[Solo] Une identité de jeunesse

Calimehtarus de la Cinquième ennéade de Bàrkios
Dixième année du Onzième Cycle

Le blanc, le turquoise et l’or dominaient le paysage. Quelques adolescents, célébrant ce matin leur cent-vingtième année, s’étaient, comme le veut la tradition, présentés au temple de Kÿria. Le blanc, le turquoise et l’or étaient les couleurs de Daranovar. Blanc comme la pierre et les neiges des monts Norn. Turquoise comme le ciel se reflétant dans les grands lacs. Or comme le soleil que ne cachent pas les maigres futaies altimontaines. Parmi ces jeunes adultes et leur famille, deux têtes perçant la surface. Ton oncle et toi contempliez avec autant d’émotion une nouvelle génération rentrant solennellement dans son service que les restes d’une houleuse dispute, sonnant encore dans vos mémoires.

Comme il se doit, tu attends ton tour, autoproclamé dernier de file, te refusant à faire obstacle à leur chemin. Tu es leur aîné de plusieurs siècles. Tu peux attendre. Tu sais leur impatience, tu as été à leur place il fut un temps, alors autant ne pas les forcer à exercer une patience qu’ils n’ont pas. Surtout quand ni toi ni lui-même n’êtes complètement sûrs de quelles seront les réactions de Lùthanar.

- Commandant Sinyàra ! le regard du Guide est calme, et son visage souriant n’est pas sans te rappeler feu ton premier instructeur Il semblerait que tu te sois finalement décidé.

- J’aurais voulu le faire au moment de mon mariage, mais les choses ne sont pas allées comme je l’espérais, et je ne tiens plus.

- Tu en es certain ? Tu sais, ce n’est pas un geste anodin que tu t’apprêtes à faire, et si tu ressens le besoin de circonstances plus… exceptionnelles, c’est tout à ton honneur. Je doute que ta famille t’en veuille de les faire attendre un peu plus. Ils savent de toute façon tes motivations, et elles doivent leur être plus que suffisantes.

- Oui mais ça, il faudrait déjà que lui veuille bien l’entendre. Lùthanar entame, le ton renfrogné, comme à son habitude, mais pour des raisons entièrement nouvelles J’étais censé être le seul au courant, mais les enfants nous ont surpris en train d’en parler. Depuis, le petit Uirphen ne tient plus d’attendre que son cousin porte le même nom que lui. Quant à notre grand Mainyth, incapable de résister aux plaidoiries d’un môme.

Les plaidoiries d’un môme. Si seulement ce n’était que ça. En réalité, Uirphen n’avait été que la dernière goutte d’eau. Il y a quelques temps tu étais impatient de te marier ; et dans ton cas te marier voulait aussi dire renouer avec ta lignée de sang. Maintenant qu’il te fallait continuer d’attendre la main de Kaëlistravaë, la patience commençait à te manquer de l’autre côté. Et bien sûr, que tu aies l’intention de le faire représentait déjà beaucoup, mais quoi que l’on dise, les actes restaient plus puissants que la parole. Et de loin.

- Je ne peux plus attendre c’est tout. Après avoir passé presque six-cent ans officiellement coupé de mes parents, et après les avoir tous les deux perdus, je pense avoir le droit de revendiquer la famille qu’il me reste.

- Alors ta décision irrévocable est prise ?

Lùthanar hoche la tête, signalant, en tant que patriarche de la lignée, son accord. C’est un nom tristement célèbre que tu revêtirais dès aujourd’hui.

- Je revendique mon appartenance à la lignée Laergûl.