Une taverne pour les amener tous | Libre

Eté - 9e jour de la 9e ennéade de Verimios
Nouvel An
10e année du XIe Cycle

Le verdict avait été rendu.

Et elle avait envie de vomir.

En sortant de la salle de réunion ou la Haute Prêtresse avait fait preuve de la plus grande bêtise et de la plus grande bienveillance de l'histoire, Halya avait glissé à Neraën le nom d'une taverne devant laquelle ils étaient passés lors de leur dernière soirée à Alëandir. Elle était presque certaine qu'Estiam les avaient entendu, mais peu lui importait. Elle ne voulait pas rentrer maintenant. Malgré la fête qui se profilait pour le nouvel an, elle ne se sentait pas le cœur à se réjouir. Fenris devait voir sa mère et son frère cet après-midi et elle était presque sûre qu'ils insisteraient pour passer la soirée en leur compagnie, simplement pour la rendre détestable. Elle avant besoin de décompresser. Un verre... ou une dizaine.

Neraën n'avait pas du prendre particulièrement bien la nouvelle de la présence d'Haldren. Discuter d'autre chose que de grands problèmes sociétaux serait parfait... Mais avant, il fallait qu'elle se défoule.

D'un pas rapide, elle longea les grands axes jusqu'à la Porte Sud et se retrouva dans la forêt. Sans porter la moindre attention aux nombreux passants qui remontaient la Voie Blanche, elle disparut entre les arbres, courant déjà à demi, et hurla dès qu'elle eut dépasser les terrains d'entrainement. Un cri. Puis deux. Puis trois. La Meute lui répondit. De plus en plus proche. Jusqu'à ce qu'elle se retrouve au milieu d'eux, Randil à son côté.

Une fois revenue en ville, un mot déposé dans sa chambre à l'intention de Fenris et passée aux termes, vêtue de sandales, d'un pantalon léger, d'une tunique au col lâche sans manche qui laissait voir la toile ininterrompue de ses cicatrice jusqu'à la profonde morsure qui lui ornait l'épaule, elle se dirigea mollement vers le quartier des fontaines. Ses cheveux encore gorgés d'eau retombaient librement sur ses épaules. Sa mèche blanche ressortait curieusement au milieu de sa crinière rousse.

La soirée commençait à peine lorsqu'elle arriva devant la large devanture de la Flute de Cèdre. Ce haut bâtiment en pierre enseveli sous le lierre et la vigne était percé d'immenses fenêtres de verre ouvragé. A l'intérieur, une grande salle de huit bonds mètres de plafond était entourée d'une mezzanine courant comme un balcon tout autour, sur laquelle étaient installé presque autant de tables qu'au rez-de-chassée. En bas, une scène avait été aménagée pour être visible d'en haut comme d'en bas et un long comptoir était dressé sur la gauche, soigneusement lustré. D'immenses chandeliers étaient suspendus au plafond, supportant de longues plantes grimpantes luminescentes et quelques autres stratagèmes alchimiques luisants. Quatre jeunes gens accordaient et vérifiaient leurs instruments tandis que quelques convives étaient déjà attablés et prenaient leur premier verre.

La rouquine adressa un geste au comptoir en prenant place à une table près d'une des fenêtres du fond, espérant profiter d'un peu de fraicheur. Le tenancier, un petit homme d'une agilité remarquable, lui rendit son salut et vint lui-même prendre sa commande. Les serveurs devaient profiter du calme avant la tempête.

- Qu'est-ce que je vous sers ?
- Liqueur d'orange. Apportez la bouteille et deux verre, j'attends quelqu'un.
- Tout de suite !

S'installant confortablement, elle leva le nez vers le ciel au dehors. Bon... elle attendrait d'être accompagnée pour le deuxième verre mais le premier, elle l'avala cul-sec.

On est en finale, on est en finale ! On est, on est, on est en finale !

Voilà en gros ce qui se passait dans l’esprit d’Haldren alors qu’il avançait d’un pas quelque peu chancelant dans l’une des rues d’Alëandir pour fêter dignement le jugement rendu plus tôt dans la journée par la Haute-Prêtresse de Kÿria l’autorisant à vivre au sein des elfes d’Anaëh. Certes cher lecteur, certes adorable lectrice, vous considérerez peut-être que notre héros a un côté gros beauf au vu de sa réaction où pointe un certain égoïsme. Toutefois je tiens à prendre sa défense afin de pondérer ce jugement à l’emporte-pièce (sans nier malgré tout que Haldren est fondamentalement un gros beauf). Ma plaidoirie suffira-t-elle à adoucir le cœur des juges ? Nous le verrons tout à l’heure.

Considérez Haldren, messieurs et dames. Pas franchement un personnage des plus sympathiques du fait de ses fonctions d’ancien Triumvir de l’Elda ou de ses expériences sur les Nœuds magiques ayant parfois malencontreusement causé de léger effets secondaires à l’effet létal pour les personnes présentes dans la zone du rituel. Néanmoins il s’agissait d’un drow ne se laissant jamais guider par une cruauté gratuite, capable parfois d’actes sincèrement désintéressés envers ceux ayant gagné son respect, et au fond de lui-même convaincu que la guerre elfico-drow constituait une aberration sans nom puisqu’au bout de huit mille ans aucun vainqueur n’arrivait à se dessiner. Prenez donc ce drow déchiré entre ses convictions profondes et son amour pour sa patrie, ajoutez un Dieu profondément maléfique qui le rejette autant par sadisme que pour punir son esprit trop indépendant, puis qui le promet à une éternité de souffrances indicibles dans l’au-delà. Le pardon d’une Déesse (autrement plus sympa que le bâtard de Dieu susnommé) sauve son âme de la damnation et notre héros se retrouve d’un coup métamorphosé en un elfe, c’est-à-dire en ce qu’on lui a appris à haïr depuis un millénaire. Je vous passe les agressions reçues d’un noss naturiste à tendance psychopathe ou la tentative de meurtre venue d’une rouquine obsédée par la vengeance, pour aller directement à l’énoncé d’un jugement qui pendait au-dessus de sa tête comme une épée de Damoclès. Métaphore à prendre au sens quasi-littéral du terme, Haldren sachant que plusieurs hauts-dignitaires elfes souhaitaient sa mort ou à tout le moins son emprisonnement. Par un coup de grâce du destin, le pardon lui est accordé et après ces ennéades où notre héros s’est retrouvé bringuebalé par le destin comme une chèvre au milieu d’un campement de légionnaires, le voilà enfin rassuré sur son avenir immédiat.

Vous n’auriez pas envie de décompresser un peu à sa place, non ?

Bref, tout cela pour dire qu’Haldren avait déjà visité quelques bars avant de se présenter devant la Flûte de Cèdre. La Haute-Prêtresse de Kÿria lui avait indiqué qu’il se verrait désigner un tuteur parmi les prêtres pour le suivre et le guider dans sa découverte de la nature elfique, toutefois pour ce soir il profitait encore de sa liberté en se saoulant consciencieusement. La propension d’Haldren a goûter les divins nectars alcoolisés aurait pu faire de lui un fidèle adepte de Lirgan s’il était né dawi dans les rudes montagnes du lointain Zagazorn, d’où une résistance à l’alcool assez élevée même selon les normes de son ancienne race. Mais au bout de plusieurs bars, cette résistance commençait à se fissurer sans que l’archimage n’ait la moindre intention de s’arrêter en si bon chemin. Fort heureusement, si certaines personnes sont connues pour avoir l’alcool morose ou agressif, chez Haldren l’effet était bien au contraire une gaieté exacerbée lui faisant oublier le peu de convenances sociales qu’il avait péniblement réussi à acquérir au cours des siècles.

