Ellipse an 11 - Affronter le passé. (pv UrGoll)

Que je me réchauffe, que je me réchauffe dans vos bras, Ô mes tendres... C'est là la pensée d'une sombre qui déambule, parmi d'autres camarades qui s'égarent eux aussi, alentours, dans les petits plaisirs de la Place des Lanternes. Dans l'obscurité que percent les lumières, cette géante à la peau d'obsidienne intimide alors qu'elle se penche, une lueur suave dans son regard vermille, vers les belles qui s'offrent aux désirs des badauds. Quel jeu que de se pourlécher les lèvres devant pareille vitrine ! Après ses offices, vient le temps de se relâcher, d'apprécier un temps ce qui n'est donné qu'avec crainte.

Sa longue chevelure blanche cascadant sur son épaule, la prêtresse se penche vers un éphèbe dont le semblant de grâce a accroché ses yeux. Un jouet délicat, peut-être... Son cher couteau à la hanche ne manquera pas de lui servir. Des murmures sont échangés, le jeune homme, malgré sa réticence, se surprend à apprécier ce que susurre la grande et sombre dame. Des mains aux longs doigts, lascives, tâtent la marchandise comme font miroiter le prix de son consentement. Malgré les airs inquiets de ses voisins, qui n'osent trop le montrer, l'homme de petite vertu finit par acquiescer. Un sourire prometteur sur leurs lippes, humain comme drow s'engouffrent alors dans l'une des maisons de plaisir, trouvant prestement leur chemin jusqu'à l'une des chambres libres.

La drow a bondi sur ses pieds, lame au poing, prête à attaquer celui qui a défoncé la porte, interrompant son bon plaisir. Quel est le fils de putain... Son mignon est à terre, les yeux écarquillés. L'ordre claque, mais la sombre n'en a pas fini et refuse de se voir dérober son jouet.

"Reste-là !" glapit-elle, incandescente.

Cependant, l'attaque ne survient pas, un doux mot s'élève même, et fait frémir son bas-ventre. Perplexe, la noirelfe prend un instant pour observer l'intrus, tâchant de saisir pourquoi il la nomme ainsi, pourquoi une telle adoration sans s'annoncer... Un cadeau de ses confrères ? Quel ridicule imbécile penserait s'offrir ses faveurs en lui envoyant un rustre pareil ? Mais c'est étrange, comme ce faciès lui semble familier... La lumière vacillante de bougies éclairent son rude faciès que l'âge a rendu plus masculin, plus anguleux... Un oeil qu'elle a déjà vu, mais où ?

Le mortel à moitié dénudé s'est recroquevillé dans un coin, attendant le bon vouloir de l'un ou l'autre. De son regard écarquillé, il observe la "maîtresse" délier une longue jambe galbée, s'avançant avec douceur au devant du lit, pour se rapprocher de l'individu à la porte. Malgré les cascades blanches qui lui parcourent le dos et l'épaule, cachant une partie du visage immortel, l'homme frissonne quand il voit un sourire voluptueux se répandre sur le visage sans imperfection. Une main au doigts aquilins se porte vers le visage de l'inconnu, en suivant les contours. Dans les yeux de la sombre, la lumière de la reconnaissance est apparue.

"Toi ! L'esclave... susurre-t-elle avec une délicieuse surprise. Une si belle offrande comme toi, perdue, puis revenue... Un rire de miel roule dans la gorge fine, tandis qu'elle murmure. Nous étions si triste de t'avoir perdu... Viens... Ferme-donc cette porte... Nous n'en avions pas fini..."

Si la drow avait prévu de lui planter rapidement sa chère lame dans le ventre, pour déterminer ensuite comment il avait pu survivre et rectifier ainsi rapidement le tir, le comportement de l'esclave la fit doucement chavirer vers une perspective plus alléchante... Une bête entre mes mains. Une bête cherchant la caresse de sa maîtresse. La drow se pourlèche délicatement les lèvres alors que sa main sent le cœur battre sous le cuir et la peau. Vivant, frémissant, impatient, tel l'animal dans sa cage. Pauvre, pauvre petit, vient que je te libère... Finalement, le départ de son mignon la laisse de marbre, fascinée qu'elle est par cette proie des plus délicieuses. Surgit du passé, demandant avec moult grondements de plaisir à ce qu'ils reprennent... Le jeu du Voile. Un jeu de désir, de douleur et de souffrance.

Lentement, le visage aux traits délicats et fins, se rapproche de celui, rude de l'esclave... Ses lèvres pleines viennent trouver les siennes et ses dents y appliquent une pression gourmande. De jeunot frêle, il avait semble-t-il gagner en muscles, en puissance... Et en cicatrices. La drow joueuse sourit à son jouet, ses yeux rouges le dévorant entre chaque papillonnement de longs cils blancs.

