[MdO2019][Souffle prisonnier] Rassemblement 6 - Les opportuns importuns

Une brusque bouffée de colère menaça de le submerger. Fatigue, colère, surprise, inquiétude, des sentiments puissants naissaient en lui et rappelaient son passé pas si lointain. Comment osaient-ils ? Comment osaient-ils le critiquer d'avoir des esclaves dans son école de gladiateurs ? Baronne de Missède... donc pendant des années maîtresse de milliers de gueux qui trimaient péniblement dans la boue pour un salaire de misère tandis qu'elle festoyait dans ses castels comme le reste de la noblesse dont le seul exploit venait d'être sorti de la bonne paire de cuisse.

Ce ne furent pas les yeux du Ditronw Da're, de l'Obok Senger ou du Triumvir qui rougeoyèrent l'espace d'un instant en écartant le regard émeraude de l'archimage, mais bien ceux du seigneur d'Abyssea dont la doctrine politico-religieuse rejetait les privilèges de la naissance, prônait la loi du plus fort tels que la respectaient les créatures de la Mère depuis l'aube des temps. Le loup plaint-il le caribou ? L'aigle pleure-t-il sur le lapin ? Ce fut la remarque de T'si qui évita peut-être le pire en ce jour car aucune folie ne résiste à son reflet dans un miroir, et les quelques mots de la daedhel firent vaciller la lueur rougeoyante qui s’effaça bientôt pour laisser revenir l'émeraude habituelle.

Je... ne...

Toute cette scène fut interrompue par une volée de flèche qui traversa l'air en touchant la monture de Cécilie ainsi que le bélier de la vieille naine, dans ce dernier cas sans grand dommage tant les muscles d’airain des montures du Zagazorn constituaient une armure naturelle malaisée à pénétrer. Les réflexes d'anciens militaires d'Haldren jouèrent instantanément et il commença une incantation destinée à le protéger des attaques qui inévitablement allaient se concentrer sur les sorciers du groupe.

Jet de dés:

La magie ne lui vint pas aussi aisément que d'habitude, sans doute fallait-il y voir un reste de la dualité de consciences qui pendant quelques secondes l'avait traversé. Mais elle vint, et des volutes ténébreuses entourèrent l'archimage de leurs rubans protecteurs. Un, puis deux carreaux s'y brisèrent comme des fétus de paille.

Journée de merde, commenta Haldren.

Un coup d’œil au champ de bataille lui fit vite prendre conscience que deux de leurs compagnons déjà se trouvaient en position de faiblesse : Suri et Cécilie, gisant toutes les deux au sol même si la seconde se relevait péniblement. La vieille dawi et Grayle semblaient de leur côté aptes à s'occuper de protéger Suri, mais la baronne aveugle demeurait sans défense et pouvait à chaque instant prendre un coup mal placé ou se faire écraser par la ruée des chevaux.

Et merde ! Haldren n'aimait pas les nobles et en particulier cette pimbêche hautaine mais pas au point de souhaiter sa mort ou de la laisser survenir sans rien y faire. En quelques enjambées il rejoignit l'humaine qui brandissait un poignard sans grand espoir de pouvoir en faire quelque chose d'utile. Une aveugle avec une lame courte contre un chevalier en armure et armé d'une lance ? Même les parieurs les plus acharnés de Thaar n'auraient pas pris le risque de la jouer vainqueur.

Cécilie ! Viens avec moi !

La saisissant fermement par le poignet, l'elfe l'attira à l'intérieur de sa barrière protectrice au moment où une nouvelle volée de carreaux d'arbalètes jaillissait. Le chevalier sans tête relevé par T'si arriva à son tour à leur niveau, mais la nécromancienne put constater que son aide n'était plus nécessaire et le renvoya dans la mêlée.

Utilises ta magie pour viser leurs esprits et les troubler ! Je m'occupe d'invoquer un renfort de taille.

Un peu plus loin, il vit Mika'el engager le combat mais il ne pouvait pas s'occuper de protéger tout le monde et devait espérer que le gladiateur réussirait à se débrouiller seul. Après tout, il faisait partie des rares véritables guerriers du groupe et saurait quoi faire. Délaissant son esclave pour l'instant et se concentrant, Haldren plongea dans la trame séparant les mondes pour amener à lui une créature apte à repousser les assaillants. Un plan cohérent certes... mais il allait lui falloir du temps pour mener à bien son invocation, d'autant plus qu'il lui fallait maintenir son bouclier. Du temps durant lequel ses compagnons devraient survivre...

On s'approchait d'elle à grands pas. Une magie puissante d'une nature qu'elle ne pouvait que reconnaitre. Ce soudard d'esclavagiste alcoolique qui retirait jusqu'à la plus infime dignité à un homme d'une simple pensée. Le visage tendu de concentration, elle tenta de porter un coup vers l'origine de la voix... mais son poignet fut attrapé au vol tandis qu'elle se faisait relever sans ménagement.

Ceux qui laissaient trainé un œil purent voire la jeune femme disparaitre derrière les lambeaux d'ombres qui entouraient le vieux mage sans cesser de se débattre... hélas bien faiblement par rapport à poigne d'Haldren. Dans un geste ample pour se défaire de la main qui l'avait agrippée, elle entailla sa paume opposée. Dans une cacophonie d'impacts, les carreaux se fracassèrent autour d'elle sans atteindre leur but.

Comme si de rien était, l'elfe lui donnait des conseils pour utiliser sa magie. Il voulait qu'elle participe ! Et bien elle allait participer.

Mais elle ne compterai certainement pas sur un homme comme lui pour se tirer d'affaire, surtout avec une invocation étrange en laquelle elle n'avait aucune confiance. Il finirait par leur couter leur conscience et leur intégrité. Il ne les suivait même pas par conviction, seulement parce qu'il s'était trouvé là au bon moment et qu'il trouvait leur joyeuse équipée intéressante. Son utilité était bien faible par rapport au danger qu'il représentait.

* Il faut s'en débarrasser. *

D'un mouvement des doigts, elle ouvrit lestement son étui de ceinture et glissa sa main ensanglanté sur la couverture. Cette présence réconfortante lui fit frémir l'échine, abaissant les battements de son cœur à un rythme excessivement lent. Elle entonna un chant grave et inquiétant dont les mots avaient perdus tout sens bien des siècles auparavant. Elle sentait la magie transiter autant par le libre que par son corps ou son focalisateur, ajoutant l'antique pouvoir de l'ouvrage au sien contre son respect et une contribution si modeste.

En un battement de coeur, elle était au centre de la mêlée et tendait l'oreille pour s'assurer de la situation. Des tortionnaires. Ils exultaient. Ils chargeaient, combattaient. Elle déconcentra rapidement un premier arcaniste, lui faisant perdre toute maîtrise du sort qu'il était en train de lancer. Mais là-bas... une mélodie si différente qu'elle formait une fausse note dans le combat. Un esprit calme, mouvant. Un mage de l'esprit. Et cet être l'avait remarquée...