Poussant la porte de la Flûte de Cèdre en sifflotant une chanson paillarde, l’ancien eldéen resta quelques instants immobile à plisser les yeux afin de forcer ses mirettes à faire le point sur l’intérieur des lieux. Une grande salle en bas, une mezzanine en haut, un orchestre au fond… jusque là rien d’anormal, les lieux semblaient pouvoir répondre aux demandes d’un consommateur venu s’encanailler entre amis. Aurait-il été sobre que notre héros sans peur ni reproche aurait probablement distingué Halyalindë au fond du bar près d’une fenêtre, toutefois les premières brumes alcooliques lui enlevait déjà l’acuité visuelle nécessaire à cette réussite.

Un grand sourire aux lèvres et le regard pétillant de malice, Haldren s’avança jusqu’au comptoir et abattit violemment sa main sur la lourde planche en bois avant de s’exclamer bruyamment :

TOURNÉE GÉNÉRALE, PATRON ! CE SOIR, C’EST LA FÊTE AU CABARET !

Un poivrot récidiviste dans les bouges miteux de Thaar n’aurait pas fait mieux.

Le tissage de soies d’araignées ne reposait maintenant plus que sur ta peau nue. Ton bras gauche, comme embarrassé de sa faiblesse, sans Curulotsë pour le raviver, se dissimule tant bien que mal sous la longue manche de tissu translucide. Ton droit lui, laissé à l’air par l’asymétrie de ta robe, expose fièrement les lignes de forces tracées à sa surface.
Abandonner l’armure vivante le temps d’une pause t’auras cependant rappelé que contrairement à ta robe, tes pantalons et tes chausses sont loin d’être neufs. Ce qui était au départ un pantalon de lin relativement large embrassait maintenant aussi chaleureusement tes cuisses que les collants d’autrefois, et c’était sans compter sur les ourlets laissant apparente une bonne part de ton mollet.
Ce n’est que grâce aux exploits d’un cordonnier que tu pus faire d’une pierre deux coups, et grâce à des bottes à bouts pointus raccommodés d’une main de maître, à la fois te chausser à nouveau, et dissimuler la fâcheuse situation de tes pantalons.

Pourquoi tant de manières ? Parce que ce soir tu aurais l’occasion de renouer – de force, certes – avec une elfe que tu savais en grande partie par ta faute en situation de détresse. D’abord Yutar, maintenant Haldren. Malgré un témoignage se voulant conciliant et compatissant, tu n’avais pas eu besoin d’apercevoir le visage atterré de l’ancienne Protectrice pour comprendre qu’elle trouvait le jugement rendu bien trop doux. Toi ? Tu ne savais pas trop quoi en penser. Plus le temps passait, et moins Haldren te semblait dangereux. Voilà quelques temps que tes instincts ne te dictaient plus de lui sauter à la gorge, alors tu prenais les choses comme elles venaient, en faisant confiance à La Mère pour aiguiller ses enfants sur le meilleur des chemins. Aussi Sourds qu’ils soient, si les Citadins devaient être appelés à la méfiance, les chuintements de la Symphonie au cœur de la Cité d’Alëandir sauraient les toucher. Et il serait surveillé. Tant qu’on ne lui laissait pas le temps de le préparer, il y avait peu de chances, même s’il faisait des dégâts, qu’il arrive à provoquer un second Eraïson.

- Humeurs d’archers. Apportez la bouteille à la table de la jeune femme au fond.

Parce qu’en réalité, la crinière rousse aura vite fait de te le rappeler, Haldren était à ce moment précis le moindre de tes soucis. Quitte à prendre le risque d’empirer les choses, il te fallait tenter de retrouver une amie.

- On dirait que j’arrive avant l’Etenirili.

Tu t’installes près de l’ex Aigle avec un déconcertant naturel, prenant la liberté d’installer la même proximité physique que si vous étiez toujours les proches amis d’autrefois… du moins aviez-vous jamais réellement été proches amis, ou juste rêvé l’être ? À voir Halyalindë, non seulement tu aurais été tenté de choisir la seconde option, mais il aurait été facile d’ajouter que le réveil venait de révéler le rêve n’avoir été qu’un affreux cauchemar. L’arrivée de ta boisson, et la gorgée que tu en pris te permit un instant d’oublier la froideur avec laquelle la rousse venait de t’accueillir, et c’est fort de la chaleur ayant pris ta gorge que tu pus articuler, ton et visage marquant un intérêt sincère.

- Tu tiens le coup ?

Si jusque-là elle tenait, il est fort à parier que le cri qui venait de retentir dans la Flûte de Cèdre venait de l’achever. Et par réflexe, tes muscles se tendirent, non pas parce que l’ancien damné fêtait grassement sa nouvelle liberté, mais parce que tu t’attendais à ce que l’enchaînement d’événements te vaille, au mieux, une belle claque de la part de ton amie.

Doux soirs d’été.

Le soleil caressait la terre de ses doux rayons durant tout le jour à cette période de l’année et les rues d’Alëandir n’étaient pas épargnées, bien au contraire. Les rayons se reflétaient sur les parois et le sol pavé pour faire de cet endroit merveilleux un lieu digne d’un hammam quoiqu’il manquait l’eau à profusion et à l’état de vapeur pour cela.

Les robes épaisses étaient de retour dans les placards et les malles, laissant place aux robes estivales et légères. Elle était bleue cette journée-là, de la couleur de ses yeux. Ses avant-bras étaient sous un tissu transparent tandis que ses épaules étaient nues. Elle savait que les gens pouvaient observer sa cicatrice mais à quoi bon la cacher ? Ce qu’on désirait cacher de tout son être n’était-il pas plus visible qu’une chose dont on ignorait tout simplement la présence ? Elle ne savait pas vraiment mais elle n’avait pas envie de cuire en sortant par cette chaleur alors elle s’en moquait, tout simplement et si les gens remarquaient, qu’ils remarquent, ils n’avaient sûrement que ça à faire.

Il semblait que la chaleur avait délié les esprits des elfes. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas eu tant d’intervention en une journée. Ce n’était que des interventions bénignes mais de interventions tout de même. Une coupure sur la main, une brûlure sur le genou, une écharde au niveau de la joue. Des banalités aux histoires parfois drôles parfois sensibles ou encore au contenu peu glorieux. Chaque cas avait son histoire et Elenwë les connaissait si les soignés décidaient d’entretenir une discussion avec son âme rêveuse sinon elle ne savait pas et c’était peut-être mieux parfois de ne rien savoir et de rester dans l’ignorance des choses.

