[MdO2019][Souffle prisonnier] Rassemblement 6 - Les opportuns importuns

Kastelord avait-elle dit ? Ses oreilles ne lui avaient point joué de tours. Ce nom lui disait bien quelque chose. Et pour cause ! Si la Missédoise avait parlé d'une fameuse Jena, lui avait connu son époux durant la campagne du Médian. C'était même lui et ses gars qui avaient reçu la délicate mission de maintenir en vie le loustic tandis qu'un autre dégénéré du caisson s'en était pris à lui. Le plus étrange dans cette histoire, c'est qu'ils s'en étaient presque fait un ami du Kastelord. A bien des égards, le noble déchu aurait fait une formidable recrue. Mais là n'était presque pas le problème, puisque devant lui se déroula une scène bien plus étonnante encore. Un crêpage de chignons digne des plus belles romances pour jouvancelles. La salade qui l'avait remercié quelques secondes plus tôt, pris ses cliques et ses claques avant de souhaiter à tous une bonne mort.

Et ben... sympa le petit pote.

Mais c'est que l'autre grande courge du Puy semblait elle aussi avoir un tempérament à faire débander des violeurs. L'heure n'était point venue d'estourbir encore qui que ce soit. Il lui faudrait encore les faire cracher un peu plus dans le bassinet afin de savoir s'il y aurait moyen de se faire un peu de beurre.

– C'est l'amour fou dans vot troupe, ma parole, souffla-t-il en ricanant. Par là-bas, on a vu ce qui ressemblait à un refuge en haut d'une colline. De loin, j'pensais que c'était un four à pain, mais on m'a assuré qu'on y f'sait dormir les bergers quand la nuit s'met à tomber. Ça vaudra p'têtre mieux que d'rester planté là comme des courges.

Kurt se tourna vers ses gars qui attendaient.

– Aidez à porter les blessés si b'soin.

La vieille dawi s'approcha, dans l'indifférence des longues-jambes présentes. Du moins, c'est ce qu'il lui sembla. Aussi, retentit brusquement ce qui sonna plus comme un amoncellement de roches se frictionnant lourdement les unes les autres qu'un simple raclement de gorge. Pourtant c'était bien de cela qu'il s'agissait. L'attention du plus grand nombre captée, Grimeldha prit la parole.

"S'pas faute d'êt'e dur d'l'oreille m'enfin vous causez, vous causez, j'finis par entendre plus qu'en faut. Elle inspira. L'umgi qui brille - quoi ton nom, jeune moustache ? - a bien parlé. Soigner les blessés, s'retrancher dans un coin défendable... Priorité, voyez ? Si vous avez d'aut'es vos amis qu'y comptent v'nir... Vous causerez après. Se tournant vers la nobliaux, elle la désigna du doigt. P'tiote, faudra qu'on cause. J'pas tout bien compris, mais ton histoire d'prêtresse j'veux l'entendre. Sur ce, on s're-cause à la baraque d'bergers."

Sans plus attendre, la dawi alla s'occuper de la petiote qui gémissait plutôt. Passant près du nouveau venu avec sa vieille carne, la naine lui décerna un "Sers-toi d'tes yeux l'umgi !". Un rapide détour lui permit de récupérer la corne brisée du bélier. Près de l'elfette inconsciente, elle avisa le guss à la faux, qui n'avait pas l'air bien vaillant sur ses jambes.

"Grayle, qu'tu t'appelles ? Va t'poser à l'arrière d'ma chariote, j'ramène la p'tite et une fois à l’abri on comptera tes bleus, ok ?" fit-elle en soulevant doucement la petite en question.

Qu'des os dans ce p'tits corps. Songea-t-elle, tant il lui sembla que "l'enfant" ne pesait rien, quoiqu'en dise sa propre ossature grinçante et ses muscles meurtris. Les vieilles habitudes ayant la vie dure, deux siècles de vie ou pas, Grimeldha n'avait pas pour coutume de se ménager. Sifflant le bélier encore un peu sonné, elle retourna auprès de sa maisonnette sur roues et installa la fille sur son modeste lit... Et réalisa l'étendue des plaies, le bras noirci, les cloques... Tudieu. Une tête de naine sortie de la chariote et gueula "LA P'TITE A B'SOIN D'SOIN !" avant d'y re-rentrer. Grimeldha ressortit sa pierre et la cala contre le bras blessé, pestant de plus belle contre son manque de rune adaptée. Elle ressortit précipitamment de la chariote et arnacha Rurk avec méthode.

"Un dernier p'tit effort mon grand..." lui souffla-t-elle en khazalide.

À l’injonction de l’ancienne, la daedhel se dressa sur ses jambes et obéit sans plus attendre, rejoignant la carriole d’un pas leste et rapide. Sur le chemin, elle ne manqua pas d’interpeller le profiteur qui avait senti l’appât du gain.

- Apportez vos remèdes et vite ! Lui lança la drow en le désignant de l’index.

S’approchant de la carriole, elle ne se fit pas prier pour grimper à l’intérieur tout aussi prestement. Sans prendre le temps de s’attarder sur le mobilier en modèle réduit, ses yeux allèrent de la jeune femme à l’ancienne. La nécromancienne ne put évidemment pas s’empêcher de s’attarder sur le bâton gravé et la pierre soigneusement calée contre le bras noirci.

- Ai-oi. Intervint T’sisra en entrant pour signifier sa présence. Kud tâti ugmal-rhunki ? ¹

La daedhel avança jusqu’à se tenir au chevet de Suri sans y être invitée, constatant, avec un effroi lisible sur son visage, des dégâts qui n’auraient pu être causés par aucune arme. Elle retint une grimace en se penchant sur ce bras noir et jonché de cloques de toutes les tailles.

- Vous pardonnerez mon Khazalid, il est un peu rouillé. Reprit-elle en oliyan, ce qui permit à la naine de noter que son accent à couper au couteau s’entendait quelle que soit la langue employée. Les choses se présentent très mal, n’y voyez aucun manque de respect, mais je vais prendre les devants quant à l’élaboration d’une explication plausible.

Aussi, elle se saisit de sa dague, qu’elle conservait dans sa botte. La lame était aussi noire de la peau cloquée de l’elfe.

- Lorsqu’elle est arrivée, son bras n’était pas ainsi. J’en mettrai ma main à couper. Tout s’est enchaîné très vite, mais il me semble que la situation lui ait fait perdre pied, ce qui expliquerait en partie son comportement… Étrange. Expliqua-t-elle en faisant référence au moment où la jeune femme s’était frappé frénétiquement le front contre le sol. Étant donné qu’aucune arme ne peut infliger de pareilles blessures et qu'elle était hors de portée des mages ennemis, je parierai sur une affliction d’ordre magique, sûrement ancienne, possiblement une magie persistante.

