Il est de retour [solo]

Ah qu’il était bon de rentrer chez soi ! C’était probablement ce qui se disait dans toutes les conversations entre gens d’armes rentrant au Berthildois. Mais ce n’est bien que lorsque l’on se mit à franchir la trouée d’Engerrand que bon nombre de sourires apparurent sur les visages. Tous, sauf un. Le sien était resté lugubre, au point que le boucher avait voyagé presque seul en tête durant tout le voyage depuis Diantra. La mine sombre et démente, Thibaud inquiétait son entourage. Depuis qu’il s’était entiché de son ours nommé Bobo en l’honneur du Roy, le connétable avait visiblement plongé dans une sorte de mutisme perturbant qu’il était, jusqu’à l’heure, impossible d’interrompre. Mais pour ceux qui le connaissaient depuis belle lurette, ce comportement pouvait révéler des signes encore plus inquiétants et prédicateurs d’un avenir violent. En réalité, Thibaud avait commencé à méditer sur les moyens dont il userait pour se défaire des bandits ayant osé mettre la main sur sa cadette. S’attaquer à elle avait été comme s’en prendre directement à lui. Dès lors, il n’avait cessé de préparer son retour en omettant bien évidemment pas les bourdes commises par son entourage resté sur place. Des têtes allaient voler, des dos allaient saigner.

En rentrant dans Kelbourg, il n’y eut pas vraiment de liesse, ni d’autres célébrations. L’attitude des badauds fut au contraire bien calme. Tant mieux, songea-t-il. Les hourras hypocrites n’avaient point manqué à Diantra lors de leur entrée dans la cité ; adonc se contenterait-il seulement de quelques visages apeurés en le voyant franchir la herse. Pour l’occasion, son aîné et son bâtard se mirent à ses côtés pour saluer les passants. Derrière suivaient les capitaines survivants de la campagne du Médian. C’est dire que l’effectif n’était clairement plus même qu’à la veille du départ.

Une fois à l’intérieur de la citadelle, Thibaud reconnut le personnel du castel, ainsi que son frère en figure de proue. A ses côtés se tenait sa fille aînée et sa chaperonne. Sa femme, par contre, brillait par son absence. Se doutait-elle seulement de toutes les atrocités qu’elle subirait dans les prochains jours ? Car Thibaud l’a tenait comme seule responsable de la disparition de sa fille. Lui-même était partie à la guerre avec ses deux fils et voilà qu’il les ramenait en vie. Il était impensable alors d’avouer que le malheur était survenu dans le lieu censé être le plus sécurisé.

En approchant de sa fille, il vit qu’elle peinait à retenir ses larmes. Henri, son frère, n’affichait pas non plus la mine la plus radieuse qui soit. Mais ce n’est qu’après s’être débarrassé de sa monture qu’il vint à leur rencontre. Henri l’empoigna mollement avant que sa fille ne vienne l’affubler d’un baiser sur la joue.

-Où est cette saleté de mégère ? s’enquit-il en parlant de son épouse.

-Elle… elle a rejoint le royaume de Tyra, mon frère.

-Quoi ?

-Nous l’avons retrouvé ce matin sans vie, répondit Henri avant de venir lui chuchoter dans l’oreille, elle s’est vidée de son sang après s’être tailladé les veines.

-Ah la saloperie !

-Mère !! s’écria Charles avant de se précipiter à toute allure dans le donjon.

-Nous vous attendions pour la cérémonie.

-Laissons-là prendre un peu l’air avant, il y a plus important à faire pour l’heure. J’attends de savoir tout ce que tu sais sur les malheureux qui ont osé s’en prendre à moi, dit-il. Où sont ces chiens, Henri ?

-Ils se cachent dans le bois d’Argonne et fuient dès qu’ils en ont l’occasion, mon frère. Ces hommes sont des lâches, rien d’autre.

-Des lâches qui possèdent ma fille, maugréa-t-il. Comment as-tu pu échouer à la reprendre?!

-Je…

-Ferme-là, nous partirons pour le bois d’Argonne dès que les chevaux se seront reposés.

