La Véritable famille avant tout | Correspondance Aléandra di Systolie - Terminé

Les ordres étaient simples : remettre cette missive en main propre à sa Grandeur Aléandra di Systolie, ce qui fut fait, trois jours après l'envoi de cette missive.

Au 1er jour de la 2ème ennéade
Bàrkios, mois de printemps
De l'an 10 du 11ème cycle

A sa Grandeur, Aléandra di Systolie.

Ma chère cousine

Je tiens avant tout chose à te confier à quel point je suis peiné d’avoir tant tardé à t’écrire ces mots.

Les récents évènements en Ydril ; ta colère contre les serviteurs de notre seigneur, sa Majesté du Roy ainsi que l’arrivée de celui que tu prétends ton cousin, de son armée, des ravages occasionnés en ton comté, m’ont troublés au plus haut point.

La culpabilité s’est alors éprise de mon âme car je me rends bien compte que je n’ai point été assez présente à tes cotés pour que tu finisses à en arriver à porter estime, soutien et même de l’affection à celui que tu appelles Altiom ton sang.

Je me souviens encore des certains mots de feu Maciste, mon frère, ton cousin, à ton égard. Il avait porté tant d’espoirs sur tes épaules, tant de volonté à te voir diriger ton pays fermement, mais avec droiture et raison. Si grande aurait été sa peine d’apprendre tes actes de traitrise envers la couronne que nous défendons tant depuis la chute de Diantra.

Peux-tu alors comprendre le choc que j’ai pu ressentir lorsque j’ai eu vent de tes récentes actions au point d’en abandonner le titre et la charge qui te revient de droit, un droit de sang, au profit d’un homme qui semble avoir terriblement corrompu ton esprit ? Un traitre forcé à l’exil depuis maintenant de nombreuses années... Comment arrives-tu seulement à lui apporter ta confiance lorsque l’on connait un tant soit peu son passif ?

Il m’arrive de me demander si tu n’es pas prisonnière, si cet homme ne te retient pas de force, t’obligeant même à faire bonne figure en publique… Oh ma chère cousine, je ne sais pas ce qui me retiens de venir t’arracher à lui, à ce vil personnage que tu élèves sur un piédestal.

Sache, ma tendre Aléandra, qu’il t’es possible de venir te réfugier en Sybrondil, auprès de ta seule et véritable famille.

Que Néera veille sur toi et qu’Othar me permette de venir te venger au plus preste.

Victoria di Maldi
Comtesse de Sybrondil
Vicomtesse d’Aphel

La lettre apportée ce matin n’annonçait rien de bon mais la Vicomtesse de Marcalm souriait abondement. Voilà la première fois qu’elle recevait une missive de sa cousine Victoria. Cependant elle n’avait rien de joyeuse ou de prometteur, seuls des regrets et des déceptions en ressortaient.

Au 5ème jour de la 2ème ennéade
Bàrkios, mois de printemps
De l'an 10 du 11ème cycle

A Sa Grandeur Victoria di Maldi, très chère cousine,

Voilà enfin venu le temps de notre première conversation, tout comme toi je suis peinée de ne pas t’avoir écrit auparavant. D’autant plus car la situation actuelle n’est pas prompte à la réjouissance.

Laisse-moi d’abord te dire à quel point je suis désolée de nos précédents différents concernant Aphel. L’ancien fief de ma mère Judith me tient à cœur cela va sans dire, mais j’imagine que tu entretiens le même sentiment envers cette magnifique cité.

L’heure est à l’avenir. Ma colère envers les « serviteurs » du Roy était justifiée. Ils ne servaient que leur intérêt en Son nom, tout en désunissant Ydril et en l’empêchant véritablement de servir son monarque.

Désormais nous avons repris le contrôle. Tu te trompes, cousine, à propos d’Altiom, et probablement à propos de moi. Toi et moi ne nous connaissons que trop mal et j’espère véritablement arranger cela. Viens nous rencontrer et tu verras qui nous sommes réellement. Pourrais-je espérer te retrouver en Ysari, là où la terre est neutre de tout conflit ?

Tu sembles soudain être si dévouée à notre duchesse, j’ai appris ce matin même qu’aucun bateau en provenance d’Ydril ne pouvait passer en eaux Sybrondes sans être abordé et fouillé. . Cela me peine. Je pensais que tu la haïssais et que tu comprenais toi aussi qu’elle était le véritable ennemi de la couronne.Vous vous apprêtez à faire la guerre alors que les négociations ne viennent à peine de commencer, ne vous plaignez pas de la réputation du Sud en agissant ainsi. Nous sommes prêts à faire la paix, mais une paix juste où Altiom est comte comme il se doit et Ydril unie, comme il se doit.

