Extorsion méritée [ Alanya ]

Neuvième jour de la troisième ennéade du mois de Favriüs.
Onzième année du onzième cycle

Sur l’écritoire qui fût offert à son Excellence Alanya, une lettre fût déposée sur celles qui y trônaient d’ores et déjà. Une missive qui ne possédait ni de sceau officiel, ni de griffe identifiant son auteur. Cet absence d’identification aurait été suffisante pour empêcher l’expédition d’icelle ou de se voir filtrée sur le champ avant qu’elle n’atérisse entre les pattes de la marquise. Quiconque désirait s’entretenir avec la tête du marquisat ne pouvait le faire librement sur vélin ; seuls les sceaux reconnus seraient considérés par eux et acheminés jusqu’à leur chevet. Pas cette fois, semble-t-il. La lettre fût quand même sagement posée sur le tas, sommeillant silencieusement jusqu’à ce que les délicates mitaines d’Alanya viennent en découvrir les intentions.

Alanya, vous êtes une honte pour ce pays. Je sais pleinement que votre cœur n’est pas animé d’amour pour les dieux pentiens. À peine arrivée, votre première décision fût de cracher sur notre très sainte Néera en vous unissant devant ses yeux, alors que votre foi vous proscrit de croire en sa toute divinité. Comment osez-vous vous regarder dans la glace, alors que vous vous êtes unie à l’une des figures les plus pieuses du Marquisat ?

Vous expierez votre faute par vos richesses. De l’or que vous me aurez la délicatesse de me verser mensuellement, sans quoi je me sentirai d’humeur bavarde et jacterai d’abord au sein du peuple afin qu’ils se fasse la claire idée de qui vous êtes vraiment. Une simulacre de fidèle pentienne. Après quoi, une fois que la rumeur se sera bien installée, peut-être en ferais-je courir le mot au travers du castel. La rumeur vous serait plus fatale que si je m’adressais directement en doléance à votre honorable mari …

Je vous donne rendez-vous à la prochaine lune pleine, dans l’extrémité ouest des jardins sur l’heure de minuit. Vous avez intérêt à être généreuse, car votre faute n’en est pas la moitié d’une.

Aucune griffe, pas plus qu’il y avait de sceau officiel autre que celui d’une estampille dans la cire. Pour seul indice, il fallait que la lettre vienne évidemment de l’interne, pour qu’elle ait trouvé si habilement son chemin jusqu’à son bureau.