La daedhel approcha la pointe de sa dague d’une des cloques pour la crever. Son geste fut aussi rapide que précis, comme si travailler les chairs n’était pas une chose qui lui posait de problème particulier. Remontant sa main le long de l’épaule, comme pour sonder la blessure, elle s’affaira ensuite à déchirer le vêtement qui lui couvrait le dos à l’aide de son arme. T’sisra parlait sans discontinuer, visiblement très concentrée cette lésion aux symptômes inédits.

- Je ne suis pas certaine qu’on puisse soigner une telle chose rapidement, même via l’utilisation de la magie. Affirma la nécromancienne, visiblement peu sûre de ses capacités sur l’instant. En revanche, je me demande si la panique et son état mental n’influent pas sur cette chose. Après tout, c’est bien après son espèce de… Crise, que nous avons pu constater la progression de cette tâche noire. Conclut-elle en regardant la naine droit dans les yeux. Je peux apaiser le corps et les chairs, mais pas son esprit. Je gage que si nous parvenons à endiguer la douleur, qu’elle se repose dans votre carriole et que le marchand applique ses cataplasmes et autres remèdes, cela devrait l'aider à retrouver un semblant de paix intérieure. Le principal étant de la tenir loin de situations stressantes et angoissantes, il faut absolument maintenir un cocon de sérénité. Si je ne me suis pas trompée, cela devrait permettre d’endiguer la progression de l’affliction. Argua T’sisra en désignant de sa main libre ce qu’elle estimait être l’épicentre de l’étendue noirâtre. Et avec de la chance, la résorber. Ajouta-t-elle avec un brin d’espoir au fond de ses iris bleu acier.

¹Littéralement : « Par ici. Intervint T’sisra en entrant pour signifier sa présence. Qu’y a-t-il Ancienne runiste ? ». « ugmal-rhunki » étant une locution à prendre comme une marque de respect.

Réaliser que c'était la drow qui avait, la première, réagit à son appel, donna des ailes à la vieille dawi, pourtant occupée avec son bélier. Sur les talons de l'intruse, la protestation qui enflait dans la gorge de Grimeldha s'y coinça soudainement.

"Qu'les Ancêtres m'assomment ! D'où qu'tu causes le nain, la noirelfe ?!" s'insurgea-t-elle plutôt.

Cependant, les propos que la créature tint lui rappelèrent ses priorités, quoiqu'en dise son aversion pour la race à laquelle elle appartenait. Pestant, intérieurement cette fois, Grimeldha n'en écouta pas moins les réflexions de son "invitée"... Et jura copieusement à la vue du dos de l'elfette.

"P'nons les choses dans l'ordre. fit sombrement la naine tout en commençant à s'activer dans l'espace exigu. Faut pas qu'ses mauvais songent aggravent les choses. Qu'son esprit s'rapproche du Monde d'en d'ssous, sans en franchir les portes. Pendant c'temps, on aide son corps à s'en r'mettre. "

Tout en parlant, Grimeldha repointa le bout de son nez dehors, l'esprit agacé. Pas d'rune, pas d'rune, ça voulait dire qu'elle allait devoir en faire de nouvelles ! Avec une drowsous son toit, si ce n'était pas un affront ! Une abomination ! Une injure aux Ancêtres ! Mais force lui était d'admettre, la fille semblait sûre d'elle, et si les soupçons de la naine quant à un certain nécromant était exacts, elle devait donc avoir de bonne connaissances en matière de magie de Vie. Et personne de censé ne refuserait de l'aide avec une affliction si étrange sur les bras. Bast ! Mais pourquoi une drow ?!

La poigne de la dawi se crispa sur la porte. Il lui suffisait juste d'attraper la noirelfe et de la jeter au dehors. Aussi grand et massif soient ceux de sa race, en comparaison de leurs cousins semblables à des brindilles en automne, la naine ne doutait pas un seul instant d'être capable de la tirer de là sans ménagement. Sa colère n'en accepterait pas moins. FOUTREMERDE ! Et pourquoi une drow polie ?! Les narines soufflant un air chaud de l'outrage qu'elle s'apprétait à s'infliger, Grimeldha cria à la cantonade :

"On s'occupe d'là gosse ! Que quelqu'un conduise l'bestiau pendant c'temps ! Et en DOUCEUR ! MERCI !"

Et sur ce, la porte de la chariote fut refermée promptement. Et verrouillée. La naine se tourna vers la drow.

"Qu'ce soit clair : tu mets ton nez là où faut pas, et j'te le rends méconnaissable, et l'reste avec. J'ai trop d'Ancêtres qu'y m'f'rait fête pour qu'le fasse dès maitenant." gronda-t-elle en khazalide.

Sans autre forme de procès, elle se mit à l'ouvrage. Tournant le dos tant qu'elle le pouvait à la noirelfe, la naine sortie son outillage de caligraphie et quelques pierres, ramassées dans le cour d'un ruisseau. Ses doigts courtauds et couverts de cales saisirent avec une infinie délicatesse un pinceau, le trempèrent dans l'encre et tracèrent, d'un mouvement habile et léger des runes naines qu'elles connaissaient depuis plus d'un siècle. D'quoi la faire dormir... D'quoi calmer sa douleur... D'quoi pousser son corps à r'jeter c'qu'est mort et à r'créer du nouveau... Des minutes d'une intense concentration s'écoulèrent sans que Grimeldha ne prononce un son, déposant précautionneusement chaque pierre ainsi nouvellement marquée.

Avant même qu'elle n'ai le temps de tempérer les mots on ne pouvait plus dur de T'sisra, Dunraël avait sauté en selle pour leur souhaiter bon vent. Cette fois, la jeune femme ne tenta même pas de le retenir. Un risque de moins c'était toujours ça de prit. Elle tourna plutôt l'esprit vers le rescapé dont personne ne faisait grand cas pendant que la naine allait s'occuper de l'elfe qui restait pour l'instant hors de la maigre portée de la noblionne. Il agonisait lentement sous le poids de son cheval, à peine conscient. Elle n'eut aucun problème à entrer dans sa tête pour détruire ce qui restait de conscience et le plonger dans un coma profond.

Puisque personne ne se chargeait de lui, il fallait qu'elle le fasse. Siffloter quelques notes suffirent à balayer souvenirs et perceptions. Même si quelqu'un venait sortir cet esclavagiste de sous sa monture, les chance qu'il rouvre un jour les yeux étaient presque aussi faibles que celles de le voir se souvenir de son prénom. Une chose était sûre, il ne lancerai jamais plus un sort.

Bien. Une bonne chose de faite. Elle tendit l'oreille pour localiser Grayle, mais n'arrivant pas à ses fins, elle se tourna dans une autre direction. A tâtons, elle commença donc à se rapprocher du cahot de la roulotte de la vieille naine qui visiblement ramenait Suri. Des bribes de conversations lui arrivaient de toutes parts et sans son bâton de marche, elle était bien plus hésitante, sondant le sol du bout du pied à chaque nouveau pas. Lorsqu'elle arriva a atteindre un angle de bois, la voix rugueuse de la naine gueula, un mètre à sa droite, et claqua la porte. Par la DameDieu, que comptait-elle faire ?! Avec cette chose qu'elle avait senti dans la psychée de cette jeune femme, ça ne disait rien qui vaille. Alors tandis que le guérisseur faisait son office et que tous tentaient de retrouver un cheval décent, elle fit vaillamment le tour de la roulotte en un temps infini, cherchant le bord d'une porte... et frappa vigoureusement dessus lorsqu'elle en trouva le semblant d'une. De façon polie, tout d'abord, puis carrément insistante.

