<La Guilde> Un ancien s'en retournant à Thanor. (Valya)

Les plaines de Brissalion, quel bonheur c’était à parcourir en compagnie de ressortissants nains. Il avait fallu plus d’un siècle à Balir pour le ressentir à nouveau. Ces plaines qui s’étendaient à perte de vue, au pied des montagnes fièrement dressée dans le Nord. Le voyage fut agréable, ses frères et sœurs aux courtes jambes lui avaient conté les grands événements qui avaient marqué le siècle dernier. Il ne pouvait d’ailleurs s’empêcher de penser à ce fils qu’il n’avait jamais connu et qu’il ne connaîtrait sans doute jamais. Une blessure profonde qui aujourd’hui n’était plus qu’un vague à l’âme. Mais un vague à l’âme qui ne le quitterait sans doute jamais.

Il fallut plusieurs jours de marche pour enfin distinguer au loin l’océan. L’Eris, enfin ! Thanor n’était plus très loin ! Il y accéderait par le Fjord de Boren, remontant ces chemins à flanc de falaises sous le couvert des conifères. Balir allait profiter cet embrun marin mêlé aux odeurs de forêts, des cascades qui glissaient le long de la roche pour se jeter dans l'Azril-varn. Ces quelques jours encore à marcher dans un cadre qui lui semblait idyllique, étaient pour l’ancien un véritable voyage de plaisance.

Les majestueuses falaises d’Arkan qui accueillait en leur sein la cité de Thanor, semblaient comme deux bras protecteurs qui étreignaient ce lieu si important pour le Zagazorn. Cette cité était si vivante, un de seuls lieux semblable à Lante puisqu’il accueillait, toutes proportions gardées et dans un certain cadre, des étrangers. Quoiqu’on en dise, Thanor a été et sera toujours un poumon économique pour le Zagazorn.
À son arrivée en ville, il prit le temps de se perdre dans rues et ses ruelles, des quais jusqu’aux points les plus hauts. Tant de souvenirs lui revenaient, de bons comme de mauvais moments, la nostalgie lui serrait leur cœur. Tant d’années passées et pourtant, il reconnaissait encore certaines échoppes qui étaient déjà là un siècle auparavant. Des noms qui avaient fait la grandeur de l’économie de la cité y concourraient encore. Chez les nains, le changement était toujours long, très long, trop diraient les mauvaises langues. Cependant, cela avait donc du bon de ne pas se sentir totalement perdu.

Balir secoua la tête, il continua sa marche proche des quais, à la recherche d’un local intéressant. Il s’arrêtait régulièrement pour passer sa main dans sa longue barbe blonde aux teintes grisonnantes, tout en observant les devantures. L’ancien cherchait un endroit accessible aussi bien aux nains qu’aux étrangers, mais la mi-journée approchant la faim se mit à lui tarauder l’estomac. De retour dans le centre-ville, l’ancien remontait une rue à la recherche d’une auberge où sustenter sa faim.

Balir haussa un sourcil, puis il s’esclaffa en désignant la chaise en face de la sienne. Une jeune dawi qui cherchait désespérément une chaise vacante dans cette taverne bondée, mais comment aurait-il pu lui refuser une place à sa table ?

- Bien sûr ! Prenez place, installez-vous et mettez-vous à l’aise. Je suis Balir, du clan Bock-D’Acier, où tout du moins ce qu’il en reste !

Il songea soudain à sa commande qui arriverait d’ici quelques minutes. Il passa la main dans sa longue barbe en se pencha vers la naine.

- D’ailleurs, tant que j’y pense, vous devriez vous dépêcher de commander quelque chose, j’ai déjà la mienne. De commande. Il serait bien triste que je sois là à manger seul, pendant que vous attendrez la vôtre ! Fit-il en abattant son poing sur la table dans un rire gras. Et si je peux vous conseiller, la venaison à l’air délicieuse !

Il se réinstalla confortablement dans sa chaise, les yeux rivés dans ceux de son interlocutrice. Elle lui faisait penser à sa nièce, du côté de sa femme. Un petit bout de naine très costaud, bien qu’il manquât à Valya des rouflaquettes blondes pour lui ressembler vraiment. La bougresse était connue pour découper du gobelin à tour de bras, d'ailleurs, d'après le cousin du frère de sa femme, elle aurait même tué un bearog dans les montagnes. Un souvenir en entraînant un autre, il ne put s'empêcher d'avoir une pensée pour sa femme et son fils disparu. Il s’ébroua, et entreprit de reprendre la conversation pour connaître un peu mieux la nouvelle arrivante.

- Et comment dois-je vous appeler ? Demanda l'ancien en se fendant d’un sourire.

Si tôt que la naine eut son assiette sous les yeux, le vieux dawi se mit à grignoter. Le succulent mets qu’on lui avait servi ravivait les flammes de sa mémoire, la barrique se mit en branle et les souvenirs de ses soirées endiablées en compagnie de nains et de naines refaisaient surface. Ah que ces années étaient loin désormais… Et que la cuisine de son pays natal était bonne ! Les saveurs et textures de la nourriture avaient toujours fait rêver et voyager Balir. C’est d’ailleurs de là qu’il tenait sa réputation de ventre sur pattes.
Il s'essuya la bouche d’un revers de main, posant à nouveau ses yeux sur Valya. Il secoua brièvement la tête, un mince sourire sur le visage.

- Je vois que vous avez été élevée comme une véritable naine des contrées de Basse-Virnée. Vous alliez le travail à l’agréable ! Fit-il en désignant les plats, secoué d’un rire gras. Hélas, cela fait des années, des décennies même, que je ne suis pas revenu à Thanor. Cette belle cité m’avait manquée… Souffla-t-il un brin rêveur. Vous savez, elle me donne l’impression d’être éternelle, de ne pas changer et pourtant elle mue. C’est indéniable. Formidable, oui c’est formidable.

Il piqua dans son assiette un morceau de viande qu’il fourra dans sa bouche prestement. Le voilà qui réfléchissait à la manière de tourner la suite.

- Je suis venu ici dans l’espoir d’acquérir un comptoir. Je suis un marchand, bien que je tente de développer une économie un peu particulière. Nous achetons et revendons le butin des aventuriers, nous leur donnons des pistes et des quêtes selon les demandes. Hélas, la chose est un peu compliquée dans le Zagazorn, car nos terres ne sont pas ouvertes aux étrangers. Les quelques nains qui jouent les aventuriers se tournent donc vers nous, à Lante, et nous revendons leurs trouvailles aux marchands qui viennent des quatre coins de ce monde. Et donc à bon prix. En fait, nous sommes une guilde. La Guilde, c’est nom. Nous pourvoyons en quêtes les aventuriers, le plus souvent dans le but d'aider les populations locales, nous leur faisons des prix sur le matériel et nous les hébergeons lorsque nous le pouvons, et eux nous revendent leurs trouvailles. Que nous revendons ensuite aux étrangers. La boucle est bouclée. Conclut-il dans un sourire.

Balir joignit les mains devant son assiette. Là était la raison de sa venue.

- Je suis donc venu jusqu’ici afin de trouver un local dans le quartier portuaire. Le quartier cosmopolite qui accueille les marchands étrangers. Entre Lante et Thanor, de fait, nous aurons un point de vente à chaque pôle commercial du Zagazorn.