Un soupir discret s’échappa de ses lèvres alors qu’elle sortait d’une nouvelle consultation. C’était pour une brûlure, pas très grave mais nécessitant tout de même quelques soins. Le masculin lui avait raconté l’histoire de cette brûlure mais elle aurait apprécié qu’il se taise, qu’il arrête, qu’il reste vague et qu’il n’entre pas dans les détails mais parfois les gens étaient sans pudeur et c’était son cas à lui, totalement libre sur ses mots expliquant ses maux. Elle avait essayé de ne pas rougir en entendant l’histoire de son bobo mais ce n’était pas une chose simple surtout qu’elle avait du talent pour imaginer les choses, pour remettre les êtres dans les situations racontées.

Dans le ciel, le soleil déclinait. La journée s’achevait doucement, elle se terminait mais pas pour Elen qui ne pouvait savoir si on allait la rappeler encore une fois, lui demander de l’aide pour une nouvelle blessure ou si elle allait pouvoir s’allonger dans l’herbe tendre pour observer les étoiles. C’était là un des avantages de ce genre de temps. Le ciel dégagé laissait libre chemin pour l’observation stellaire et la création de constellation, de traits imaginaires entre les points-diamants sur le ciel-velours.

Ses pieds foulaient le sol d’une démarche aérienne tandis que ses doigts s’activaient dans ses cheveux. Elle avait chaud et le soleil avait beau se cacher, la chaleur restait. Ses cheveux furent remontés en un chignon un peu flou aux mèches tombant avec élégance sur ses épaules, encadrant son visage d’un blond argenté significatif de son espèce.

Les rires dans la rue. La joie sur les visages. L’ambiance était douce en ce début de soirée alors elle choisit de faire un détour, de s’arrêter là où elle ne prenait jamais le temps d’aller. La Flûte de Cèdre. C’était une taverne comme une autre, un endroit où l’on pouvait se rendre pour boire un verre entre amis, rire, pleurer, se soûler pour oublier. On pouvait y faire beaucoup de chose mais Elenwë, elle, avait juste envie d’y entrer et de boire un jus de fruit, un truc sans alcool ni rien, juste pour profiter de la présence amicale des inconnus.

Un pas après l’autre, un pied devant l’autre, elle se dirigeât vers l’endroit et eu un sourire fugace à la vue d’une tête connue. Un salut de la tête pour dire bonjour puis elle se décala vers un coin plus isolé, non loin d’une fenêtre. D’ici, elle pouvait observer la rue, les gens déambuler et la vie suivre son cours.

Elle commanda un simple jus de fruit, ici ils avaient des boissons sans alcool et c’était parfait pour elle. C’était assez honteux à avouer pour certain mais jamais elle n’avait vraiment bu d’alcool. Une gorgée pour essayer mais jamais plus. Jamais elle n‘avait été ivre ou même juste joyeuse. Jamais.

Elle offrit un sourire au serveur qui lui apporta sa demande. Elle le connaissait, elle l’avait soigné un soir, après une bagarre de d’alcoolique. Un sourire tendre pour lui, quelques mots échangés puis il disparut, de retour à son travail et elle a sa contemplation de la vie, ignorant le bruit dans l’enceinte et buvant le liquide sucré du bout des lèvres.

Imbécile heureux! Crétin !

Halya se raidit en voyant Estiam s'asseoir à sa table. Bingo. Elle ne pensait pas qu'il oserait se pointer comme ça. Ne jamais sous-estimer les déments. Elle ne desserra pas les lèvres, s'accrochant à la paix qu'elle ressentait en courant au côté de sa meute. Le silence s'allongea. Elle se resservit un verre pour prendre une gorgée. Il but à son tour.

- Tu tiens le coup ?
- Et ton père ?

La conversation allait envenimer, ou peut-être se détendre, mais quelqu'un d'autre en décida à leur place. Alors que la présence d'Estiam avait accaparer les sens de l'ardamirie, une voix tonitruante s'imposa à elle. Halya fit volte face, découvrant le profile d'un Haldren pour le moins éméché qui gesticulait à grands renforts de moulinets de bras. Elle se leva, ses deux paumes claquant sur la table tandis qu'elle se penchait vers le Noss pour lui souffler à voix basse.

- Tu l'as amené avec toi ?! " Puis elle ajouta un ton plus haut à l'attention de l'hybride qui continuait de gueuler " Qu'est-ce que tu fais ici ? Et arrête d'agir en mortel. Chacun bois ce qu'il souhaite ici, pas la peine de te donner en spectacle. "

Déjà bien éméché, l'hybride fixa avec un regard trouble le fond de la salle d'où venait l'exclamation agacée qui venait incongrûment de ponctuer sa joyeuse proposition de tournée générale. L'espace d'un instant, il se demanda d'ailleurs si l'alcool ne le faisait pas déjà halluciner tant la présence d'Halyalindë et de Loethwil dans la même taverne que lui pouvait paraître inattendue. Un peu moins inattendue cependant si l'on considérait que l'ancien Triuvmir semblait décidé à tester toutes les tavernes de la capitale elfique.

Toujours à râler celle-là... pètes un coup, ça ira mieux.

Se sentant malgré tout vaguement obligé d'être de bonne compagnie en cette journée historique, Haldren s'avança dans leur direction sous le regard désapprobateur des autres elfes qui devaient commencer à trouver que le nouveau venu manquait décidément de savoir vivre. Ce en quoi ils auraient eu parfaitement raison, même si personne à part Halyalindë n'osait encore s'exprimer à voix haute sur le sujet. Avisant une jeune elfe qui sirotait seule son verre à une table, Haldren lui mit le cap dessus afin de la récupérer au passage avec toute la galanterie dont il pouvait faire preuve en pareilles circonstances.

Ma chère, venez donc complétez notre quatuor. Deux mâles à la fois pour cette pauvre Halyalindë, ce serait trop !

Nous éviterons de nous attarder sur cette blague semi-graveleuse semi-sexiste, tant Haldren peut réussir à nous atérer lorsqu'il s'en va patauger au fond des marécage de l'ébriété. Passant de force son bras sous celui d'Elenwë tout en brandissant fièrement une bouteille comme un trophée de victoire, l'archimage l'attira jusqu'à la table d'Halyalindë qui n'avait surement pas imaginée se trouver aussi rapidement envahie d'enquiquineurs non désirables. Voyant qu'il avait oublié d'emmener le verre d'Elenwë et jugeant qu'un jus de fruit ne valait pas la peine de se relever, Haldren se saisit de gobelets vides qu'il emplit grâce la bouteille d'alcool récupéré au comptoir un peu plus tôt.

Allez, cul sec !

- Papa ? Il va bien, en ce moment il…

Pas lui. Pas maintenant. Pas dans cet état. Ta situation était déjà bien assez délicate pour qu’un hybride éméché vienne encore la compliquer. Cette soirée aurait dû être l’occasion pour toi de faire amende honorable, pas de rappeler à Halyalindë exactement pourquoi elle t’en voulait autant. Que ton visage rende déception à sa colère et que tes yeux se plissent d’exaspération à la vue du gracié, ton amie ne manqua pourtant pas de t’accuser, parce que c’est bien une accusation que tu voyais là.

