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| Au pied des murs | Ernest | |
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Cécilie de Missède
Humain
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| Sujet: Au pied des murs | Ernest Ven 25 Aoû 2017 - 0:55 | |
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Hiver - 2e jour de la 8e ennéade de Karfias 10e année du XIe Cycle
Le soleil étirait des ombres grotesques sur la boue glacée mêlée de flotte qui égayait toujours un camp militaire et ses abords à cette époque de l'année. Certes, ils n'étaient plus au pire creux de l'hiver, mais le froid restait mordant et les nuits bien assez froide pour durcir aussi sûrement la boue que les doigts. Trois cavaliers approchaient à un rythme lent par le côté de la route d'or menant au Langecin. Deux hommes en armes et une femme emmitouflée dans des habits nordiens. Capuchons et capes rendait difficile leur identification de loin... Ou cela aurait put la rendre difficile si l'un des deux hommes ne brandissait pas ostensiblement une bannière rouge et or marquée de la salamandre de Missède.
La calèche avait été laissée au dernier village sur les terres d'Edelys pour ne pas imposer le dernier tronçon de route de la journée à ses deux accompagnateurs : Rose et Renard. Ils auraient encore bien le temps d'accélérer la cadence si d'aventure il prenaient trop de retard en direction de Soltariel. Ce soir, ayant appris en passant par le sanctuaire d'Edelys que son époux était toujours à la capitale, il y avait bien quelques kilomètres de plus qu'elle pouvait qu'une digne femme pouvait faire pour s'enquérir de l'avancement d'une entreprise qui n'avait jamais apporté que du malheur autour d'elle... Sous les murs de Diantra, un an après en avoir franchit les portes au bras d'Enrico di Montecale, Cécilie venait retrouver l'homme qui les avait faite arracher de leurs gonds.
Les mèches folles de sa longue tresse auburn piquées de gel et les poumons glacés par l'air sec, la jeune comtesse n'eut besoin que de sortir la main de ses gants épais et de laisser apparaitre la chevalière des de Missède pour que les sentinelles s'inclinent. Contrairement à Ernest, elle n'était allé qu'une fois en Edelys et n'était apparue publiquement que quelques instants alors se faire reconnaitre par les hommes de la frontière... Au moins ceux là faisaient correctement leur travail. Encadrée de Sire Edgar d'Heucville et d'Anthoine, lieutenant de la garde du palais de Missède, elle fut conduite entre les tentes. Quelques chemins détournés furent choisis pour ne pas avoir à poser pied à terre jusqu'aux abords de la tente de commandement. Le premier soldat croisé avait été envoyé en avant pour prévenir le Comte de l'arrivée de sa femme.
A destination, Cécilie glissa seule à bas de Poudreuse sous les yeux attentifs de ses deux gardiens. Anthoine résista au réflexe qui le poussait à venir lui donner le bras pour la guider au besoin. Avec Edgard dans les parage, ce n'était pas à lui que revenait cette tâche... Et encore faudrait-il que le comte ne se montre pas de lui-même.
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Ven 25 Aoû 2017 - 23:09 | |
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« Je… Je crois. » répondit Ernest lorsque Maître Obélias lui demanda s’il dormait la nuit. Le vieil homme eut une moue dubitative et passa la main dans sa barbe en se demandant s’il lui fallait augmenter la concentration de persil des marais dans ses infusions. Les très petites quantités qu’il avait utilisées jusqu’à présent semblaient avoir maintenu le Comte au lit lorsqu’il devait l’être mais le guérisseur commençait à comprendre qu’elles perdraient en efficacité jusqu’à devenir complètement inefficaces. « Je peux essayer d’augmenter la dose mais le vénéfice nous guette. » Ernest était allongé sur son lit de camp, son dos nu enduit d’une fange verdâtre à l’odeur insoutenable. Le jeune homme avait enfoui sa tête dans un coussin afin de limiter ses haut-le cœur. Maître Obélias, lui, ne semblait pas être dérangé par la pestilence de son remède. Malgré l’épaisse couche de boue qui lui couvrait l’échine et les environs, on pouvait toujours distinguer les spasmes qui secouaient les muscles du Comte.
Cela faisait quatre ennéades qu’Ernest se trouvait à Diantra. Il n’avait regagné Missède que pour quelques jours lors de la visite de la Haute-Prêtresse au palais. Depuis, son quotidien était fait de ruines, de neige et de sang. Les troupes langecines avaient méthodiquement quadrillé la capitale, s’attachant à recenser la population, en chasser la vermine et crever la demi-pègre qui s’était installée en terre diantraise. Des bataillons quittaient le campement missèdois toutes les heures, se relayant à l’assaut des groupes les plus tenaces qui tenaient encore certains endroits isolés de la ville. On s’accordait à dire que les choses devraient se calmer d’ici la fin de l’ennéade en cours, peu de temps avant que les renforts n’arrivent finalement de Soltariel. Ernest avait passé beaucoup de temps dans les rues de Diantra, trop si l’on en croyait les hommes de sa garde personnelle. Elmure était d’ailleurs sur les crans depuis plusieurs jours, la fatigue. Les derniers bandits de la capitale étaient ceux qui n’avaient plus rien à perdre et le Comte était devenu leur cible préférée, misant tout sur son trépas pour sauver leur peau. Hier encore, au milieu de la nuit, un homme avait réussi à se glisser dans le campement et n’avait été intercepté qu’à quelques pas de la tente du Comte.
Et pourtant, ce matin-même, avant l’aube, Ernest avait rejoint le premier bataillon de la journée qui partait pour la ville. Cependant, aujourd’hui avait été différent. Son corps avait finalement fini par le trahir. On l’avait ramené en catastrophe, Elmure avait pris deux flèches dans la cuisse pour le couvrir. En pleine manœuvre, le Comte avait été pris de convulsions lancinantes. Seuls les soins de Maître Obélias avaient réussi à calmer les tiraillements de son dos après plusieurs heures de traitement. Le vieil homme avait été catégorique, s’il continuait à ce rythme, il risquait de ne point voir le printemps arriver. La mort de Charles, puis celle d’Hector, son rapatriement d’Isgaard et sa montée sur le trône du Rocher, ses efforts pour préserver Missède d’une guerre civile, l’abdication de Méliane, sa mort, et la situation de sa fille, son mariage, Alden, le Nélénite, Diantra, la guerre, l’avenir du Langecin et sa rencontre avec le Régent dont il n’avait encore parlé à personne d’autre qu’Elmure. Tout cela pesait sur ses épaules et, malgré sa carrure, Ernest savait que ces problèmes, ces secrets et ces conflits finiraient par avoir raison de lui.
