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 [L'Hydre, l'Épée et le Dragon] Abysses et empyrée

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Altiom d'Ydril
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MessageSujet: [L'Hydre, l'Épée et le Dragon] Abysses et empyrée   [L'Hydre, l'Épée et le Dragon] Abysses et empyrée I_icon_minitimeMer 6 Déc 2017 - 22:58

Elenwënas de la quatrième ennéade du mois de Favriüs vernal de la dixième année du onzième cycle.
Depuis l’œil du plus haut des géants, l'archonte guettait le premier éclat de ce jour nouveau. Pour Lypenzio, pour toute sa terre. Une langue de feu s'en venait dévorer l'horizon déjà, noyer les cieux de sang bientôt, éclabousser les plaines vierges, teinter les eaux paisibles de l'Avine. Quelque chose dans cette vision le troublait.
- Messer ! Voilà qu'on se mettait à martyriser l'huis de la chambrette tout par un coup !
- Allons bon faut-il qu'on assiège ma turne comme la porte d'un castel maint'nant ? Bah ram'nez un bélier tant qu'z'y êtes la prochaine fois ! cancorna-t-on en retour, tout grognon de s'être vu ainsi coupé en plein milieu de ses songeries (qui s'annonçaient complètement drama).
- Une missive relayée depuis Marcalm, venue d'Ydril même ! déclamait l'estafette, manifestement pas peu fière de son paquet, sa face toute illuminée paraissant dans l'ouverture. Après un sourire, Altiom eut un soupir. Et un merci. Il tendit la patte qu'on lui tende le rouleau, et s'enferma dans ses quartiers. Cette casatorre, servant tant de logis seigneurial que de tour de surveillance ou de petite place forte, lui laissait au moins le répit de la solitude, l'élevant loin au dessus du chambard d'en-deçà, où l'on faisait bombance et s'esbaudissait bien grassement suite à la victoire. Ici quelques rares beuglées venaient encore mourir en échos sous ses baies, mais cela était doux. Des murmures d'allégresse, assez proches pour le toucher, assez lointains pour l’épargner.
Le suderon se reposta à sa tablée, sous sa fenêtre géminée, une chandelle de suif ardant vaillamment à ses côtés. Les rapports de l'Œil, les inventaires d'entrepôts du bourg, l'état des greniers, une estimation des pertes, tout cela il l'écarta d'une paluche fébrile. Déplia le petit parchemin, un instant incertain, d'abord, et puis l'étira pleinement sous ses yeux.
Et s'affaissa sous sa lecture. Qu'elle était froide, cette lettre, qu'elle était dure. Qu'elle était cruelle. Pourtant elle était amie, ses mots tracés d'une main chérie qu'il ne saurait meurtrir jamais. Ainsi il ne sentit nulle colère, nul ressentiment poindre et enflammer son poitrail. Qu'importe la défiance et la sévérité de ses dires, elle restait une part de son sang, une part de lui. Il fut peiné, certes, mais ce fut tout, car l'aimant trop pour lui nuire, il s'entêterait, qu'importe si cela devait sceller sa fin.


Aléandra, mon sang,

Il n'est point de fratricide puisque je ne saurais jamais te léser ; comprends-moi bien, tu es de ce même sang qui coule en mes veines, un vieux sang, un vieux feu, qui nous porte et nous force à la grandeur, qu'importe notre volonté propre. Tu es le Dragon comme je suis l'Hydre, ces chimères sont cousines comme nous le sommes, et rien ne saurait les dresser l'une contre l'autre. Car l'Ydril est une. Jamais je ne lèverai le fer devant toi. Et si mes mots te semblent vides, alors vois mes actes. Et oublie le fiel de mes détracteurs : qu'ai-je jamais fait de mon temps sur cette terre ? Ai-je jamais cherché la gloire et le pouvoir qu'enfièvrent tous ces grands seigneurs de Péninsule ? N'ai-je choisi de rester archonte, simple régent, après la chute de Diogène, et ce jusqu'à ce que ton frère et toi soient en âge de reprendre notre terre ? Pourtant, ne suis-je pas un Zadar, héritier de cette lignée fondatrice que nul ne devrait contester ? Et bien voici ta réponse : un seul l'osa. Moi-même. Car plus que mon dû, plus que tout mon pays, c'est votre salut, à Alastein et toi, qui toujours prima en mon cœur. Quoi qu'en disent tous ces fils de puterelles abastardis, jamais alors je n'avais renié votre droit à régner sur ce comté. Seulement celui de la reine-régente à nous dicter notre conduite, seulement celui des Soltarii à nous imposer leur tutelle, seulement celui des Scylléens à nous amputer de nos fiefs, seulement celui des princes-marchands langecins à nous spolier de nos richesses. Seulement celui des autres à décider pour nous. C'est cela que je défends Aléandra, n'en doute plus. Ydril est notre mère, notre père, notre terre, elle est tout et nous lui devons tout, envers et contre tous.
Les revendications ne sont rien, les droits sont caduques, lorsque les usurpateurs abusent des rangs, des titres et des privilèges qui ne leur reviennent. Elles n'auraient suffi, hélas. En ce royaume, en ces temps, plus rien ne sait se faire aussi éloquent que les armes, et cela il m'a fallu bien des années pour le comprendre. Pour l'accepter. Mais cette vérité désormais je l'ai embrassée. N'aie crainte cependant, ces armes, cette verve d'acier, comme je te l'ai assuré, ne les dirigerai qu'encontre nos adversaires. Qu'importe leur nombre, qu'importe leur force. Et l'Ithri'Vaan, s'il te paraît lointain, n'est pas de ceux-là. Le Roy Glenn Ier est un homme d'honneur. Et au-delà, un homme de bien, même. Je ne puis encore tout te révéler, mais sache que bien plus que l'or nous lie, lui et moi. Il n'est pas qu'un mercenaire, pas qu'un compagnon, pas qu'un ami. Il est un frère. De moi, et d'Ydril. Et de toi, si tu l'acceptes un jour.
Les mots ont péri Aléandra, il me faut maintenant laisser parler les actes.