* Ce mage est puissant. l'affronter sur son terrain pourrait être risqué... *

Oui. Très risqué. Mais le Livre la soutenait et la mettait en garde. Et puis il y avait autre chose de très risqué tout près d'elle. Trop risqué. Sans plus tergiverser, elle raffermit la prise sur sa lame et se défit de la prise de l'archimage d'un mouvement sec.

- Je vous interdit de me toucher ! " rugit-elle à l'encontre d'Haldren comme si sa peur et sa rancœur était la seule raison de son geste. De toute la maigre force de ses petits bras, elle planta son poignard dans la chair du mage avant de reculer précipitamment.

A l'instant ou la pointe perça la peau de l'ancien daedhel, un sursaut de puissance glissa dans les veines de la jeune femme sans que l'archimage ne sente son propre pouvoir fluctuer, même l'espace d'un instant. L'acte en lui-même était suffisant. Elle avait franchis un nouveau pas. Sous ses manches, les phrases d'une langue oubliée remontaient le long de son bras depuis sa paume.

Que l'un des mages qui les menaçaient tente le moindre mouvement pour lui faire du mal à elle, à T'sisra, Grayle, Grimeldha ou à Suri et elle fondrait sur son esprit comme un animal affamé. En ce monde la compassion envers les être vils n'était récompensée que par la mort et la trahison, alors cette fois, elle ne se contenterait pas de leur faire peur.

HRP Haldren:

HRP:

Lorsque la lame se ficha en plein entre deux côtes, Haldren eut un hoquet de douleur qui s'acheva par un crachat sanglant. Cécilie ne l'avait pas manqué et le poumon se trouvait atteint.

Garce !

La souffrance qui irradiait son être ne put cette fois être contenue et une haine absolue subermgea l'archimage. Cette... humaine... venait de le poignarder en plein combat ? Alors qu'il avait pris des risques pour la protéger et tentait de lutter contre leurs assaillants ? Mais elle allait comprendre qu'il n'y a rien de plus dangereux qu'un animal blessé et son instinct déchainé lui hurla de tuer son assaillante. Mais y arriverait-il ?

HRP:

Trop de douleur, trop de sang. Non, impossible de se concentrer suffisamment pour la viser. Il fallait se replier... vite... utilisant ses dernières forces, Haldren invoqua le lien qui l'unissait au Nœud d'Abyssea où il savait pouvoir trouver des guérisseurs aptes à l'aider.

HRP:

Un grondement sourd retentit au milieu des combat et l'archimage disparut d'un coup, aspiré par le portail qu'il venait d'ouvrir vers son repaire.

Le chemin qu'il longeait semblait soudain extrêmement habité. Shematt se trouvait la par hasard, à cause de sa paranoïa, ce sentiment qui lui avait sauvé la vie à maintes reprises. L'hybride avait intégré l'Aurore suite à sa rencontre avec le Magister Nakor, lui offrant un nouveau foyer, un nouveau départ. Malheureusement, quand il avait fuit Sol'Dorn, les poursuivants qui avaient été lancé à sa poursuite ne l'avaient pas épargné sur le plan psychologique, l'obligeant à toujours être sur ses gardes, à l'affut de la moindre menace, et cela sur une longue durée. Ce sentiment d'être traqué ne l'avait jamais quitté, même après le Voile où il semblait qu'enfin il était parvenu à disparaitre. Son père était toujours vivant, du moins le pensait-il, et il lui semblait que jamais il ne le laisserait vivre tranquillement. Par conséquent, même dans ce lieu qui pouvait lui offrir un renouveau sain, Shematt ne trouvait pas ses marques. Il donnait le change en discutant avec d'autres mages, mais c'était surtout pour leur soutirer plus de savoirs, leurs théories, et résultats. Lui même ne se confiait jamais, et il n'arrivait pas à se défaire de cette urgence d'un danger imminent. C'est pour cela qu'il partait régulièrement, seul, pour de petits voyages. Ceux-ci avait plusieurs buts, le premier étant de voir si certaines personnes le suivaient, le confortant dans cette idée qu'il était toujours traqué. La seconde pour récolter des ingrédients, ou encore visiter des lieux qu'il ne connaissait pas encore et pouvant enrichir ses savoirs. Il amassait également toutes les connaissances possibles sur le peuple d'Anaëh, sans jamais en dire la raison.

C'était lors d'un ses voyages, et donc alors qu'il longeait la route, l'évitant par réflexe, qu'il ressentit une grande concentration de magie. Inquiet, il hésita entre fuir aussi loin que possible, ou aller voir de quoi il en retournait, pour s'assurer que cela n'avait rien à voir avec lui, ou si c'était le cas, voir s'il pouvait éliminer la source de ce péril qui pesait potentiellement sur lui. Ce fut la seconde option qui s'imposa à lui, car après tout, comment vaincre un danger sans savoir s'il y en avait réellement un ? Prudent à l’extrême, il s'approcha aussi furtivement qu'il le pouvait. Il finit par entendre des cris, et des bruits de combats, et de sortilèges. On ne lui prêta pas attention, vu le capharnaüm dans lequel la scène se trouvait, mais il distingua distinctement deux groupes s'affrontant. Il poussa un "ouf" de soulagement, se disant que cela n'avait rien à voir avec lui, et analysa la situation qui s'offrait sous ses yeux. L'un des personnages semblait déborder de magie, et ce fut lui qui attira immédiatement son attention. Il lui sembla alors voir une humaine planter un poignard dans le torse du mage, puis celui-ci disparaitre dans un portail. Rien de certain, cependant, tant les volutes d'ombres avaient haché la vision des mouvements. Nul doute que le niveau de magie de l'individu devait être phénoménal pour parvenir à créer un portail, qui plus est s'il avait été blessé. Shematt fut presque peiné qu'il soit partit, se disant qu'il aurait pu avoir quelques discussions des plus intéressantes avec lui.

Mais il y avait plus urgent, car le combat continuait, et l'hybride se demandait s'il devait intervenir, ou quitter les lieux sans se faire remarquer. Il y avait des mages des deux côtés, et le risque avec toute cette débauche de sortilèges était palpable. Il ne semblait pas y avoir de guerrier dans le groupe apparemment agressé, contrairement à l'autre, qui paraissait bien entrainé et compétent. Des arbalétriers et des lanceurs de sorts, travaillant de concert, pouvaient se révéler meurtriers. Shematt se décida à intervenir, même si son instinct lui criait de disparaitre et prestement. Sans savoir trop pourquoi, puisqu'il n'avait aucune idée de qui était dans le tord, il prit partie contre le groupe armé jusqu'aux dents, poussé par l'idée que leur talent au combat en faisaient des prédateurs plutôt que des victimes.