À l’annonce de l’arrivée imminente de la Comtesse, Ernest chercha à se relever d’un bond. Mais Maître Obélias avait anticipé sa réaction et plaqua sans retenue son suzerain sur le lit. « Non, Ernest, tu dois rester allongé. » La face enfoncée dans le coussin, le jeune homme arriva à peine à proférer les paroles suivantes : « Enlève-moi cette merde du dos. C’est un ordre ! » Obtempérant à contre-cœur, le vieil homme racla la marne verte avec ses mains puis fit enfiler une pelisse à Ernest avant de se retirer alors que Cécilie passait l’ouverture de la tente. « Cécilie ? » fit simplement le Comte à la vue de son épouse. Une certaine anxiété pointait dans sa question, comme s’il s’attendait à ce qu’elle lui annonce une mauvaise nouvelle, sinon pourquoi donc se trouverait-elle ici-même. Dans l’expectative, le jeune homme fit ce qu’il put pour ne pas grimacer de douleur tandis qu’il entreprit de baiser la main de son épouse.
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| | | Cécilie de Missède
Humain
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Dim 27 Aoû 2017 - 22:01 | |
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Voyant le garde esquisser un geste et se raviser, Edgard se porta au côté de la Comtesse pour prendre sa main ganté. Cécilie laissa courir l'autre un peu plus longtemps sur l'encolure de Poudreuse, la jument s'ébrouant avec le plaisir de toute cavale débarrassée de son encombrant passager avant de prendre en main son bâton de marche. La présence de la jument la rassurait un peu dans ce camps militaire. Un style de lieu dans lequel elle n'avait jamais mis les pieds. Malgré l'heure tardive, les bruits et l'agitation étaient très présente, quelques râles indiquaient aussi qu'il devait y avoir des blessés non loin... Sans parler de l'odeur. L'odorat développée de l'aveugle essayait d'ignorer la puanteur rance qui, heureusement, était nettement atténuée par le froid ambiant.
Un sourire et elle laissait son bras au chevalier. Ce n'était pas la première fois qu'il l'accompagnait ainsi et elle avait déjà put remarqué qu'il faisait des pas d'une lenteur exagérée par peur de l’incommoder... Ce qui était plus incommodant qu'autre chose. Elle lui conseilla à voix basse de se détendre et ajouta un compliment nonchalant, elle se doutait que cela ne marcherait pas du premier coup mais l'heure n'était pas à un cours de marche à pied. Elle se laissa donc guidée avec toutes les précautions du monde, son bâton à la main.
On tira un pan de toile d'un mouvement ample. Le tissus claqua légèrement sans l'air. La voix anxieuse de son mari l'accueillit. Comme à son habitude, elle leva la main à bonne hauteur en l'entendant approcher, lui évitant de se baisser lourdement pour prendre sa main, un geste de sympathie selon les codes de la noblesse. " Tout va bien. Je viens simplement aux nouvelle. " mais en sentant la main qu'il avait posé que la sienne se tendre, elle tiqua. " Vous allez bien ? Vous ne semblez pas... " Elle blêmit d'un seul coup, lâchant le bras de son cavalier pour porter une main à son visage. Tâtonnant un fois en arrière du bout de son baton, elle fit quelques pas et heurta... quelqu'un pour autant qu'elle pouvait savoir. Elle fut rattraper et remise sur pied par un solide bras alors qu'elle manquait de se retrouver à terre en se prenant les pieds dans la jambe de l'homme qu'elle avait bousculer. " ça va... " souffla-t-elle, visiblement incommodée. " C'est juste... " Retenant avec difficulté ses hauts le cœur en bloquant le plus possible sa respiration, elle se détourna pour chercher un peu d'air frais... L'air du camp n'y pourvoyant que bien peu. Elle réprima un hoquet. " ... L'odeur... "
Le sang, la sueur des voyages ou même l'horrible vernis à bois de Jindanor, elle avait eu du temps pour s'y faire... Mais ça...
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Lun 28 Aoû 2017 - 18:07 | |
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À la réponse de Cécilie, le front d’Ernest se rasséréna, la ride du lion s’y déliant doucement. Il lui revint alors à l’esprit que son épouse était sans nul doute en chemin pour rejoindre Soltariel où un grand bal devait être organisé par le couple ducal en vue de l’arrivée providentielle du printemps. Quiconque connaissait un tant soit peu le jeune homme aurait aisément deviné que les mondanités lui étaient étrangères et que rien ne le mettait plus mal à l’aise que les frivolités de cour. Cette aversion nonobstant, il commençait à comprendre l’importance de ces fréquentations et avait assuré Cécilie qu’il ferait son possible pour la rejoindre aux festivités. Néanmoins, son quotidien au sein de la capitale l’avait laissé peu enclin à la contemplation d’aucune forme de légèreté, lui qui en était déjà si peu capable en temps normal. Chaque jour passé écrasé par la rude poigne givrée et sanglante de la capitale avait soutiré un peu plus Ernest à la noblaillerie pour le ramener à un monde qu’il connaissait mieux, fait de sueur, de douleur, et de mort. C’était là qu’il prenait toute son envergue d’homme. Là que la sudation conférait à son visage une coruscation que nulle couronne ne saurait lui octroyer. Là que la souffrance lui donnait un cap à suivre, taillant à travers toute fadaise. Là qu’il vivait sa vraie vie. Ernest était né soldat, le reste était travesti.
