Correspondance avec le Chancelier [PV Rody]

Première ennéade de Vérimios, An X du XIe cycle

Un messager arriva à Lareor, tenant en sa main un vélin au sceau de l’amirauté royale. L’écriture n’était point celle de l’amiral en chef démis de ses fonctions pour cause de désertion, mais de celle bien plus tempétueuse et abrupte du vice-amiral, Francesco. Lorsque le marin au Lys donna la lettre en main propre au chancelier du Royaume, ce dernier dut probablement remarquer l’inquiétante mine du porteur. A cela, il ne fut sans-doute guère compliqué de s’imaginer que la situation était elle… bien plus compliquée.

Au Chancelier du Roy, Roderik de Wenden, [Ses titres]

Mes salutations à vous, chancelier royal. Il me faut sans tarder vous faire un point sur la situation de l’archipel de Nelen . Comme vous  l’aviez ordonné, Fort-Arsinoé est né des cendres de la gageure langecine. Grâce aux travaux de fortification fait en amont et à la création récente de nouveaux quais, j’ai bon espoir que ce symbole de la couronne devienne un jour une tête de pont non négligeable pour le contrôle et la surveillance de l’Olienne. D’ores-et-déjà, nos navires y font des haltes incessantes pour y déposer les ravitaillements. De par sa position stratégique, nous pourrions bientôt imaginer un destin plus grand en y amenant de nouveaux colons.

Néanmoins, avant que cela ne soit possible, il me faut vous alerter concernant de fâcheuses découvertes. Vous n’êtes certainement pas sans savoir qu’en ayant la main mise sur l’archipel, nous restreignons considérablement les chances de ravitaillement et d’envois de renfort à destination du traître Altiom Sans-Terre. Hors, je crains tout bonnement que l’action ne soit point du goût de tous. Pour cause, des étrangers tentent de saper la loyauté des habitants de Port-Cinglant en implantant des idées de révolte. Je vous serai gré, monsieur, de nous donner le plus prestement vos recommandations quant à la répression à mener. Nous pourrions, le gouverneur et moi-même, appliquer autant l’apaisement que la violence selon votre choix. Pour cela, tout est fin prêt pour tuer l’insurrection dans l’œuf si nécessaire.

N’ayant guère l’autorité nécessaire pour m’adresser aux amirautés alliées de notre bon Roi, je ne puis que me référer à vous pour quérir l’appui de toutes les flottes disponible afin de prévenir une quelconque incursion dans le dispositif actuel mis en place. Je crois, avec certitude, que nous aurons bientôt besoin de toutes nos forces pour la bataille à venir. Quand bien même je vous sais déjà occupé à mater le traître d’Ydril, je ne puis dès lors que vous supplier de faire au plus vite et de tenir les flottes prêtes à intervenir.

Francesco Cortès di Castigliani, Vice-amiral de la marine royale.

 

 

Le messager ne fut pas retenu bien longtemps. Conscient de l'urgence, le Chancelier, qui venait de rentrer d'un séjour en Soltariel, le fit patienter aux cuisines pendant qu'il prenait connaissance des informations du Vice-Amiral. Dans le petit cabinet qu'il s'était aménagé dans une obscure salle du château fort, son regard parcourut les lignes tracées sur le vélin à la lueur d'une bougie. Comme cela lui était souvent arrivé depuis qu'il avait été nommé à la Chancellerie, Roderik avait ce sentiment étrange, insidieux, qui accompagne la responsabilité de décider de choses pour-lesquelles l'on n'a ni connaissance ni talent. N'ayant jamais mis les pieds sur Nelen, goûtant fort peu l'air marin et n'y entendant rien en stratégie navale, Roderik était vraisemblablement la dernière personne au monde qui eut pu apprendre quelque chose au Vice-Amiral. Néanmoins, il se devait de prendre connaissance de ce qui se tramait, loin derrière l'horizon des mers ; il se devait de connaître à tout instant ce que faisaient les officiers de la couronne. C'était cela, gouverner.