- Tu penses vraiment que j’aurais…

fait une chose pareille alors que j'essaie désespérément de renouer ? De la présence même d’Haldren ou de ce qu’impliquait la réaction d’Halyalindë tu n’étais pas capable de dire ce qui te dérangeait le plus. Qu’elle te croie dément était une chose, mais qu’elle te pense à ce point bête ! Et malgré tout, tu gardas le silence. S’il y a une chose que tu sais d’Arava, c’est qu’il est bien peu productif d’essayer d’avoir une discussion avec elle lorsqu’elle décidait qu’il n’y avait pas de discussion productive à avoir, et au vu de son état actuel et de la manière dont les événements semblaient s’emboiter, tu doutes qu’elle reste bien longtemps en état d’argumenter paisiblement.

À vrai dire, à ce rythme, tu finirais toi aussi par perdre ton calme. Les saoulards indélicats, tu savais ce que c’était. À Thaar tu en as bien assez vu pour que les quelques visages fichés des Cités d’Anaëh pour leur alcool trop joyeux te suffisent largement.
Tu claques de la langue et peste intérieurement quand non content de se donner en spectacle, l’ancien eldéen arrache de force une autre elfe à sa tranquillité pour l’attirer dans son jeu. Et si en temps normal, complètement torché ou pas, le comportement ne t’aurait pas plu, il t’était d’autant plus insupportable que tu savais à quel point les rêveries de la jeune Elenwë faisaient d’elle une victime facile.

- C’est ton cul qu’il faudrait sécher, Hecil. Tu t’interposes entre Halya et lui, et insinuant ton bras nu entre celui d’Elenwë et le sien, tu libères la jeune elfe de son ravisseur Tu as été autorisé à vivre en tant qu’elfe avec les elfes, alors si tu pouvais éviter de te comporter comme un pacha Thaari dans un bordel de bas étage, nous t’en serions tous reconnaissants.

Instinctivement, de ton bras valide, tu invites Elenwë à se placer aux côtés d’Halyalindë dans ton dos, et tu t’imposes en véritable muraille vivante. Qu’il se couvre de ridicule ne regarde que lui, mais il est hors de question qu’il traite de dignes femmes elfes comme on traite de vulgaires prostituées à deux souverains.

Assise là, à sa place, elle observait la vie en buvant son verre sans alcool. Dans la taverne, les discussions allaient mais elle, elle ne parlait pas. Elle était muette, sans voix, aussi silencieuse qu’une fille-étoile. Un rayon de soleil passait à travers de la fenêtre, c’était un des derniers. Il lui léchait le visage avec chaleur, éclairant ses yeux pâles et sa peau translucide.

Elle se laissa aller, appuyant sa tête sur ses mains et fermant les yeux. Elle ne voyait rien d’autre que du noir, du sombre, des ténèbres. Si elle prenait le temps d’appuyer ses paumes fermement contre ses globes oculaires, elle verrait des étoiles, ses étoiles. Elle pourrait le faire, oui, mais elle ne le ferait pas, préférant se noyer dans la profondeur du noir le plus pur. Elle se plongeait dans son univers à elle, dans son monde onirique en s’inspirant des bruits pour se téléporter mentalement dans un ailleurs stellaire, sur une étoile polaire délicate.

La rêverie fut de courte durée. Elle ne l’avait pas entendu venir l’homme qui l’attrapa par le bras pour la tirer contre lui, pour l’attirer vers une table un peu plus loin, celle où le Champion-bohème était en pleine conversation avec une féminine à la rousseur parfaite. Instant gênant.

L’homme qui l’avait attiré lui servit un verre. De l’alcool. Elle le savait rien qu’à l’odeur mais elle ne savait pas que faire, refuser ou accepter par politesse. Dilemme cornélien pour la jeune fille qui ne voulait pas paraître impolie, inconvenante ou encore mettre en rogne l’homme ivre. On ne savait jamais comment les gens ivres pouvaient réagir et bien que d’apparence elle semblait d’un calme olympien, son esprit, lui, cogitait.

Elle n’eut pas à attendre bien longtemps pour que le Champion intervienne. Il passa son bras contre son corps fin et la tira hors des bras de l’Inconnu pour l’inviter à s’asseoir aux côtés de la dénommée Halyalindë. Elle ne se fit pas prier et laissa le verre plein d’alcool devant elle, sans oser y toucher ni même lever le regard vers la rousse.

La voix douce, le regard désolé, elle se laissa aller et prit la parole. Je m’excuse de m’imposer parmi vous de la sorte, quand votre ami l’Inconnu s’en ira chercher une nouvelle bouteille, j’en profiterai pour fuir et vous laisser entre vous.

Elle offrit un tendre sourire avant de tapoter son verre du bout des doigts. Le parfum qu’il dégageait n’avait rien de repoussant si on y réfléchissait bien. Un parfum alcoolisé, certes, mais sucré. Elle sentait le liquide froid sous la pulpe de ses doigts et l’envie d’y tremper les lèvres était forte. Juste le bout de la langue pour s’imprégner de la saveur du liquide.

Tenant le verre, elle l’approcha de ses lèvres et déposa le bord de l’objet sur sa lèvre inférieure. Elle faisait une erreur, elle le savait mais elle était adulte et puis elle avait le droit d’essayer de nouvelles choses, de tester une boisson dont elle ne connaissait que l’appellation.

Sa tête bascula légèrement en arrière et son bras suivit le mouvement. L’angle changeât et le liquide coula directement entre ses lèvres. Les sensations ne se firent pas prier pour apparaître, toutes plus étranges les unes que les autres. Le liquide poursuivit son chemin sans qu’elle ne le recrache. Il lui brula la langue, la gorge. Elle avait l’impression de boire du feu et, sur le coup, se demanda pourquoi et comment.

Pourquoi certains aimaient-ils ce genre de boisson bon à vous faire perdre le sens du goût ? Comment pouvait-on réussir à boire cela sans virer fou de douleur à chaque gorgée ?

Des questions. Toujours des questions. L’alcool, elle l’avait étudié en médecine, c’était une chose qui s’utilisait pour nettoyer les plaies mais comment pouvait-on apprécier s’enivrer d’une telle chose alors que s’enivrer d’un ciel étoilé, s’enivrer du velours d’une fleur sauvage étaient des choses bien plus agréable que ces boissons du diable ?

D’un geste mécanique, elle reprit le verre et le porta une nouvelle fois à ses lèvres pour y goûter une nouvelle fois. Pour laisser une seconde chance à ce liquide étrange. La sensation fut différente. Il n’y et plus cette sensation de brûlure, comme si ses muqueuses et ses glandes étaient anesthésiées, masquant la sensation de brûlure pour laisser le goût légèrement sucré ressortir avec une puissance parfaite.

L’alcool coulait maintenant dans ses veines. Elle sentait qu’elle avait chaud. Elle savait qu’elle faisait une erreur en terminant ce premier verre mais il était trop tard.

Une tête pouvait-elle prendre feu d'elle-même ?

Voilà une question que beaucoup de mages élémentalistes avaient du se poser au cours des cycles d'études. Une étude qui aurait put trouver un nouveau point d'orgue en ce soir d'été tant le visage d'Halya prenait une couleur proche de celle de ses longs cheveux sauvages. La mèche blanche qui en crevait la masse offrait un contrepoint intéressant permettait de jauger avec précision l'intensité de la couleur environnante.