Maître Obélias rattrapa la Comtesse à bout de bras, lui évitant la chute de justesse. Le vieil homme avait manifestement échoué à opérer une sortie discrète qui n’avait eu d’autre but que de ne pas inquiéter la Comtesse au sujet de l’état de son époux par sa simple présence. « Votre époux est souffrant, ma dame, dit finalement le vieil homme. - Obélias ! aboya Ernest réalisant que son guérisseur semblait avoir décidé de lâcher le morceau. - Son corps est en proie à un dangereux surmenage, reprit le Maître, un air défiant dans son regard. L’ankylose le guette. Un accablement qui a manqué de lui coûter la vie aujourd’hui. - OBÉLIAS ! tonna Ernest une dernière fois avec une puissance de gorge qui surprit son entourage. Il suffit. Qu’on apporte de l’eau pour mon bain. Le vieil homme s’exécuta et sortit de la tente avec un air satisfait. Ernest, lui, fulminait, mais tentait de se calmer. Il sentait la colère qui pulsait présentement dans ses veines partir à l’assaut de son dos, y réveillant la douleur. Mes excuses pour la pestilence, Cécilie. J’étais enduit d’une boue vulnéraire avant votre arrivée. Alors qu’Ernest accompagnait son épouse vers un siège, deux hommes entrèrent et remplirent une cuve de bois avec de l’eau chaude. Pendant qu’ils s’affairaient, Ernest s’éloigna de sa dame le plus possible afin de la soutirer aux odeurs qui lui retournaient l’estomac. Dès qu’ils furent seuls, il put alors se défaire de sa pelisse et rentrer dans le bain. La chaleur de l’eau accentua ses maux avant de lui faire du bien. Assis dans ce baquet, nu, à l’étroit, il fixait son épouse en silence, un air de chien mouillé, penaudement dans l’expectative d’un questionnement à venir. Il ne savait si c’était sa présence à elle, le craquement du feu de bois, les effluves du bain chaud, ou la fatigue, il ne savait si c’était le froid, la peur et la mort qui régnaient hors de cette tente, il ne savait pas d’où venait ce sentiment qui l’assaillait à ce moment-même, alors que, le menton posé sur ses genoux resserrés contre sa poitrine, il la regardait. Il n’avait qu’une certitude : il voulait se rendre. Baisser sa garde. La laisser entrer. Elle, et elle seule.
À bout, il se rendit compte que son regard courrait les traits de Cécilie à la recherche d’une toute autre personne. Une personne qu’il n’avait jamais connue et qui, pourtant, ne l’avait jamais quitté par son absence : sa mère.
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Lun 28 Aoû 2017 - 23:19 | |
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Un coup de poing dans l'estomac ne lui aurait pas fait pire effet. " Pardon... ? " Comment ça il avait faillit y passer ?! La main de la jeune femme se crispa instinctivement sur le bras du guérisseur qui lui expliqua, bien que toujours à mis mot, ce qu'il entendait par sa première et fulgurante assertion. Elle allait répliqué lorsque l'éclat de voix d'Ernest la coupa net. Alors ça...
Lorsque la main de son époux s'empara de la sienne pour la guider, elle faillit la chasser d'une tape, mais son éducation la retint, raidissant plutôt son dos et avilissant son sourire de façade. Elle le suivit donc, la tête haute, sans un mot jusqu'à ce qu'ils soient tout deux à l'intérieur de la tente... En même temps, en retenant sa respiration, parler était nettement moins aisé. On la laissa sur un tabouret de camp. Elle ne se débattit pas pour retenir la main qui l'avait menée là, laissant le silence se refermé sur eux sans oublié qu'il serait bientôt troublé par l'arrivé de l'eau demandée par le Comte.
Alors quoi... Il comptait faire comme si son foutu soigneur n'avait rien dit ?! Et plus important encore : si Obélias n'avait rien dit, l'aurait-il seulement averti qu'il était affaiblit à ce point ? Il était toujours aux par monts et par vaux, s'attelant à la tache que jamais Théobald n'avait su correctement remplir, quoi qu'en disent les seigneurs maintenant qu'il était mort. Que ce soit son jeune âge ou la rigidité de ses conviction, il avait fait preuve de bien peu d'esprit en ce qui concernait l'avenir de leur peuple. Ernest, dès le premier jour, s'était attelé à les tirer de bien des mauvais pas sans qu'ils n'aient à perdre ni la face, ni l'honneur, ni la vie... Alors pourquoi ce qu'éprouvait Cécilie à l'instant était si loin de la fierté transie d’effroi qu'elle aurait du ressentir en apprenant qu'il allait même jusqu'à mettre à mal sa santé pour réaliser les projets qui germaient dans son esprit ?
Peut-être tout simplement parce que, contrairement à lui, elle ne connaissait ni le sang, ni la sueur mais les sourires et les poisons. Peut-être parce qu'elle savait que la guerre est l'affaire d'un homme et la paix celle d'une vie. Ou peut-être tout simplement parce qu'il était comte à présent et qu'en tant que tel, il était tant qu'il comprenne qu'échec ou réussite, l'important était de perdurer dans ce jeu sans fin...
Profitant de l'attente et de la distance de son époux, elle recommença a respirer, profondément. Le bouillonnement de sa colère s’apaisa peu à peu à coup de raisonnement d'une logique sans pitié. L'eau fut versée. Les hommes sortirent. De maigres vêtements furent posés quelque part. On entra dans le bain dont la chaleur douce et le fumet humide couvrait peu à peu l'infecte puanteur.
Pourtant le silence continuait. Elle restait assise, la tête droite, l’œil perdu dans le lointain. Son maintien régalien n'avait pas besoin de dossier pour être impeccable. Pourtant, au bout d'un petit moment, les mains croisées sur ses genoux remontèrent le long de ses bras en un geste rassurant. Un brusque soupire passa ses lèvres. Elle laissa son bâton appuyé contre le siège et avança à pas comptés dans la direction des clapotements, sa démarche et une main en garde fou lui garantissant de ne heurter le baquet ou tout autre meuble d'appoint que de la pointe du pied ou du bout des doigts. Circuler dans une pièce dont elle n'avait absolument aucune idée de l'agencement n'était certainement pas agréable mais elle ne se sentait pas de rester assise dans son coin.
Cessez de jouer aux héros.
Vous n'être plus un soldat à présent . Assumez votre rang.
Arrêtez de me tenir à l'écart et agissez en époux.
N'essayez jamais de me mentir.
Autant de mots qui restèrent dans la gorge de la jeune femme alors que sa main se posait sur le bord du baquet. Se guidant d'une main, l'autre tenant fermement cet appui de bois, elle s'installa sur le sol. Elle avait bien des choses à dire. Des choses qu'elle pensait pouvoir lui expliquer jour après jours durant les premiers temps de leur union et qui étaient finalement restées insoupçonnées au milieu de toute cette agitation. Il ne suffirait pas d'une rencontre. Pas même de deux. Et peut-être qu'il n'aurait pas été si loin si elle avait pris sur elle de ne pas le laisser errer aux quatre vents. Si une fois de plus, elle avait été contre la soumission docile qu'on lui avait enseignée.