- Laissez moi entrer. L'esprit de cette fille est sensible. Je peux l'aider. " Elle voulait éviter d'ajouter qu'une chose dangereuse et difficilement contrôlable y séjournait, les oreilles autour d'elle ne manquaient pas, mais elle continua à frapper, jusqu'à ce que la troupe se mette en route et qu'elle soit obliger de monter à cheval ou qu'on lui ouvre cette fichue porte.

"Qu'ce soit clair : tu mets ton nez là où faut pas, et j'te le rends méconnaissable, et l'reste avec. J'ai trop d'Ancêtres qu'y m'f'rait fête pour qu'le fasse dès maitenant."

- J’ai un père nain, vous savez. Je respecte plus votre culture que celle du Puy. Fit-elle, penchée sur Suri. N'ayez crainte, faites vos affaires, je m’occupe des miennes.

Les lèvres de la daedhel se perdirent en litanies et psalmodies dans sa langue natale. Les contusions et les griffures, causées par sa chute du bélier, furent les premières blessures à disparaître sous les doigts fins de la nécromancienne. Pendant que Grayle glissait un mot à la naine en sa faveur, T’sisra commençait à faire la grimace. Les cloques pouvaient se résorber, mais pas la tâche noire qui avait rendu la peau de l’elfe rugueuse et irrégulière. Cependant, ce ne fut pas cela qui l’interpella le plus. Car ils avaient bien affaire à une sorte de magie persistante. C’était très discret, mais la trame était troublée par un reflux, une magie parfois présente, parfois en sommeil, et dont la source semblait être l’affliction de Suri. À moins que ça ne soit Suri elle-même. Puisque cette tâche noire en était vraisemblablement les conséquences. Bien qu'hasardeuse, cette théorie lui semblait à peu près plausible.

La nécromancienne se vit tirée de ses pensées par les trois coups que Grayle avait tambourinés.

- On se met en route ! Attention au départ ! Ca va grimper un peu !

- Merde… Siffla-t-elle entre ses dents, en commençant se redresser. Ugmal-rhunki, aucune intervention magique invasive, intima-t-elle à la naine en lui posant doucement la main sur l’épaule au passage, cette tâche est une affliction magique persistante, tant qu’on n’en identifie pas clairement l’origine, mieux vaut ne rien tenter. Conseilla la daedhel, sûre d’elle pour le coup. Les conséquences seraient imprévisibles, peut-être fatales. La priorité reste sa santé physique pour le moment, j'ai fait ce que je pouvais mais je ne pourrai rien faire de plus, et il reste encore beaucoup de travail, les cloques, les douleurs et peut-être quelques blessures superficielles encore. Je dois m’économiser en cas de nouvelles escarmouches.

En se dirigeant vers la porte de la carriole, son regard s’accrocha à la crinière rousse de Cécilie.

- Ah, vous tombez bien. Elle saura tout vous expliquer, fit-elle en désignant Grimeldha, peut-être que vous pourrez faire quelque chose pour son esprit.

Et sur ces mots, elle s’engouffra dans l’encadrement de la porte, qu’elle refermera en sautant jusque dans l'herbe sèche.

- Suivez la roulotte, nous aurons besoin de vos services. Et la blessée a de quoi payer. Confia-t-elle à celui qui avait un très lointain cousinage elfique. Alors ne traînez pas en chemin.

T’sisra rejoignit sa monture qui avait à peine commencé à se reposer. Si les chevaux pouvaient parler, pour sûr qu’il aurait refusé de porter qui que ce soit sur son dos pour le moment. La daedhel se contenta de mener l’animal par la bride en suivant le convoi. Son regard balayait la lande, à la recherche d’éventuels dangers. Tant qu’ils n’auraient pas atteint ce refuge, elle ne serait pas tranquille.

PNJ:

A peine l'temps graver quelques runes qu'y ont fait d'ma chariote un moulin ! La naine grommelante observa Grayles puis "Dame T'sira" se retirer, la laissant avec leur blessée et la nobliaux. Décidément, pour marcher sur la tête, cette troupe le faisait et sans hésitation. Faire confiance à une drow et être guidé par une aveugle, si c'est pas fameux ! La naine s'assura que la porte était bien fermée, derrière sa dernière "invitée" en date. Reniflant un bon coup, Grimeldha se retourna et observa l'elfette inconsciente.

"Bon, m'semble qu'la noirelfe a soigné les plaies l'plus superficielles. Reste pas moins toute cette chair noire et ces cloques. fit-elle en grimaçant, avant de se tourner vers l'umgi. T'y connais en esprit, Longues-Jambes ? J'ai d'quoi l'endormir encore plus profond, réduire sa douleur et stimuler sa chair. L'aut' disait qu'fallait pas trop la s'couer, au risque d'aggraver les choses, car y a comme qui dirait d'la magie persistante dans c't'histoire. Qu'est-ce t'en dit ?"

Et la chariote de se mettre en branle, non sans secousses. La dawi saisit sans hésitation le bras de l'humaine, pour s'assurer de sa stabilité. Manquerait plus qu'elle tombe et m'renverse tout l'matériel ! Une pensée fusa néanmoins pour Rurk. Ce n'était pas tous les jours qu'il se montrait docile avec le premier venu. Vraiment sonné le p'tit père. Dans le doute, elle guida la main de l'humaine vers le petit lit occupé.

"T'm'as l'air bien jeune pour t'y connaître en esprit. T'as quoi, vingt printemps ?" maugréa la vieille dawi.

- Ne t'en fais pas pour moi." sourit-elle à Grayle en le sentant se pencher vers elle. " Et je ferai en sorte qu'elles ne s'écharpent pas. " Elle n'avait pas fini sa phrase qu'elle retint sa respiration de surprise, se cramponnant machinalement aux bras qui venaient de la soulever pour la poser sur un planché de bois... La roulotte. " Merci. " parvint-elle a articuler en décrispant les doigts pour laisser au jeune homme la liberté de disposer de ses biceps.

A l'intérieur de la demeure de la naine, les deux mages étaient en pleine spéculation sur la façon de soigner la jeune elfe. Cécilie resta silencieuse et immobile, ne voulant pas risquer de les troubler, ou pire, de renverser quelque chose de précieux dans cet espace exiguë jusqu'à ce que T'sisra la confie aux bons soins de la dawi.

