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 [Solo]Puis l'aube vint

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Tibéria de Soltariel
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MessageSujet: [Solo]Puis l'aube vint   [Solo]Puis l'aube vint I_icon_minitimeVen 13 Oct 2017 - 10:26


Premier jour, deuxième ennéade de Favrius, 10ème année du 11ème cycle


Diantra la belle, Diantra la puissante… Diantra la brisée. Murs écorchés et poutres calcinées dressaient leurs silhouettes tordues et silencieuses dans les rues de cette ville qui n’était plus que l’ombre d’elle-même. Pourtant, la vie ne l’avait pas totalement désertée. Si les belles demeures des puissants étaient plus la plupart vides, une partie de la population y résidait toujours. Faim, misère et désespoir étaient le quotidien de ceux qui hantaient ces rues. Ici, un enfant au visage émacié et au regard vide fouillant les ruines à la recherche de quoi survivre. Sa mère rendue veuve par la guerre était forcée de vendre son corps aux quelques rapaces cherchant à tirer profit de cette misère. Certains diront que c’était une cause perdue, mais d’autres s’accrochaient à l’espoir de voir Diantra à nouveau rayonner. Parmi eux, un vieil homme au dos courbé par les années faisait jours après jour une tournée autour des remparts. Beau temps, mauvais temps, il effectuait toujours la même ronde, empruntant les passages étroits et les escaliers à demi écroulés. Personne ne prêtait attention à lui ou plutôt, on s’était habitué à ce vieil homme à la barbe broussailleuse jaunie par la crasse. Il se fondait au reste de la population. Même quand les armées de Missedes sont venues et ont pris les morceaux calcinés de la grande porte du palais, on l’ignora. Ils n’étaient pas là pour aider la population, mais l’homme comprenait ce qui se passait. Sans résistance, Diantra venait de changer de main. Ils étaient là pour le roi, mais quel monarque reviendrait s’installer dans un pareil tas de ruines? Aucun. Les quelques âmes bienveillantes de la cathédrale n’avaient rien pu faire contre le désespoir de la population. La foi n’apportait pas toujours le réconfort espéré et elle ne remplissait pas non plus un ventre vide.

Une autre journée qui commençait. L’homme grignota un peu de pain rance. La veille, il avait eu de la chance en attrapant un rat, mais aujourd’hui, il n’avait rien de plus qu’un vieux quignon. En mettant le nez à l’extérieur, il remarqua rapidement un changement dans l’ambiance de la ville. Une nouvelle rumeur courrait dans les rues. Entre panique et espoir, on annonça avoir aperçu une colonne d’hommes remonter la route en direction de la ville. Le vieillard clopina vers l’un des points les plus élevés de la ville d’où il vit la silhouette sombre et mouvante d’une armée en marche. Non, pas une armée… Ils étaient trop peu pour être une armée. Ce n’était peut-être que des renforts pour les hommes occupant déjà la ville ou une petite troupe venue prendre symboliquement la ville sans imaginer devoir se battre. S’il pouvait au moins voir quel pavillon flottait aux lances dressées. Il fallut près d’une demi-heure avant que les hommes soient assez près et ce qu’il vit le consterna : le soleil de Soltariel et les armoiries du roi. S’ils progressaient aussi lentement, c’est qu’ils étaient ralentis par une dizaine de charrettes lourdement chargées. Aux soldats s’ajoutait un groupe d’hommes ordinaires tous emmitouflés sous des couches de vêtements. Plusieurs affichaient un air consterné, mais d’autres pointaient du doigt ici et là en discutant avec animation.

Pendant un instant, il crut mourir tant la joie fut intense pour son pauvre cœur. Le nord les avait abandonnés, mais le sud et surtout le roi venaient pour eux! Il quitta son point d’observation et retourna chez lui aussi vite que ses vieilles jambes pouvaient le porter. Près de son lit, il tira une planche pourrie du plancher. De dessous, il sortit un vieil uniforme de la garde de Diantra qu’il gardait soigneusement rangé depuis tout ce temps. La cote de maille était trop lourde pour lui, mais il pouvait encore mettre la vieille tunique qui portait les traces de durs combats qu’il avait menés. Par-dessus ses loques, il l’enfila, retrouvant ainsi un peu de sa dignité. Il ceignit ensuite à sa taille un ceinturon de cuir et une petite dague.

Lorsque Marcus passa la muraille de la ville, il n’en crut pas ses yeux. Il ne s’attendait pas à trouver les lieux dans un tel état de désolation. Il posa le pied à terre, rapidement imité par le reste de ses compagnons. Ils furent rapidement encerclés par des habitants de la cité et ça le rendait nerveux. Ces gens mourraient de faim et seulement quelques hommes armés les séparaient de charrettes remplies de nourritures. Un brusque mouvement de foule était bien la dernière chose qu’il voulait.