Dans tous les cas, il aurait été grotesque de l'accabler de la sorte alors qu'il était au bord de l'effondrement. La vague de colère qu'elle avait ressenti à l'annonce de ce qu'il risquait était retombée. A genoux, la hanche contre le baquet de bois, le regard baissé et la figure détournée de façon à ce que son oreille soit bien plus face à son interlocuteur que ses yeux, elle avança la main qui trainait sur le bord. " Ne tentez pas de me mentir, Ernest. C'est la pire chose que vous pourriez nous faire. " Ce qu'elle trouva sous ses doigt n'était certes pas une main. Un bras ? Un genoux ? Elle le pressa avec douceur. " Comment se sont passées les dernières ennéades ? Et surtout, comment vous sentez-vous ? "
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Mer 30 Aoû 2017 - 19:19 | |
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Elle semblait visiblement affligée par les révélations d’Obélias quant à son état. Ernest était loin d’être oublieux de l’ennui qui s’immisçait présentement dans chacun des traits du visage de son épouse. Il s’attendait à une esclandre de sa part mais elle vint plutôt s’asseoir près du bac, en silence. Il anticipait une offensive, resserrant ses lourdes jambes près de sa poitrine, mais il eut affaire à bien pire. L’accusation de mensonge que Cécilie proféra à son encontre lui envoya des frissons tout le long de l’échine. Il y avait peu de mots qui pouvaient accabler le jeune Comte autant que ceux de vile tromperie. Ernest avait toujours tenu l’honneur et la vertu en maladie. Enfant, il ne savait même se sortir de situations difficultueuses, finissant toujours pas s’incriminer avec un aplomb que certains eurent pris pour de l’arrogance. Il lui avait toujours été charnellement impossible de se fourvoyer dans le mensonge. Quelque chose de viscéral, en lui, l’en avait toujours empêché. Il était de ceux qui, s’ils ne pouvaient vivre la tête haute, ne sauraient tout simplement vivre. En ce sens, il était sans doute des plus démunis pour prendre part au jeu des têtes couronnées. Et cela, il le savait. Il avait toujours su que le moment où la couronne du Rocher avait échoué sur sa tête, les jours de sa vie s’étaient emballés. Une grande débandade funèbre. La couronne ne verrait pas ses cheveux grisonner. La nuit, Ernest repensait à tout ce qui était arrivé ces derniers mois et il en arrivait toujours à la même conclusion : le volte-face de sa vie ne pouvait signifier qu’une chose, Tyra l’invitait à mourir jeune et à faire un beau cadavre.
Sa seule faute avait été le silence. Cécilie devait le savoir. Il ne répondit pas tout de suite à ses questions, s’appliquant à ordonner ses pensées. Il espérait qu’elle comprenne que certains de ces choix avaient eu pour but de la protéger, elle en tant qu’épouse, mais aussi, et surtout, en tant que Comtesse de Missède, garante de son œuvre et de la pérennité du pouvoir comtal. Tous deux se connaissaient peu, finalement, mais Ernest était animé par la même certitude à l’égard de son épouse qu’il le fut lorsqu’il avait entrepris de la convaincre de se joindre à lui. Rien n’avait changé. Et cette conviction restée intacte se manifestait aujourd’hui en la plus pure abnégation dont il pouvait faire preuve.
Ernest restera à jamais un soldat. En s’unissant à Cécilie, il avait fait le choix de devenir le sien. Rien n’avait changé. C’était elle qui apporterait toute sa grandeur à Missède. Sa tâche à lui n’était que de dévouer son corps et son âme à la brisure les chaînes qui endiguaient ce progrès. Il la regardait droit dans les yeux. Il aurait souhaité qu’elle puisse le voir, qu’elle puisse lire en lui ce qu’il devait dire. « J’ai dû faire des choix que je pensais ne jamais avoir à faire. Certains, j’ai dû les taire. Non pas parce que vous ne les comprendriez pas, non pas parce que vous seriez trop fragile pour les soutenir. Mais parce qu’ils m’ont consumé, et me consument encore. Et que nous ne pouvons nous permettre d’être affligés par les mêmes maux, Cécilie. Le Comté ne peut se le permettre. Il y a néanmoins trois choses que vous devriez savoir. L’abdication de Méliane de Lancrais fut une affaire bien plus sombre qu’elle n’y parait. Et si, pour lors, je ne peux vous en dire davantage, sachez que dès que tout danger sera écarté, vous en serez la première avertie. La deuxième chose vous concerne tout autrement. Lors de ma dernière visite à Merval, votre ancien époux et ses hommes ont décidé d’en découdre. Melvil de Viron fut tué par un trait d’arbalète nélénite dans le plus grand déshonneur. Afin de prévenir d’autres morts dans nos rangs comme dans ceux de nos assaillants, je provoquai Enrico di Montecale en duel à outrance. Il fut vaincu et les rumeurs de sa mort se sont depuis répandues au sud. » Ernest changea finalement d’avis quant à cette troisième chose dont il avait voulu faire part à son épouse. Il gageait que la nouvelle de la mort de l’ancien baron de Nelen suffirait à lui faire oublier ses premières intentions. Il avait également éludé la question quant à son état, mais cela était parce qu’il ne savait tout bonnement pas se plaindre.
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| | | Cécilie de Missède
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Ven 1 Sep 2017 - 1:39 | |
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Le bouillonnement d'émotion d'Ernest était si fort qu'elle l'entendait par-delà le Voile qui étouffait habituelle les notes des Arcanes. Il se tendit sous l'effet d'un frisson. Soufflant doucement, elle laissa tomber ces inutiles paupières et tendit l'oreille sans plus y réfléchir. Elle répondait simplement à l'intuition. Où était-ce pur caprice ? Le besoin de comprendre dans sa globalité ce que sa main seule ne pourrait que lui suggérer. Dans tous les cas, le puissant unisson d'où les esprits tiraient leurs notes ne se déroba pas longtemps à sa conscience. Pas plus que la mélodie superficielle de l'homme qu'elle touchait. Bien qu'elle y ait pensé un instant, elle ne chercha pas à atteindre l'esprit d'Ernest, se contentant des bribes qui lui parvenaient comme d'autres regardent les visages se tordre et les yeux se répandre en hurlements silencieux. Son ouïe fine cueillit en même temps les mots, leurs intonations et les ondes troublées d'un cœur en proie au doute.