"Un si bel esclave..." susurre-t-elle.

Mais de mots, elle n'en prononce pas d'autres, répondant à l'humain au comportement presque félin dans sa demande de caresse, avec un délicat rire de ravissement, tandis que de la main sur son torse elle le pousse, le dirige et le jette sur le lit, quand ses jambes en heurtent le bord. Un brusque souvenir fait frémir ses mires, et le pied svelte se pose, impérial, entre les jambes de l'homme, tandis que de sa lame, la drow pointe son torse couvert de cuir.

"Retire tout ceci... chuchotte-t-elle d'une voix rauque. ... Que je te vois."

Une ondulation de paupière précède un sourire, que la sombre ne cache que tardivement dans une parodie de pudeur, à la vue de l'empressement du mortel. Sauvage et empressée... Son bas-ventre ne manque pas de s'enflammer quand, oui ! Elle reconnait les marques qu'elle même traça dans la chair, une décennie plus tôt. Ainsi que tant d'autres, sur lesquelles sont regard glisse et savoure la pensée de les rouvrir, et d'étourdir sa proie dans sa propre vitalité, si débordante. Oui, il est mien... Les autres ne le verront qu'une fois que j'en aurais joui à mon gré... Un nouvel éclat de voix ravi salue la pensée de ce plaisir égoïste à venir, comme la vue qui lui est offerte dans une envolée de vêtements. Mais l'esclave n'a pas le temps de s'impatienter qu'elle s'approche, ses longues jambes s’extrayant à chaque pas d'entre les soies liquides de sa robe de prêtresse. La vision de sa peau frémissante l'attire et la jeune drow ne compte pas lui laisser l'occasion de changer son idée... Bien que tout chez le corps ainsi dévoilé clame qu'il n'y compte pas.

Mais voilà qu'il bondit ! Redoutant un infime instant un changement de perspective, la faim de la sombre se fait plus pressante en réalisant que l'attaque ne vise ses vêtements. Le rustre ! L'immortelle s'amuse de pareille comportement, le trouvant presque attendrissant dans son absence de subtilité, mais elle ne compte pas se laisser défaire ainsi sans combattre. Parant certains gestes, en esquivant d'autres, la belle échappe et repousse l'échéance, voyant enfler l'énergie de son partenaire de jeu. Ses chevelures et sa robe peu à peu déchirée virevoltent au rythme de leur duel, tandis que peu à peu sa peau d'ébène affronte la lumière chaude des bougies éclairant la petite pièce. La colline d'une épaule, la naissance d'un sein, l'ombre d'une cuisse... La porte reste close alors que retentissent éclats de rire et grondements de frustration, ainsi que le cri éphémère du vêtement qui a l'audace de séparer deux corps que déchainent l'appel de la chair.

Finalement, un dernier coup est porté et plus rien ne retient les lambeaux de robe ensemble. A peine la vision du corps aux formes pleines et toniques de la drow peut-il être entrevu qu'elle passe subitement à l'attaque. Se jetant sur l'esclave, elle le gifle, le frappe et le griffe, le repoussant de ses attaques incessantes et agaçantes sur le lit, à nouveau. Qu'il soit dos à ce dernier et elle le projette d'un coup de pied, le rejoignant l'instant d'après sur les draps, bondissant pour atterrir à califourchon sur lui, faisant gémir le bois du lit. Mais un autre bruit survient, alors que leur deux corps entrent en contact. Celui du métal pénétrant la chair. Sa lame, la drow l'a plantée dans cette cicatrice immonde qu'il a à l'épaule, souvenir du crochet auquel son corps fut accroché, parmi tant d'autres. Le plantant aussi profondément qu'elle le peut, la sombre gémit d'un plaisir anticipé, et couvre le corps masculin du sien comme de sang et de baisers. Il est mien...!

Le goût du sang en bouche, la sombre apprécie la bestialité de son partenaire, se faisant retourner et prendre non sans une petite surprise, avant que les vagues de plaisirs ne se disputent avec ses désirs de revanche. Si brutal et impatient, ne prenant pas même le temps de retirer la lame, la gardant si profondément dans sa chair. Prends-moi ainsi et je te déchirerai... Prends-moi ainsi et il ne restera que des lambeaux de toi quand les autres te verront... Mon jouet, mon plaisir, tu m'es revenu ! A MOI ! La noirelfe souffre et gémit, se cambre et jouit de la bestialité de son amant... Jusqu'à ce que son corps entier frissonne, tandis que de divins noms lui sont soufflés à l'oreille. Comment ? L'esprit enivré par leurs ébats, la prêtresse ne réagit pas tout de suite, tout son être vibrant de leur délicieuse et prenante lutte, pas avant que d'autres mots ne lui soient encore dits, les premiers présageant de délicieuses tortures, contrairement aux suivants qui font naître une brusque sensation de danger. Quoi ? Comment ose... La morsure la surprend, la souffrance et le plaisir la prennent tout à la fois... Il lui faut un instant pour repousser la violente euphorie, se focalisant sur le fait que l'esclave a parlé en drow. L'étrangeté de cette rencontre ne lui semble plus seulement un signe divin, mais presque un avertissement.