J’espère que tu es heureuse et que Néera veille sur toi, mon sang.

Aléandra di Systolie, Dame de Peyredrac.

4ème jour de la 3ème ennéade
Bàrkios, mois de printemps
De l'an 10 du 11ème cycle

A sa Grandeur, Victoria di Maldi.

Très chère cousine,

C’est avec joie que j’accepte ton invitation. J’ai si hâte de te rencontrer enfin. Il en sera fait comme tu le souhaites, je viendrai sans mon cher cousin et j’espère te convaincre de ma sincérité à propos de lui.

Je regrette l’époque où Maciste régnait sur le trône de Soltariel, là où nous étions unis et en sécurité, sous l’aile d’un parent bien-aimé. Cette époque est malheureusement loin mais ne laissons pas Soltariel nous désunir une fois de plus. Nous sommes une famille. Nous partageons un même sang.

Au premier jour de la 4ème énnéade à Arbès, je te retrouverai donc comme convenu. Je serai probablement accompagnée d’un garde ou deux, mais j’ai envers toi une profonde confiance, un sixième sens plus puissant que les autres me l’indique. J’espère ne pas avoir tort.

A très bientôt Victoria !

Que Dame Néera t’accompagne et te guide dans chaque pas de ta vie, longue soit-elle !

Aléandra di Systolie, Dame de Peyredrac

1er jour de la 4ème énnéade de Barkios de l’an 10 du 11ème Cycle

Un soleil de plomb surplombait le ciel, écrasant la jeune Systolie de sa chaleur. Trois cavaliers traversaient les bosquets avoisinants Arcani. Arbès ne se trouvait plus très loin d’eux et leur escapade en territoire Ysari prendrait bientôt un sens. Sauf si la cousine di Maldi ne répondait pas à sa propre invitation.

A mesure qu’ils se rapprochaient du village en question, Aléandra sentait sa poitrine qui palpitait plus fort à chaque mètre parcouru. La peur commençait à s’emparer d’elle. Tant mieux se disait-elle. Cette peur n’avait que trop tardé, à force d’agir et de continuer de l’avant, elle l’avait presque oubliée. Mais la peur est saine, c’est là même le début de la raison. Parfois, elle imaginait une Victoria di Maldi qui lui voudrait du mal, et qui ne ferait peu cas des bons sentiments et de la justice pour préférer la livrer à la duchesse. La Dame de Peyredrac se rassurait en se disant que deux des meilleurs gardes d’Ydril.

Le premier, qui prenait l’avant de leur cavale, se nommait Eris di Iduma. Dans la fleur de l’âge, le jeune chevalier descendant d’une noble famille réputée pour fournir d’excellents marins, il avait été entraîné par le célèbre maître d’armes Ydrilote, Hannibal Acherbas, que la comtesse n’avait à ce jour jamais rencontré. Son gardien était paré d’un jolie armure plaquée d’acier sous sa cape verte, et s’avançait dans les vals boisés d’Ysari avec témérité , mettant sa longue chevelure au défi du vent.

Le second, fermant la marche, s’appelait Cassius di Meltor, mais l’on surnommait le « Dragon Rouge », pour maintes raisons que peu voudraient connaître. Véritable dévoué à la famille Systolie, ce chevalier était plus âgé que le premier, et plus expérimenté. Si Eris avait reçu l’enseignement du Loup Noir, le Dragon lui l’avait côtoyé durant sa jeunesse, et fut entraîné en partie par l’ancien maître d’armes d’Ydril : Isan de Orisan, l’Aveugle de Peyredrac. Il portait une grande armure lourde et un casque de guerre, qu’il cachait mal sous sa cape.


Le village d’Arbès apparut devant eux. Aléandra arrêta son cheval pour observer les lieux et chercher un signe de sa cousine. Elle et ses deux gardes voyageaient sans blason afin de ne pas se faire repérer par un quelconque partisan de Soltariel, elle espérait néanmoins que la Sybronde la reconnaîtrait.

-Allons-y ordonna-t-elle d’une voix douce à ses compagnons qui emboîtèrent le pas.