Le nom de Méliane la fit tressaillir. Une sueur glacée qu'elle ne comprenait pas lui coula le long de l'échine. Il parlait noblement de danger mais il hurlait intérieurement comme un enfant perdu. La culpabilité se mêlait à bien d'autres intonations trop éparses pour que l'aveugle les saisisse, qu'elles soient de son ou d'éther. Ce qu'il avait fait... Ce qu'il avait bien pu faire... Ou ce qu'il ferait ? L'homme auquel elle s'était liée devant la DameDieu était-il finalement du même acabit que ceux qui hantaient ses nuits depuis qu'elle avait tenu dans ses bras le corps brisé d'Aline ? Une colère sourde mêlée d'une peur à lui geler les os s'installait dans son ventre... Pour se faire chassé sans pitié par la deuxième annonce. Si son masque ne lui servait pas à cacher ses bouillonnements internes depuis le plus jeune âge, elle aurait certainement froncé les sourcils à l’aveu qu'il venait de lui faire. Elle qui pensait ne le voir avouer qu'un surmenage bien plus ancien qu'il n'y paraissait apprenait qu'elle était directement concerné par l'une des informations qu'il avait gardées ?
Le point final tomba.
" Mort... " Une autre voix. Un autre temps. " ... lors d'un duel d'honneur... " La voix digne de Gaël tendue à l'idée d'un duel d'honneur qui n'aurait finalement jamais lieu. La voix à la fois sérieuse et moqueuse de son premier mari. Du premier jour de leur mariage au dernier, il n'avait été qu'un fantôme, un homme dévoué à Tyra, entouré par la mort et la mer. Elle ne savait rien de lui à part ce que son mutisme et sa distance lui avait fait comprendre : mépris et dégoût étaient les sentiments les plus affectueux qu'il éprouvait à son égard.
" Arcam ! ça n'a aucun sens ! " pensa-t-elle dans élan de cœur. " Néera... Pourquoi... ? " murmura-t-elle à la face du monde sans très bien savoir elle-même quel ton elle avait employé.
Elle se rendit soudain compte qu'avec sa concentration déclinente, le Voile obstruant son ouïe était lui aussi retombé. Ce fut sa main, crispée sur la peau d'Ernest et soudainement humidifiée par un léger mouvement de l'eau du bain, qui lui fit reprendre conscience de l'ampleur de la situation une fois le premier choc passé. Enrico était mort lors d'un duel d'honneur contre Ernest et même si ce dernier n'avait pas insisté sur ce point de détail, il n'était pas difficile de comprendre pourquoi les nélénites avaient décidés d'en découdre avec un homme qu'ils ne connaissaient ni de Fiiram, ni d'Unvan. Elle ne savait pas ce qui était le plus dérangeant : penser qu'Enrico était mort de la pointe de l'épée d'Ernest ou que même alors qu'il avait combattu son remplaçant, il ne l'avait pas fait pour elle mais pour son foutu honneur de suderon... Car malgré tout ce que les rumeurs devaient dire à l'heure qu'il était, elle ne voyait pas d'autre raison venant de sa part.
Dire qu'elle avait prétendu que c'était lui qui avait demandé l'annulation de leur mariage justement pour éviter ce genre de réaction...
Au fur et à mesure que les secondes s'égrainaient et qu'elle gardait le silence, c'était un sentiment étrange qui l'envahissait. Elle ne parvenait pas a savoir ce que cette nouvelle lui faisait ressentir. C'était à la fois puissant et trouble… mais également ratatiné au fond de ses entrailles dans un coin aisément oubliable. Finalement ça ne se serait pas si mal passé si une nouvelle évidence ne lui avait pas crevée la cervelle, couronné par la première semi-révélation qu'il avait faite.
" Cela fait un mois que vous l'avez tué et vous ne m'avez rien dit... " Elle n'avait pas élever la voix, se contentant d'un ton et d'un vocabulaire factuel des plus sereins. Elle avait besoin de se l'entendre dire pour en prendre conscience. Le souvenir des messes-basses du Palais lui revint. Celles qu'elle avait pris pour des reproches voilés concernant ses supposées manipulations maritales en attrapant au passage le nom de Montecale. Celles qui avaient contribué à la faire fuir Missède pour Chiard au début du mois... " Même la cour connaissait la nouvelle... " Elle comprenait enfin toute une part des murmures qui hantaient les couloirs depuis des ennéades. Ce qu'elle avait pu être cloche !
Elle souffla doucement par le nez, retira sa main et rouvrit les yeux. " Vous me cachez des choses qui concernent Missède et qui me concernent, moi, sous prétexte de vouloir m'éviter de sombrer avec vous. Peu-être est-ce aussi sous ce prétexte que vous gérez certaines des décisions de Missède sans en discuter avec moi ? " Elle parlait à coup sûr de Diantra. Tout s'était décidé si vite qu'elle ne savait même plus si elle était pour ou contre... " Vous le faites depuis notre mariage. Depuis avant ça même. Alors que la chose que je reclme à tous n'est autre que la franchise. Pourriez-vous au moins me dire... " Elle s'interrompit avant que son ton ne se mette à enfler et porta une main à son front. " Peu importe. "
" Je vous dirais bien que vous êtes libre de ruiner votre santé mais ce serait mentir. Pour la pérennité de Missède, nous devons stabiliser notre position, certes, mais vous devez aussi me faire trois enfants. Et Néera sait à quel point recommencer cela par devoir me donne la nausée. " " Restons-en là voulez-vous ? " " La prochaine fois qu'il vous prendra l'idée de lever une armée en hiver pour reprendre une ville qui a coûté la vie et l'honneur de tant d'autres hommes sans m'en parler de vive voix, j'ordonne votre rapatriement immédiat, dussè-je envoyer toute la garde de la bibliothèque pour vous ramener et laisser crever de faim vos hommes. " " Si je n'ai pas été assez clair jusqu'à présent, je le répète une dernière fois : je ne hais rien plus que les menteurs et les parjures. Là est la seule unique faute que je ne pourrai jamais trouvé la force de vous pardonner. " " Vous venez de perdre toute la confiance qui vous était acquise mais je ne vous en veux pas, dans de telles circonstances, c'était aussi regrettable que prévisible. "
Sa menotte retomba sur le bord du baquet dans le plus grand contrôle. Elle avait des harangues entières dans la bouche et ne savait la quelle crachée en premier. Justifiées comme injustifiées. Enflammées comme glaciales. Elle était déçue... Tellement déçue. " Arrêtons-nous là, voulez-vous ? Vous devez vous ménager et vous n'avez certes pas besoin de mes remontrances puériles. Pardonnez-moi... " Elle avait envie de lui faire sauter la tête comme un bouchon de Charmeroux. Elle aurait voulu être froide et régalienne. Sortir en trombe en lui lançant au visage ses quatre vérités. Elle aurait voulu ne ressentir que la déception et la froide rage qu'elle avait bel et bien au cœur. Elle aurait pu. Mais quel bien cela aurait-il fait ? Dans quel état avait sombré Ernest ? Avait-elle encore assez de cœur pour le prendre en compte à ce moment précis ?