Le messager repartit bientôt, armé d'une nouvelle enveloppe scellée qu'il remettrait au Vice-Amiral.

Roderik de Wenden a écrit:

A Francesco di Castigliani, Vice-amiral de la Marine de Sa Majesté, Salut,

Je me réjouis de lire de nos nouvelles et de savoir que la reprise en main de l'archipel a commencé. Si nous voulons à l'avenir contrecarrer les sinistres machinations de nos ennemis d'outre-mer, Nelen se doit être l'Oeil de Sa Majesté en Olienne.

J’œuvrerai auprès des vassaux de Sa Majesté afin que les puissances navales péninsulaires vous portent assistance. Outre les navires mercenaires de Naelis, nous devons tenir compte de la menace que constitue la flotte ydrilote, qui a rallié le traître Altiom Sans Terre, lequel a ainsi récemment déjoué le blocus de Soltariel. Les Ydrilotes sont des marins habiles et audacieux, qui ne craignent point de manœuvrer en sous-nombre et qui savent exploiter les failles de leurs adversaires. Le royaume a besoin qu'un homme assure en mer son hégémonie ; celui qui y parviendra aura toutes les qualités que l'on attend d'un Amiral. Je compte sur vous.

S'agissant de votre découverte, il est vrai qu'elle est alarmante, inquiétante, mais finalement peu surprenante. De tout temps, l'archipel a attisé les convoitises de part et d'autre de la mer, et le retour de l'autorité légitime après quelques années de transition fait forcément quelques aigris. Prévenir une révolte naissante impliquera la plus grande fermeté à l'égard des fauteurs de trouble ; mais il convient de prendre garde à ne pas nous aliéner la population. Nous devons montrer à cette populace insulaire ce que nous apportons à Nelen : la sécurité et la stabilité. Contre ceux qui veulent nous opposer le peuple, opposons-leur le peuple ; nous devons encourager les bonnes gens de Port-Cinglant à dénoncer ceux des leurs qui conspirent ; nous récompenserons la délation et traiterons impitoyablement la rébellion. Montrons-leur où se situe leur intérêt.

Je pense avoir trouvé l'homme qu'il convient afin de vous aider dans cette tâche. Athénagore le Nélénite, baillistre de Scylla, a consenti à nommer à la Prévôté de Nelen un clerc de ma Chancellerie. Sa nomination devrait être ratifiée demain à Pharembourg devant le Concile de la Questure. Il se nomme Sansum, et son érudition comme son zèle en font le choix idéal pour siéger au tribunal de Port-Cinglant. Il vous rejoindra prochainement et sera d'une grande aide pour le gouverneur et pour vous.

Mes vœux de réussite vous accompagnent.

Au premier jour de la première ennéade de Verimios, en la dixième année de notre cycle, la troisième année du règne de notre roi Bohémond,

Roderik, fils de Ganelon de la maison de Wenden, Illustrissime, Pourfendeur des drows d'Oësgardie, Héros d'Amblère et de Nebelheim, Champion du Grand Tournoi de Serramire, Grand Chancelier du Royaume par la grâce de Notre Seigneur et Roi Bohémond, le premier de son nom de la maison Fiiram, Marquis de Sainte-Berthilde, Comte de Scylla, Baron d’Olyssea, Seigneur-Protecteur de la Roseraie, Gardien fidèle de la foi, le Sérénissime Soleil Noir de la Rayonnante Ys, Archonte d’Ydril, Vicomte de Calozi, Seigneur de Velmonè, Seigneur consoeur de Beronia, Seigneur-dragon de Calozi, Sénéchal d’Ydril, Grand Chambellan d’Honneur de la Grande Traverse, Erudit de Prestige de la Destinée de l’Aube, Maître des Enfants de la Nébuleuse Ecarlate, Grand Voyer du Duché et Grand Argentier du Royaume, par la grâce de la Damedieu, toute bonne et toute providentielle.

Au Chancelier du Roy, Roderik de Wenden, [ses titres]

Lettre écrite à l'encre ultra top secrète:

Francesco di Castigliani, vice-amiral de la Marine Royale.