-Et pour votre épouse mon seigneur ? demanda le seul prêtre de Néera présent dans la cour.

-Donnez là à bouffer aux porcs où brûlez-là, qu’importe ! Bobo pourra très bien s'y faire les dents.

Des enquêtes menées par son frère, était ressorti qu’une chose, ou du moins qu’une seule personne. Un homme, affilié aux bandits de l’Argonne, avait été capturé quelques jours seulement avant son arrivée. Si le loustic avait déjà salement dégusté, vue sa trogne tuméfiée et tout son sang perdu à ses pieds, ce dernier n’en avait pas encore fini d’en chier. Car pour l’heure, son seul souci n’en était pas moins grand qu’unique, puisqu’il aurait encore à affronter la folie du plus grand tortionnaire que la péninsule ait connue. Visiblement, l’homme avait déjà été prévenu de la rencontre. L’on put ainsi dire, que le pauvre ère s’était déjà fait dessus avant même qu’il n’ait eu besoin de lui faire face. Pour cette raison, une aigre odeur de merde parfumait la pièce dans laquelle on l’avait placé.

Cette dernière n’était, ni plus ni moins, que l’ossuaire dans lequel le boucher passait le plus clair de ses nuits. Il n’y avait donc aucune lumière du jour, ni aucun bruit pouvant venir de l’extérieur. A l’inverse, nul écho n’aurait pu alerter le badaud vingt pieds plus haut. Les choses sérieuses pourraient commencer. Même si le maître des lieux prit son temps en reprenant possession des lieux. Depuis combien de temps n’y avait-il pas mis les pieds déjà ? Trop longtemps pour sûr. Bien plus qu’en son propre donjon, ici, il y était chez lui. Car lorsqu’on le savait en ce funèbre lieu, nul n’osait l’y déranger.

Devant lui, il vit le coquin agenouillé à l’ombre dans un coin. Il avait ses habits en lambeaux et déjà recouvert de sang. Sur ses membres, des croutes s’étaient formées, indiquant ainsi que son sang avait eu le temps de sécher depuis son dernier passage à tabac. Ses yeux étaient bandés ; ses mains liées dans son dos. Idem, ses pieds étaient ligotés. Comme un fol, l’homme s’agitait en basculant lentement de l’arrière vers l’avant. A l’entendre de plus près, l’on eut dit qu’il priait Néera de lui accorder sa pitié.

En aurait-il ? En ce lieu, les dieux étaient aveugles.

-Qui est là ? s’enquit le garçon à la voix tremblotante.

Sans même lui répondre, Thibaud vint s’agenouiller juste en face avant de lui retirer son bandeau. Bien que la luminosité fut faible, sa future victime mit quelques secondes avant de recouvrir la vue. Dès lors que cela fut fait, la panique put se lire dans son regard.

-Qui suis-je ? Ai-je vraiment besoin de le dire maintenant ? fit Thibaud avant d’afficher un sourire malsain. De tous les seigneurs vivant dans ce foutu royaume, il a fallu que vous vous en preniez au plus mauvais d’entre tous.

-Pi…pitié…

-Pitié ? Gueula-t-il comme un dément. C’est très mal me connaître.

-Je n’ai rien fait, m’seigneur, j’vous l’jure sur tous les dieux. C’pas moi qui ai capturé vot fille.

-Je me fiche de savoir qui a capturé ma fille, lâcha-t-il sans remord.

-Alors qu’est-ce que vous v’lez ? J'vous dirais tout.

Thibaud resta silencieux et s’en alla chercher quelques-uns de ses instruments fétiches. En revenant, il montra à la canaille ce qu’il avait ramené avant d’inhaler une grande bouffée de fumée provenant de sa pipe. Il fut aussitôt habité par un sentiment de plénitude qui le fit marquer une petite pause dans l’exercice. Faisant ensuite craquer son cou dans tous les sens afin d’être le plus disposé possible, il regagna le coin dans lequel l’attendait sa prochaine victime.

-Dès lors que vous m’aurez délivré tout ce dont je souhaite, je ferais de vous mon chef d’œuvre.

