[Le mariage Royal | Frontière Nord-Est] Un temps de festivités

Suite de explorer de nouvelles possibilités

À peine vos lèvres séparées, et vos regards enfin rendus conscient de ce et de ceux qui vous entouraient, vous vous étiez trouvés arrachés à la solennité du moment. D’abord les applaudissements, puis les cris, puis la musique. Si aucun de vos musiciens les plus virtuoses n’avait été déplacé à la frontière – qu’auraient-ils eu à y trouver qui vaille ce risque après tout ? – ils n’étaient pas rares même à Daranovar les elfes sachant tâter de l’instrument. Et quand ils se savaient partis pour ce qui pouvait s’annoncer comme de longues missions loin de leurs foyers et de leurs familles, il était difficile de les convaincre de jouer la carte de l’utilitaire pur et d’abandonner les harpes, les violes, les luths et les tambourins.

Aujourd’hui tu remerciais et La Mère et Le Beau-Seigneur d’être de ceux sachant la nécessité de ces choses. Aurais-tu été un Mainyth insensible aux arts que votre union s’en serait trouvée bien triste.


Kaëlistravaë et toi vous retourniez, toujours main dans la main, liés par les huit tresses, vers la foule, tous les deux souriants, mais tous les deux certainement frappés par la même réalisation. Prise de court, elle ne savait même pas réellement qui étaient ces gens. Pris par surprise, bien que tu reconnaisses les hommes que tu as envoyé, tu savais ta famille ne pas en faire partie. Il y avait Maltlin, il y avait Cìryon, tes meilleurs amis et presque frères adoptifs. Il y avait certains de tes frères et de tes sœurs d’arme. Mais tes lignées de sang, et celle surtout dont tu venais de reprendre le nom… sans eux même autant de bonheur laisserait une légère amertume. Sans parler de Kaëlis, qui elle se retrouverait potentiellement sans visage conn…

- C’est elle Tigilidënya ? Woah ! C’est vrai qu’elle est belle !

Uirphen te saute au cou, et il te devient soudainement impossible de retenir tes larmes. Ton avant-bras libre vient s’offrir comme assise à l’enfant alors que tes yeux se posent avec émotion sur la délégation que tu attendais. Le regard que tu poses sur ton épouse est comme un profond remerciement à tous les Dieux de votre Panthéon, qu’ils fussent alliés ou ennemis, et elle, partageant ton soulagement, continue de te réconforter d’un apaisé sourire.

- Heri Yasairava Emeril adresse une courte révérence je suis honorée de pouvoir vous appeler ma famille. Et après avoir autant entendu ‘Tiön parler de vous, vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis heureuse d’enfin vous savoir mariés.


- Pas plus que nous Riri, ça tu peux en être sûre. tu ris Et puis, si tu savais à quel point ça me fait plaisir de vous voir aujourd’hui ! tu ouvres le bras, forçant ton jeune cousin à s’accrocher de plus belle à ton cou Allez, viens !


Le premier pas est timide. Le second est plus qu’allègre. Emeril se jette volontiers dans l’embrassade, te tirant de nouvelles chaudes larmes alors que le bras de Kaëlistravaë se joint au tien dans son dos. Beaucoup trop de démonstrations d’amour pour que subsiste la moindre rancœur, même pour Lùthanar. Que l’attendrissement soit lisible sur le visage dur du vieil elfe était chose rare, ta tante son épouse le savait bien, et d’une main sur la joue de son mari, elle le lui aura bien rappelé. C’est d’ailleurs elle qui aura pris la parole ensuite.

- C’est que tu as de la chance. Si Uìrphen ne s’était pas souvenu au dernier moment avoir vu partir Maltlin pour Ardamir nous n’aurions certainement pas été là. Tes amis sont extraordinaires de t’avoir organisé tout ça, mais je crois qu’il serait temps d’arrêter de laisser croire à Cìryon qu’il est capable de gérer une liste d’invitations !


- Et je ne sais pas si ce Cìryon est bien le blond que j’ai croisé au Palais de Chêne, le père de Kaëlis intervient à son tour, plus véhément tout de même que Glirbes mais qu’il laisse à une demoiselle le temps d’annoncer à son père en personne qu’elle part se marier la prochaine fois qu’il en dérobe une à son foyer ! il soupire, laisse retomber la tension Mais je suis heureux pour vous. Je vous souhaite le meilleur. Ma fille ne mérite pas moins.

