire confiance, et les projets fumeux de l’amiral de la flotte royale n’arrangeaient guère la chose. Celui-ci s’était d’ailleurs bien gardé de la mentionner cette flotte. Ernest doutait qu’il était attendu d’elle qu’elle se la coule douce dans les ports soltaris pendant que la guerre devait faire rage dans le Médian.
Les derniers mots du Duc forcèrent Ernest à terminer sa coupe d’une traite, sans quoi il n’aurait pu résister à l’interrompre. Qui était donc ce ‘nous’ dont il parlait si résolument ? Avait-il oublié que ni Missède, ni Langehack n’avaient encore à ce jour ployé le genou devant Sa Majesté Morveuse ? Était-il au courant des missives restées sans réponse émises par le Duché et de la visite en personne du Comte au palais du Prophyrion sans qu’il soit même reçu ? Il était fort présomptueux de la part du Soltari de parler de ‘nous’ en ces circonstances. Une chose était sûre, Ernest n’avait pas oeuvré à redresser le Langecin sans l’aide d’un quelconque pouvoir royal pour s’en remettre à un ‘nous’ rampant et fade. Car voilà l’héritage de la régence du Roy : un Nord exalté et un Sud chambardé.
Le Comte se mura dans un silence contemplatif une fois que le Duc se fut tu. Il finit par se lever, réajusta sa pelisse de fourrure qui, le temps d’un instant, ne dérobait plus rien de son intimité à la vue, et attrapa deux rondins de hêtre qu’il jeta dans le brasier, occasionnant une danse de brandons ignescents jusqu’au faîte de la tente. Debout devant les flammes, le Missèdois se décida enfin à prendre la parole. « Ainsi, Soltariel entend faire faux-bond aux armées du Nord. Voilà qui ne devrait pas amender la réputation des Suderons. Dites-moi, Votre Altesse, en tant que membre du conseil de régence de Votre Majesté, quelle opinion portez-vous sur le Langecin ? Et est-ce en tant que conseiller de Votre Majesté que vous venez prendre ma température ? Pour le moment, je dois dire que votre auriculaire m’irrite le séant plus que je ne saurais le tolérer. Alors, s’il vous est gré, Votre Altesse, allez-y Franco, et dites-moi ce que vous attendez de ma personne et si vos projets font écho aux attentes de la régence du pouvoir royal. »
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Les ruines, se donnant à un stupre prodigue, palpitaient, revivaient | Franco Lun 14 Aoû 2017 - 7:59 | |
| L’homme en face de Franco, à première vue, lui avait semblé avoir tout d’une personne honorable et bien éduquée. Le duc de Soltariel fut surpris quand il vit l’attitude réfractaire de son hôte d’un soir. Il était, bien sûr, dans les droits du missédois de ne pas être en accord avec ce que Franco disait, cependant les expressions corporelles étaient plutôt à bannir dans les échanges diplomatiques, surtout lors d’une première entrevue. Muré dans son silence, le comte de Missède n’offrit rien d’autre à Franco qu’une vue imprenable sur son attribut masculin virevoltant car non couvert par un quelconque vêtement. Une fois de plus, le corps de l’homme en face de lui ne put qu’attirer l’œil voyeur de Franco et il essaya d’être le plus furtif possible dans ses observations.
Maintenant qu’il était debout, sa grandeur le comte de Missède semblait vouloir à son tour s’affirmer dans la discussion qui était la leur. Etait-ce sa virilité masculine qui l’empêchait d’écouter un discours d’une traite sans supporter ne pouvoir s’y imposer ? Si Ernest était le mâle alpha de la meute alors sa relation avec Franco risquerait d’être compliquée car il n’était pas dans les habitudes du soltari de se laisser marcher sur les pieds. Les paroles prononcées par le missédois irritèrent également Franco. Non pas qu’il ne savait pas quoi répondre, loin de là. Mais il détestait la propension qu’avaient les nobles à se cacher derrière toute sorte de principes et de vertus imaginaires. Si Ernest se croyait être un homme d’honneur en dénonçant les plans de Soltariel, c’est qu’il occultait volontairement de sa vision la réalité des faits en ce pays. S’il se croyait malin en mettant en avant les titres de Franco, c’est qu’il connaissait très mal le duc de Soltariel …
- Je trouve vos deux questions fort intéressantes et, il faut l’avouer, plutôt contradictoires. Vous me demandez quelle est mon opinion du Langecin. Je crois être en mesure de comprendre que vous sous-entendez par-là : Etes-vous prêt à pardonner les crimes commis sous mon règne et sous celui de feu Méliane de Lancrais voire même feu Oschide d’Anoszia si nous construisons l’avenir du royaume ensemble. Franco s’arrêta un instant pour reprendre son souffle et organiser la suite de ses idées.
- J’aurais pu répondre très simplement à cette question en vous disant : oui, je suis prêt à vous pardonner. Et dieu sait combien ces paroles m’auraient écorché la bouche. Cependant, vient votre deuxième question que je me permets de reformuler : Est-ce que je suis un espion du roi ? Et à cette question, je vais vous répondre très simplement, êtes-vous réellement aveugle ou feignez-vous la cécité ?
Le duc faisait attention à employer des mots suffisamment durs pour marquer le comte, sans pour autant blesser son égo apparent. Si Ernest voulait être le mâle alpha, pourquoi pas. Mais il devrait apprendre à cohabiter.