Les doigts de l'elfe étaient si fermement crispés sur le bord de la table qu'ils étaient étaient entièrement blancs tâchés de quelques étoiles rouges autour des ongles. Heureusement, Estiam s'interposa avant qu'elle ne finisse par s'en prendre physiquement à l'hybride et lui mis la jeune femme qu'il avait dérangé entre les mains. Avant même qu'elle puisse l'accompagnée un peu plus loin, la demoiselle s'était assise d'elle même avec un air contrit. La surprise que l'ardamirie ressentit en entendant des excuses de la part de la jeune blonde fit un peu redescendre la pression. Elle avait l'air si... innocente, si gentille.

- Vous n'avez pas à vous excuser. C'est lui qui le devrait. Je m'appelle Halyalindë. " elle lui offrit un respectueux signe de tête. " J'espère qu'il ne vous a pas fait trop peur. Vous pouvez partir quand vous le souhaitez, vous savez ? Nous ne le laisserons plus vous embêter.  " sourit-elle avant que l'agitation d'Haldren lui fasse faire volte face comme un ressort. Elle ne vit pas la jeune femme avaler le verre de schnaps, portée à hauteur d'Estiam, tendant le bras vers le drow pour le lui saisir fermement. " ça suffit. Je te raccompagne. "

Mais décidément tous ces rabats-joies jouaient de concert dans l'espoir de lui gâcher sa soirée ? Vivre comme un elfe parmi les elfes voulait-il donc dire se comporter comme un prêtre Néerite rigoriste refusant toute amusement pour ne se consacrer qu'à l'atteinte d'une perfection absolue mêlant un équilibre sublime entre corps et âme ? Égayé par l'abus de liqueurs, l'hybride trouvait à l'inverse tout naturel que chaque personne interpellée rejoigne le joyeux délire dans lequel il nageait avec la grâce d'un hippopotame en rut.

Quoi, toi aussi mon Lolo ? Tu permets que je t'appelle Lolo hein ? Bon écoute mon Lolo, autant je comprends qu'Halya soit du genre frigide et râleuse comme si elle avait un balai dans le fondement, autant j'espérais que tu saurais être un peu plus détendu. Laisse-toi aller ! Bois un coup, ca te fera pousser la grosse branche, ah ah ah !

Certes il faut admettre que cette blague est totalement moisie, mais après plusieurs verres dans le nez elle devient brutalement hilarante même si le lendemain matin le buveur se demande souvent pourquoi. Sans doute pourrait-on plaider qu'Haldren est à la base un militaire drow, plus habitué aux plaisanteries de feux de camps entre vétérans qu'à l'humour au second degré entre personnes de la bonne société. Encore heureux que la quatrième elfe, la mignonne inconnue qui sirotait tristement du jus de fruit avant de rejoindre leur tablée, se soit laissé aller à goûter l'alcool servie par l'ancien eldéen.

Le drame se produisit lorsqu'Halyalindë lui saisit brutalement le bras en l'obligeant à se retourner beaucoup trop rapidement, son estomac décidant alors qu'il en avait assez supporté et exprima sa vertueuse indignation en renvoyant par le circuit d'entrée l'abus d'alcool dont on l'imbibait outrageusement. Les yeux d'Haldren se révulsèrent l'espace d'un instant, il porta sa main à ses lèvres comme pour vérifier si les signaux nerveux indiquant une éruption imminente se confirmait puis...

Blaeurgheurgha !

...puis il vomit bruyamment sur Halyalindë, lui souillant sa tunique au milieu d'un concert de borborygmes rappelant un peu le cri de ralliement des morts-vivants nisétiens face à de la chair fraîche. Le silence se fit dans la taverne alors que tous regardaient la scène sans mot dire comme s'ils n'arrivaient pas à y croire.

Euh... désolé...

Plus que ridicule, la situation était triste. Plus triste que tu ne t’en étais rendu compte de premier abord. Pas parce que le mage noir s’était métamorphosé en une parodie de lui-même, ni parce que la tunique d’Halyalindë avait été faite triste victime d’un carnage sans nom. Triste, parce que les mots d’Hecil te faisaient réaliser que le pauvre ne se comportait pas en pacha Thaari simplement pour se moquer de vous, mais simplement parce qu’il ne connaissait probablement que trop peu d’autres manières d’exprimer son contentement et de relâcher la pression. Ni les Eldéens, ni les Doeben ne sont connus pour leur façon saine d’exprimer affection et gratitude. L’alcool était une excuse comme une autre pour se jeter dans les bras du premier venu… et y vomir joyeusement.

Tu soupires, signe rapidement un ovale du revers de la main, et avant que l’odeur ne soit trop accrochée, libère à grand renfort d’eau la tunique de ton amie du contenu des viscères de l’homme saoul. Un second signe, et l’eau qui trempait maintenant le vêtement s’évaporait sans laisser grandes traces du massacre… si ce n’est un horrible souvenir.

- J’étais détendu jusqu’à ce qu’une poche à bile géante passe la porte. Tes sourcils se lèvent, dans une moue presque compatissante Il y a une différence entre célébrer et se décérébrer. Il serait temps que tu l’apprennes. Pour notre bien, mais surtout pour le tien.

Tu t’approches de l’hybride, pose doucement ta main sur son pectoral gauche, et avec une délicatesse presque paternelle, le repousse jusqu’à le conduire à prendre place sur l’un des sièges vous faisant face à Halyalindë, Elenwë et toi. C’est toujours avec ces mouvements définitivement trop précautionneux que tu retrouves ton assise, et porte une gorgée de plus de l’alcool de venin à ton œsophage.

- En attendant, je pense très sincèrement que Meloïa m’en voudrait si ma grosse branche poussait ne serait-ce qu’un peu plus.

Gênée ? Suffisante ? Provocante ? Fière ou dépitée ? Ton expression faciale était absolument tout cela à la fois, mais quitte à accueillir un ancien Drow, peut-être après tout qu’un peu de la joie grassouillette des bars Thaaris ferait du bien.

A défaut de lui avoir rendu l’entièreté de ses facultés cérébrales, s'être vidé tripes et boyaux sur la tunique désormais de nouveau immaculée d'Halyalindë avait éclairci quelque peu les brumes alcoolisées dans lesquelles Haldren nageait depuis déjà plusieurs heures. Mais sans doute cela n'aurait-il pas suffit si Loethwil ou Halyalindë avait répliqué par la violence en lui fracassant un tabouret sur le crâne. Au lieu de cela, le calme glacial du noss doucha l'ancien eldéen aussi efficacement que trois litres de café et l'annonce d'un contrôle fiscal par pigeon voyageur en recommandé. Clignant des yeux comme une chouette surprit en plein jour, Haldren secoua la tête en murmurant.

Tu as raison, Loethwil. Tu as toujours raison.

Le calme dans la taverne restait de mise, un calme précaire mais surtout un calme réprobateur. Là où des drows auraient déjà sortis leurs couteaux ou commencer à l'injurier pour montrer leur mécontentement, les elfes y arrivaient simplement en ne faisant rien. Juste en le regardant. En le jugeant. L'ancien Haldren aurait réagit par la colère pour masquer sa gêne, rasant probablement la taverne jusqu'à ses fondations afin d'effacer dans la mémoire toute trace de son comportement de poivrot. Mais le nouvel Haldren ne pouvait tout simplement pas se résoudre à de telles extrémités dans un monde où la vie valait autrement plus que dans les bas-fonds de l'Elda. Se tournant vers Halya, il reprit d'une voix gênée :

Dame Halyalindë, je vous prie humblement de bien vouloir m'excuser. Je me suis comporté comme un goujat et c'est indigne après l'accueil que vous m'avez offert parmi vous.