Ne comprenant sans doute pas où il voulait en venir, le garçon s’agrippa au mur de toutes ses forces avant que des mains ne viennent le tirer de là.

-N’ayez crainte, les vôtres subiront la même peine lorsque je les aurai trouvé.

Au même moment, dans le bois d’Argonne.

Depuis longtemps maintenant, Jeanne n’était plus prisonnière. Elle pouvait se déplacer librement dans le campement comme bon lui semblait. Aussi avait-elle changé d’allure depuis son arrivée. Délaissant ses habits de demoiselle bien élevée pour ceux bien plus confortables d’hommes, on l’aurait prise pour l’un d’entre eux à n’en point douter. Mieux encore, elle les accompagnait durant les chasses et les aidait même à porter les gibiers. Nombreux étaient ceux à avoir même oublié qui elle était et ce qu’elle faisait ici. Au point qu’elle s’était éprise d’un tout jeune garçonnet à la chevelure lisse et aux traits délicats. Philinte, de son prénom, était l’un des plus apprécié de la bande et savait manier aussi bien la dague que la langue où l’arc. Adonc, les deux jeunes tourtereaux étaient maintenant inséparables et l’on prédisait déjà que la belle Jeanne attendait un heureux événement à la vue de son ventre arrondi.

La vie de dame était maintenant bien loin. Pour rien au monde, elle n’aurait quitté cette forêt dans laquelle on lui avait permis d’apprendre à vivre comme elle le voulait. Et puis, elle jugeait leur cause comme bonne et vitale. Ces laniers d’Argonne, comme ils aimaient se nommer, n’avaient qu’un seul et unique but : Venger les centaines de disparus, pris des mains du boucher de Kelbourg. Adonc s’agissait-il en réalité d’harceler le seigneur des lieux à base de vols éclairs et de provocations ciblées. Sa capture en avait été l’exemple concret. Pour toutes ces raisons, Jeanne les soutenait. Et ce, même du haut de ses seize printemps. Elle ne s’était jamais sentie aussi vivante et forte.

Cette soirée, lorsque tout le monde fut réuni autour du petit feu de camp, l’on conta quelques récits de grands héros, puis l’on se mit à jouer des instruments. Jeanne s’était blottie contre son amant, profitant ainsi de sa douce chaleur rassurante. Soudain, alors que ses paupières commençaient à se fermer peu à peu, l’un d’eux jeta bientôt de l’huile sur le feu.

-Ignace n’est toujours pas revenu…

-Il s’est sûrement encore perdu ! Lâcha Philinte avant de provoquer l’hilarité de ses compagnons.  

La remarque la fit sortir de ses songes, sans vraiment la faire rire.  

-Ignace se perd jamais, reprit un vieux bouc à la barbe touffue.

-Depuis combien de temps est-il parti ? s’enquit Philinte en s’efforçant de regagner son sérieux.

-Cinq jours maintenant… et le bruit court que le boucher est revenu  dans ses pénates, rajouta le même vieux en la dévisageant. M’est avis que le gaillard ne tardera pas à vouloir récupérer sa fille, pas vrai les gars ?!

La nouvelle la pétrifia. Son père ! Revenu ? Elle avait craint ce jour depuis longtemps maintenant. Car il était peu probable que son seigneur et père n’abandonne l’occasion de la retrouver comme l’avait fait plus tôt sa mère et son oncle. De toute évidence, les laniers d’Argonne ne joueraient plus dans la même cours. Philinte lui serra la main après avoir senti son effroi.

-Si la rumeur est vraie, nous devons partir au plus vite, supplia-t-elle.

-Ton père fera comme les autres, une fois qu’il aura compris qu’il ne peut rien contre nous, répondit-il afin de la rassurer. Nous ne partirons pas d’ici.

-Non, il vous tuera tous jusqu’au dernier si vous ne partez pas !

-C’est ça, ouais, on sera prêt à l’accueillir, lança un jeune gamin assit à l’autre coin. On se battra.