- C'est une certitude. Il y a de la magie persistante. " La carriole se mit en branle et la naine l’agrippa d'un coup, la faisant sursauter. DameDieu c'est qu'elle avait de la poigne en plus ! Cécilie se laissa tirer vers le petit lit où reposait Suri. Les deux mains sur le cadran, elle se redressa précautionneusement, bénissant son oncle de lui avoir apprit à garder son équilibre sur un bateau. La carriole avait beau cahoter un peu, elle tanguait nettement moins que l'Eulalie par gros temps.

- C'est exacte. Même si j'ai commencé à apprendre cet art très tôt, je n'ai que peu de connaissances théorique dans l'Art et je suis encore bien jeune pour me réclamée d'une quelconque expertise pratique. Mais je peux vous aider sur ce cas et c'est tout ce qui compte pour l'instant. " sourit l'humaine pâlotte sans se formaliser des grommellement de la naine. " Pendant la bataille, j'ai aidé cette femme à reprendre le contrôle. Il y a quelque chose de puissant et de dangereux dans son esprit. Sa raison le combattait mais ces deux forces semblaient également interdépendantes. Je ne sais pas comment une chose pareille à pu se produire, mais son esprit est scindé par une magie puissante qui doit être a l'origine des symptômes que vous avez observer avec T'sisra. Par conséquent ses réactions sont difficilement prévisibles. La plonger dans un sommeil forcé pourrait affaiblir sa conscience et laisser l'autre force prendre le dessus ou les calmer toutes les deux, je ne peux pas le prédire. " La paume droite de la jeune femme, couvertes de fines cicatrices, tâtonna jusqu'au bras de la patiente. Sa peau était était étrangement rêche et d'après la description de la naine, ça ne devait pas être plus joli à voir qu'à toucher. " Pour la douleur par contre, je ne pense pas que cela pose problème. Si vous le souhaitez, je pense pouvoir m'assurer qu'elle ne se réveille pas et qu'elle reste tranquille pendant que vous la soigner. Si je remarque que son esprit supporte mal un traitement ou un autre, je pourrais vous prévenir immédiatement " Elle se tourna à demi, pointant l'oreille dans la direction de la naine, sa joue et son coude égratignés parfaitement visibles. " Qu'en dites vous ? "

-T’as entendu Roublard ? gueula l’Houlier à ses côtés. V’là qu’on te donne du M’ssire maint’nant. C'est qu'tu prends du galond Aha !

Kurt ignora la pique lancée par son compaing. Mais fallait quand même avouer qu’il avait bien aimé qu’on le nomme comme ça. L’histoire d’un instant, il s’était imaginé dans son bordel thaari à recevoir des « monsieur » et des « messire ». Le Grayle qui lui avait balancé ça avait déjà marqué des points. C’était chose sûre. Pour cette raison, le sergent vint se mettre à trotter à côté de la charrette tandis que ses gars ouvraient et fermaient la marche.

-Et gamin, moi c’est Kurt mais tu peux m’appeler Roublard si ça te botte, lança-t-il au jeune galant. T’as pas l’air d’ici toi, d’où que tu viens comme ça ?

Question simple en apparence. Mais en réalité, Kurt n’avait pas perdu l’espoir de sous-tirer quelques informations afin de se faire une idée du véritable but du voyage. Si ce dernier devait finir sur un magot, ça rabattrait certainement quelques cartes.

-Et la salade de t’alheure, pourquoi qu’elle vous a fait faux bond comme ça ?

Et à l’instar de ce qui se passait actuellement dans la roulotte de la vieille, sa curiosité n’en était que plus décuplée. Il se passait un truc et il voulait savoir quoi.

Attentive, la naine se renfrogna : c'que lui disait l'humaine ne lui plaisait pas. Ses siècles de pratique, elle les avait passé à étudier et à créer des runes influençant la chair, les os, le métabolisme des êtres vivants, mais en ce qui concernait l'esprit... La Gromtrommi se sentait aussi perdue qu'une Jeune Barbe face au premier morceau de métal qu'elle allait devoir modeler dans le feu. Au détail près qu'un morceau de métal ne hurle pas de douleur quand on le frappe. Deux forces qui s'opposent dans une même tête... V'la aut' chose, par les Ancêtres ! Lâchant un profond soupir, Grimeldha prit ses pierres et repoussa doucement l'umgi, se ménageant une petite place auprès de la blessée.

"F'sons donc ainsi. Douleur et régénération, j'te laisse l'soin d'surveiller son esprit." souffla-t-elle sombrement.

Elle hoqueta alors que la chariote était brusquement secouée, au son d'un bêlement d'agacement familier. V'la qu'l'aut' s'réveille d'jà ! En effet, à l'extérieur, le bélier avançant cahin-caha n'avait guère apprécié la venue du cavalier et de sa monture. Continuant son chemin, les oreilles toujours plus basses, l'animal avait fini par rappeler sa présence d'un coup de dent en direction du canasson, tirant sans prévenir sur ses rênes. Ayant eu son content de réaction semblable, c'est tout naturellement que la naine tambourina contre l'un des murs de bois en s'exclamant de l'intérieur, en khazalide :

"Calme donc, calme donc bourrique !"

Rurk souffla fortement et se désintéressa du cheval, réagissant davantage à cette injonction à moitié étouffée qu'aux instructions que l'humain pourrait lui transmettre avec les rênes.
De retour à l'intérieur... La dawi roula des yeux en soupirant, maugréant après l'animal, avant de se re-concentrer sur la blessé dans son lit.

"Bon, qu'est-ce qu'j'disais ? Ah..." fit-elle.

Grimeldha se concentra sur sa respiration. Effaçant un peu la présence de l'humaine, effaçant un peu la sensation de son corps endolori, effaçant un peu toutes ces questions qui trouveraient leur réponse en leur temps. La naine aimait bien visualiser, imaginant la magie comme des filins délicats et lumineux, tendus à travers le monde... De ses bras spectraux, la Gromtrommi s'en saisissait alors, son être physique arborant un sourire amusé en sentant ce frémissement si familier, avant de les diriger vers ses runes. Les runes donnaient alors forme et but à cette énergie. La naine apposa les pierres contre le dos de l'elfe inconsciente. Plus d'douleur... Qu'ta chair guérisse... Un exercice si familier qu'il lui semblait parfois être aussi naturel que respirer. Cela dit, les runes ne tiendraient pas longtemps, faute d'être gravées.

"P'tètes bien qu'tu pourrais aussi en profiter pour m'causer et m'dire pourquoi donc qu'une élue d'vos dieux vous enverrait dans les Terres Stériles ?" souffla Grimeldha, une oreille toujours attentive à l'humaine.