— Commençons-nous à distribuer les vivres maintenant?

— Oui, ça ne sert à rien d’attendre.

Un peu plus loin, un maître charpentier déclara.

— Il faut de nouvelles portes.

— Il faut une nouvelle muraille, rétorqua un maçon qui fit tomber sans effort une grosse pierre au sol. Tout ça ne tient que par la volonté divine. Nous ne sommes pas là pour faire de miracle!

— Vous êtes ici pour empêcher ce qui tient encore debout de tomber en morceau.

Marcus n’était pas d’humeur à argumenter. La route pour se rendre à Diantra fut assez longue et pénible comme ça. Il eut droit à un débat sans fin où maçons et charpentiers tentaient de déterminer quel était le meilleur matériau entre la pierre et le bois. Évidemment, chaque camp tenait mordicus à sa position. La pierre est solide et faite pour durer dans le temps tandis que le bois est léger et plus facile à travailler... Une ou deux fois, il faillit y prendre part, déclarant personnellement qu’il préférait le fer et qu’il était tout disposer à enfoncer son épée dans le ventre de l’un d’entre eux pour le prouver. Heureusement, il sut se maitriser.

En se détournant des ouvriers, il vit un vieil homme traverser la foule de visages émaciés. C’est surtout son uniforme qui attira son attention. Personne d’autre n’affichait les couleurs de Diantra et bientôt, tous les regards furent tournés vers lui. Le vieil homme en avait conscience et il n’avait plus l’habitude d’être ainsi le centre de l’attention. Marcus s’avança vers lui. Avec son nez busqué et son uniforme coloré, il avait l’air d’un oiseau exotique.

— Qui êtes-vous?

L’homme vacilla légèrement sur ses pieds. Il ouvrit la bouche, mais hésita. Allait-on le prendre au sérieux? Il y avait si longtemps qu’il n’avait pas utilisé son rang. Personne ne devait se souvenir de lui. Finalement, d’une voix rocailleuse, il se présenta.

— Je suis Hendrike Aldaron, ancien capitaine d’armée à Diantra. Est-ce que je peux me rendre utile?

La note d’espoir dans la voix du vieillard n’échappa pas à Marcus. Qu’il dise vrai ou non, il était touché par cet homme et n’avait pas le cœur à refuser son offre.

— Très bien, nous acceptons toute aide qui nous est offerte. Vous veillerez à maintenir l’ordre pendant que nous distribuerons les vivres. Il y aura également une portion pour vous.

— Je vous en remercie infiniment... heu?

— Capitaine Macus Bonasoli de Soltariel

Hendrike sourit, un peu complice.

— Capitaine


Le vieil homme se redressa et pendant un instant, le fantôme de l’homme qu’il a été apparut aux yeux de Marcus. Il s’empressa ensuite d’informer la population présente de la suite des événements et de les placer en rang afin que tout le monde puisse avoir sa part équitablement. Le sentiment d’être à nouveau utile compensait largement les douleurs de la vieillesse. Le second de Bonasoli s’approcha de son capitaine, nettement moins ému que pouvait l’être Marcus.

— Vous croyez qu’il dit la vérité? Après tout, on dit que les troupes ont été massacrées pendant le soulèvement.

— Bien que je ne peux pas en être certain, cet homme me paraît trop vieux pour avoir été en service actif quand c’est arrivé. Peu importe qui il est vraiment, il a droit à un peu de dignité au crépuscule de sa vie.

Les chariots de Soltariel contenaient des vivres et des biens de première nécessité comme des couvertures et des plantes médicinales qui manquaient cruellement à la population. Au grand bonheur de tous, trois chariots étaient remplis de semences et d’outils agricoles de la plus grande qualité. Blé, courges et légumes racines, tout ce qu’il fallait pour permettre aux gens d’ensemencer quelques champs et potagers quand le temps le permettra et espérer avoir une récolte à l’automne. Les provisions rempliraient les estomacs dans l’immédiat, mais Tibéria leur offrait l’opportunité de reprendre une vie normale et de subvenir à long terme à leur besoin.

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MessageSujet: Re: [Solo]Puis l'aube vint   [Solo]Puis l'aube vint I_icon_minitimeVen 13 Oct 2017 - 18:57


Journal du capitaine Marcus Bonasoli

Diantra, bilan du premier jour

Misère, dans quoi me suis-je embarqué? Diantra, pour l’avoir visité il y a quelques années, n’est plus que l’ombre de la citée de mes souvenirs. Le voyage fut long, trop long. L’hiver a abimé les routes et la fonte des neiges plus au nord a fait sortir les rivières de leur lit et creuser d’énormes ornières. Heureusement, nous n’avons fait aucune rencontre indésirable en chemin, la route ayant été sécurisée préalablement.

