[Autel] Un tournant pour une nouvelle vie

[->Quand le hasrad s'en mêle]

Où vas-tu ainsi petite souris? Pourquoi te faufiles-tu à travers la foule, laissant cette horrible capuche masquer ton joli minois? Tu cours, tu trottines, tu esquives. Tu te fais discrète et tu évites ainsi les regards concupiscents des hommes sur ta petite silhouette. Tu connais Diantra, tu y es née, tu y as vécu toute ta courte vie... Vie qui aurait du continuer de se dérouler dans la monotonie. Que voulais-tu faire de ta vie? Tu n'en savais rien, mais ne t'en inquiétais pas...

Mais il suffit que tu retrouves ton frère perdu pour songer à de nouveaux horizons, à de nouvelles possibilités. Entends-tu les râles d'agonie? Entends-tu les pleurs des familles? Vois-tu les charettes tirant les cadavres et leurs sinistres oiseaux au bec crochu encagoulés? Oh oui, tu les connais et tu les crains. Diantra, ville des hommes est devenu Diantra ville de la Faucheuse. Les hommes se meurent, frappés par la Peste qui les ravage.

Et toi, petite souris de 16 printemps, tu ne veux pas mourir ainsi, n'est-ce pas? Triss est parti, il t'a laissée derrière lui. Le réveil a été difficile, mais tu as compris : tu seras son ombre, tu le retrouveras. Tu quitteras Diantra et son cortège de corbillards...
Roxane arriva devant la cathédrale et s'engouffra dans les ténèbres de l'édifice. Elle avança à vives enjambées et s'agenouilla devant la statue de Deina, humble et pieuse. Son frère ne croyait en rien, sauf à son pouvoir. Qu'il en soit ainsi. La jeune fille repoussa son capuchon, libérant ses longs cheveux bruns et murmura :

- "Deina, je t'implore de poser ton regard bienveillant sur une fille de Diantra..."

Fille qui va partir, qui va s'opposer à ses parents pour se faire. Le monde est dangereux dehors, la mort est présente à chaque tournant. mais son univers a basculé et la mort l'attend aussi ici... Plus effroyable.

Egoïstement, la jeune fille priait Deina de veiller sur elle, de la prendre en pitié... Soudainement consciente de cette infâmie, elle joignit les mains et murmura :

- "Protège Diantra, accorde ta bienveillance aux survivants et apporte ton réconforts aux mourants... Guide-nous vers l'espoir de temps meilleurs..."

La jeune fille trouvait un peu facle de s'en prendre aux dieux quand rien n'allait plus. Certains se demandaient pourquoi Deina ne sauvait pas sa ville, pourquoi elle laissait la peste la ravager... Mais les Dieux n'intervenaient que rarement dans les histoires humaines. C'étaient aux hommes de se débrouiller pour survivre...

Plongée dans ses réflexions, elle n'entendit pas les bruits de pas derrière elle. A vrai dire, même si elle n'avait pas été concentrée, elle ne les aurait sans doute pas entendu. Cet homme-là devait savoir se montrer plus discret qu'un souris. Aussi eut-elle un violent sursaut et se releva-t-elle prestement en manquant de tomber quand elle entendit crier derrière elle.

Elle posa une main sur son coeur affolé, répondant un peu vivement :

- "Ca va pas de hurler comme ça derrière les gens? J'ai faillit faire une crise cardiaque!!!"

Non, mais c'est vrai quoi! C'était quoi cet huluberlu qui s'amusait à s'approcher en catimini derrière les jeunes filles en prière pour les effrayer en criant? Avec un temps de retard, elle nota que les paroles proférées devaient sûrement être un prénom. Allons donc, cet homme était-il venu pour trouver quelqu'un? Pour prier pour elle? Morte? Mourante? Malade?

Le regard noir de la jeune fille observa l'inconnu, d'un air appréciateur. Roxane n'avait pas les yeux dans sa poche et savait reconnaître un bel homme quand elle en voyait un, même s'il était plus vieux qu'elle. Il était beau, avec des traits nobles et une sorte de charisme qui n'était pas sans lui rappeler celui de son frère. Ils se ressemblaient d'une certaine manière, ils avaient cette aura de meneur...

- "Pardon de m'être emportée, mais vous m'avez fait peur..."

prise de remords pour son accès de colère_légitime soit dit en passant_elle se balaçait d'un pied sur l'autre, ne sachant si elle devait le laisser seul, ou continuer ses prières en l'ignorant. A moins qu'ils ne discutent de leurs malheurs et de leurs doutes, mais elle doutait qu'un homme comme ça s'intéresse à une fille comme elle... Son frère ne l'avait-il pas abandonné rapidement? Roxane n'en avait rien montré, mais cet abandon lui faisait mal, terriblement mal...