Le village se composait uniquement d’une auberge, d’un moulin à grain en hauteur et de trois pauvres maisons paysannes. La délégation Sybronde se trouvait au centre de celui-ci même. Les trois cavaliers se stoppèrent en face d’eux avant de descendre de leur monture. Prudemment, ils analysaient ceux qui leur faisaient face. Mais Aléandra au-delà de tout méfiance s’avançait vers Victoria, découvrant pour la première fois ses yeux d’émeraude. Un pas. Puis deux. Et elle courut l’étreindre dans une pulsion qu’elle ne pouvait ignorer.


-Mon Sang, pourquoi avons-nous mis autant de temps à nous rencontrer… lui chuchota-t-elle avec sincérité tandis que ses bras l’entouraient.

Le trajet fut long, car il devait se passer en toute discrétion. Même si cette rencontre allait tôt ou tard être révélé à qui-de-droit, Victoria tenait à ce que celle-ci passe inaperçu pour l’instant. La comtesse mit donc en place les stratégies nécessaires pour divulguer au mieux sa présence en les terres Ysaroise. Point de bannière, encore moins de carrosse, de robes affriolantes et de bijoux scintillant, rien de tous cela, si ce n’est que quelques hommes et femmes accompagnant son déplacement. Le groupe en déplacement avait plus l’air d’un voyage de plus d’une troupe de saltimbanques qu’autre chose car Victoria ne s’était pas seulement entourée de quelques gardes, mais également d’une flopée d’espions. Ceux-ci avaient pour mission de passer la frontière, peu de temps après le début de la rencontre et de se faufiler en terres Ydrilottes comme de simples paysans de retour en leur pays après un voyage commercial qui les avait menés en divers autres capitales du Royaume.

Là n’était pas une intention de duper sa cousine -même si cela pouvait être interprété comme telle- mais il fallait bien s’assurer que la traitrise n’avait point rongé davantage de nobles que le sang de la comtesse.

Le village approchait enfin et Victoria fut ravie de s’apercevoir que sa tendre Aléandra avait respecté ses demandes ; point d’Altiom d’Ydril en vue : la rencontre allait donc pouvoir se passer sans encombre.

« Ma tendre Aléandra… » Commença-t-elle, enlaçant la petite fille qui venait de se faufiler dans ses bras. « Je suis si heureuse de te voir en aussi pleine forme. » Ses mains vinrent ensuite se placer sur ses épaules, laissant ainsi son regard scruter le joli minois de sa cousine, inspectant ainsi son état de santé générale. « Il ne t’as rien fait, rassures-moi ?! »

La comtesse sentit le poids des mains sur épaules et fut pris dans le regard de Victoria. Ses remarques la faisaient rire intérieurement mais elle comprenait pourquoi la Sybronde pouvait penser cela.

-Par Néera, bien sûr que non ! s'exclama-t-elle.. sans pouvoir s'empêcher d'ajouter Il m'a juste touchée un peu. Son air grave se transforma bien vite en sourire qu'elle ne put contenir : Humour Ydrilote ! S'il l'avait fait je l'aurais tué moi-même, cousine..

Pour une première rencontre, Aléandra n'avait pas pris en compte que sa cousine Apheloise ne connaissait pas son humour ni sa manière d'être. Elle espérait d'une part ne pas avoir été trop directe mais d'une autre, elle souhaitait passer rapidement la barrière de la bienséance avec sa propre parente. Se retirant légèrement de son étreinte, la Dame de Peyredrac reprit :

-Tu sais cousine, Altiom ne ressemble pas à celui que les rumeurs entretiennent... J'aimerais véritablement qu'un jour tu le rencontres en personne afin que tu puisses voir le réel bon coeur qui bat en lui. Je sais que tu penses qu'il me manipule ou qu'il m’ensorcelle, mais non Victoria, je sais véritablement qui il est, voilà tout.

Elle avait pertinemment conscience que ces mots ne toucheraient probablement pas sa bien aimée cousine mais elle en mourrait d'envie tout de même.

Victoria soupira de lassitude. Une part d’elle avait tant espéré que cette rencontre libèrerait sa tendre cousine de la pression que lui mettait sans doute ce traitre. Mais il s’avérait, en réalité, qu’il s’était insinué bien plus profondément dans son esprit.