Une réplique du genre "ça, c'était pour le coup de poignard dans le dos" ou "je n'ai pas d'anti-poison contre l'ivresse" aurait eu du style (un style odieux, certes), la punchline aurait été efficace et validée. Mais Haldren se sentait presque plus gênée encore vis-à-vis de la jeune elfe attirée de force à leur table, car elle ignorait tout de lui et n'avait rien demandé d'autre que de boire tranquillement son jus de fruit. A tout le moins vis-à-vis d'Halya, l'archimage pouvait apaiser sa conscience en se rappelant ses efforts pour sauver les elfes empoisonnées malgré une tentative de meurtre à son encontre. Elenwë méritait elle aussi de plates excuses.

Gente demoiselle, pardonnez mes odieuses manières, l'alcool m'égarait. J'espère que dans votre bonté vous saurez me pardonner et oublier ce regrettable incident.

Inutile de demeurer plus longtemps en ces lieux, les excuses n'effaçant pas les erreurs commises. L'aura de réprobation qui l'entourait n'aurait pu être combattue que par une absorption encore plus massive d'alcool et il s'était suffisamment donné en spectacle pour ce soir. Tout en s'éloignant à pas lents de ceux qui auraient pu constituer des compères de beuverie, Haldren se fit la réflexion qu'il lui faudrait à l'avenir mieux contrôler ses réflexes de fêtards acquis dans la folie des orgies de l'Elda ou de Thaar, l'Anaëh se prêtant à un mode de vie plus posé. "Le chemin sera difficile" lui avait affirmé Kÿria lors du Choix... peut-être la déesse le connaissait-elle mieux qu'il ne le croyait ? Le chemin serait long avant que l'eldéen repentant n'ait toute sa place dans son nouveau monde, mais le défi ne le décourageait pas, tant les plus belles réussites sont celles arrachées de haute lutte.

Pour la femme de ménage, lança sèchement l'archimage en jetant entre les mains du barman un petit diamant avant de passer la porte pour s'enfoncer dans les ténèbres nocturnes qui s'étendaient sur Alëandir.

Tétanisée par la surprise, elle n'arriva pas a réagir immédiatement. A vrai dire, ce n'était pas la première fois qu'on lui vomissait dessus. C'était arrivé une fois... à Thaar... Un très mauvais souvenir qui avait plutôt mal fini pour tout le monde... Ce n'était pas tellement l'outrage que le fait de voir cet archimage, ce maître du mal, cet empereur de la magie de mort, saoul au point d'en rendre ses tripes. Il paraissait presque... Normal... Un goujat fini, un ivrogne, un salop et un connard. Mais un salop d'ivrogne... elfe... Aussi simplement stupide et joyeusement pathétique que tout elfe se prenant la plus grande cuite de sa vie après la naissance de son premier né...

Et comme une réponse normale à un ivrogne normal, Halya levait lentement le poing dans le silence lorsque la porte s'ouvrit à la volée. Un elfe à bout de souffle se figea sur le pas de la porte, à bout de souffle. Estiam en profita pour la faire reculer d'un pas. Subrepticement, sa magie imprégna sa tunique d'eau. Le contact froid la fit bondir en arrière, se baissant par réflexe sur ses appuis et montrant presque les dents, les oreilles aplatis sur le crâne. Tout le monde avait décidé de jouer dangereusement avec ses nerfs !

Son mouvement avait curieusement forcer une grande partie des fluides à quitter son vêtement, mais en l'instant elle s'en moquait éperdument. Elle était encore debout à côté de la table alors qu'Estiam ramenait l'elfe noir vers une chaise en lui faisant vertement la leçon. Il n'avait pas tort. Il avait même sacrément raison... Mais - de nouveau droite comme une elfe des Cités devait l'être - Halya sentit sa gorge se nouer légèrement en voyant le silencieux regard de réprobation que tous posaient sur lui, spécifiquement Estiam qui lui avait offert un air de déception mêlé d'orgueil qui s'en rapprochait beaucoup quelques minutes plus tôt.

Au lieu de s'assoir et de se fondre dans le groupe, le drow s'excusa. Elle acquiesça silencieusement sans chercher à dissimuler sa surprise lorsqu'il se tourna vers elle. Le voir courber l'échine avait quelque chose de jouissif... Et d'à la fois extrêmement dur.

- Pour la femme de ménage, " lança-t-il juste avant de passer la porte.

Elle détestait ça. Depuis la première fois ou elle avait croiser son regard quand il accompagnait Estiam dans la forêt. Cet assassin lui rappelait bien trop ses propres essaies de retour au bercail après les terres mortelles. Et pourtant, à l'époque elle n'était pas seule...

Elle échangea un regard avec Estiam, balaya la salle d'un vague regard puis couru vers le bar puis sortie dans la volée en claquant la porte. Droite. Gauche. Gauche ! Il marchant vite et était déjà sur le point de tourner dans une rue moins peuplée. Elle voulu l'appeler, se retint de dire son vrai nom et se lança à sa suite. Qu'il soit dur de la feuille, dans ses pensée ou qu'il pense que l'appel ne lui était pas adressé, il ne se retourna pas. Il était à une dizaine de mètres dans ce nouvel embranchement lorsqu'il eut la joie, l'honneur et l'avantage d'entendre siffler une sandale à côté de sa tête et s'écraser au sol quelques pas plus loin... Elle était toujours aussi mauvaise quand il s'agissait de viser...

- Hey... ! " Non. Décidément le nom que la Haute Prêtresse lui avait donner lui échappait. Rien à faire. " Attend ! " Un pied nu et le poing bien fermé, elle fini de trottiner vers le bougre, sa tunique encore bien humide et marqué d'un ovale comportant quelques tâches suspectes. Arrivée à un mètre, elle ralentit jusqu'à atteindre sa hauteur. De la main qu'elle n'avait pas serrée, elle attrapa cette du drow, la retourna de force et y déposa le diamant qu'il avait posé sur le bar et que contenait son poing fermé. Elle soupira, le dos toujours tendu et la mine un peu sévère. " Tu ne m'as peut-être pas entendu tout a l'heure mais ici, rien ne s'achète. " elle referma les doigts du drow sur sa petite pierre et la tapota avant de la lâcher, incapable de savoir où mettre ses propres paluches après coup. " Range ça dans ta poche, essaie de n'insulter personne et la prochaine fois, vomi dans une bassine. " Elle perdait le fil là... Elle soupira une nouvelle fois et laissa tomber les tension et l'air sévère, s'efforçant de faire abstraction de l'identité exacte de l'homme qu'elle avait en face d'elle. " Reviens à la taverne avec moi. Boire un verre... Si ton foie peut encore le supporter. Je dis pas que je passe l'éponge, mais que dirais-tu d'une... trêve ? Cet ton premier Nouvel An ici, non ? Ce serait bête de le passer seul... "

S'il devait vivre ici... Il faudrait bien qu'elle s'y fasse. Mais surtout l'imaginer rentrer seul dans sa cellule au temple sans que personne ne lui jette qu'un qu'un regard de curiosité ou de dégoût lui retournait littéralement l'estomac. Peut-être ses premiers verres la rendaient-ils un peu plu sensible à ce genre de souvenir amère, ou peut-être qu'elle avait véritablement envie de faire chier Estiam et son regard moralisateur. Peut-être était-ce simplement la coutume d'Ardamir qui poussait a être particulièrement altruiste lors des Kÿriades qui précédaient le nouvel an d'été... Mais pour l'heure, Haldren ou pas, elle n'était pas assez cruelle pour désirer le voir sombrer dans une telle solitude.