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Mar 5 Sep 2017 - 19:09 | |
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La plus grande confusion eut saisi le Comte lorsque son épouse, après avoir affecté une attitude des plus responsables et péremptoires, balaya d’un revers de main tout ce qu’elle eut déclaré au préalable sous prétexte que ses dires ne furent au final que des ‘remontrances puériles’. Confus, Ernest ne sut non plus comment interpréter le désarroi de son épouse face à la mort de son ancien mari. Il prit donc d’abord la voie royale de tout homme se trouvant dans sa situation, celle de la jalousie. Peut-être s’était-elle entichée plus qu’elle n’y paraissait de ce bourgeois nélénite et si c’était le cas… Non, cette idée ne s’arrima pas longtemps dans son esprit, Ernest n’était tout simplement pas jaloux de nature, et il pouvait d’autant moins se convaincre de l’être dans le cadre d’une mariage arrangé.
Dans un remous d’eau savonneuse, le Comte se releva et quitta son bain sans un mot. Le corps reluisant d’humidité, il gagna un petit guéridon où se trouvait un carafon de bronze et se servit une verre de vin. Il réfléchissait, l’air songeur, tandis que l’eau ruisselait toujours dans le creux de ses reins. Il allait prendre la parole lorsqu’il se rappela l’invitation de son épouse à mettre fin à cette conversation; peut-être cela valait-il mieux ainsi, en effet. Enfilant finalement ses effets, il réalisa aussitôt que les douleurs de son dos s’étaient atténuées. Et bien sûr, il ne lui fallut pas plus d’une seconde pour en arriver à la conclusion qu’il était temps pour lui de repartir au cœur de la capitale. « Je serai de retour à Missède avant la fin de l’hiver. Diantra est en passe de revenir dans le giron de la couronne. Dès que les troupes de Soltariel nous auront rejoints, ma présence ici ne sera plus nécessaire. J’aimerais passer les premiers jours du printemps à Ethin, m’y ressourcer. Les comices agricoles du Rocher auront bientôt lieu, j’y serai et votre compagnie me réjouirait. Prenez garde en chemin, Cécilie, et veuillez présenter mes excuses au Duc et à la Duchesse pour mon absence au bal. » Il allait quitter la tente lorsqu’il décida de faire demi-tour pour aller déposer un baiser sur le front de son épouse. À l’extérieur, il retrouva le froid, le sang, la mort, et l’exaltation du familier.
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Humain
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Mer 6 Sep 2017 - 19:07 | |
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Il lui avait menti. Il avait tué Enrico... Et la culpabilité qu'elle avait ressenti de sa part un peu plus tôt lorsqu'il parlait de cette chose qu'il ne pouvait lui dire revint l'assaillir. Il portait chaque décision seul comme un devoir insoutenable de plus. Et alors qu'il parlait en se rhabillant, alors même que quelques minutes avant, il n'arrivait même pas à se pencher en avant, elle savait qu'il retournerait au centre de toutes les attentes et de tous les dangers. Elle avait l'impression que si elle se détournait maintenant, il risquait de se briser avant même son retour à Missède. Sans doute une illusion de pouvoir, délicieuse pour une femme qui en possédait si peu sur ce monde.
Mais il ne lui laissa pas cette chance et l'invitant à une nouvelle rencontre quelques temps plus tard, se dirigea vers l'extérieur. Non... Il eu même l'outrecuidance de faire demi-tour pour l'embrasser avant de vouloir quitter les lieux comme un prince drapé d'un honneur théâtral le menant droit au tombeau. Mais... Mais... MAIS QUEL ANDOUILLE !
« Cette fois s'en est assez ! Revenez ! » Pour une fois, peut-être la première, Cécilie ne s'était retenue en aucune façon, sa voix portant peut-être bien au delà du seuil d'audition des hommes les plus proches de la tente de commandement. Les poings serrés, plantée dans cette tente qu'elle ne connaissait pas, elle continua jusqu'à être bien sûre qu'Ernest était revenu sur ses pas. « Arrêtez de me fuir à la moindre occasion, nous n'en avons pas fini ! »
Il n'eut pas même le temps de placer un mot qu'elle s'empara de son épaule avec force... enfin une force relative... et après un léger tâtonnements qui ne semblait pourtant pas déstabiliser le verbe brûlant et le débit exceptionnellement rapide dont elle faisait preuve pour l'heure.