- Et fais-moi confiance ataryo, je ne me contenterai pas de moins, et Artiön le sait. Seulement pour l’instant, oublions un peu le futur et profitons juste de ce moment. Il n’y en aura pas d’autre pareil pour le reste de l’éternité.


À son tour, Kaëlistravaë ouvre son bras libre, invitant son père à partager votre étreinte. Et s’il n’avait pas l’attitude des habitués de ce genre de démonstrations de tendresse, le patriarche Yasairava ne put la refuser.

Son regard se pose sur ta famille et toi de loin, et son sourire lui remonte jusqu’aux pointes des oreilles. Son rôle en tant qu’organisateur est terminé maintenant, et celui d’hôte d’événement il pourrait bien le commencer plus tard. La musique vient d’être lancée, les pieds ne sont pas encore prêts à danser, pas une goutte de liqueur n’a encore été versée… ses services ne sont pas encore requis. Certes, il s’agit de ton mariage, mais pour Cìryon, c’est aussi sa fête, et ces festivités, il compte bien profiter pour célébrer ses accomplissements à lui aussi.


- Alors pour l’armure du Roi, j’ai majoritairement utilisé de l’or. Déjà c’est un métal que je trouve très agréable à travailler, qu’on a la chance d’avoir en quantités relativement importantes à Daranovar, mais surtout il est inoxydable, et je suis sûr que vous comprenez ce que c’est comme soulagement pour l’entretien du matériel. encadré par le Conseil des forgerons d’Ardamir, le Daranovan brûle de passion, mais ne perd pas une seconde ni sa légèreté ni son aisance En plus, il faut aussi dire que niveau esthétique, l’or a à mon goût un charme que ne portent pas les autres métaux. Le grand souci, c’est que mine de rien c’est un métal particulièrement lourd, et qu’à travailler avec comme minerai principal, on a vite fait de forger des armures trop inconfortables pour être utilisables au combat. Au départ j’ai pensé me contenter d’y ajouter de la pierre de Zaënyth et de l’Odeline, pour affiner les plaques au maximum sans qu’elles ne perdent en solidité, mais à ce moment-là elles devenaient bien trop rigides pour que le jeu de plaques escompté fonctionne.

- Du coup tu as utilisé de l’Onous’Delab pour les plaques dorsales, pectorales et pour les articulations c’est bien ça ?

- Exactement. Artiön n’en a peut-être pas l’air comme ça, mais il est plutôt agile au combat, donc je me suis fait un point d’honneur à rendre ces parties-là aussi flexibles que possible. D’ailleurs la couleur finale de cet alliage m’a forcé à revoir la quantité d’argent et de cuivre que j’utilisais dans mes plaques d’or, vu que j’ai dû abandonner le jeu de contraste contraste entre or blanc et or noir.

- Et si je devine bien, pour les ornements rougeâtre qui traînent par-ci par-là tu as utilisé du laiton c’est bien ça ? Enfin, vu la texture, probablement un peu d’Odeline aussi.

- Exactement ! Du moins presque. Je dois avouer que tant qu’à travailler sur l’ornementation de ce qui était au départ un projet expérimental, je me suis permis d’y aller jusqu’au bout et d’utiliser un soupçon du peu de pierre de Lune que j’ai pu me procurer dans cet alliage. J’ai failli le regretter d’ailleurs, parce que la toute petite quantité que j’ai utilisé a suffi pour transformer la fonte et l’application en un véritable cauchemar. Je me suis finalement retrouvé forcé de reprendre le reste des plaques et d’y ajouter à elles aussi de la pierre de Lune pour rendre la décoration possible. Alors le résultat est meilleur que ce à quoi je m’attendais, que ce soit niveau esthétique ou pratique, et j’y gagne un peu d’expérience du travail des alliages à la pierre de Lune, mais j’ai malheureusement dû y sacrifier des outils.

- Mêmes principes pour le masque et le bâton ou est-ce que tu as voulu expérimenter d’autres choses ?