Jeanne regarda son amant droit dans les yeux, mais l’assurance de ses compaings ne le fit point douter un seul instant. Ils avaient déjà eu cette conversation pourtant, où Jeanne l’avait imploré qu’il la laisse regagner Villeroy où Kelbourg afin d’apaiser son père et de lui enlever toute envie de la venger. Pour elle, cela était l’unique moyen pour que la joyeuse bande s’en sorte. Mais prise d’un orgueil enhardi par toutes leurs victoires, ces derniers préférèrent affronter la foudre plutôt que de la fuir.

-Tâchons déjà de savoir si l’ogre est bien rentré chez lui, lâcha-t-il de nouveau. Ensuite, nous lui ferons subir tout ce qu’il mérite. Il ne te reprendra jamais, Jeanne, je t'en fais la promesse. murmura-t-il en lui donnant presque envie de le croire.

Quelques jours plus tard

La nuit n'est pas encore tombée, mais l'on assiste aux prémices du crépuscule. Dans la forêt, il y fait bon vivre et les hommes, femmes et enfants, savent comment passer le temps. Les uns partent chasser, les autres confectionnent tantôt quelques vêtements où quelques mets que l'on se mettra sous la dent la nuit tombée. Les derniers, eux, jouent et rient dans un petit étang non loin du campement perché dans les arbres. Là où ils sont, personne ne vient les déranger. Par peur de tomber sur les fantômes du bois dans un premier temps, où par peur de se faire dépouiller de la tête aux pieds. Il serait bien triste de comparer les laniers d'Argonne à de simples scélérats où parias. Dans d'autres vies, ces hommes étaient des artisans, des soldats où bien même des commerçants. N'ayant goût aux menées violentes de leur seigneur, ils avaient décidé de se réunir sous une seule et même bannière, et ce, pour vivre de leur loi. Jeanne dans tout ça, avait découvert un autre mode de vie, bien plus agréable et libre que celui qu'elle avait connu depuis sa naissance.

Aux premières fraîcheurs bienvenues, et lorsque la clarté se fit obscure, les laniers d'Argonne se réunirent comme à leur habitude, festoyant, jouant de la musique et se gaussant des maux du Royaume et de la couleur des chausses du bon Roy Bohémond. Philinte, lui, regardait ses bons camarades s'esclaffer et jouir de leur alcool. Mais dans son regard, Jeanne vit que quelque chose lui donnait l'air soucieux. Ce n'était pas dans ses habitudes, pour sûr. D'un naturel bon vivant et jovial, le jeune homme passait le plus clair de son temps à ironiser plutôt qu'à se montrer prudent. Jusque-là, lui et ses laniers n'avaient point faillis.

– Qu'y-a-t-il, Philinte ? S'enquit-elle en touchant son ventre rond.

– Rien, ma belle. Ne t'en fais pas.

– Tu as l'air inquiet.

Après un petit moment sans réponse, son amant lui pris les mains pour la mener à l'écart.

– Godebert et Childéric ne sont pas revenus aujourd'hui, cela fait maintenant trois absents.

– Ils sont allés à la recherche d'Ignace ?

– Oui...

Soudain, un cor se mit à retentir. Jeanne et Philinte frissonnèrent tous deux, avant de se risquer à jeter un œil à l’extérieur de l'habitation. Le son strident, semblant sortir de l'antre même de Tyra, n'avait pas tardé à mettre tous les laniers sur leurs gardes. Ces derniers, formèrent un cercle autour du feu en sortant leurs arcs et leurs lames. Puis le calme revint quelques instants. Jusqu'à ce que d'autres bruits s'émanent peu à peu de toute la forêt. L'on eut presque dit que des monstres les entouraient, et ce, sans qu'aucune des sentinelles disposées dans les bois n'aient pu les prévenir.

De nouveau, ce fut le silence.

Les laniers éteignirent le feu pour plonger ainsi le campement dans l'obscurité la plus complète. Mais lorsqu'on vit s'allumer la forêt tout autour, tout le monde comprit qu'il était trop tard. Totalement pétrifié par cette vision cauchemardesque, Jeanne crut tomber à la renverse et ne fut maintenu par Philinte qu'avant de toucher le sol.