« Vous me lâchez tout cela au visage pour repartir, drapé dans votre dignité et en me disant que nous en reparlerons plus tard !? Vous ne prenez pas cinq minutes de votre vie pour que je puisse connaître votre visage mais vous revenez tout de même m'embrasser avant de courir vous faire trouer la peau !? » Un index accusateur vint toquer la poitrine du jeune homme alors que le ton de Cécilie redescendant d'un cran, ses mots se détachant les uns des autres, prenant plus d'ampleur et de poids dans l'émotion à peine contenue qui y vibrait. « Dieux... Vous êtes un imbécile. Que croyez vous qu'il se passera si vous ne vous ménagez pas ? Vous n'êtes pas seul en jeu, et que votre santé est aussi importante que la mienne. D'un point de vue strictement politique, elle l'est même plus. Si jamais je trépasse sans que nous ayons d'héritiers, vous pourrez toujours réitérer l'alliance de nos maisons avec ma jeune sœur, qui soit dit en passant vous éviterait une descendance aveugle. Moi je n'ai que vous. C'est ainsi que nous l'avons voulu, Ernest. Cette décision nous l'avons prise à deux et vous tuer à la tâche en tentant de me tenir à l'écart de vos états d'âme n'aide personne. »
Elle le lâcha, croisant les bras sur sa poitrine. Son masque était tombé. Son visage reflétait trait pour trait l'imbroglio d'agitation d'assurance et d'accusation qui la tenait au ventre. Toute froideur, toute digne retenue, toute noble distance avait fondue comme neige au soleil, ne laissant que la femme qu'elle était en tête à tête avec un homme et non un titre. Elle souffla brusquement par le nez, comme pour chasser un peu de son agacement ou pour ponctuer sa phrase. Ses yeux aux sourcils froncés fixaient un point bien au delà de l'épaule de son vis à vis, son oreille venant naturellement se tourner vers lui plus que sa face inutile. Sérieuse, un peu plus posée également, l'une de ses mains se releva en un geste d'insistance. « Sachez que l'important dans le noble jeu n'est pas de perdre ou de gagner mais de perdurer. Tant que la vie perdure, il y aura d'autres occasions de victoires. »
Avant qu'il ne puisse répondre ou s'en-aller, elle finit, assénant avec conviction : « Je suis furieuse. Je suis déçue. Et pour l'heure je le suis bien plus parce que vous m'avez menti que parce que vous avez passez Enrico par le fil de l'épée ! Vous avez trahi ma confiance et c'est une chose qui m'a déjà trop coûté pour que je la tolère. Nous reparlerons de tout cela à mon retour de Soltariel. Cela vous donnera le temps de trouver comment me dire la troisième chose que j'avais à savoir et ce qui concerne Méliane de Lancrais. » Sa main se referma sur le tissus d'une chemise rêche, le serrant dans son petit poings. « Mais par Arcam, Ernest, je vous JURE que si vous sortez de cette tente avant d'avoir pris une véritable nuit de repos et qu'Obélias ait décrété que vous pouviez supporter le stress de nouveaux combats je vous rapatrie à Missède par la peau du dos dusse-ai-je vous y traîner de force par mes propres moyens. » Elle prit une longue inspiration, rendue tremblante par l'émotion. « Suis-je clair ? »
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Dim 17 Sep 2017 - 1:12 | |
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Le froid avait à peine eu le temps d’harper le visage du jeune Comte qu’il se trouva aussitôt rappelé à l’intérieur attiédi de sa tente par les objurgations extorsives de son épouse. La véhémence des propos de la jeune femme le fit approcher à pas circonspects, l’air interloqué et le regard appréhensif alors qu’il voyait son teint, d’ordinaire rose en surface, opalin en profondeur, s’empourprer jusqu’aux oreilles d’une rogne irraisonnée. Lorsqu’elle lui saisit l’épaule, Ernest acheva de lui accorder toute son attention. Il l’entendit pleinement mais la comprit mal. Ce déversement d’imbroglios politiques l’horripila, et il sentit, aussitôt, les muscles de son dos convulser de nouveau à l’unisson. À la fois furieux et penaud, il grigna de douleur sans remuer, ne pouvant se résoudre à donner raison à son épouse qui en était rendu à le menacer de le mettre au pas s’il ne suivait pas ses injonctions.
Finalement, Ernest se sentait prêt à remettre son épouse à sa place lorsqu’une douleur aiguë lui harponna le dos. Elle n’avait rien à voir avec ses maux antérieurs, il le sut sur-le-champ. Immobile, il fit glisser son regard au-delà de l’épaule de Cécilie et vers un miroir attenant. Une ombre assassine se tenait derrière lui. L’individu s’était ménagé un accès dans le plus grand silence. Ernest aperçut l’entaille dans la toile de la tente. Il devina également la lame fine, luisante tellement elle était affilée, qui était toujours pointée entre ses omoplates, prête à le pourfendre de part en part. La Comtesse attendait sa réponse mais il n’osait dire mot, décontenancé face aux raisons de l’attente de celui qui allait l’occire. Ernest ne pouvait rien faire. Au moindre mouvement, il le savait, le fer percerait sa chair, brisant à travers ses viscères dans une course fulgurante vers son cœur. Peut-être était-ce cela qu’on voulait qu’il ressente avec cette attente ; l’impuissance face à la certitude de sa mort imminente.
Son dernier fait fut de poser ses mains sur les épaules de Cécilie, lentement, comme pour prouver à son bourreau qu’il ne comptait rien tenter d’insensé. « Vérité et Vertu, murmura-t-il alors. » À ses mots, tout s’emballa. Le geste d’affection d’Ernest envers son épouse se révéla être une ultime tentative de la sauver ; le jeune homme ayant bien prit conscience que la lame, après l’avoir traversé, aurait continué sa course jusqu’au fond de la gorge de Cécilie. La repoussant à bout de bras, il la fit reculer de quelques pas, hors de portée. Dans son dos, la lame commença sa trouée lorsqu’une voix tonna d’une violence pétrifiante. Ernest reconnut le cri d’Obélias mais fut absolument incapable de comprendre le sens du bramement du vieil homme. Il comprit néanmoins que son guérisseur avait fait irruption et se répandait en incantations car une épouvantable image animait à présent le miroir adjacent. L’ombre avait lâché sa lame et était secouée d’affreux tremblements. Ernest en profita pour entraîner Cécilie à l’écart et se retourner face à la scène. Le vieil Obélias se tenait dans l’entre-bâillure de la tente et ne cessait de scander des mots sombres, incompréhensibles aux oreilles du jeune homme. L’assassin était tombé à genoux et s’agitait de plus belle sans pourtant émettre quelque gémissement de douleur. Brusquement, dans un mouvement sentencieux, le vieil homme avait pointé son doigt sur l’assaillant et de la noirceur de l’accoutrement de ce dernier surgit une lueur rouge. Puis, un claquement de doigt annonça la fin de cet épouvantable spectacle. Le corps de l’individu s’enflamma et fut réduit en cendres aussitôt.