« Ma tendre. Cesse de le défendre ainsi. S’il a le cœur aussi bon que tu le prétends, il ne t’aurait jamais fait prendre autant de risques. »

Victoria tressaillit, puis reprit la petite comtesse dans ses bras. « Je suis si inquiète pour toi, Aléandra. »

« De le défendre ? » réagit-elle soudainement. Elle accepta la nouvelle étreinte de sa cousine. « Victoria, ne sois pas si inquiétée ! Je suis ici par choix et non par obligation. Dans ta lettre tu me disais que s'il était aussi bon que je le prétendais, il me laisserait venir à toi. »

Elle marqua une courte pause afin de serrer sa douce parente d'autant plus fort avant de reprendre « Maintenant que c'est le cas, tu lui reproches de m'avoir laissée...Par Néera, pourquoi le haïs-tu autant sans le connaître ? »

« Ce n’est point de la haine. » Répliqua-t-elle sur un ton plus sérieux. « Cet homme est un traitre à la couronne. Chassé ensuite du royaume, il revient, et ce, accompagné d’une armée étrangère, fouler la terre de TON pays pour te réclamer TON titre. Ne crois-tu pas avoir mérité ce devoir que la couronne t’a si généreusement offert Aléandra ? Ne crois-tu pas que ta famille a suffisamment souffert pour le titre que tu lui offres si gracieusement aujourd’hui ? Alastein serait-il… » Sa voix s’étrangla. « Ton frère serait-il donc mort en vain ? » Son visage se ferma puis elle recula.  

« Sais-tu au moins pourquoi il refusa de prêter allégeance ? Sais-tu au moins pourquoi il est revenu ? » Elle s'irritait de voir sa cousine aussi fermée d'esprit, ou du moins aussi attachée à une "Couronne" qui agissait de manière injuste et arbitraire. « Cet homme est revenu reprendre les terres qui furent arrachées à Ydril. Trois vicomtés, c'est inconcevable. Seules ces terres furent attaquées, ou plutôt reprises par Altiom et Naelis, et tu sais bien que Naelis ne nous est pas étrangère, notre bon Maciste a conclu avec eux de nombreux accords commerciaux et Ydril a répondu présent lorsque Naelis fut attaquée par les Sombrelfes. Il est temps de voir qui sont nos véritables alliés, mon Sang, et ce n'est certainement pas Soltariel la Grande, qui nous crache à la figure depuis tant d'années. »

Aléandra s'arrêta net quand elle entendit le nom d'Alastein. Si son jumeau n'avait point été parfait, il resterait toujours dans son cœur. Les jumeaux étaient comme deux moitiés, et Aléandra se trouvait à moitié vide sans lui. Une larme coula doucement sur sa joue. Victoria tenait-elle réellement à son frère ?

« Mon frère est mort de manière injuste. Pour une cause juste. Depuis que les Systolie sont sur le trône comtal, tout le monde a cherché à nous utiliser. Diogène bien que je sache désormais qu'il fut en vérité, Inès, Kahina d'Ys, Arichis, la « Couronne... » Notre famille a souffert depuis qu'elle a reçu ce titre. Alors que ce dernier revenait aux Zadar, en l'occurrence à Altiom d'Ydril, le seul encore vivant. Désormais je sers mon pays d'une autre manière. »

Elle aurait voulu rester dans les bras de sa cousine un peu plus longtemps, mais cette dernière s'était reculée après avoir parlé d'Alastein.

« Tu sembles pourtant oublier une chose, ma tendre. C’est qu’à l’époque où Ydril et Soltariel s’entendaient si bien, c’était à la suite de la prise de pouvoir de Feu mon frère ; Maciste qui a su se distinguer dans la noblesse Suderonne et servir au mieux la régence qui te rebute tant aujourd’hui. Et si je n’avais pas été occupée à calmer les ardeurs de notre cousine, Camille, crois-moi que le duché serait encore aujourd’hui gouverné par les Maldi. Mais cela, en soit, n’aurait rien changé, ma tendre. Altiom reste un traitre à la couronne et n’a en aucun cas amélioré son cas. Si ce n’est pas Soltariel qui nous ordonne de venir vous châtier, ce sera l’actuelle régence. Et si nous décisions de ne rien faire, ce serait les armées du Roy et du Nord qui viendront faire le travail à notre place. Comprends-tu seulement cela, Aléandra ? Comprends-tu que la guerre est inévitable si Ydril ne se rend pas ? »

La Dame de Peyredrac comprit où voulait en venir Victoria. Pour elle ne savait qu'elle raison, cette dernière était fidèle à la régence, et d'une part c'était tout à son honneur. D'une autre, c'était plus que dommage pour Aléandra qui espérait enfin rallier le Sud.