Toujours dissimulé comme il le pouvait, il se concentra, sentant l'anneau qui lui servait de focaliseur contre sa peau. Il canalisa toute sa volonté pour lancer son premier sortilège, un mirage qui prit la forme d'une fissure dans le sol, devant la monture d'un arbalétrier qui était en train de viser. Surpris par la soudaine apparition, l'homme tira violemment sur les rennes de sa monture qui se cabra, l'envoyant au sol.

La situation avait pris une ampleur qui dépassait la vieille dawi. Quelques heures plus tôt en compagnie de simples paysans, elle faisait désormais face à des assaillants montés, tandis que la trame était tiraillée de toute part. Grimeldha réalisa même avec épouvante que l'homme qu'elle avait envoyé indirectement à terre s'était relevé, malgré sa tête manquante. Par les Ancêtres ! Un nécromant ! Livide, la vieille ne s'en redressa pas moins, ses mains crispées sur son bâton, percevant une nouvelle décharge de magie... Pas des magus d'seconde zone... Et trembla en entendant le hurlement sanguin.

C'était la une colère qu'elle ne connaissait que trop bien, qui se mêla à son trouble, sa stupeur, son horreur. La vision d'un crâne transpercé par une faux, des fluides pourpres s'en échappant furieusement, raviva ces infâmes braises en son âme, faisant vaciller la dawi, dont la respiration s'emballait. Elle était trop proche de la première ligne, elle ne venait pas d'un clan guerrier, elle devait battre en retraite le temps de se ressaisir... S'élançant, Grimeldha chercha son bélier du regard, au milieu des bêtes en nage et des combattants déchaînés. Une corne se fit alors attendre. La naine vit du coin de l'oeil le duo à cheval, ses sens la picotant à la vue de la fillette avachie. Magicienne aussi ?! Et Rurk... Y doit avoir la p'tiote, y doit l'avoir emmené à l'écart... Dans le fracas des lames et des hérissements équins, un bêlement ne manqua pas d'attirer son attention.

Elle ne comprit pas ce qu'elle vit alors.

Le bélier du Zagazorn, son compagnon depuis plus d'une décennie, sur les routes comme dans les escarmouches... Rurk chargeait. Sans cavalier. La monture d'un allié. La fillette n'était pas sur son dos. Atterrée, Grimeldha le vit soulever le cheval, s'ébrouer avec violence, beugler à nouveau. L'est d'venu fou ?! Un ignoble frisson la parcourut alors qu'elle se précipitait vers lui. Magie ?! Un FOUTREMERDE de magus l'a ENSORCELÉ ?! Grimeldha serra les dents.

"RURK ! Biquette de mes deux, TU VAS TE REPRENDRE OUI ?!" tonna la dawi dans son khazalide natal.

La dawi atteignit le bélier. Elle ne reconnut pas les yeux écarquillés, les mouvements de tête brusques, la bave aux lèvres. Les poils de la vieille se hérissèrent rien qu'à être si près de l'animal furieux... Et de ses relents magiques.

"Un BELIER du ZAGAZORN, t'rappelles ?! enragea Grimeldha, avançant face à lui, martelant chaque mot, l'empêchant de charger. T'es un AGNEAU, RURK ?! T'es un PUTAIN D'AGNEAU ?! T'laisses faire !? T'perds la BOULE ?! Hein, RURK ! T'es un PUTAIN d'agneau qui PANIQUE ?!"

L'animal avait toujours eu un sale caractère, capable d'apprécier les soins de la runiste comme de la mordre quand elle le taquinait de trop. Si un animal plus faible aurait reculé face à la colère dans la voix de la naine, lui y répondait toujours en montrant les cornes. La dawi perçut une lueur de cette fureur dans les yeux caprins... Au goût de bile qui lui montait toujours dans la gorge, Grimeldha jugea que ce n'était pas assez. La bête s’apprêtait à la charger.
Déterminée et enragée, la naine avait armé son bras. Elle frappa.

La base de l'énorme corne explosa, le plus gros de la corne vola... Tout comme la naine, soulevée comme un fétu de paille par la masse du bélier. Grimeldha ne parvint pas à s'accrocher aux poils du bestiau et atterrit lourdement. Elle manqua se faire piétiner par la demi-tonne de douleur qui bêlait à en faire hurler les pierres. Cependant l'antique dawi n'avait pas fini. Son vieux corps n'appréciait pas du tout le traitement qu'on lui faisait subir, mais Grimeldha avait d'autres priorités. S'étant relevée, elle s'accrocha comme une vieille tique à la scelle de l'animal  et se jucha sur Rurk, qui tenta de ruer aussitôt, sa tête blanche mouchetée de sang roulant en tout sens.

"CHARGE ! lui hurla la dawi en khazalide. CHARGE CES BÂTARDS ! CHAAAAAAARGE !"

Grimeldha était inconsciente de se qui se passait autour d'eux. Tout ce qui comptait, c'était Rurk. Rurk qu'on avait ensorcelé. Rurk dont elle avait dû briser la corne. Rurk qui hurlait son tourment. Piétine leur Braise-Vie, BRISE LEUR BRAISE ! S'aidant de ses jambes sur les flancs, de sa main accrochée à la corne restante, l'autre tenant fermement son bâton, de son corps douloureux tout entier, Grimeldha guida l'animal rendu fou par la douleur vers le duo à cheval.

"SONNE TA RETRAITE, CUL D'JATTE ! rugit la dawi en khazalide. ON VIENT T'CHERCHER !"

Effectif ennemi:

La daedhel avait bien fait s’éloigner de la mêlée qu’elle contournait dans un large virage par la droite, chevauchant sa monture, qui lâchait d’impressionnants filets de bave sur son chemin, au travers de la plaine. Il lui semblait que les choses allaient de mal en pis. Haldren s’était tout bonnement évanoui dans des volutes d’ombres, comment était-ce possible ? Avait-il été blessé ? Aurait-il fui ? Des questions qui, de toute manière, n’appelaient pas de réponse pour le moment. Ne comptait que le simple résultat : Un combattant de moins de leur côté.
Dans un juron, elle talonna sa monture une fois de plus. Elle savait pertinemment qu’elle était en train de pousser l’animal à bout et qu’elle ne tarderait à le trainer au-delà de ses limites. Mais il le fallait. Il fallait qu’elle atteigne cet arbalétrier qui avait chuté durant sa charge. Cet assaillant, isolé de son groupe, était une proie facile, une de plus, d’autant qu’il était blessé et contusionné de par sa chute aussi brutale qu’imprévisible. Il faut dire que ce n'est pas tous les jours qu'un trou apparaît sous vos yeux durant une charge.
Toute sa vie, elle avait été éduquée et formée à la guerre, aux affrontements et aux escarmouches. Son groupe n’avait rien d’une armée régulière, mais la stratégie est adaptable. Enfin… Si les mages de son camp ne s’électrocutaient pas tous seuls. Puisque Jennad venait de se mettre hors combat à l’instant même. C’était encore un combattant de moins dans leur camp. Un second.