Alors qu’un voile de fatigue passait sur le visage d’Obélias, la garde personnelle du Comte arriva en trombe. À sa tête, Elmure, après avoir jeté un coup d’oeil éberlué au tas de cendres qui gisait au centre de la tente, annonça que les raclures de fripouilles de Diantra avait à l’instant lancé une dernière offensive contre les troupes langecines. « Faites évacuer la Comtesse, dit d’emblée Ernest. » Un regard impétueux vers la garde de son épouse qui venait d’arriver coupa court à toute tergiversion hésitaillante. Il avait bien conscience de laisser Cécilie dans le flou le plus total, et d’agir précisément de la manière qu’elle lui avait reprochée, mais la situation ne se prêtait pas à d’autres palabres. Ses hommes, leurs hommes, subissaient en ce moment-même les coups d’un ennemi désespéré. En outre, la tentative d’assassinat qu’il venait d’essuyer n’indiquait qu’une chose : les rebelles jouaient leurs dernières cartes. En tant que chef des armées, il lui fallait agir, vite et bien.
Pour la première fois depuis qu’il l’avait transportée à l’écart de l’assassin, Ernest se rendit compte que ses bras étaient toujours enlacés autour de son épouse et que si Edgar d’Heucville était encore planté là, à ne rien faire, c’était précisément parce qu’il ne pouvait obéir aux ordres de son suzerain sans que celui-ci ne libère la Comtesse de son étreinte. Cette prise de conscience achevée, le jeune homme confia son épouse au bras de d’Heucville non sans lui avoir promis de lui faire parvenir une missive dès que la situation de la capitale serait sous contrôle.
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| | | Cécilie de Missède
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| Sujet: Re: Au pied des murs | Ernest Lun 18 Sep 2017 - 2:07 | |
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Le silence d'Ernest n'était pas pour arranger son cas. Lorsqu'il défit sa maigre poigne et posa tout doucement les mains sur les épaules de la jeune comtesse, cependant, l'incongruité de son attitude finie par atteindre l'esprit de Cécilie à travers sa coléreuse diatribe. Quelque chose n'allait pas. Et ce n'était pas simplement pour chercher ses mots que son mari s'était tu. Tendant l'oreille, toute colère momentanément oubliée, un frisson lui glaça le dos.
Il y avait trois respirations dans cette tente.
A l’abri des regard, contre le torse d'Ernest, ses doigts saisir les cordes de l'instrument éthéré qu'elle avait redécouvert d'une simple impulsion de sa volonté. Deux mélodies s'enchevêtraient. Dissonantes toutes les deux. Ernest avait peur. L'homme près de lui était tout bonnement terrifié. Il y a eu de longues inspirations. De longues expirations. Elle n'y prêtait pas garde, le chant qui se formait silencieusement dans sa gorge aiguisant son esprit, se traduisant par un murmure inaudible filtrant entre ses lèvres. La peur et l'indécision étaient comme d'immenses brèches dans les êtres. Des espaces desquels s’échappaient de fortes musiques. Mais également des portes béantes par lesquelles on pouvait entrer. Il ne fallut qu'un battement de cœur pour que Cécilie se glisse comme une ombre dans l'esprit du jeune homme terrifié.
Les articulations crispées sur un cuir râpeux font mal. La mâchoire serrée lance une douleur sourde jusque dans le crâne et les yeux. La vision s’étrécit sur la pointe d'argent sur la chemise qui masque un dos large et musclé. Une larme perla au coin de l’œil de l'aveugle.
Fugace. Ce n'est pas ce qu'elle cherche. Ce ne sont que des impression résiduelles. Les vecteurs d'une peur qui glace jusqu'à la moelle des os. La terreur lui intime de reculer. Pour y échapper, elle aimerait reculer. Immobile, pétrifiée, le sort parvenait peine à se maintenir.
Deux mots lui parviennent, lointains.
Deux mots qui raffermissent assez sa volonté pour que l'Ombre s'engouffre bien plus loin, ignorant la faim, la soif, la peur et la colère. Deux mots qui lui rappellent ce qu'elle fait là sans qu'elle en ait particulièrement conscience.
Le temps qui s'étirait en longueur s’étrécit d'un seul coup.
Alors que les impressions et les images défilaient, quelqu'un, quelque part, poussa son corps de quelques pas. Elle se serait écroulée comme un pantin, sans même en avoir réellement conscience, si cette même personne ne l'avait pas soutenue et entraînée bien plus loin. Elle n'entendit pas la voix grave d'Obélias, pourtant il n'était pas entré depuis longtemps lorsque la Comtesse, restée pourtant totalement calme jusque là, hurla à pleins poumons comme si on lui retournait les entrailles. Sortant soudain de son étrange transe, Cécilie pris une inspiration désespérée et voulu se courber en avant, ses bras se refermant sur elle dans un mouvement aussi instinctif que rassurant.
On l'étreignait. Il lui fallut quelques respirations de plus pour retrouver véritablement les limites de son corps. Après quelques instants, Ernest la confia à quelqu'un d'autre. Un homme d'arme. Sûrement Edgard. Oui. Cela devait être lui. Elle se laissa faire sans discuter. La chaleur refluant peu à peu. Mais lorsqu'on la traîna a l'extérieur, elle tira quelque peu sur le bras qui l'enjoignait à sortir, une main sur le front.
« Cet homme était armé par un certain Bernard de Soisange. » Elle s'arrêta, se retournant à demi alors qu'elle sentait un certain malaise alentour. « Un homme grand. Brun. Avec de nombreuses bagues aux doigts. Et un sourire a glacé le sang. Je... Il a... Il avait deux fils. Jaques et Corentin. Des adolescents. Ils vivent dans les ruines du quartier des pestiférés. Une cabane avec une bâche et une porte verte récupéré dans une écurie. Ils savent. C'est pour eux que... qu'il... » Elle fit un geste vague, sa main enserrant plus fermement son front alors qu'elle réprimait un rictus douloureux. Edgard tenta une nouvelle fois de l'attirée à l’extérieur en lui parlant à voix basse. « Prenez soin de vous, Ernest. » murmura-t-elle seulement avant de suivre à la lettre ce qu'on lui demandait de faire, c'est à dire remonter à cheval et s'éloigner au plus vite de cet endroit maudit.
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