À notre arrivé, nous nous sommes empressés de distribuer aux habitants des vivres qui ont été accueilli avec un grand soulagement. Le reste a été entreposé dans un endroit sécurisé et gardé en permanence. Il faudra tenir le plus longtemps possible en espérant qu’une aide supplémentaire arrive rapidement. En attendant, il a été décidé qu’un groupe d’hommes partirait à la chasse dans l’espoir de rapporter du gibier. Un peu de viande ne fera pas de mal à ses malheureux. Certains ont proposé d’abattre des chevaux, ce que j’ai vivement refusé. Ces bêtes serviront aux labours des champs et à transporter les ressources. Les charpentiers ont besoin de bois. Ils veulent aller en couper. Quelques habitants se sont proposés pour les aider. Les maçons ont commencé à faire du ménage. Ils rassemblent la pierre qui pourra être réutilisée. Nous avons également accroché à chacune des portes du rempart les armoiries du roi selon les ordres de la duchesse. Ainsi, peu importe d’où les gens arriveront, ils verront que la ville est à nouveau sous le contrôle de la couronne. Ce n’est qu’un tas de ruines, mais un tas de ruines qui appartient au roi.

C’est si mal en point que le seul endroit convenable qu’ils ont trouvé pour nous loger est une vieille écurie que nous partageons avec nos chevaux. Le toit est solide et ça ne sent pas le moisie, mais nous sommes loin des baraquements de Soltariel. Mon second ne semble pas s’en plaindre. Il dort du sommeil du juste et je l’entends ronfler de l’endroit où je suis. On m’a trouvé une table et une chaise. Pour mon temps à Diantra, l’ancien logis des palefreniers me servira de bureau.

Un des habitants a attiré mon attention. Il s’est présenté à nous avec une vieille tunique de soldat et en disant être un ancien capitaine de l’armée à Diantra. Il nous proposait son aide, un vieil homme usé par des années de misère, mais qui voulait se rendre utile. Il n’avait même pas de bottes à ses pieds, que de vieux chiffons attachés avec des cordes. En prenant notre repas, j’ai pu parler avec lui. Il m’a raconté son histoire et comment la tragédie avait frappé sa famille. Un peu plus d’une dizaine d’année au paravent, sa nièce disparue sans laisser de traces. Il l’a cherché avec le père de la jeune fille, mais elle resta introuvable. Son frère en tomba malade et mourut sans savoir ce qui était arrivé à sa fille. Encore aujourd’hui, Hendrike se demande si elle est encore en vie. Je lui souhaite d’avoir un jour sa réponse.
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MessageSujet: Re: [Solo]Puis l'aube vint   [Solo]Puis l'aube vint I_icon_minitimeVen 27 Oct 2017 - 0:24


Journal du capitaine Marcus Bonasoli

Diantra, 4ème jour

Le beau temps semble avoir de la difficulté à s’installer sur Diantra. Depuis notre arrivée, nous sommes régulièrement aux prises avec des averses printanières avec comme résultat que la moitié de mes hommes ont maintenant la goutte au nez. J’essaie de leur faire prendre un maximum de repos. Je n’ai pas envie de voir ces coups de froid se transformer en affliction plus grave. Moi-même je ne peux pas écrire une phrase sans éternuer. Misère…

Malgré les difficultés imposées par les caprices de la nature, nous avons été en mesure d’avancer dans les travaux. Les parties de la ville les plus endommagées ont été déblayées et on peut facilement y accéder. Nos ouvriers effectuent des travaux d’entretien et de réparation sur les bâtisses encore debout en privilégiant les habitations. Une forge a été remise en marche et un moulin est également opérationnel. Dès que le temps chaud sera un peu plus soutenu, des champs seront ensemencés. La vie semble vouloir reprendre ses droits. La partie de chasse du premier jour a été fructueuse. J’ai vu nos hommes revenir avec deux cerfs et un sanglier, tous d’une maigreur peu invitante. L’hiver a été difficile pour tout le monde. Le cuir a été récupéré et les carcasses débitées. La viande fumée a été ensuite distribuée aux plus faibles.

Une question qui revient souvent est quand les autres arriveront? Je ne sais pas quoi leur répondre hormis d’être patient. J’attends moi-même l’arrivée d’un gouverneur envoyé par la couronne sans savoir s’il arrivera vraiment. Une femme m’a même supplié de prendre avec moi ses enfants lorsque je retournerai à Soltariel. Elle est convaincue qu’ils auront une meilleure vie dans un orphelinat là-bas qu’en restant à Diantra… Que dire à ça?

Plus tôt dans la journée, l’un des apprentis charpentiers a réussi à se donner un coup de hache dans la jambe. C’est son père qui l’a ramené, le gamin pissait le sang. On a réussi à arrêter l’hémorragie. S’il ne développe pas de fièvre, il va s’en sortir. En attendant, son père le veille et je pense moi-même à mes propres enfants…
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