La cape était ses ailes, son épée ses serres, tel un aigle qui fondait sur sa proie T’sisra abattit sa lame une nouvelle fois. La morsure froide de l’acier déchira les chairs tendres du cou de l’arbalétrier qui n’avait déjà pas été épargné par sa lourde chute. Elle releva les yeux sur la mêlée, le gros du combat se déroulait là-bas à une trentaine de mètres. Le bouc était de retour, par quel miracle ? Aucune idée. Mais la dawi, verte de rage, qui était montée dessus talonnait sa monture à toute bringue en agitant son bâton en l’air. Et pas n'importe quel bâton, car il avait brisé la jambe d’un cheval d’un seul coup. Grayle hurlait à pleins poumons comme une bête sauvage, le pantin de chair de la nécromancienne le talonnait et le suivrait où qu'il aille. La scène était surréaliste et pourtant incroyablement jouissive. Son camp était passé à l’attaque, les siens s'époumonaient de rage, ils n'avaient pas dit leur dernier mot et ne tomberaient pas sans combattre farouchement. Tout n’était finalement peut-être pas perdu.

À l’opposé, au loin, les volutes des poussières caractéristiques que soulèvent les intenses chevauchées se dessinaient. Quelque chose approchait, encore. Ennemi, ou allié difficile à dire. La guerre n'est pas que physique, la psychologie en est un aspect primordial. Et c’était un coup à jouer qu’elle ne laisserait pas passer. De sa main libre la daedhel saisit son cor. L’objet était taillé dans une corne que le leomenis, libéré il y a de ça quelques ennéades en compagnie de Yenaël, avait perdu. Elle souffla dedans à pleins poumons. Il y avait de quoi surprendre, surtout qu’elle se tenait désormais plus du côté d’où étaient venus les assaillants qu’autre part, nul doute que leur surprise se ferait sentir. Le son si particulier du cor résonna dans toute la plaine. Avec un peu de chance, ces voyageurs montés, dont la progression était devenue difficile à ignorer, passeraient pour des renforts aux yeux de leurs assaillants.

Effectif ennemi:

PNJ:

Effectif ennemi:

HRP:

Alors qu'il venait de se défaire d'un adversaire, Mika'el embrassa du regard l'entièreté du champ de bataille. Réflexe du combattant aguerri formé pendant des années dans les redoutables arènes de Thaar où le danger peut provenir de chaque recoin laissé sans surveillance. Vivre sur les nerfs et l’œil aux aguets constituait la base du mantra d'un gladiateur, la première règle qu'on lui avait inculqué lors de son arrivée à l'Aile Blanche.

Ce qu'il vit faillit cependant lui faire violer cette règle tant la scène paraissait surréaliste : la soi-disante baronne se tenait face à son maître en brandissant un poignard ensanglantée. Au vu de la douleur qui crispait les traits d'Haldren et du sang qui rougeoyait sur sa tunique, la donzelle ne l'avait pas loupée, forçant l'archimage à se téléporter. Probablement dans un de ses repaires secrets dont les gladiateurs parlaient parfois lorsqu'aucun garde ne risquait de les entendre.

Rapidité de réaction, telle était la seconde règle et Mika'el la respecta par contre admirablement bien. Les traqueurs semblaient surtout occupés à se replier, son propriétaire venait d'être blessé et avait disparu... inutile d'être grand clerc pour devenir quelle solution se devait d'utiliser l'esclave fugitif. Il ignorait de quel moyens Haldren disposait pour se soigner. Allait-il réapparaître d'un instant à l'autre, ivre de vengeance ? Mika'el ne souhaitait guère découvrir la réponse à cette question.

Avisant Foutue Carne qui tournait en rond non loin de lui, il se dégagea des combats et sauta en selle sur l'étalon abandonné par l'archimage. Talonnant vigoureusement la bête, le gladiateur détala sans demander son reste, abandonnant à leur sort ce groupe de débiles dont la seule compétence semblait être de s'engueuler avant une bataille puis de s'entretuer lorsqu'elle débutait. Dommage de ne pas avoir pu emmener Suri, se dit-il alors que Foutue Carne avalait avidement la distance et l'emmenait vers le nord, mais elle s'était trouvé trop loin de lui pour qu'il puisse l'attraper au passage.

Libre !

Il était libre !

« oh la galère » se répétait inlassablement Kurt en s'approchant du lieu de la bagarre. D'habitude, il était partant pour ces choses-là. Mais là... ça humait vraiment le fennec à plein pif. Et puis, avec toute cette démonstration de puissance magique qui s'était produite, il aurait fallu être fou pour s'en approcher à moins de trois lieux. Heureusement, la folie était dans leurs attributions. Sinon, comment gagner les guerres ? Par dessus le lot, un cor se mit à dégueuler sa mélodie inaudible, les forçant presque à s'arrêter net pour accuser le coup. « C'est qu'ils nous jouent du biniou en plus les saloupiauds ! ».  Tout ça pour dire qu'après une cavalcade qui sembla durer une éternité sous cette chaleur pesante et cette impression de bouffer plus de poussière que d'air, ils arrivèrent enfin à l'endroit de tous les périples.

Jet de dés sur 100 pour le moral de Kurt et sa bande:

– Ouais, bon, j'ai plus envie en fait, murmura-t-il en voyant les zigotos devant lui s'arroser à toutes les sauces.

Derrière pourtant, les autres peignes-culs de sa troupe déboulèrent comme des damnés et on commença à se poser des questions quant à ceux qu'il fallait zigouiller et ceux qu'il fallait sauver. A voir leurs gueules de déterrés, l'instant dura quelques temps quand même.

– Qui c'est qu'a joué du cor ? Gueula-t-il.

Pas de réponse, mais une grande courge au loin agitait son arme en même temps que son clairon.

– Trouez-moi ceux-là ! Lança-t-il à ses gars en pointant un petit groupe de péquenauds sur le départ.

Jet de dés sur 100 pour les tirs contre tous les mecs encore en vie:

Tous les carreaux finirent leur trajectoire dans le vent, gâchant ainsi l'incroyable effet de surprise qu'il s'était imaginé provoquer.

– Bordel, faut tout faire soi-même...

Un petit coup dans les flancs de son dada et Kurt s'en alla croiser le fer avec l'un des gus qui lui tournait le dos et cavalait déjà pour prendre la tangente.. Si sa mémoire était bonne, le gars devait avoir une arbalète en guise d'arme. La joie !