Le tuer oui. Mais il n'avait jamais été question de le faire souffrir... Presque jamais été question.

HRP:

Haldren marchait tranquillement dans la rue lorsqu'il fut agressé par un jet de sandale, le projectile le ratant assez nettement toutefois avant de s'écraser lamentablement au sol un peu plus loin. Pivotant comme un ninja dopé aux hormones, l'archimage prit la posture défensive dite du "cygne conquérant" (renommé dans certaines écoles le "phacochère en rut", sans que l'on comprenne bien pourquoi) afin de s'apprêter à réceptionner l'attaque suivante. Mais aucune agressivité n'émanait d'Halya qui l'avait suivie, elle souhaitait tout simplement attirer son attention. Notons d'ailleurs que lui jeter des sandales à la tête constitue un moyen tout à fait valide pour y arriver.

Les paroles de l'elfe surprirent assez profondément son interlocuteur. Pas tant la partie sur le diamant ou sur la nécessiter de vomir dans une bassine, de telles discussions constituaient la routine pour l'archimage. Mais s'entendre proposer un trêve par celle qui cachait mal la haine qu'elle lui portait le touchait plus profondément que ne l'auraient fait des insultes ou même qu'une agression physique. De fait, l'ancien Triumvir se trouvait nettement plus déstabilisé par une main tendue que par un coup de poing. Preuve peut-être qu'il n'est pas un si mauvais bougre, au fond ?

Je... merci de cette proposition. Cela... cela me touche, vraiment... oui.

Nulle ironie ne perçait dans la voix de l'ex-drow, nulle moquerie ou second degré. On le sentait presque géné, honteux face à quelqu'un qui acceptait de tendre la main à son pire ennemi.

Mon retour gâcherait l'ambiance, mieux vaut que je reste à l'écart.

Inclinant la tête pour saluer respectueusement l'elfe, Haldren reprit son chemin dans la nuit, se laissant bercer par les bruits nocturnes de la cité endormie. A l'inverse de l'Elda où les heures de repos voyaient les boyaux envahis par la vermine qui hantait les niveaux supérieurs du volcan, l'Anaëh s'endormait paisiblement et seul le hululement d'une chouette en chasse se faisait encore entendre. Ou pas ? L'ouïe affûtée de l'hybride lui fit déceler des pas hésitants derrière lui. Interloqué, il se retourna de nouveau en se demandant qui le suivait cette fois-ci, se préparant au passage à esquiver un nouveau jet de sandale.

En le voyant se retourner et poursuivre seul, Halya soupira.

- Comme tu veux...

Elle marcha à sa suite pour aller chercher sa sandale. Elle aurait voulu insister. Lui proposer de passer un de ces jours. Elle n'y arriva pas et rebroussa chemin. Au coin de la rue, elle s'appuya sur le mur d'une échoppe pour réajuster sa chaussure et tourna dans la grande rue vers la demeure qu'elle occupait ces dernières ennéades en priant pour que Fenris et sa famille n'y soit pas. Pas avant qu'elle ait eu le temps de se changer en tout cas. Et s'il avait réussit à se défaire de la présence de Melian, peut-être pourrait-elle passer une soirée sans prise de tête. Rire. Boire. Regarder les étoiles. Faire une partie de carte.

Dans le cas contraire, elle trouverait un partenaire sur lequel passer ses nerfs sur le champ d'entrainement demain matin à la première heure.

HRP:

Elenwë se sentait étrange. Elle n’avait pas l’habitude de cette sensation qui faisait valser votre esprit, qui empêchait la concentration. D’ordinaire, sa concentration et son attention étaient volages, certes, mais ce n’était pas la même chose, pas la même sensation.

Elle sentait cette étrange chaleur en elle mais elle se sentait toujours maîtresse d’elle. Elle se savait joyeuse et c’était déjà bien, elle ne devait pas boire plus, elle ne devait pas. Surtout pas. Jamais elle n’avait bu de toute son existence enfin si mais c’était un demi-verre par ci, un demi-verre par là mais jamais plus. Il allait lui en falloir peu pour monter dans les tours, pour corrompre son foie et son esprit à coup de verres emplis de ce liquide plus fort que tout ce qu’elle avait pu goûter jusqu’à maintenant.

La rousse choisit de se laisser aller elle aussi. Elle ouvrit la bouche, remua les lèvres et laissa des sons formant des mots de son orifice buccale, mots perçus comme des phrases pour la jeune elfe. Elle se présenta et siffla tendrement d’autres paroles. C’était une voix tendre mais il ne s’agissait pas de la même tendresse que celle d’Elenwë.

Je suis Elenwë, ravie de te rencontrer même si la situation ne se prête pas forcément à une rencontre en bonne et due forme.

Petit sourire, voix aussi douce que le velours, petite note amusée en signe de début d’ébriété vers la fin de la phrase. Elle n’allait pas en mener bien large le lendemain mais au final, qui pourrait la juger ? Elle n’avait personne pour la réprimander et ce n’était pas comme si cela lui était déjà arrivée auparavant.

Paroles balancées dans les airs.
Mots retenus.
Estomac déversé.
Inconnu venait de vomir, de rendre l’intégralité de son estomac sur la tenue claire d’Halyalindë. La gênance était au plus haut point présente. Le silence planait en maître au-dessus de scène burlesque. La rousse pouvait exploser sa rage, le Champion pouvait perdre son calme et l’Inconnu, lui, pouvait prononcer le mot de trop, celui qui délierait les poings et ferait naître la pluie de coup d’une vulgaire bagarre de taverne comme il en existait des centaines et parfois pour bien moins que cela.

Le champion choisit de rester calme et de nettoyer la robe salie du bout des doigts, d’un tour de passe-passe parfait. Elenwë le savait magicien mais voir son aîné à l’œuvre fit naître des étoiles dans son regard d’enfant. Il était doué. Elle ne savait pas son niveau mais d’un claquement de doigts il avait réussi ce tour qu’elle aurait mis de longues minutes à réaliser. Enfant. Elle était Enfant en émerveillement en cet instant.
Le champion agissait comme un protecteur avec Inconnu. Au lieu de lui passer soufflante, il le guida vers les places libres, juste devant le trio. Ils faisaient trois contre un, deux contre un et une trop douce pour prendre sa place dans la bataille qui se jouerait dès que l’un des trois autres sentirait ses nerfs lâcher.

Elenwë priait pour que rien de cela ne se passe, pour que l’ambiance reste ainsi, reste la même. Inconnu allait peut-être s’endormir sur place après la force que lui avait demandé la rente de son estomac et se tiendrait donc aussi calme que l’eau d’un lac lors d’une nuit d’été sans trace de pluie.