– Il est là... murmura-t-elle. Mon père est là.

Au loin, le feu faisait déjà ses premiers ravages, dévastant tout sur son passage. Devenu totalement incontrôlable, l'on voyait les animaux sortir à grandes enjambées en direction de la lisière. C'était là bas aussi que se tenait Thibaud et ses hommes, attendant patiemment que les flammes s'élèvent bien haut et que d'autres proies se jettent dans leurs filets. Grâce aux vilains capturés les derniers jours et leurs renseignements, ses limiers avaient identifié le campement des faquins et n'avaient eu plus qu'à attendre que la nuit ne tombe pour déclencher leur piège. Celui-ci, violent et potentiellement catastrophique, ne manquerait pas de détruire une bonne partie du Bois d'Argonne. Ce terrain de chasse privilégié par ses aïeuls, ne tarderait néanmoins plus à n'être qu'une vaste étendue de cendres.

Pour cause, les bandits ayant pris refuge dedans l'avaient provoqué en enlevant sa fille cadette. Alors que cette dernière meurt dans l'incendie, cela n'aurait su le chagriner. Seul lui importait d'occire celles et ceux qui avaient imaginé, l'histoire d'une seconde, pouvoir lui tenir tête. De la part de ses propres hommes ; d'aucuns n'auraient pu s'imaginer un seul instant que leur seigneur puisse être aussi cruel pour provoquer un tel cauchemar. Pour cette raison, ils avaient préféré garder quelques distances en restant sur ses arrières. Seul Hectore, fidèle écuyer et bâtard possédant son sang, se tenait à ses côtés. Le jeune garçon, endurci par la campagne du Médian, portait son arbalète.

– Regardez, sire, là-bas, des ombres sortent du bois, cria-t-il assez fort pour recouvrir le vacarme des flammes au loin. Là-bas aussi, il y en a partout. Votre piège a fonctionné.

– Donne-moi ça, gronda-t-il en lui prenant l'arme des mains.

Les hommes, à pieds, derrière lui, ne tardèrent pas non plus à bander leurs arcs en prenant soin d'enflammer leurs pointes. Une ombre s'approcha de plus en plus, laissant paraître les traits d'une femme tenant en ses bras un bébé en bas âge. Lorsque son visage fut clair et qu'on la vit implorer de la pitié. Son crâne se fit transpercer par le carreau lancé de Thibaud.

– En pleine poire la grognasse, plaisanta-t-il. Va chercher l'enfant, Hector et prends garde de ne point te trouver dans ma ligne.

Mais bientôt, les ombres furent trop nombreuses pour que l'on puisse s'amuser à les tirer les uns après les autres. En les voyant avancer, mi alarmé, mi épuisé, Thibaud eut le sentiment de faire face à nouveau aux âmes sans vies croisées en Oesgardie. Contrairement à ces derniers qu'il avait fallu exterminer au plus vite ; avec ceux qui lui faisaient désormais face, il prendrait son temps et saurait se montrer comme le plus patient des hommes. Adonc, ses gardes se jetèrent dans la masse pour abattre les plus récalcitrants où capturer les plus coopérants. Dans le lot, il y vit une jeune demoiselle recouverte de suie. Malgré cela, il reconnut sa fille Jeanne. Du haut de sa monture, il partit à sa rencontre.

– Votre calvaire prend fin, mon enfant, je vous ramène à la maison.

La peur la tétanisait. Mais une autre chose attira son regard. Sa fille mettait ses mains devant son ventre, comme pour le cacher. En s'approchant d'un peu plus près, il vit à qu'elle point elle était bien ronde. Plusieurs raisons lui vinrent en tête. Soit on l'avait violé, soit sa fille avait consciemment forniqué avec l'un de ces gredins pour se trouver enceinte de la tête aux pieds.

– Épargnez-les, père, ils ne m'ont fait aucun mal, je vous le jure, supplia-t-elle.

– Quiconque vivant sur ces terres n'est à l'abri de nos lois s'il en vient à les bafouer. Et vous, ma fille, si cet enfant que vous portez est le fruit de votre désir, vous en répondrez devant moi.