Jet de dés sur 100 pour le combat entre Kurt + ses gars contre l'arbalétrier B, archer et arcaniste A :

Pas besoin de lame pour ce coup-ci ! Sa petite hachette s'enfonça dans le crâne de l'arbalétrier, qui stoppa net sa course et s'écrasa au sol. Pour un travail bien fait, Kurt mit pieds à terre et retourna vers le fuyard qui avait maintenant sa hache dans le crâne. Le gars bougeait plus. Il avait du sacrément morfler rien qu'en voyant sa gueule qui pendait d'un côté.

– C'est net, c'est propre et sans ratures.

Satisfait du boulot, le sergent regarda autour de lui pour voir si les siens avaient eu aussi des prises. Pour sûr qu'il y avait eu deux autres poissons pris dans les filets. L'un des cadavres avait un arc, puis l'autre... il en savait foutrement rien, mais le corniaud avait désormais un second trou de balle. Ailleurs, d'autres combats avaient lieu. Et comme la situation paraissait maintenant sous contrôle, Kurt se contenta de nettoyer sa lame en scrutant les trognes de ceux qui avaient dégusté l'embuscade.

– Et bah... vous en faites de ces gueules.

Effectif ennemi:

Cramponnée à Rurk, la dawi fixait avec rage les assaillants, la frustration lui serrant de plus en plus le coeur. Vont fuir ces lâches ! Entre ses sourtes jambes, les muscles du bélier roulaient avec violence, ses sabots martelant le sol au rythme de son souffle rauque et heurté. Frapper l'ennemi, le heurter, le renverser, le piétiner, le fracasser... L'émotion violente contractait les muscles faciaux de Grimeldha en un masque de fureur sculpté.

Cependant, dans un même temps, elle ne pouvait rester aveugle à la corne manquante, au pelage tâché de rouge... Et à la distance grandissante entre eux et les cavaliers. Maudits longues pattes ! Comme en réponse, la trame fut soudainement tiraillée et une faille s'ouvrit au niveau des fuyards. Inspirant brusquement, la dawi employa toutes ses forces à en éloigner Rurk, trop aveuglé pour réagir au danger. Regardant alentours, la naine pris conscience de la présence d'une nouvelle troupe inconnue... Et des flèches qui se mirent à tomber des cieux.

Peine perdue que d'essayer de rattraper les fuyards. Avec un grognement, Grimeldha maintint la pression, faisant faire complètement demi-tour au bélier, juste à temps pour voir le guss à la faux être projeté sur plusieurs mètres. Réflexion faite, s'il restait un arcaniste parmi les adversaires, la naine ne souhaitait pas s'y confronter dans l'état. Rurk sembla même ralentir, son souffle se faisant de plus en plus fort. Vieille bourrique...

Grimaçante, elle mena l'animal près du premier groupe, le plaçant entre elle et les nouveaux venus. Dès que possible, elle mit pied à terre, sortie une pierre gravée d'une bourse autour de son cou et l'apposa au plus près de la base de la corne brisée, comptant sur sa magie pour soulager la douleur et soigner au plus vite les possibles dommages du crâne. Le bélier, frémissant et soufflant violemment, carra sa tête contre la vieille dawi. Le coeur serré, Grimeldha lâcha son bâton et caressa la tête de l'animal, regrettant de ne pas avoir prévu de runes plus puissantes pour une telle situation.

"Brave Rurk, t'en fait t'y pas... J'pensais pas c'que j'disais... J'vais t'soigner ça..." lui murmurait doucement la dawi.

Le bouc s'était battu avec toute la hargne du monde sans réussir à déloger Ce'Lyra, mais c'était sans compter sur la naine qui l'accompagnait. Pour le libérer, elle n'avait pas hésité à rendre l'animal fou de douleur. La douleur en elle-même n'était pas un problème pour la jeune fille qui poussait si souvent ses poupées de chair à dépasser leurs limites, mais l'esprit de l'animal avait perdu tout sens commun. Littéralement aveuglé par la rage, les cris de la naine et la souffrance, Ce'Lyra n'eut d'autre choix que de quitter ce vaisseau inutile. Épuisée de cette confrontation, son père la sentit tout juste prendre une respiration plus longue que les autres. Les regards qu'il jetait par dessus son épaule tout en se tenant à bonne distance des cinglés qui chargeaient lui serraient les mâchoires au point de lui faire mal. Même ses mages n'avaient pas été capable de soigner qui que ce soit ou de faire changer le cours de cette escarmouche. C'est avec horreur qu'il s'était rendu compte que chacun de leur ennemis du jour possédait des pouvoirs, fussent-ils aussi ridicules que l'homme qui s'était lui-même foudroyé.

Les yeux du chef des mercenaires courraient d'un point à l'autre de la bataille pour trouver un point faible, un moyen de sauver les meubles ne serait-ce qu'un minimum. Une colère sourde le tenait aux tripes. L’explication qu'il aurait le soir-même avec Ce'Lyra ne se ferait certainement pas sans accrocs. Peut-être que les autres avaient raison. Il ne devrait pas faire autant confiance à sa si jeune fille. Attiré par un mouvement faible au sein de la poussière qui tourbillonnait en tous sens.

- Le cheval, là-bas, relève le pour dégager Aedan.

Balloté par le galop de sa monture qu'il poussait à tourner autour du carnage pour éviter l'arrivée de la cavalerie ennemis, le corps de la jeune fille s'affaissa sans un mot de protestation... Et se redressa aussi se.

- Je ne peux pas. Il est vide.

Maûn jura et talonna son cheval à toute volée, rentrant la tête dans les épaule et évitant de rester en ligne droite pour éviter de recevoir une flèche dans le dos. Il passa près d'un homme à la peau grise et aux cheveux blanc caché à l'écart sans lui jeter plus d'un regard. Le gamin qu'il avait été payé pour ramener  était encore quelque part. Il n'en valait pas la peine, mais la colère de l'esclavagiste le poussait à reporter le présent fiasco sur une cible. Peut-être que d'ici quelques heures, il aurait retrouvé ses esprits. En tout cas, Ce'Lyra l'espérait.

Cécilie était toujours debout, le sang sur le poignard coulait sur ses doigts, chaud et poisseux. Avait-elle déjà connue une telle sensation ? Les chevaux et les hommes tombaient autour d'elle. Rurk balança la carcasse hurlante d'un étalon à moins d'un mètre de la jeune femme sans qu'elle ne fasse un mouvement pour s'en éloigner. Elle entendit de loin le grognement de douleur du cavalier qui venait d'être jeté au sol, supposant qu'il s'agissait de Yenaël. Il était en vie. Elle attendait, tel un vautour à l'affut d'une brèche. Elle se sentait capable de tout faire mais devait voulait employer ses capacité là ou elle seraient le plus utile.