« Entre-nous mon Sang, Maciste a su surtout profiter de la rébellion d'Asbrubal. Pour le bien du Sud et de Sybrondil, il a su conquérir Soltariel au nom de la Régence afin de nous gouverner lui-même, ce qu'il fit brillamment. Il me manque tu sais. Je me souviens qu'Alastein l'appelait oncle. » Perdu dans un élan de nostalgie, elle se ressaisit : « Altiom a refusé de prêter allégeance à Arsinoé car elle fut une complotrice de premier plan certes, mais surtout car Asdrubal menaçait directement ses terres, tout comme la Couronne. Pour que son peuple vive et ne subisse pas un énième massacre, il se fit félon aux yeux de tous. Bien que je n’aie jamais été élevée dans cette optique à la cour Soltaarie, je préfère mille fois être déclarée félonne que de soumettre mon peuple à des ennemis qui ne souhaitent que s'enrichir et régner sur les autres. » Elle entendait ici Tibéria de Soltariel et ceux qui entouraient le Roy Bohémond. « Nous sommes d'éternels insoumis à Ydril, certes, mais nous sommes prêts à reconnaître de nouveau la Couronne et Soltariel comme nos suzerains si ceux-ci reconnaissent notre droit sur tous les vicomtés et le droit à Altiom Zadar d'être comte. Mais comme tu ne cesses de le rappeler, cela n'arriva sûrement pas, la guerre semble donc inévitable. Mais c'est nous qui la mènerons jusqu'à ce qu'ils acceptent nos termes. Ydril ou rien. Parfois, la frontière entre le courage et la folie est fine, mais il nous faut la parcourir pour faire avancer les choses. »

« Il faut cesser de chercher des excuses à Altiom, Aléandra. Je ne peux parler au nom de la couronne, je ne peux donc pas t’assurer que celle-ci acceptera de vous accorder pardon. Même si j’en doute fortement. » Victoria fit une pause. « Je ne veux pas te perdre. Pas à cause d’un fou qui est prêt à sacrifier tout un pays pour son propre compte. »

« Tu as raison, l'heure n'est plus à se justifier. Nous préférons les actes à la parole en Ydril.» Elle regarda Victoria dans les yeux. Ils étaient si beaux. Aléandra ne pensait pas un jour devoir attendre si longtemps pour les revoir, et dans de telles conditions. Cela la déprimait au plus profond d'elle-même. « Je ne veux te perdre non plus. » dit-elle en caressant la joue de sa cousine. « Tu es mon Sang comme il est le mien. Tu m'es liée par ma mère, et lui par mon père. Je vous aime tous deux, et je ne peux me résoudre à t'affronter, comme je ne peux me résoudre à le trahir, Victoria. »

« Bon… je voulais tenter de te convaincre de revenir avec moi mais je vois que cela n’était que douce illusion. Promets-moi tout de même de faire attention à toi. Et saches que si je t’estime au milieu du moindre danger, je viendrais te chercher que tu le veuilles ou non. »

« Mon Sang, un jour si les Dieux nous le permettent, nous nous reverrons, Soltariel à nos pieds. » Elle ne put s'empêcher de revenir étreindre une dernière fois sa douce cousine. « En attendant ce jour, sache que j'ai pour toi une grande estime et que je t'aime profondément. N'obéis pas à la duchesse, elle te hait, et c'est réciproque. » Elle n'avait pas envie de quitter Victoria mais elle se le devait. A son oreille elle chuchota : « Je veux rester...Si seulement le monde n'était pas ainsi. Cela fait trop longtemps que je ne t'avais point vue. »

Victoria étreignit la petite comtesse puis ferma les yeux. « Pour l’heure, ce qui m’importe le plus, c’est ta sécurité et ton avenir, pas de faire plier Soltariel. Cela, cela arrivera bien tôt au tard. »

Elles restèrent ainsi pendant un long moment, un sourire ornait le visage d'Aléandra, elle reconnaissait bien là sa chère cousine.

Victoria laissa repartir la petite, le cœur serra tout en ne cessant de se répéter qu’elle venait là de commettre une erreur. Un mauvais pressentiment s’était accaparé d’elle ; et si, les comtesses ne se reverrait jamais ?