Aléandra di Systolie
Humain
Nombre de messages : 30 Âge : 25 Date d'inscription : 20/09/2017
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 20 ans Taille : 1m68 Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Une Renaissance [Solo] Sam 3 Mar 2018 - 2:30 | |
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6ème énnéade de Barkios
Les lueurs de la cité ne cesseraient jamais d’émerveiller Aléandra. Depuis la fenêtre de sa chambre, elle les observait chaque nuit, cependant, depuis une énnéade, un autre détail attirait son attention. Au loin dans la brume, des ombres de bateaux entouraient le port d’Ydril. La flotte du Soltaar n’avait pas attendu pour venir harceler Ydril, pour ne pas changer ses habitudes. La Dame de Peyredrac se disait que le blocus ne tiendrait pas longtemps. De plus en plus de commerçants souhaitaient à tout prix sortir du port, et leur volonté deviendrait plus forte que la crainte de Soltariel à la longue.
Ses discussions avec Altiom lui avaient appris bien des choses sur son passé, sur l’histoire de Peyredrac et sur ses propres parents. Elle lisait par ailleurs des poèmes éstreventins rapportés par celui-ci de Naelis. Ils parlaient bien souvent d’amours impossibles, de fameux guerriers, d’exilés et parfois de nature. Rien de vraiment réel en fait. Aléandra l’avait appris lors de sa guerre. Et pourtant, voilà qu’un exilé revenait, après qu’un revenant s’exilait. Entre Altiom et Arichis, quelle grande différence y avait-il ? On lui avait dit de haïr Altiom, mais elle l’aima. On lui avait dit d’aimer Arichis, mais elle le hait. Ou presque, elle n’en savait rien. Son régent avait fait beaucoup pour elle, nul ne pouvait le nier, mais il lui avait pris son frère et en toute apparence commencer lentement à s’accaparer véritablement le trône d’Ydril, avant qu’il n’aille sur celui de Soltariel. Pour cela, après son jugement, on l’avait incitée à le haïr. Le pouvait-elle réellement ? Ne s’était-il occupé d’elle uniquement pour sa place de régent ? La petite Systolie n’en savait rien. Si Arichis demeurait mystérieux à ses yeux, quand bien même son jugement fut prononcé, elle n’avait rien contre sa famille. Les Anoszia, dont la réputation fut entachée, avait tout de même leur place en Ydril. Elle formait avec les Zadar et les Systolie, les trois têtes du comté. Deux dragons pour une hydre. La décision de la régence de Cléophas de leur retirer le Calozi était injuste et exacerbée. Probablement poussée par la crainte d’une revanche familiale, elle avait justement paradoxalement donné une raison de plus aux héritiers du dragon d’or de venger leur père. Mais Sysiphe paraissait calme et docile.
Des cris vinrent interrompre les pensées de la jeune femme. Ils venaient de quelques étages plus bas. Se levant de son bureau, elle passa la porte à tout hâte et descendit à vitesse lumière ces escaliers en colimaçon qu’elle connaissait comme sa poche. Les cris s’intensifièrent, ils venaient d’une femme. Elle continua son chemin dans les couloirs froids et étroits de Peyredrac. Les cris devinrent des hurlements. De douleur bien évidemment. Elle s’en rapprochait pas à pas jusqu’à ce qu’ils vinrent agresser ses tympans. A côté d’elle, une porte entrouverte laisser entrevoir une scène pour le moins étrange.
Les lourds brocarts cramoisis n’arrivaient pas à étouffer entièrement les cris d’Isabelà. Clouée sur son lit, isolée dans ses appartements, elle souffrait le martyre. Les circonstances n’étaient pas bonnes : la flotte Soltaar provoquait des troubles en Ydril, et les soldats avaient été amassés dans Ydril pour protéger le comté de tout agissement agressif de ses voisins. La guerre grondait, fratricide, et le seigneur de la Porte du Sud avait paré à toute éventualité. Les circonstances n’étaient donc pas bonnes, les augures terribles. C’est pour cela que la fille de Diogène le Fol avait fait appel aux meilleures sages femmes du comté, qu’elle avait secrètement convoqué les sorciers les plus experts dans la protection des nouveaux nés contre les mauvais esprits. Des scribes assis au côté du lit enregistrait cette naissance dans leur archives.
Pourtant, toutes ces préventions n’étaient pas suffisantes, et elle criait de douleur depuis déjà deux heures. La foule qui l’encerclait, sage-femme, médecins et sorciers n’y changeait rien. Tous contemplaient, horrifiés, cette haute dame hurler à en perdre haleine, torturée par une épreuve de la vie féminine des plus douloureuses. Aléandra se glissa dans la pièce auprès d’eux, gagnant une seconde d’attention auprès de sa cousine, qui aussitôt fut distraite de nouveau par la douleur. Comment n’avait-elle pas vu ? Comment la petite Systolie n’avait-elle pas vu que sa propre cousine revenue d’exil était enceinte ? Sûrement car elle n’y avait pas prêté attention à cause des événements récents. Elle se sentait pour le moins inexcusable.