Et ça ne tarda pas. La mélodie de Grimeldha se brouilla totalement. A son contact, le tambour battant de douleur de son étrange compagnons à quatre patte semblait la rendre encore plus instable. Elle glissa de l'un à l'autre, dans les brèches béantes que leur fureur et leur souffrance donnaient pour abaisser la force de leurs émotions, suffisamment pour que l'un et l'autre retrouve un semblant de raison si ce n'est de calme... Mais déjà une autre présence, plus strident, plus étrange que toutes les autres, attirait son attention.

Sur la trajectoire du bouc, un peu à l'écart des combat, une... chose se débattait.

En s'approchant, Cécilie eut un haut le cœur. Elle n'avait jamais sentit un esprit comme celui-ci... étrangement morcelé. Contre nature. Sans parvenir à savoir exactement pourquoi, ce qu'elle entendait la révulsait... Et d'un autre côté, il y avait une telle peur et une telle force qui tentait de reprendre le contrôle sur le chaos que cet être poussait le cœur sec de la noblionne à une forme de compassion. Elle n'avait pas ressenti ça depuis longtemps.

Prenant garde, à ne passe faire happée par la dualité aberrante qu'elle ressentait, elle s'appuya sur le surplus de pouvoir qui suppurait du Livre pour se glisser au cœur du maelstrom. Lutant contre sa nature, elle tentait de restreindre ses perceptions et de se concentrer sur ce qu'il y avait a faire : toucher cette conscience qui luttait elle aussi mais contre de bien plus sombres instinct. Malgré elle, elle sentit une rage sourde, une soif de sang... et s'en dégagea, parvenant à rester calme, sa volonté mise à rue épreuve.

Après un moment, elle du se rendre à l'évidence. Elle ne parvenait pas à comprendre l'intrication de ces éléments contradictoires. Elle ne pouvait simplement enlever ou résorber l'ombre grouillante. Alors elle tenta le tout pour le tout. Elle savait que rester dans un esprit pareil en se dévoilant allait renforcer les défenses mentales conscientes et inconscientes. Il y avait aussi de fortes chances que cette masse incompréhensible se retourne contre elle. Mais elle ne voyait pas d'autre moyen.

Alors elle s'approcha de la partie qu'elle considérait comme raisonnable et combattive et s'y colla, s'efforçant de révéler progressivement sa présence comme une chose chaleureuse et douce. Une lumière dans une nuit obscure. Une amie. Quelque chose de stable sur laquelle on pouvait s'appuyer. " Je suis là pour t'aider. " Au lieu d'intervenir directement sur les émotions de cet esprit en désordre, elle fit en sort d'être une source de calme et d'apaisement, exacerbant les perceptions et les souvenirs auxquels cette part de raison semblait s'accrocher pour gagner du terrain. Par delà les mots, elle lui prodiguait encouragements et force. La péninsulaire soutenait la volonté sensée qui contenait la tempête, la laissant guider le pouvoir qu'elle n'avait pas su utiliser seule jusqu'à ce que le combat s'achève... Pour cette fois.

Puis elle s'assura que la jeune femme était stable et se retira. Près de son propre corps, un cheval gémissait, toujours à l'agonie. Le cœur encore ampli d'un acte bienveillant, elle lui épargna la douleur, le laissant s'éteindre paisiblement.

Enfin, elle revint pleinement à elle. Retrouvant toute la force de ses sensations, elle s'empressa de fermer les yeux en grognant. Elle n'avait pas cillé pendant tout ce temps et la poussière s'était surement accumulée sur sa cornée par la brûlure était intense. Mais le calme reprenait lentement le dessus, c'était le plus important. L'encre qui s'était étendue sur sa peau à l'abri des regards se rétracta jusqu'à disparaitre. Elle lâcha le livre et referma son étui de ceinture avec une dernière pensée reconnaissante. Le visage livide de la jeune femme commença a reprendre de très maigre couleurs et un léger froid s'empara d'elle mais elle tenait encore sur ses jambes sans problèmes. Les mains tremblant légèrement, elle s'efforça de rengainer son poignard.

– Et bah... vous en faites de ces gueules.

Des nouveaux venus... Oui. Et plus d'un lui murmuraient les Mélodies. dix. Plus. Beaucoup en tout cas. Et leur accent les désignaient comme péninsulaire. Mais il y avait un détail avant de s'occuper de ces gens qui ne semblaient pas hostiles. Cécilie tendit le bras droit vers la carne qui avait essayé de sauter au-dessus du sort de Dunraël.

Il y en a encore un de vivant là-bas. " lança-t-elle à la cantonade d'une voix rauque. Puis elle pointa la direction dans laquelle était tombée la jeune femme qu'elle avait tenté d'aider. " Et il faut vite aider cette femme. Je crois qu'elle s'est blessée en tombant. Au bras gauche. "

Ses jambes la démangeait. Elle aurait voulu courir vers cette étrangère pour s'assurer de sa santé, mais elle en était - comme de beaucoup d'autres choses - incapable. Ce qu'elle ne pouvait imaginer en revanche, c'est que le bras gauche de Suri ne s'était pas brisé en tombant. Sa peau était à présent d'un noir d'encre et couvert de cloques, tout comme une partie de son dos.

Si l'attention se porta vite vers la jeune fille qui gisait au sol, Kurt se concentra sur la donzelle qui avait été la première à sortir du silence. Tout d'abord, elle lui avait donné une drôle d'impression. Celle du déjà vu. Puis, en la voyant marcher de la sorte, il comprit. En plein trou du cul du monde, il avait réussi à croiser la route d'une grande noblionne du Royaume. Et celle là, il n'était pas prêt de l'oublier puisque les glandus atteint de cécité qui gouvernaient la péninsule étaient fichtrement peu nombreux. D'autant plus lorsque cette dernière avait fait le déplacement lors du fameux concile de Diantra. Par chance, la compagnie avait pris ses quartiers dans la grand-ville et avait, du coup, côtoyé pas mal de monde.

– Et dites moi m'dame, on se serait pas déjà vu à Diantra ?

A peine terminé, il comprit sa bourde. Pour feindre la gêne, il regarda la gamine au loin.

– Ouais, pour sûr qu'elle a salement dégusté la p'tiote. M'est d'avis qu'elle passera p'têtre pas la nuit, renchérit-il, rajoutant un malaise encore plus pesant dans la petite compagnie encore sur les nerfs. Où que vous allez comme ça ?

Une bonne âme allait bien lui en toucher deux mots. Après tout, lui et ses gars avaient mis un terme à l'échauffourée.