Alors elle reprend l'initiative. De la force, elle en a, alors qu'elle saisit l'humain aux épaules et les fait de nouveau rouler d'une torsion du corps, évitant la chute, revenant au centre du lit miteux et souillé, retirant son arme de son carcan sanglant pour mieux en menacer sa gorge. Presque malgré elle, la sombre ne résiste pas à l'envie d'onduler lascivement des hanches, toujours collées à celle de l'esclave, mêlant le plaisir aux mots qu'elle prononça, se rappelant ce moment où elle l'avait possédé autrefois, à quel point il était alors vulnérable. C'est donc cela ? Tu es encore prisonnier de ce moment ? Le désir te gorgeait avec la même puissance que l'envie de fuir ?

"Xuat telanth nind kaas ssuorr p'luvt. Dosst elghinn  er'griff mizil'ra ulu nind... Lil' v'dre zhah usst." susurra-t-elle en drow.
Ne prononce pas Leur Nom, délicieuse proie. Ta mort seule les intéresse... Le reste est mien.

De jeu en lutte, de plaisir en surprise, de jouet en danger, ce que révélait le mortel faisait briller les mires vermeilles de l'immortelle d'envie. Mien, mien... Et il y met de telles formules pour le demander... Tant d'esclave prévisible, tant d'esclave gémissant et pitoyables.... Mais celui-ci revient, vivant et plus puissant, pour loger son visage dans sa main et s'offrir à ses envies. Il faudra qu'il me dise où il a apprit ses mots... S'il survit. Seul avertissement, une langue qui darde entre les lèvres, avant que la sombre ne frappe. Quittant sa place sous la glotte, la dent de métal est plantée à la vertical dans le torse, se faufilant entre deux côtes. Une plaie nette, faite d'une main de maître. Plus dangereuse si retirée, maintenant, que maintenue en place. Toujours lovée autour de l'appendice de son amant, la drow sourit et bouge, tout doucement.

"Tout le reste m'appartient... Y compris le temps que tu mettras à mourir." susurre-t-elle, de nouveau en olyian, voulant être sûre cette fois, qu'il puisse comprendre.

Alors, très lentement, la sombre jusque-la penchée sur le corps nu, se redresse, s'empalant toujours plus sur la lame de chair, tandis que ses mains restent impassiblement appuyer sur celle de métal.

Son offrande, elle l'a acceptée, le surveillant de ses yeux emplis de plaisir, ondulant toujours au rythme de ses sensations. Alors, quand les lames tracent leur chemin, ce qui n'était qu'un simple souffle rauque se transforme en gémissements, de plaisir et de souffrance mêlés en une ode lente et dévorante qui l'engloutie. A la gloire de Kiel... A la gloire.. D'Isten... A la gloire... Du Prime Dragon... A qui je donnerai ton cœur... La drow se mord les lèvres jusqu'au sang tandis que de nouvelles ondes de plaisir la parcourent et qu'elle se baisse de nouveau vers son soupirant, partageant avec lui le goût de leur vitalité.

Quelque chose dans ses yeux l'interpelle, mais un nouveau mouvement la fait encore vibrer. Ses mains, ne pas appuyer sur ses mains, pas maintenant... La mort... Le plaisir... Tu es... Mien... Mais cette sensation dérangeante s'accentue quand elle tente de bouger de manière plus hardie et constate, qu'au contraire, son emprise se relâche. Son ventre se noue, pas de jouissance cette fois, et elle tente de se dégager. Sans succès. Les mains de sa proie sont rivées sur les siennes, l'empêchant de l'achever comme de retirer sa lame chérie. Son souffle se fait plus laborieux et, lentement, malgré sa brusque envie maladive de bondir loin de cette étreinte empoisonnante, la drow ne peut que sentir son corps réagir mollement, s'affalant presque, tandis que son amant susurre l'annonce de sa victoire. Avec un sursaut de panique, alors que sa chair se crispe avant de lâcher prise, elle parvient à murmurer quelques mots d'incantation.

Et la magie lui obéit.

Le coin de l'oreiller sur lequel la tête de l'esclave est appuyé s'enflamme. En réaction, le son, devenu informe, qui s'échappe encore de la sombre se teinte d'une frustration désespérée : elle avait voulu lui brûler le visage... Dont ces immondes yeux qui savourent déjà son triomphe. La prêtresse veut hurler mais ne le peut plus : elle est prisonnière de sa propre chair.