L’enfant sortit enfin, mettant fin à cette horrible torture. Un garçon, qui se mit à pleurer dès qu’il fut pris dans les bras épais des médecins. Les sages-femmes l’essuyèrent et le remirent à sa mère qui lui embrassa le front en le collant à son cou. Aléandra s’avança auprès du lit et contempla sa cousine et son nouveau né d’un air heureux. Un sourire bête ornait son visage, mais des questions plus graves vinrent à son esprit.
-De qui est-il le fils?
Isabelà ne répondit pas instantanément. Elle n’osait regarder sa cousine dans les yeux. La honte lui coupait sûrement la langue. La Dame de Peyredrac en vint à imaginer plusieurs choses, qu’elle ne voulait voir s’authentifier.
-Son père est venu de la mer, répondit-elle enfin.
Aléandra savait pertinemment qu’elle n’en dirait pas plus. Assurément, le fils n’était pas légitime puisque sa chère cousine n’était point mariée. Le mariage était-il si déshonorant ? Elle en vint à penser que la cousine s’était éprise d’un soldat Naelisien, d’un soldat, d’un brusque, voire d’un Zurthan. Peut-être que le père était tombé au combat à Marcalm ou à Valmero. Son regard croisa de nouveau celui d’Isabelà qui versait une larme.
« -Cousine, je dois te parler de quelque chose… murmura-t-elle doucement.
-Sortez s’il vous plaît ! Nous avons besoin d’être seules! ordonna-t-elle aux serviteurs du château qui s’exécutèrent. Une fois tranquilles, son Sang reprit :
-Tu sais bien qu’il y a des années de cela j’ai été violée par...Cette ordure de Soltaari. Ce que d’autres ne savent pas.. C’est que j’en ai eu un fils.
Les pleurs s’intensifièrent au point de freiner son propre discours, elle fit une pause, ravalant sa fierté et continua.
-Ce fils, Aléandra, je ne l’ai jamais accepté. Je ne l’ai jamais voulu. Et mon père...Diogène...il l’a étouffer…. Il a étouffé mon bébé. »
Le choc qu’elle provoqua à la jeune dragonne de Sinople fut tel que son visage ne réagissait aucunement. La Systolie savait bien que son oncle Diogène avait fait des choses horribles, mais elle ne s’attendait pas à un infanticide. Se voulant rassurante, elle dit à sa cousine :
"-Cette fois-ci c’est le tiens, Isabelle ! Cette fois-ci tu vas pouvoir prendre soin de lui!
-Tu ne comprends pas...Tu es trop jeune… " répondit-elle nerveusement. L’ancienne comtesse ne comprenait pas en effet.
"-Alors explique-moi.
-Cet enfant, dit-elle en désignant celui à qui elle venait de donner naissance, est un bâtard. Je ne peux le garder. Je ne peux déshonorer notre famille une fois de plus. Il me faut m’en séparer. Mais je veux qu’il vive. Je veux qu’il grandisse bien et qu’il vive une vie heureuse et pleine de joie."
Le silence s’installa dans la pièce. Aucune des deux ne savaient que dire de plus, Aléandra restait totalement perdue et incertaine quant à la situation. Une fois de plus, sa cousine brisa cet instant de tranquillité presque religieuse.
-Aléandra…
Cette dernière releva la tête pour regarder dans les yeux son interlocutrice.
-Voilà ce qu’il faut faire. Il existe une personne qui pourra en prendre soin et protéger mon enfant comme il se doit.
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Une énnéade plus tard
Le bruit des sabots sur les pavés de la rue du port réveillaient les couches-tôt déjà assoupis. Le soir déjà tombé, seul les feux et la lune éclairaient Ydril. Et ce cavalier mystérieux à l’armure aussi sombre que la nuit intriguaient bien des passants. Mais il tourna rapidement dans une rue plus étroite, évitant ainsi les regards voyeurs des petits marchands portuaires accoudés à leur fenêtre. Il connaissant de toute évidence le chemin par coeur. Tournant à droite, puis à gauche, puis encore à gauche… Les rues du port savaient se montrer labyrinthiques. Arriva devant une maison moyenne non loin des quais, le cavalier s’arrêta net, descendit de son cheval et prit dans ses bras le bébé emmailloté dans un tissu chaud, puis frappa lourdement à la porte.
Rien. Nul ne sortit. Nul bruit non plus. Il frappa de nouveau. Toujours rien. Il se retourna pour gagner son cheval, convaincu d’avoir fait la route pour que dalle. Mais un homme aussi grand qu’un nordique et aussi imposant qu’un Oesgardien vint à sa rencontre. Ils se fixèrent un bon moment avant que l’homme, qui portait une fourrure de loup, ne sorte : « Eris di Iduma, voilà longtemps que je ne t’avais point vu. » Le cavalier sourit et expliqua la raison de sa venue, ce à quoi l’homme à la fourrure répondit qu’il en avait déjà discuté avec une noble. Il déverrouilla la porte de sa maison et laissa entrer le chevalier qui tenait encore le bébé dans ses bras. Les poussières s’amassaient tellement à l’intérieur qu’on aurait dit que personne n’y était venu depuis des lustres. Le chevalier en vint à penser que c’ était une mauvaise idée que de laisser l’enfant à cet homme mais Isabelà lui faisait confiance ; alors il le devait tout autant. Il lui remit le bâtard en mains propres et le grand homme demanda « Quel est son nom? »
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