La jeune fille setit sa colère se dégonfler aussi vite qu'un ballon de baudruche que l'on perce d'une aiguille acérée. Elle resta interdite devant l'air malheureux de l'homme et ouvrit la bouche sans proférer un son alors qu'il balbutiait et enfouissait son visage dans ses mains. Bravo Roxane! Comment se sentir mal en quelques paroles trop vives en une leçon, par Miss Amras.

Elle se doutait bien que ce n'était pas sa petite guelante qui avait produit cet effet, elle n'était guère impressionnante, mais peut-être était-ce le déclic pour permettre à l'homme d'exorciser sa peine? Il s'agenouilla près d'elle et elle se retrouva à le surplomber, debout et ne sachant quoi faire. C'était troublant de voir un homme fait qui se laissait aller à une telle vulnérabilité avec une jeune inconnue dans les parages. En général, les hommes se voulaient forts et méprisaient la faiblesse, surtout en présence des jeunes filles. Une fierté mâle quelconque.

Il se décida à la regarder finalement, pour s'excuser à son tour, loin du parlé vulgaire de la rue. Cet homme là avait de l'éducaton, ça se sentait, cela transpirait par chaque pore de sa peau. En revanche, le regard qu'il posa sur elle n'était pas celui d'un gentilhomme et la jeune fille se raidit, croisant les ras sur sa poitrine et lançant un regard noir à l'homme. Elle n'aimait pas ce genre de regard, il lui rappelait trop la concupiscence du garde qui avait ravit son innocence.

- "Vous voulez que je vous aide? En retirant ma capeline peut-être? Vous verrez mieux..."

Elle oscillait entre la compassion et la colère. Il l'avait ému un peu plus tôt, mais son regard sur ses formes avait le don de raviver son tempérament volcanique. Mais à nouveau, il doucha sa rage en lui demandant ce qu'il y avait. Roxane était démunie face à la gentillesse, on n'était pas élevé comme cela dans les rues. Son corps se détendit et elle regarda la représentation de la Sainte.

- "Trop de choses... Diantra se meurt, partout résonnent les cris de désespoir. L'odeur du malheur me suffoque. Je n'ai que 16 ans, je ne veux pas mourir ainsi."

Elle le regarda alors, avec au fond de ses yeux noirs, une maturité confondante dans ce visage juvénile.

- "Je prie pour les âmes de Diantra et je prie pour le salut de la mienne. Une autre vie m'attend, je le sais. Une personne a ressurgit dans ma vie et m'a fait entrevoir d'autres possibilités. Sauf qu'elle est partie en me laissant derrière comme un boulet inutile."

Il y avait une grande détermination dans son maintien, mais aussi la tristesse d'une petite fille abandonnée dans ses parole, mêlée à de la colère d'être rejetée. Puis, la demoiselle inversa les rôles, aussi soudainement qu'elle s'était confiée :

- "Et vous? Qu'est-ce qui fait ainsi pleurer votre coeur et saigner votre âme? Une personne chère serait-elle malade?"

Perspicace Roxane... Trop peut-être, mais elle ne savait être insensible à la douleur des autres.

[Très joli post de fin ]

Roxane sentit le sang quitter son visage alors que l'homme lui révélait que la personne dont il avait crié le nom était mourrante. Elle se mordilla la lèvre inférieure, terriblement mal à l'aise d'avoir ainsi gaffé. Quelle tête de linotte vraiment!

- "Je suis désolée."

Il n'y avait rien d'autre à dire. Elle sentait son coeur se serrer devant la détresse de l'homme. Roxane était douée d'empathie, elle absorbait les sentiments des autres comme une éponge. Son regard s'embua, mais elle ravala ses larmes alors qu'il effleurait sa joue. Un geste que Triss avait fait. Mais ce fut lui qui la consola dans sa tristesse puérile. Ce fut lui qui la conseilla... Lui qui lui donna définitivement les clés de son destin. Son regard noir s'affermit.

- "Vous devriez aller auprès d'elle. Sainte Deia vous entendra même si vous n'êtes pas en ses murs. Vous ne devriez pas perdre le temps qu'il vous reste à vous lamenter..."

Il lui demanda de partir, de vivre... de s'envoler. Et de penser à lui. Son visage se fendit d'un joli sourire alors qu'elle entourait le cou de l'homme de ses bras frêles pour l'embrasser sur la joue spontanément :

- "Je ne vous oublierais pas. Grâce à vous, je sais quelle voie je dois suivre. Vous étiez le signe que j'attendais."

Il s'écarta alors et s'éloigna, l'air mystérieux. Un murmure s'échappa des lèvres de la jeune fille alors que son coeur semblait se serrer sous le poids d'un funeste pressentiment :

- "Que Deina vous garde..."

Elle ne connaissait même pas son nom... Elle leva la tête vers le toit, ressentant une étrange impression, confuse. Mais elle haussa les épaules et quitta l'édifice, prête à prendre ses affaires sur les conseils de l'homme éprit de Daneva.