- Pour le masque même principe. Par contre pour le bâton c’est un piège ! Il est seulement plaqué d’une très fine couche d’or pour prolonger sa durée de vie et conserver la logique esthétique avec l’armure. La structure principale est en fait un alliage d’acier Osdel et d’Odeline. Je me disais qu’avec les phénomènes lumineux particuliers qui font la signature de la magie d’Artiön, peut-être que l’Akar aurait des réactions intéressantes. Et puis, petit bonus : les trois gemmes que vous voyez à l’avant du sceptre sont en fait des affleurements de filons d’un alliage d’Akar et de pierre de Yutar qui en veinent l’intérieur. Quitte à ce qu’il devienne son focaliseur, vu qu’il faudra de toute façon qu’il s’y réhabitue, autant lui en proposer un qui donne un petit coup de peps à ses sortilèges !


Les hochements de tête fusent, les doigts attrapent les mentons, et des moues parfois impressionnées, parfois pensives, parfois perplexes. Esthétiquement l’œuvre était magnifique, d’un point de vue pratique. S’il on considérait un usage par un soldat lambda, rien ne laissait présager d’un quelconque souci futur. S’il on se tentait à imaginer ce qu’impliquaient les initiatives du forgeron pour un mage par contre… rien ne pouvait être moins sûr. Seul le temps confirmerait – ou infirmerait – les soupçons. En attendant, ils se trouvaient tous forcés de reconnaître que le Daranovan avait accompli là quelques belles prouesses et pris des décisions osées.

- Tu nous as dit que celui qui t’accompagnait à Ardamir porterait aussi une de tes armures, il s’agit bien de celle-là ?

- Ah oui, c’est la jumelle de celle du Roi. J’ai travaillé sur les deux en parallèle.

- C’est que pour des jumelles, l’air de famille est difficile à discerner ! S’il on n’avait pas passé autant de temps à observer les détails de ta patte, on aurait pu croire à une plaisanterie.

- Il faut dire que même si Maltlin est plutôt costaud, il n’en est pas non plus comme ‘Tiön à jouer les Leomenis. S’ils étaient de stature plus proches, peut-être que les similarités dans les coupes auraient été plus évidentes, mais là… surtout que Maltlin aime sa sobriété, donc pas question d’autant ornementer ou d’ouvertement jouer avec les amoncellements de plaques. Pour lui, pour que l’ensemble soit plus cohérent, et pour avoir malgré tout un maximum de couverture, j’ai utilisé de grandes plaques et fait attention à un maximum dissimuler les articulations. Par contre côté alliage, c’est presque exactement la même chose, à ça près que plutôt que de l’or, j’ai utilisé de l’argent et du zinc histoire d’obtenir des teintes plus Lunaires. Et vu que ce sont des métaux oxydables, j’ai dû utiliser un peu plus d’Odeline.

Il se contenait autant qu’il pouvait, mais intérieurement, Cìryon était comme un enfant. Pendant ce temps Maltlin, se sachant sujet de discussion de son ami, alors qu’il était lui-même en pleine discussion avec les Hrònmectar, s’arrangeait pour discrètement dévoiler au Conseil un maximum des subtilités que le forgeron avait pris le temps de lui dévoiler de sa propre armure. C’était la moindre des choses, surtout quand en tant que son ami, Cìryon devenait extension de Maltlin et par la même occasion, réceptacle de sa rage de vaincre. Que le fruit de ces longues années de travail n’obtienne pas à l’artiste la distinction de Tamin Dolan était hors de question.

La cérémonie avait été chargée d'émotions, avec ces moments de vérités et de tendresse. Les deux mariés n'avaient pu cacher leur bonheur d'être là, enfin prêts à s'unir l'un à l'autre. Même si la liste des convives qu'ils avaient pu établir -ou ne serait-ce que songer- n'était pas complète, cela ne gâchait en rien la beauté de ces instants qu'ils avaient vécus pleinement et sans regrets. Cela aurait été dommage après toutes ses années d'attente et les efforts fournis par leurs amis pour en arriver là.