Dans un affrontement, il fallait savoir garder la tête froide, cela avait sauvé la vie de Shematt plusieurs fois. Le fait de rester en retrait, et dissimulé, permettait à l'hybride de se concentrer sans être la cible d'agressions, ce qui était une aubaine pour ne pas louper ses sortilèges, n'ayant aucune pression à son encontre. L'illusion qu'il avait lancé eut d'ailleurs le succès désiré puisqu'un cavalier s'était trouvé à terre, apportant un avantage au groupe pour lequel il avait prit parti. Le déferlement de magie était effrayant, ce qui l'amenait à redouter certaines conséquences liées aux différents flux relâchés. Cela permit pourtant à son propre sort de passer inaperçu, tant le champ de bataille était brouillon. Toujours caché sur le bas côté, il prit le temps d'observer la situation, il était à peu près certain que l'humaine avait poignardé l'être qui débordait de magie, se questionnant quant aux raisons d'agir ainsi envers un compagnon en plein combat. La déception que Shematt ressentit lorsque l'elfe, ou le sombre, s'était dématérialisé, qui lui paraissait être promesse de savoir, fut relégué au second plan durant l'action. Une nouvelle surprise survint quand ce qui s'apparentait à un elfe, difficile d'en être certain à cette distance, délivra à son tour une quantité considérable de magie, preuve de sa compétence dans l'art.

Shematt se préparait à incanter un second sortilège quand tout se précipita, entre l'arrivée d'un autre groupe, et le repli des "agresseurs". Cela avait amené à la fois la fin des hostilités, ainsi qu'un nouveau sentiment pour Shematt. Il était maintenant torturé entre son instinct, qui lui intimait de fuir puisqu'il n'avait encore pas été découvert, et celui d'aller à la rencontre de tant de mages réunis en un même endroit. Le temps passait pendant qu'il se livrait à ce nouveau duel entre ses deux désirs opposées, et il le mit à contribution pour continuer d'espionner la curieuse bande. Très désorganisée n'était pas un faible mot pour la décrire, et il était à peu près certain que ce n'était pas ses poursuivants, tellement ceux-ci s'étaient montrés méthodique jusqu'à ce qu'il parvienne enfin à s'en débarrasser. Il avait la certitude qu'un nécromant faisait parti du voyage, un corps ne se relève pas de la mort sans intervention magique, et seul les sombres prônaient cette magie, outre les illuminés, ou fous voulant s'y essayer. Qui disait sombre, disait aussi danger pour l'hybride qui craignait pour sa sécurité. Et revenant sur sa certitude, il se demanda si finalement il n'y avait pas l'un de ceux qui le traquait au sein du groupe. Il commença alors à rebrousser chemin, mais sa frustration de laisser passer une possibilité d'en apprendre toujours plus sur l'Art l'immobilisa. Que devait il faire ? Fuir ou se révéler ? Et s'il se montrait, qui disait qu'on ne le prendrait pas pour un de leurs agresseurs, et qu'on ne le supprime sans autre forme de questionnement.

Il en était encore à cette réflexion quand le groupe se mit en mouvement, ne l'ayant à aucun moment débusqué. Il devait se décider s'il ne voulait pas laisser passer sa chance. Finalement, en se faisant violence, reléguant avec grand mal son instinct de survie au second plan, il se leva, tout simplement, au moment ou une bonne partie était déjà passée à côté de lui. A cette distance, il ne put que constater que la personne la plus proche de lui, se trouvait être la femme drow, qui s'était révélée être la nécromancienne. Il était sur ses gardes, prêt à incanter un sort au moindre doute sur son intégrité, et à fuir comme il savait si bien le faire, au moins il saurait tout de suite s'il avait eu raison de se montrer. Elle balayait le terrain du regard, et finit par accrocher celui de Shematt, qui en était à bêtement s'interroger sur la façon de se présenter. C'est qu'il n'avait jamais été un expert en relations sociales, ayant vécu si longtemps dans le plus grand secret. Il fit un ridicule signe de tête pour saluer, ses bras le long du corps, et ses mains bien visibles pour montrer qu'il n'était pas offensif. Une épée ceignait ses côtés, mais bien entendu, personne d'autre que lui ne savait qu'il aurait plus vite fait de se blesser lui même que de tuer quelqu'un avec. L'illusion, encore et toujours, même lorsqu'il ne se servait pas de sa magie

"Bonjour, puis je me joindre à vous ?"

Des mots bien futiles, et une requête sans même se présenter, ce n'était pas forcément la meilleure façon de briser la glace, mais c'était tout ce qu'il avait trouvé dans l'immédiat.

Cécilie se glissa de son mieux du côté de la tête du lit, ramassant sa petite et frêle silhouette du mieux qu'elle pouvait pour ne pas prendre de place et ne rien heurter de précieux... Ce qu'elle évita de justesse étant donné l'étagère qui surgit de nulle part pour la frappé à l'épaule. Ses doigts s'agitèrent sur les corde d'une harpe invisible, pinçant posément les cordes pour obtenir une mélodie harmonieuse et entière. Elle avait l'impression que cela faisait une éternité qu'elle n'avait pratiqué dans de bonnes conditions, ailleurs qu'en pleine bataille ou en période de stress. Laissant son Livre se reposer sagement, elle avait le temps de tisser une musique à la fois complexe et respectant les spécificités de l'esprit qu'elle devait maintenir en équilibre tout en lui évitant de souffrir inutilement. C'était... agréable.

Les embardées de Rurk lui semblaient lointaine. La voix rugueuse de la naine et la langue rocailleuse de la naine happaient distraitement son oreille. A présent dans la tête de la jeune femme elfe, ayant à demi conscience de son corps, elle comprenait quelques points de plus sur sa condition. Les raisons d'une telle chose lui échappaient toujours, mais elle avait l'impression de pouvoir réveiller Suri sans qu'elle ne retombe immédiatement dans les travers qui lui avaient visiblement coutés son bras.

Il lui fallut toute sa maîtrise de jeune arcaniste pour se concentré à la fois sur son œuvre et sur les paroles de la naine. Oui... Sa question était légitime.

- Les prêtres de notre royaume se sont aperçu que le monde des morts était devenu inaccessible. Depuis l'hiver dernier les Souffles des humains s’agglutinent à ses portes sans pouvoir rejoindre leur repos éternel. A terme, nous ne savons quelles souffrance, quelles folies cela peut provoqué. " Elle s’interrompit quelques instant pour éviter à son sort de dériver avant de reprendre d'une voix légèrement absente. " l'Elue de notre DameDieu, Néera, la mère de tous les humains, à monté une compagnie pour tenter de comprendre les raisons de la colère de Tyra, la déesse de la mort et de rouvrir les portes de son royaume. Nous étions sensé allé jusqu'à l'Aurore pour trouver des mages suffisamment puissants pour réaliser un rituel de contact avec les esprits coincés mais les plus hautes instance de la guilde du Firmament nous ont affirmés que le rituel ne pouvait être effectué qu'au plus prêt des portes du royaume de Tyra. Étant donné que son royaume a été ouvert près de Nisetis durant le Voile, c'est là que nous nous rendons pour contacter les esprits, comprendre ce qui les empêche de traverser et implorer la Déesse de nous épargner son courroux. " Ses doigts s'agitèrent un peu plus forts, elle pris une longue inspiration. " Le mage de l'esprit et le vieil elfe qui nous suivaient nous ont rejoins à l'Aurore, non loin de Naelis, le premier pour vérifier que notre problème n'impacterait pas Anaëh, et le second car il se considère comme ayant le devoir de protéger les Souffles errants et de préserver les limbes qui s'étendent entre le monde des vivants et celui de Tyra. Malheureusement, les deux semblaient avoir des visées moins avouables depuis le début... L'un voulait nous trainer jusqu'à Nisetis comme si sa vie en dépendait et l'autre se révèle être un pochetron esclavagiste qui utilise sa magie pour priver les autres de leur libre-arbitre et invoqué des créatures ombreuses. Dans tous les cas j'ai étudié les rituels avec Jena, l'Elue de la DameDieu, notre but n'a pas changé... Quoi que la puissance magique sera peut-être un problème. " réfléchi-t-elle tout haut.