Les chevaux dépassaient la mêlée, par la droite et la gauche, des hommes tiraient à l'arbalète et d’autres talonnaient leurs montures armes à la main. Ils fondaient sur les fuyards, résolus à faire pousser les hertis de quelques-uns d'entre eux. Le sort était clément, des alliés dans pareille situation, c'était une aide inespérée. La daedhel revint au petit trot, là où se tenait encore la mêlée quelques instants auparavant. Ses yeux se posèrent le mage Zurthan, elle rengaina son épée dans le fourreau harnaché au cheval et mit pied à terre.

- Qu’on aligne les blessés aux côtés de Jennad ! Beugla-t-elle à l’attention de ceux qui étaient encore en état de bouger.

T’sisra se pencha sur l’élémentaliste inconscient et posa sa main sur son cou. Le bougre avait pris un sacré retour de bâton dans le museau, mais sa vie n’était pas en danger. Cet espèce d'âne bâté avait eu un coup de chance inouï. Elle poussa un soupir de soulagement, avant de se redresser et rejoindre la noblionne.

- Cécilie, êtes-vous blessée ? Demanda-t-elle avant de jeter un œil aux alentours. Où est passé Haldren ? Et Grayle ? S’enquit la drow, visiblement inquiète. Haldren ?! Grayle ?!

Elle aperçut alors le jeune homme qui serrait toujours sa faux. Il était littéralement couvert de sang, et la noiraude espérait simplement que ça soit celui de leurs adversaires, plutôt que le sien. Faisant volte-face, ses yeux se posèrent sur le nouvel arrivant. Outre son armure rutilante et son chapeau à plumes extravaguant, c’était bien sa moustache qui retint son attention. Elle en avait croisé des barbus, mais des moustaches comme celle-ci, la drow n’en avait jamais vue.

- Merci d’être intervenu. Fit-elle dans un hochement de tête. Et pour répondre à votre question, nous allons dans les Terres Stériles. Si certains de vos hommes sont blessés, qu’ils s’alignent aux côtés du Zurthan, continua-t-elle sur sa lancée en désignant ledit homme de l’index, je verrais ce que je peux faire.

T'sisra se passa une main sur le coup dans un geste machinal, elle souhaitait ne pas s'attarder ici plus que de raison, compte tenu de la dangerosité des routes. Jetant un regard vers l'arrière, le souvenir de Mika'el monté sur le cheval d'Haldren lui revint. Cet enfoiré avait pris ses jambes à son cou et laissé l'elfe dans la panade. Secouant la tête avec un air dépité, elle relâcha son emprise sur le chevalier qui n'en n'avait plus, et celui-ci s'effondra dans la seconde.

Les Terres Stériles ? Avait-il bien entendu ? Il faillit s'étouffer dans sa propre salive qu'il dut cracher aussitôt. A voir l'état de la troupe, il n'aurait pas parié un sous sur eux. Que pouvaient-ils bien aller chercher là-bas ? Roublard avait eu mention de quelques récits de voyageurs pas très reluisants à propos des terres Stériles. Ceux qui avaient eu la chance d'en revenir n'étaient jamais très élogieux. Mais une chose était sûre, pour y aller, fallait avoir une sacrée bonne raison. Et si les raisons ne manquaient pas, le cran, la soif et la mort, pouvaient vous rattraper à chaque instant. L'elfette blancharde l'avait troublé pour sûr. Il jeta un œil à ses gars qui avaient l'air de bien se porter. Gueulard et Crapaud s'enfilaient quelques rasades de monte-aux-créneaux. Simplé et l'Houlier revenaient tout juste de leur chevauchée. Fripon, lui, se faisait rafistoler par Barbier qui avait ramené dans ses bagages son nécessaire de couture.


– Les Terres Stériles, vous dites ? Demanda Kurt en se passant la main sur sa moustache. Ça semble bien mal engagé.

Son attention se reporta sur la noblionne péninsulaire qui avait l'air aussi paumée qu'une fol-dingo. Puis, il fit l'état des lieux de ses camarades de route, un par un. Une naine, des salades d'Anaëh, des mélanges exotiques, un gamin plus près de ressembler à un bouseux qu'un homme d'arme. Kurt fronça les sourcils. Celle qui lui avait parlé, l'elfette blancharde. Nom d'un veau cul de jatte, c'était une drow !

– J'pourrais savoir pourquoi une drow embarque une grande noblette du Royaume dans les terres Stériles ? Ça sonne b'zarre cette histoire, vous trouvez pô ?

Sans aller plus loin, Kurt venait de montrer qu'il avait du mal à gober qu'une telle chose puisse se faire. Pour avoir suffisamment planté de drows dans sa vie, il les savait suffisamment perfides pour oser enlever une noble du royaume pour la ramener dans leurs pénates. Sans le savoir, un avis de recherche existait peut-être en péninsule. C'était des couilles en or qu'il pourrait se faire en ramenant la belle paumée dans son château. Petit à petit, sa main vint rechercher le contact de son pommeau. Il faudrait lui lâcher un meilleur bout de gras pour qu'il laisse sa potentielle prise.

Hrp:

- Pardonnez-moi messire, " répondit Cécilie en se tournant vers Kurt, et faisant quelques pas précautionneux avant que T'sisra ne prenne le risque de s'emberlificoter dans une explication sensé mais peu convaincante du point de vue de ses compatriotes " Mais j'ai bien peur que ce soit la noblette qui ait engagé cette expédition vers les Terres Stériles sur la demande de Dame Jena de Kastelord, élue de la DameDieu, et de la Haute-Prêtresse de Tyra. "

Elle ramena sa tresse longue tresse sur son épaule, ignorant avec superbe les accrocs et la poussière qui maculaient sa robe de lin blanc tout comme sa mine défaite. Seule la chainette qui lui barrait le front évitait aux trop nombreuses mèches éparses de lui retomber sur le visage. Elle s'était égratigné la joue et le coude dans la chute mais elle n'était pas blessée. En réalité, c'était son bâton qui lui manquait le plus pour dissimuler les tremblements qui agitaient ses mains.

* Tout va bien. Tu es en sécurité pour l'instant. Et je te protège. *

Elle inspira et s'orienta vers T'sisra, un bras en avant jusqu'à toucher son épaule pour pouvoir parler à voix basse sans mettre le nouveau venu péninsulaire dans la confidence. Elle avait la conviction sincère d'avoir agi au mieux malgré la difficulté de reconstituer la scène dans son entier et l'hésitation qui en découlait.