Altiom, ton sang.

HRP:


Dernière édition par Altiom d'Ydril le Mer 3 Jan 2018 - 3:54, édité 1 fois (Raison : EAURTEAUGRAF)
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Aléandra di Systolie
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MessageSujet: Re: [L'Hydre, l'Épée et le Dragon] Abysses et empyrée   [L'Hydre, l'Épée et le Dragon] Abysses et empyrée I_icon_minitimeLun 1 Jan 2018 - 18:21

-Il a pris Lypenzio.
-Je sais..

La réponse fût sèche. Depuis ces derniers jours, Aléandra s’était enfermée dans une humeur morose, froide et distante. Sans doute pour ne pas craquer. A peine avait-il débarqué à Marcalm qu’Altiom avait pris Lypenzio, et que son fidèle acolyte marchait vers Valmero. Que faire ?
Et tandis qu’elle relisait encore et encore la nouvelle lettre d’Altiom, elle se creusait la tête pour se décider. Mais la réponse ne se trouvait-elle pas dans la lettre ? Agir.

-Il y est encore votre Grandeur.

Cette fois-ci elle daigna lever les yeux de son épître et regarda Scipion Barutoliussi qui attendait d’elle une once de réaction. Agir. « Il me faut maintenant laisser les actes parler. » Si son cousin voulait des actes, il en aurait.

-Vou suggérez que nous allions l’y arrêter ? demanda-t-elle dans un ton on ne plus sérieux. Agir. Ce mot ne quittait plus son esprit. Elle avait peur de se lancer dans une guerre, seule, car au milieu de cette foule de nobles et de généraux en herbe, qui était réellement proche d’elle ? Et d’un autre côté, l’excitation la prenait dans son étau, enfin ressemblerait-elle à un héros de ces histoires qu’elle aimait lire.

-Oui, votre Grandeur. S’il est véritablement la cause de tout ceci, alors autant l’avoir du premier coup.

La lettre tomba de ses mains. Bien qu’elle avait le dernier mot, elle savait au fond qu’elle ne pouvait plus reculer. Elle se tourna vers son autre conseiller militaire comme pour se confirmer à elle-même ce qu’elle connaissait déjà :

-Et vous, qu’en pensez-vous?

-Nos navires sont prêts votre Grandeur. répondit fièrement Augusto di Fannozia, qui s’était bien arrangé pour que les choses en soient ainsi. La mer, ils avaient ça dans le sang ces Fannozia. Gouvernant l’île du même nom, ils avaient fourni au comté de nombreux marins et capitaines respectables. En choisissant le fils d’Ernesto di Fannozia, on pourrait presque croire que toutes les générations de cette glorieuse famille offriraient leur amiral, car de son père, il restait encore aujourd’hui le surnom de Flot-Vogueur.

-Bien, ainsi soit-il. Nous marcherons sur Lypenzio, nous négocierons. Si mon cher cousin refuse notre généreuse offre de parlementer, nous l’écraserons dans cette ville.
Une pointe de colère s’était glissé dans sa voix, néanmoins, la simple pensée de tuer le dernier membre ydrilote de sa famille l’offusquait. Mais elle ne pouvait le dire. Et il fallait désormais écrire.


Altiom, mon sang
7ème jour de la 4ème énnéade de Favrius

Que voulez-vous réellement ? Vous envahissez et détruisez un pays que vous dites chérir, un pays qui fut autrefois encore votre patrie, votre héritage. Alors je vous le redemande : que voulez-vous ? Qu’attendez-vous de tout cela ? La vengeance seulement ? Ou le titre que vous avez refusé lors de vos heures d’archonte ? Je regarde vos actes, je ne sais qu’en penser. Vous me dites qu’il faut désormais agir plutôt que de parler, mai d’après ce que je vois, rien ne colle à vos paroles. Depuis mon accession sur le trône je tente malgré tout de maintenir paix et prospérité à mon peuple, voilà que vos navires viennent tout faire chavirer. Pourquoi ne m’avez-vous donc jamais parlé auparavant ? Une lettre aurait suffi. Un mot. Je vous croyais mort, comme tous ceux qui nous précèdent, comme tous ceux qui nous furent proches. Mais vous persistez, bon cousin, à continuer l’hécatombe. Cette «vendetta » sans fin nous mènera à la perte de ce qui fait Ydril : ses nobles maisons et son noble peuple. Par Néera je vous en conjure, revenez à la raison, abandonner cette guerre insensée. Ou par Néera je vous mettrai hors d’état de nuit vous et tous les vôtres.