La chariote s'immobilisa peu après. A travers le bois, de nombreuses voix pouvaient s'entendre. Ils étaient arrivés à la bergerie.

Sa gueule se crispa bien fort au moment où le bélier de la naine manqua de foutre un coup à Cochon. C’était le nom qu’il avait donné à ce cheval récupéré dans une écurie thaarie. Depuis le départ, l’animal n’avait cessé d’en faire qu’à sa tête. Dès lors, Kurt n’avait pas raté l’occasion pour le surnommer tête de cochon. Mais là, le satané mouton du zagazorn avait failli le boulotter. Et Kurt se mit à jurer tout en tirant sur ses rênes.

-Woh, Woh, tout doux Cochon ! gueula-t-il pour ne pas finir à la renverse. Et toi l’mouton cornu, pas touche où tu finis en kebab.

Le bélier eut l’air de se foutre éperdument de sa menace et ce fut tout aussi bien comme ça. Car des deux, c’était plutôt lui qui finirait bouffé. Là, le gamin ne tarda pas à reprendre la discussion où ils l’avaient laissé pour tenter de passer outre le petit cirque. Il apprit ainsi qu’il venait d’un lieu perdu nommé Donzenac. Ça lui disait vaguement un truc. Peut-être l’un des bleds qu’ils avaient ravagé avec la compagnie durant la guerre dans le soltaar. C’est que les villages n’avaient pas trop manqués, alors… se rappeler de tous était un défi. Le reste l’intéressa un peu plus. Surtout lorsqu’il comprit que la troupe avait dans ses effectifs quelques mages, dont l’un était parti… par peur ? Ça ne correspondait point trop à ce qu’il avait pu entendre et voir.

-On va bien s’entendre gamin si t’es là pour préparer la popotte, balança Kurt tout sourire. Et pour ton bled Donzenac, ça m’parle. C’est qu’on revient du sud avec mes gars. On y a fait la guerre contre Altiom l’maudit, souffla-t-il en se remémorant le personnage. Y a pas mal de villages qui y sont passés…

A peine eut-il le temps de terminer que l’on vit le petit four à pain que les locaux appelaient bergerie. De plus près, ça ressemblait bien plus à un refuge abandonné. Mais le lieu serait sûr pour la nuit. Car de là, on surplombait tous les environs en se trouvant sur une petite colline.

-Bon les gars, on installe l'camp ! Et j’veux pas en voir s’toucher la nouille pendant que les autres bossent.

De nouveau sur la terre ferme, Kurt se tortilla dans tous les sens pour faire partir son mal de cul. Puis ni une, ni deux, le sergent s’en alla inspecter la future piaule en poussant la planche déchiquetée qui servait de porte.

-Un vrai nid douillet ma parole, Ah !

Une chose était certaine, tout le monde pourrait y dormir et profiter d’un bon feu. Au moins pour cette nuit.

Il fallut une bonne part de la discipline apprise au fil des siècles à Grimeldha pour garder contenance. Le flux d'magie ma fille, concentre-toi sur le flux ! Sa respiration s'était brusquement accélérée, ses yeux s'ouvrant grands de stupeur... Le FLUX ! Se reprenant, la vieille dawi se sentie "presque" rassurée tandis que l'umgi développait, spécifiant que seuls les "Souffles" des humains étaient concernés. Certes, la situation décrite n'était pas fameuse, voire plutôt fortement inquiétante, mais rien n'eut plu paniqué la vieille naine que l'idée que les innombrables proches perdus lors du Voile erraient depuis sans avoir pu rejoindre les Derniers Halls. Mais ils n'étaient pas concernés... N'est-ce pas ? Peste soit des Dieux ! Qu'est-ce qu'y font donc ? Songea-t-elle, avant de se renfrogner aussitôt.

"Triste affaire que v'la..." fit la runiste, continuant d'attirer la magie vers ses runes.

Elle eut voulut dire plus, mais découvrit qu'elle en était incapable. L'occasion était inespérée pour elle qui parcourait les routes depuis une décennie dans le but d'en apprendre plus sur les intentions divines. Certes, ses dieux n'étaient pas directement concernés, mais le "monde" du divin n'était pas si grand, visé légèrement à côté lui permettrait sans doute d'en savoir plus. Plus qu'à travers les élucubrations des pécores et des ignorants qui récitaient leurs textes sans s'interroger. Tu f'sais pas mieux y a pas si longtemps. La chariote eut le temps de faire halte sans que la naine ne sorte de ses pensées. Que la magie s'accumule brusquement la ramena à la réalité. Se concentrant, elle la relâcha, prenant garde à ne pas disperser les morceaux de pierre qu'elle tenait désormais, la magie les ayant endommagé jusqu'à leur implosion.

"Bast ! Ce s'ra tout pour ces runes-la. Pour poursuivre, m'faudra en r'faire. pesta Grimeldha à voix basse tout en observant la blessée, n'étant pas sûre s'il y avait progrès ou non. Soudain gênée à l'idée de ce qu'elle allait dire, la naine se gratta le dessus du nez. Pas qu'ça m'déplaise d'avoir moins d'elgi dans l'voisinage mais... P'tite, vu l'ampleur d'ce que tu m'dis, j'bien peur qu'tu les sous-estimes. Aussi insupportables soient les Oreilles Pointues, j'dois bien leur r'connaître une chose, c'est qu'pouvoir vivre un cycle leur sert bien pour accroître leur puissance magique... Et leur expérience. Elle accompagna ce dernier mot d'un regard grave à l'attention de l'humaine. On cause de divin et du repos d'tes semblables, Longues Jambes, pas d'un p'tit rituel qui s'discute au coin d'un feu. Faut causer avec les Souffles coincés, et après ? Loin d'moi l'idée d'médire d'ton Élue, mais du haut d'tes vingt printemps et vu l'peu d'informations qu'vos prêtres ont pu tirer d'la situation, c'tais p'tète pas l'moment d'faire la fine bouche en terme d'alliés. Pour c'que j'en sais, les vieux elfes mages qui s'sortent le cul d'l'Anaëh, t'en fait pas tomber du premier arbre venu. Songeuse, la naine se mit à préparer distraitement la pipe qu'elle avait tiré d'un de ses tiroirs. P'tète bien que c'que t'as étudié suffira. P'tète bien qu'ça suffira pas. Dans c'cas j'espère qu't'aura bien révisé tes livres d'suppliques à vos dieux. L'éclat d'un briquet à amadou resplendit un instant avant de disparaître. Après, pour c'que j'en dis moi... Moins y a d'elgi, mieux j'me porte. Ça va m'faire une p'tite trotte de vous suivre, faudra p'tète que j'dépose deux trois affaires à Thaar..." finit-elle en inspirant puis expirant profondément, sentant ses vieux muscles fatigués se détendre dans ce rituel.