- Par ailleurs, je crois que le Sire Haldren a fuit... ça c'est passé très vite. Il m'a attrapé dans la mêlé et m'a attiré au cœur d'un maelstrom de magie. Il voulait invoquer quelque chose d'énorme. La magie qu'il utilisait semblait incontrôlable et dangereuses, bien au delà de la force qu'il a manifesté pour contrôler l'esclave un peu plus tôt. Il ne me lâchait pas alors j'ai préféré ne pas prendre de risque. J'ai tenté de me défendre et de le déconcentrer en donnant un coup avec mon couteau. Je crois que je l'ai touché mais je ne sais trop comment et je l'ai senti... disparaitre. Ou partir plutôt. Je ne sais pas... Nous en reparlerons avec les autres, je n'en doute pas, mais je ne voulais pas vous faire languir. "

Question épineuse pour un homme de la péninsule, qu’on ne pouvait réellement blâmer au vu de la réputation des drows. Même celui qui était devenu elfe n’en avait plus une très bonne d’ailleurs. Son regard descendit jusqu’à la main de Kurt, une main qui se baladait doucement en direction de son arme, et arracha un discret et impondérable soupir à la daedhel alors qu’elle rivait à nouveau ses yeux bleu acier dans ceux du mercenaire. Au fil du temps, cela était devenu une habitude. Elle se pencha légèrement vers Cécilie lorsqu’elle vint lui chuchoter quelques mots à l’oreille.

- Par ailleurs, je crois que le Sire Haldren a fuit... ça c'est passé très vite. Il m'a attrapé dans la mêlé et m'a attiré au cœur d'un maelstrom de magie. Il voulait invoquer quelque chose d'énorme. La magie qu'il utilisait semblait incontrôlable et dangereuses, bien au delà de la force qu'il a manifesté pour contrôler l'esclave un peu plus tôt. Il ne me lâchait pas alors j'ai préféré ne pas prendre de risque. J'ai tenté de me défendre et de le déconcentrer en donnant un coup avec mon couteau. Je crois que je l'ai touché, mais je ne sais trop comment et je l'ai senti... disparaitre. Ou partir plutôt. Je ne sais pas... Nous en reparlerons avec les autres, je n'en doute pas, mais je ne voulais pas vous faire languir.

Et c’est sans quitter du regard Kurt, que le sourcil de T’sisra décrit un arc de cercle à la mention de la fuite d’Haldren. Cela lui paraissait être une réaction bien inespérée dans un combat qui avait à peine commencé, surtout pour un mage de sa trempe. Puis le couperet tomba, si son sourcil avait pu se décrocher et tomber dans la poussière à ses pieds, il l’aurait fait. Suriné. Elle l’avait suriné comme le dernier des crève-la-faim. Certes, il avait des mœurs et des façons de faire plus que douteuses pour un prétendu elfe, mais il ne faisait pas partie du camp d’en face. Un tel geste dans pareille situation…
La noiraude tourna la tête un bref instant vers Cécilie pour acquiescer, l’air interdite. Puis se détourna en se passant la main sur le front et retenant un juron. Elle avait espéré que tout ne parte pas à vau-l’eau, et ses pires craintes semblaient vouloir se réaliser. Comment avaient-ils pu en arriver là ?

La daedhel se contenta de secouer la tête en retournant vers Jennad. Il fallait garder la tête froide, soigner les blessés comme on le pouvait et ne pas s’éterniser ici. Surtout pas.

- Les blessés, alignez-vous ici ! S’écria-t-elle à l’attention de sa troupe comme celle de Kurt. Dépêchez-vous. L’endroit est bien plus dangereux qu’on ne pourrait le penser à première vue.

Elle s’agenouilla près du Zurthan, plaquant ses mains sur son torse et psalmodiant à voix basse. Elle s’occupa de résorber quelques brûlures et hématomes, mais les cicatrices caractéristiques que la foudre laisse sur ses victimes ne s’en n’iraient pas. Ça non, ces marques rappelleraient cette erreur au mage toute sa vie, et elle jugea bon de lui laisser un tel souvenir.

- Grayle ! Je vous en prie, amenez-moi la petite, fit-elle en désignant l’elfe blonde qui traînait sur le sol un peu plus loin, et venez vous faire soigner.

En attendant, du coin de l’œil, elle cherchait le dernier elfe de la troupe, celui dont le mal de l'éternité était en train de lui ronger la raison. Lorsqu'elle l'aperçut, las de tout comme à son habitude, elle ne put s'empêcher de laisser filer entre ses lèvres un énième soupir. Le bougre avait ouvert une brèche pour arrêter l'un des fuyards, c'était l'hospice qui se foutait de la charité. Cependant, la noiraude tourna à nouveau la tête en direction de Grayle, attendant patiemment le prochain blessé.

À mesure que Dunraël parlait, la daedhel avait les oreilles qui s’affaissaient. Elle hésitait entre la bêtise complète ou l’égoïsme. À moins que le foutage de gueule fut une passion extrêmement développée chez lui ? Elle se redressa, à trois pas du Zurthan qui avait fait sourire l’elfe et l’interpella.

- Quelle excellente idée, ironisa-t-elle, dans sa situation, je ne doute pas qu’Haldren saute de joie en vous sachant venir le chercher pour lui rappeler que vous avez besoin de lui pour aller à Nisétis, un endroit où il ne souhaitait, de base, pas mettre les pieds.

T’sisra se pinça l’arrête nasale l’instant d’une très courte pause.

- Surtout de votre part, vous qui n’avez cessé d’expliquer que les uns et les autres ont ouverts des failles dans cette cité maudite, alors qu’il ne faut pas en ouvrir, puisque les conséquences peuvent être désastreuses. Et à ce propos vous avez raison, ça, je vous l’accorde. Concéda-t-elle plus sérieusement. Mais vous, vous le faites. Et pour aspirer le Souffle d’un cheval alors même que son cavalier prend la fuite et que le combat n’est plus nécessaire. Insistait la drow en agitant l’index avant d’ironiser à nouveau. Vous êtes un modèle de sagesse, « Faites de ce que je dis, pas ce que je fais », dit-elle en mimant les guillemets avec les doigts, et ne gaspillez pas votre salive à nous expliquer que vous êtes un spécialiste depuis des siècles et que vu sous cet angle, vous vous octroyez le droit le faire. Ce serait se foutre de la gueule du monde plus encore.

Elle jeta un œil à Cécilie, puis à Kurt qui ne devait pas réellement comprendre de quoi il retournait, avant de revenir à Dunraël.

- Les choses sont claires maintenant. Haldren et Cécilie ont accepté de vous accompagner à condition que vous nous aidiez et que vous vous rendiez utile quant à la résolution du problème qui nous mène jusque dans les Terres Stériles. Haldren n’étant plus là, c’est foutu pour quête. Quant à Cécilie, c’est très simple, votre aide, nous n’en voulons pas. Elle n’aura plus besoin de vous apporter un quelconque soutien en retour. Nakor vous l'a clairement dit, c'est la limite de son pouvoir. Votre voyage, vous le ferez tout seul. Alors maintenant, barrez-vous. C’est marre.

Et dans le même temps, arrivant tout doucement, un bedonnant demi-elfe qui avait des souverains plein la tête rien que d'approcher ce qui restait du champ de bataille, commençait déjà à interpeller la foule.