Votre bien-aimée cousine, Aléandra di Systolie, Comtesse d’Ydril et Dame de Peyredrac.
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Altiom d'Ydril
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MessageSujet: Re: [L'Hydre, l'Épée et le Dragon] Abysses et empyrée   [L'Hydre, l'Épée et le Dragon] Abysses et empyrée I_icon_minitimeLun 1 Jan 2018 - 18:50

Arcamenel de la quatrième ennéade du mois de Favriüs vernal de la dixième année du onzième cycle.
Sous ses caresses elle tremblait, sous les siennes il restait insensible, comme un corps mort dans sa gangue. Jambes enlacées, bras enserrés, ils pouvaient encore s'oublier l'un à l'autre, mais ses membres lassés, son cœur harassé bientôt lui faisaient délaisser l'amante assouvie. Affamé de tendresse, lui ne savait plus que donner sans recevoir, sa chair sans vie lui dictant la caresse d'un souffle, la douceur d'un sein, la fournaise d'entrailles de femme, sans qu'il ne les ressente plus.
Accordant dans un râle éreinté le dernier élan à s'amie, il s'extirpait déjà des linceuls poisseux, fuyant presque dans la pénombre lunaire. Il était des instants comme celui-ci, au creux des nuits noires, où la mélancolie le gagnait, où sa guerre ne suffisait plus à lui obnubiler l'esprit, où se réveillaient toutes les peines enfouies, et se révélait à ses yeux toute l'ampleur de la ruine qu'il avait apportée au monde. Sa pénitence il ne la portait pas dans ses chairs, pas dans ce supplice divin que rendait plus brutal encore son refus d'y céder, non. Sa malédiction n'était rien devant la véritable horreur, celle qui s'en venait avec la solitude et l'inaction, le sommeil et les cauchemars, celle de sa faute. Car pour la vie d'un roy, pour laver l'affront, légions d'autres furent prises. Disparues dans les eaux gelées, perdues dans les blizzards nordiques, dévorées par le plus désastreux hiver de mémoire d'homme. Et tout cela était de son fait.
Prostré contre un mur, il avait erré au hasard des rais de lunes et lueurs de chandelles dans la chambrée, incapable de se calmer, de comprendre même ce qu'il faisait, ce qu'il cherchait ça et là. Une pulsion, un besoin de réparer, préserver ce qu'il n'avait pas encore détruit le prit soudain, sous le poids des milliers, des innombrables qu'il avait condamnés. Il faisait la guerre pour la paix, tuait pour sauver, conquérait pour libérer, rien de tout cela n'avait plus le moindre sens, il aurait défait son œuvre dans l'instant, mais l'on arrêtait pas un pareil déferlement d'hommes et de rage. S'attablant précipitamment, senestre crispée sur sa tempe, il rassembla de quoi répondre à la dernière épître de sa cousine. Il lui fallait trouver un sens, trouver des mots, trouver du vrai dans toute cette folie, avant qu'elle ne finisse par le gagner lui aussi.


Aléandra, mon sang,

Je n'ai fait que fuir, en tout temps, mon lignage, mon titre, mes responsabilités, mon pays. Je n'ai fait que refuser l'évidence, refuser de voir l'ennemi en les miens pour m'en aller ferrailler dans les confins en acontre de l'Eldan et tous ces fléaux d'un autre monde, que refuser de comprendre que le fer tranche plus sûrement que le verbe. Si tu m'as cru mort, sache que tu ne t'es pas trompée, et que j'ai depuis vu et défié, gagné et perdu, compris et oublié plus qu'un simple homme ne le devrait. Sache que je ne veux ni n'attends plus rien Aléandra. Sache que je ne suis plus un être qui rêve et espère, mais une force qui fait et change.
Cette paix d'Ydril que tu me dis tout faire pour maintenir, je ne l'ai point vue. Seulement son illusion, aujourd'hui comme depuis la mort de mon frère, et si j'ai moi aussi voulu la préserver jadis, je sais maintenant qu'il me faut la faire voler en éclat. À mon arrivée Marcalm n'attendait déjà plus que la guerre, et il en va ainsi de Valmer, et des royalistes, et de toi-même. Un mot n'aurait suffi, ni pour moi ni pour eux, et tu le sais. Il te faut l'accepter comme comme je l'ai accepté : notre terre est une charogne en lambeaux que se déchirent une meute de dogues avides, une terre où les hommes se comportent en bêtes. Et ces "nobles maisons", si elles persistent à vouloir mordre la main de leurs maîtres, seront traitées comme telles. Car on ne raisonne pas avec une bête indocile, on la punit, ou on l'abat. N'aie crainte, ce conflit n'amènera pas la ruine de l'Ydril, il annonce sa grandeur.

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