Arrêtés, le traitement de la jeune elfe suspendu pour problème technique, Cécilie laissa les la trame reprendre sa forme initiale et jouer la guillerette mélodie de fond qui existait en tout lieux. Puis elle souffla longuement, se frotta les mains sur sa robe et put de nouveau s'occuper bien plus précisément de ce qui l'entourait.

- Vous auriez un peu d'eau ? " demanda-t-elle à la naine avant d'écouter scrupuleusement son avis sur tout ce qu'elle venait d'entendre... Et elle étouffa un hoquet de surprise. " Une seconde. Vous voulez nous accompagner jusque là-bas ? Loin de moi l'idée de m'en plaindre, mais vous avez bien compris les risques que cela comporte ? Nous allons au cœur des terres stériles, entre le Puy d'Elda et les ruines de Nisetis... "

Voilà qu’un type sortait de nulle part maintenant ! Cette journée allait décidément de surprise en surprise. À mesure que l’inconnu approchait, moins il avait l’air serein. Et là où, d’ordinaire, les gens déclinent leur identité, disent d’où ils viennent et annoncent leurs intentions, lui se contenta d’une très simple salutation et d’une requête. Le sourcil de la nécromancienne s’était arqué si haut, que s’il avait pu se décrocher, il aurait chu dans la poussière. Au moins, l’homme n’avait pas l’air d’avoir d’intentions malveillantes, à exhiber ses mains comme il le faisait. C'était bon signe.

"Bonjour, puis je me joindre à vous ?"

La daedhel s’arrêta tout net et resta interdite quelques secondes. Elle plongeait son regard dans celui de l’inopiné arrivant. Mais qui se pointe comme ça, tel un cheveu sur la soupe, de nos jours ?

- Pourrais-je savoir qui vous êtes ? Et d’où vous venez, tant qu’à faire. Pour quelles raisons désirez-vous vous joindre à nous ? L’interrogea-t-elle, presque désemparée par son entrée en scène. Et d’où sortez-vous comme ça ?

C’était la moindre des choses après tout. T’sisra jeta un œil au reste du groupe dont l’avancée continuait inexorablement vers le sommet de la colline et ce fameux refuge. Elle les rattraperait plus tard. Menant son cheval par la bride, elle s’avança, d’un pas lent, vers l’hybride pour l’étudier de plus près. La seule chose dont elle était certaine à son sujet, c’est qu’il ne faisait pas partie des assaillants qu’ils venaient de combattre.

- Parlez, et vite. Lui intima-t-elle d'un ton calme. Mieux vaut ne pas traîner en ces lieux, nous sortons tout juste d’une embuscade.

Si elle ne lâchait pas du regard le drôle, elle n’en était pas moins alerte. Après une pareille rencontre armée, elle craignait d’autres échauffourées inattendues.

La vieille naine sourit à la question de l'humaine tout en s'emparant d'un gobelet, la pipe toujours dans le bec.

"T'm'as bien entendu l'umgi. Qu'y faille descendre dans l'Puy lui-même qu'ça changerait rien : vous allez enquêter sur des affaires divines, alors j'en suis et pas qu'un peu ! C'est qu'si j'peux, j'leur poserai bien des questions aux dieux. Aux vôtres, ceux des elfes, des drows, même des goblins si z'en ont, peu m'importe, tant qu'ils causent. dit-elle tout en plongeant le petit récipient dans son tonneau d'eau, calé sous un meuble. Tiens, v'la pour toi. fit-elle en refermant la main frêle de la fille sur le gobelet. Grimeldha, qu'est mon nom, du clan Long-Nez. Et toi donc fillette, comment qu'tes Ancêtres t'appelent ?" fit la naine avec entrain.

Sans aucun doute elle dormirait du sommeil des pierres le moment venu mais pour l'instant la vieille dawi bénéficiait d'un regain d'énergie à la pensée d'avoir trouvé une piste sérieuse. Cela méritait bien une autre bouffée de son herbe à pipe.

Cécilie descendit le gobelet en quelques longues gorgées. Elle était assoiffée et sa gorge parcheminée commençait sérieusement à la déranger... Sans avoir relever les objections de la naine concernant les mages elfes, elle préféra se concentré sur ce qu'elle venait de gagner pour la suite de son expédition.

- Alors vous êtes plus que bienvenue, Grimeldha Long-Nez. " sourit-elle sincèrement. " Je m'appelle Cécilie. " Elle hésita un instant quand au nom de famille à donné. La formulation de la naine l'avait porté à donné le nom de sa famille de sang, puis de sa famille de coeur, mais elle se reprit et termina. " Cécilie de Missède. " Puis, profitant du fait que personne ne vienne tambouriner à la porte dans l'immédiat, elle ajouta avec un brin d'excitation dans la voix " Vous venez réellement du Zagazorn ? "

Il était difficile à Shematt de rester les yeux rivés sur quelqu'un. D'abord, parce qu'il n'avait pas l'habitude de converser avec des gens, ensuite parce que se focaliser sur une chose rendait le danger venant d'ailleurs plus réel. Il était compliqué de réagir à une agression lorsque vous avez votre attention fixée sur une seule chose. Tout cela faisait que l'hybride avait le regard fuyant, constamment aux aguets de son entourage. Pour autant, il n'oubliait pas de s’intéresser à celle qui lui faisait face, le dominant du haut de sa monture, alors que lui était à pied. L'expression de la drow amenait Shematt à penser qu'il venait de faire une lourde erreur, et qu'il allait payer le prix fort. Quelle connerie d'avoir laissé sa curiosité l'emporter sur son instinct de survie. Les nerfs à vif, les muscles presque douloureux de l'effort qu'il faisait pour ne pas partir en courant, il faisait peut-être face à sa dernière erreur. Mais courir ne servirait pas à grand chose alors qu'elle était sur un cheval, il lui serait facile de le rattraper. Il réfléchissait donc au prochain sortilège qu'il allait lancer pour s'en sortir, quand elle ouvrit la bouche. Et voilà qu'un interrogatoire en règle débutait, chose qu'il exécrait par excellence. Il devait trouver les bonnes réponses, mais comment savoir ce qu'elle voulait entendre. Son nom, il ne le donnerait pas, et encore moins d'où il venait, il n'était pas assez fou pour confirmer son identité, et dire qu'il avait trouvé refuge à la guilde de mages. Il resta interdit, le temps de réfléchir, quand la drow devint insistante.