Les prières de l’elfe féminin à la blondeur lunaire semblèrent se réaliser. Inconnu retrouvait ses facultés maintenant l’alcool hors de son corps. Il donnait alors une autre image, une image moins négative, plus positive et glorieuse. La voix emplie de gêne, il posa ses excuses sur la table comme un juge posait son verdict, le regard désolé pour la personne qui, à cause de lui, perdait ce dont pour quoi il se battait.

Les excuses faites à Dame Halyalindë, il les déposa aux pieds d’Elenwë, quémandant un pardon qui n’avait pas lieu d’être si on réfléchissait bien. Dans les limbes de l’alcool, le corps et l’esprit ne formaient plus un mais deux, c’était comme lors d’une anesthésie. Corps et esprit. Esprit et corps. Deux choses que ne formaient plus un mais deux. Elenwë n’eut le temps de répondre que déjà il s’effaçait, déjà il partait et fuyait plutôt que de laisser le temps à la réponse de venir, de s’installer.

Fronçant les sourcils, elle choisit de se lever à son tour, imitant le geste de la belle rousse. Elle sentait l’alcool en elle, il y avait toujours ce nuage brumeux qui enlaçait son esprit mais elle ne pouvait le faire fuir, enfin si, par magie mais cela était-il vraiment une bonne idée que d’utiliser la magie alors que l’esprit tendait à se séparer du corps pour se plonger dans un océan d’étoile qu’elle ne pourrait toucher du bout des doigts sans chuter dans un sommeil profond, dans un coma éthylique nouveau.

Marchant comme on marchait sur un nuage, le fin voile de sa robe volait derrière elle lorsqu’elle envoya un sourire vers le Champion. C’était un aurevoir tendre et stellaire, des salutations d’une âme un peu rêveuse, déposant quelques étoiles aux coins des lèvres.

Aurevoir Champion Loethwil. Peut-être nous recroiserons-nous dans un ailleurs prochain, dans des conditions bien meilleures que celles-ci.

Sourire tendre, mouvement des hanches, main qui se tend vers le comptoir pour y déposer quelques sous puis la disparition de l’enceinte du bâtiment. Elle fuyait elle aussi, sortant de la chaleur qui s’était installée dans l’endroit clôt pour profiter du doux vent nocturne qui soufflait entre les pierres pavant les rues d’Alëandir. Plus loin, devant elle, il y avait Inconnu et Halyalindë. Elle choisit de rester loin, de ne pas s’approcher pour ne pas interférer avec leur discussion, pour ne pas mêler ses étoiles d’argents avec leurs étoiles d’ors.

La discussion entre les deux protagonistes fut de courte durée, Inconnu choisit de fuir, d’avancer et de s’enfoncer dans la nuit, comme s’il espérait pouvoir noyer dans l’ombre et l’oubli les actions de la soirée. Ironie. Ivre il se montrait et s’exposait comme une bête de foire. Sobre il essayait d’être l’invisible. Ivre jour et sobre nuit.

Les pas incertains, marchant comme sur du coton, elle le suivit à grandes enjambées. Elle voulait le rattraper, elle devait le rattraper. Elle avait des mots à lui donner, des mots sur ses maux de la soirée qui venait de durer plus que cinq minutes, temps qu’elle avait prévu de passer assise là, à boire son mélange sans alcool.

D’un coup de chance, il se stoppa, net. Il stoppa sa marche pour se retourner et, dans un rayon de lune, elle put apercevoir l’angle de sa mâchoire, la couleur d’un œil et l’autre. Un soupire franchit les lèvres féminines tandis qu’elle s’approchait encore, toujours un peu plus.

Vous ne pensez pas qu’attendre réponse avant de fuir ainsi aurait été plus juste Inconnu ? Pourquoi ne pas avoir attendu de savoir si, oui ou non, ma bonté décidait de vous accorder mon pardon pour les actes passés ?

Voix douce, regard tendre, ton léger et légèrement rieur.

HRP:

La tentative d’humour aura tout sauf compensé le recadrage. Trop peu habitué à ce qu’on le reprenne, trop peu habitué à ce qu’on le paterne, Hecil en sera resté à ce qu’il avait ressenti comme une humiliation. Sans un mot, tu accueilles ses réactions, te laisses surprendre lorsque viennent d’aussi grandiloquentes que plates excuses, et sourcils hauts, tu ne peux que soupirer de lassitude quand il se décide à prendre congé de vous tous.

Les nerfs allégés par le doux poison qui te circule dans les veines, tu continues de siroter de ta boisson, salues un à un tes camarades partis à la suite de l’ancien eldéen, un paisible sourire au visage. Etrange manière de le constater, mais les gestes ne mentaient pas. Au travers des douleurs et du désir de revanche, par-delà le sentiment d’isolement et d’inadéquation, l’empathie commençait à se créer. Haldren est une étrange créature, mais il était une étrange créature plus attachante qu’il ne semblait lui-même s’en rendre compte. Ne lui reste plus qu’à réaliser qu’il a toutes les cartes en main pour être accepté des elfes, et à les jouer dans le bon ordre. Mais tu es confiant. Ce qu’il avait réussi à obtenir d’Halyalindë ne préfigurait que du meilleur.

Sans plus d’hybride, d’ex-Aigle remontée, ou de jeune rêveuse à surveiller, tu te laisses aller à observer la Flûte de Cèdre devenue anormalement calme. Les joyeux lurons ne riaient plus qu’à demi-voix. Les plus éméchés étaient au bord de l’endormissement. Les amoureux se dévoraient, et parfois pas seulement du regard, et comme toi, les solitaires se perdaient en contemplation… ou en recherche de lumière dans leurs ténèbres.

Touché, tu te lèves, emportant ta bouteille avec toi, pour prendre place auprès du solitaire recroquevillé sur lui-même. Ta main se pose sur omoplate, ton pouce caresse son épaule, tu lui offres contact comme tu le ferais pour réconforter un enfant triste.

- Dure journée ?

De son épaule gauche ta main glisse jusqu’à la droite, et dans le relatif silence ayant avalé la taverne, tu passes ton bras autour de son encolure. Ce genre de moments tu les connais. Ces jours où les angoisses vous rattrapent, où l’inconnu vous saute aux yeux, où soudainement et sans raison vous n’êtes plus sûrs ni de là où vous venez ni de vers où vous allez.
Pour toi aussi ces derniers temps sont difficiles, mais dans ton cas, ce n’est pas parce que tu es perdu. C’est parce que tu sais exactement où tu vas, et ce que tu risques de perdre en te lançant sur ce chemin. Ton bras gauche se hisse jusqu’à la bouteille d’alcool de venin, et en péniblement tu te sers un nouveau verre. En tremblotant tu portes la liqueur à tes lèvres, en prend quelques brûlantes gorgées avant de resserrer ta prise sur ton camarade du soir, et de briser le silence.

- Ce n’est jamais qu’une question de temps avant qu’on trouve ses repères. Tu souffles une bouffée de vapeurs chaudes L’inconnu c’est du nouveau, et le nouveau n’est pas toujours une mauvaise chose.

Tu laisses à nouveau s’installer le silence, ne le coupant que de temps à autres pour siroter un peu. Et dire que tu étais venu ici pour essayer d’arranger les choses avec Halyalindë. Il semblerait que tu aies été mandaté pour tout réparer sauf ta propre vie.