- Vos défunts prédécesseurs, paix à leurs âmes, ont été bien prompts de crier sur tous les toits que la couronne de Bohémond était faible et facilement viciable. Ils ont même montré à l’ensemble de la noblesse comment faire pour se soustraire à cette autorité. Vous me demandez si je suis prêt à admettre et à pardonner la mise en public de la faiblesse du pouvoir du roi et vous osez me prétendre, quelques secondes après, être un homme de l’ombre au service de sa majesté ? Mais soyons réaliste Ernest, personne ne peut m’envoyer puisqu’il ne reste personne qui représente le pouvoir de sa majesté. Avec tout le respect que je dois à mon roi, ce n’est pas un enfant de trois ans qui va me dicter mes actions ni me commander mes missions. Ni sa cour inexistante et exilée dans un pays qui ne répond même pas à l’autorité de la maison Phyram.
Le duc espérait que, malgré la piètre qualité du vin servi, l’esprit d’Ernest serait suffisamment clair pour comprendre ses paroles.
- Je vais faire simple, je n’attends rien de vous. Je ne suis pas votre suzerain et vous n’êtes pas le mien. Ce ne sera jamais le cas. Nous venons de pays différents que, je pense, nous aimons chacun à notre manière. Ce que je vous demande, c’est d’aimer votre pays. Aimez votre pays comme j’aime le mien. Et afin de défendre votre patrie, prenez les décisions adéquates. Rétablissons la supériorité du pouvoir royal en ces terres déchues. Rebâtissons Diantra et ses terres attenantes. Construisons l’avenir ensemble.
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| | | Invité Invité
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| Sujet: Re: Les ruines, se donnant à un stupre prodigue, palpitaient, revivaient | Franco Lun 14 Aoû 2017 - 20:32 | |
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Le Duc enchaînait les méprises à un rythme effréné mais Ernest comprit vite qu’il était à son avantage de bien se garder de le lui faire remarquer; toutes ces erreurs offrant une vue imprenable sur le tempérament de son interlocuteur. Le Comte se demandait néanmoins si la palme du ridicule devait être attribuée aux allégations faites à l’encontre de son règne, lui qui n’était Comte que depuis un mois, et des crimes qu’il avait supposément commis au même titre, semblerait-il, que la Lancrais et l’Anoszia, ou si elle devait revenir à la présomption du Duc quant au fait qu’Ernest fût en quête d’un quelconque pardon, de sa part, de celle du Roy ou de qui que ce soit d’autre. A dire vrai, la première conjecture l’emportait sans doute en tant qu’elle revenait à considérer Ernest comme un criminel et pour cette calomnie impudente, celui-ci imaginait déjà annoncer à sa lointaine cousine que son Soltari d’époux et son serviteur avaient tragiquement perdu la vie lors d’une rencontre malencontreuse avec les rebuts de Diantra l’avilie. Fort heureusement, cette regrettable éventualité fut chassée de son esprit alors que l’époux en question se vautrait dans un nouveau fourvoiement si saugrenu qu’il en vint à flatter la commissure des lèvres du Comte. Cette histoire d’espion du Roy avait tout de risible mais Ernest se contint une nouvelle fois face aux nouveaux brins d’information que venait de répandre le Duc. Lui qui s’était livré à l’admonester au nom de ses prédécesseurs pour avoir exposer les faiblesses du pouvoir royal, s’attachait, lui-même, à présent, à en révéler les déficiences les plus accablantes; ainsi le Roy était sujet au plus grand délaissement, sans représentant, sans pouvoir, sans cour, le Porphyrion pour toute esbroufe.
Les dernières paroles du Duc ne suffirent pas à dissiper la pestilence des ineptes palabres qui les avaient précédées. Cependant, le Comte décida de jouer le jeu, au moins pour le moment. Il était resté immobile tout ce temps; les flammes du brasier inscrivaient, seules, une illusion de mouvement sur son visage. Il conserva le silence après que le Suderon eut terminé son discours. Toute son énergie s’attelait à ne pas céder au désir de démonter chacune des imputations de son interlocuteur car il savait que ce chemin ne pouvait mener qu’à l’odeur méphitique du feu dévorant la peau légèrement halée du Soltari. À l’issue d’un conflit intérieur bouillonnant qu’il ne laissa transparaitre en rien, Ernest parvint à virer cap pour cap. « Les troupes ligardes en station au sein de la capitale ont fui la ville lorsqu’elles ont appris que les terres du Garnaad se ralliaient à la couronne, sans doute par peur d’être prises en tenaille. À présent, le Médian n’a d’autre accès à Diantra qu’à travers le fleuve. Ce ne sera plus le cas à l’aube. Edelys recevra pour ordre d’endiguer les transports au bac d’Entraven. Au midi, les troupes du Duché en poste dans les fiefs de Tregor et d’Aryeoded traverseront le fleuve et investiront la capitale. Celles de Plestin et d’Efflam resteront mobilisées pour garder les frontières d’Edelys dans l’éventualité d’une réaction du Médian, ce qui est peu probable vu les conditions hivernales et la menace qui plane au nord. Langehack équipollera l’aide alimentaire déjà apportée par Missède et ce jusqu’à la fin du blocus. Dans les jours qui suivront nous débarrasserons la capitale de cette demi-pègre qui s’y est installée. Avant la fin de l’hiver, la capitale sera de nouveau sous contrôle et sera rendue au Roy. Je vais faire simple, moi aussi, je n’attends qu’une seule chose de vous, votre Altesse. Faites en sorte que Bohémond marche dans les rues de la ville avant la première fonte des neiges et assurez-vous qu’aucune cour, aucun troubadour et jusqu’à la dernière commère de la péninsule n’ignore le retour du Roy à Diantra. » Ernest avait donc décidé de faire part de ses projets au Duc. Il en était arrivé à la conclusion que Soltariel était peut-être la meilleure carte à jouer. Si le Sud rendait Diantra au Roy, le Nord n’avait plus de raison de venir conchier la capitale.
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