"Je me nomme Melchior, je suis un voyageur, je ne viens donc de nulle part. Je sors...d'ici" répondit il en montrant bêtement l'endroit où il s'était relevé "Quand j'ai vu que vous étiez en difficulté, je vous ai aidé comme je l'ai pu. J'ai constaté que vous aviez des mages au sein de votre groupe, je le suis moi aussi, et je fais des recherches pour en connaître toujours plus sur l'art. C'est la raison qui m'amène à vous demander si je peux me joindre à vous."

Bête et innocent, mais en confessant qu'il était mage, il s'exposait, la drow se doutant que le fait de voir ses mains n'était pas un gage de sûreté.

Soufflant sa fumée par ses larges narines, la naine sourit. Le surplus d'enthousiasme qu'elle percevait dans la voix de l'umgi l'amusait.

"Pour sûr qu'j'en viens, comme ma mère, la mère de ma mère, et sa mère avant elle, et tous leurs Ancêtres. fit-elle avec un brin de nostalgie, avant que son faciès ne s'assombrisse. Bon, j'dirais la longues oreilles va dormir un certain temps. J'reviendrais lui r'donner un peu d'énergie plus tard. C'est qu'j'dois aussi m'occuper d'Rurk, être blessé l'rend pas plus facile à vivre, cette bourrique... Pis du môme à la faux tiens : j'l'ai vu faire un beau vol plané tantôt. D'mon avis, doit pas en être ressorti sans que'ques couleurs."

Fouillant un instant dans la couverture entourant la blessée, la dawi mit la main sur sa pierre de soin. Ce fut non sans une certaine satisfaction qu'elle constata que sa surface ne montrait pas encore de signe de dégradation. Bien ! Peut encore m'servir. Faudra qu'j'en prépare d'autres quand même avec c'qui s'annonce... La rangeant dans une de ses nombreuses poches, elle sortit de la chariote pipe au bec et bâton en main.

"Traîne pas trop fillette, vu tous les guss qu'ont rappliqué, manquerait plus qu'y ait plus d'place dans cette cahute." fit remarquer Grimeldha.

Un dernier coup d'oeil à l'attention de la masse endormie dans le lit aux dimensions nanesques, et la dawi s'en fut à la tête de sa chariote, pour faire bénéficier au bélier ainsi qu'à un dénommé Grayles les bienfaits de la magie runique en matière de soin.

HRP:

"Je me nomme Melchior, je suis un voyageur, je ne viens donc de nulle part. Je sors...d'ici."

Alors… Le bougre s’était tapi à l’ombre d’un arbuste tout ce temps ? Remarque, ce pouvait être une réaction logique, au vu de la bataille qui s’était déroulée. Donc, ce n'était certainement pas un combattant, ou tout du moins quelqu'un de très prudent.

"Quand j'ai vu que vous étiez en difficulté, je vous ai aidé comme je l'ai pu. J'ai constaté que vous aviez des mages au sein de votre groupe, je le suis moi aussi, et je fais des recherches pour en connaître toujours plus sur l'art. C'est la raison qui m'amène à vous demander si je peux me joindre à vous."

- Vous nous avez aidés ? Demanda-t-elle un brin surprise.

La daedhel jeta un nouveau coup d’œil aux environs avant d’acquiescer, puis lui fit signe de la suivre. Le groupe avait continué de grimper la colline et la distance entre eux s’était creusée. Mieux valait ne pas tergiverser plus que de raison.

- Nous venons du Firmament, la guilde de Nakor. Bon nombre des nôtres sont des mages. Venez Melchior, ne traînons pas ici plus longtemps. Lui intima-t-elle en tirant sur la bride de sa monture. Je vous préviens, en revanche, nous nous dirigeons vers les Terres Stériles. Je ne sais pas où vous comptez voyager de votre de côté, mais nous passerons par Thaar. Si vous souhaitez faire un bout de chemin avec le reste du groupe, je ne pense pas que ça leur pose particulièrement de problèmes.

Leur progression ne fut pas des plus rapides, cependant le refuge situé au sommet de la colline ne se trouvait plus très loin de leur position. Il ne leur fallut que quelques minutes à peine pour le rejoindre et retrouver leurs compagnons, ainsi que la troupe de mercenaires ayant déjà pris possession des lieux.
La daedhel se dirigea vers le moustachu qui donnait des ordres.

- Nous avons un invité de plus. Déclara-t-elle en jetant son pouce par-dessus son épaule pour désigner l’hybride. Melchior, c’est un voyageur égaré qui a sagement attendu la fin des hostilités avant de se montrer. Tant que j'y pense, les autres vous ont-ils expliqué le but de notre voyage ?

Petit à petit, tout le monde vint remplir la bergerie. L’endroit était de suite devenu un peu plus étroit et étouffant. Mais à la nuit tombée, on apprécierait sans aucun doute un peu de chaleur humaine. Prévoyant qu’il était, Kurt préférerait s’assurer que ses gars dorment à l’extérieur pour s’éviter un viol malvenu. Mais l’heure n’était pas à enfiler des perles. Kurt reprit de la prestance pour l’unique et seule chose qu’il appréciait en dehors des putes : La bouffe. Heureusement pour eux, ils avaient suffisamment de viandes cuites pour tenir jusqu’à Hanning.

-On ferait quand même bien rôtir un porcelet rien que pour se péter les tripes ! lança-t-il à qui voulait l’entendre. Z’auriez pas un p'tit cochon dans vos bagages ?

Evidemment nulle réponse ne vint de la part de ces voyageurs intrépides. Seule l’asperge drow vint le voir pour lui présenter un nouveau venu. L’artiste était sorti de nulle part pour venir les rejoindre, et pour cette raison, Kurt resterait bien méfiant. D’autant plus que l’invité ne se mangeait pas.

-C’pas un porcelet ça, plaisanta le sergent en regardant le nouveau tout en tendant une oreille vers la drow. Les autres ? J’ai bien tenté d’sortir les vers du nez du gamin, mais j’dois avouer que c’était pas trop convaincant pour sûr ma jolie, dit-il avec un petit clin d’œil. Alors ouais, j’serai pas contre de savoir ce que fout une telle troupe presque pas armée et composée d’éclopés en partance pour l’endroit l’moins hospitalier de s’monde de merde. J’avoue qu’là, ça m’titille le cul de connaître l’idée derrière.  

Il se laissa regarder l’aveugle tout en craignant qu’elle le voit. Puis il se rappela ce qu’était un aveugle et agita sa main devant la jeune fille comme pour lui faire coucou en faisant ressortir ses chicots à moitié pourris.

-Ouais nan, elle y voit vraiment qu’dalle la p’tiote. S'doit pas être simple pour le voyage