Si le spectacle l'avait touché, Fenris n'en montra rien. Seul un sourire paisible ornait son visage, témoignant de la joie qu'il éprouvait à la vision de son mentor aussi ému, presque fragile aux côtés de la femme qui illuminait son cœur. Où était cet homme à la carrure si large qu'il en semblait inébranlable ? Celui qui le chahutait si bien sur le terrain d'entraînement qu'il le poussait à aller trouver ses limites et le moyen de les dépasser ? Celui qui l'avait frappé si fort qu'il en était tombé directement au sol alors qu'il n'était pas non plus un gringalet sans expérience ? Il ne le reconnaissait presque plus sous toutes ces couches de tissus et de métal (c'est qu'il n'était pas plus habillé à l'entraînement que pendant une fête célébrant Arcamenel...) et avec l'humilité qu'il faisait sienne alors que ce posait sur lui le regard de son étoile.
Alors que les deux époux s'étaient retournés vers eux, l'Aigle avait applaudit avec tous les autres mais n'avait pas élevé la voix. Contrairement à Terond qui s'était fait plus que remarquer. Un peu trop sans doute d'ailleurs... Il ne connaissait pourtant aucun des deux époux mais criait ses félicitations et ses bénédictions bien plus forts que tous les autres. C'était qu'il aimait faire se montrer exubérant et n'en avait guère l'occasion autrement que lors de ce genre de fêtes où on le lui pardonnait le plus volontiers du monde.

A peine la cérémonie achevée, la foule s'égraina pour se diriger vers les nouveaux époux. Fenris était trop loin pour comprendre la teneur de leurs échanges mais il n'en avait pas besoin pour se les imaginer au vu des sourires qui ornaient les visages de chacun des protagonistes. Alors que les applaudissements se taisaient lentement, Terond attira l'attention de son ami, lui faisant remarquer quelques femmes qu'il avait repéré tandis que la prêtresse chantait ses bénédictions. L'Aigle avait du mal à comprendre son ami sur ce point... Il aimait jouer au bourreau des cœurs, charmer, plaire... Non pas pour trouver l'âme sœur, ni même pour manipuler émotionnellement les femmes, mais simplement pour se distraire, passer un bon moment, et parfois même du bon temps comme cela lui était arrivé en de rares occasions où la chance lui avait sourit plus encore que ce à quoi il s'attendait. Mais l'engagement ne semblait pas être fait pour lui. En tout cas, c'était ce qu'il lui disait. Fenris, lui, se prêtait au jeu mais sans vraiment l'approuver. Il pouvait comprendre que son ami ne soit pas prêt et gère son appréhension de cette manière mais pas au point de faire ou dire quoi que ce soit qui l'entraînerait un peu plus dans cette voix.
Mais, bien vite, les deux militaires furent interrompus. Halyalindë avait saisi le bras de son compagnon et l'entraînait gentiment vers les nouveaux mariés, n'ayant visiblement pas l'intention d'attendre que la foule qui les séparait du couple ait achevé son tour. Après, elle était un membre de la famille de l'un des deux, cela lui était tout à fait autorisé. Fenris la suivit donc sans émettre d'opposition jusqu'à ce que leur pas les mènent à destination. Là, il salua brièvement la jeune mariée pour la féliciter, la laissant toute à sa cousine avant de se tourner vers son ancien et premier mentor de magie. Il s'inclina respectueusement, une main posée sur le cœur.

-La cérémonie était somptueuse. Toutes mes félicitations Aran lîn. Vous devez être heureux.

Se redressant, le jeune homme affichait un sourire quelque peu taquin à destination de son souverain. Il avait tant lutté pour parvenir à ce que son élève le tutoie... Cependant, l'ex-cavalier était bien conscient qu'il lui faudrait peut-être revenir au vouvoiement maintenant que son maître avait changé de statut. C'était un peu l'occasion de prendre la température avec humour. Il ne lui en voudrait pas, surtout pas un tel jour.

Retournée par l'échange des vœux des mariés, Halya laissait les larmes couler en les tamponnant un revers de main, reniflant aussi discrètement possible. La main de Fenris se fit plus douce, caressant la sienne tandis que sa discrète étreinte se faisait plus ferme pour la soutenir. A bien y réfléchir, les mariages l'avaient toujours émue, mais c'était la première fois qu'elle l'était à ce point... Ou peut-être préférait-elle se bercer d'illusion à ce sujet.

Le premier cri de Terond la fit sursauter. Les autres, bien plus forts que les siens, la firent éclater de rire. C'est donc la respiration chaotique, les joues humides, les yeux rougis et le sourire rayonnant qu'elle se tourna enfin vers Fenris pendant que la foule commençait à se répartir en petits groupes. Il sourit tendrement en voyant dans quel état elle s'était mise, la faisant soupirer de dérision en articulant péniblement un : " Je sais... " . Puis posa un simple baiser sur les lèvres de l'Aigle, un brusque frisson lui montant au cœur, avant que Terond lui tende gracieusement un mouchoir... Oui... C'est vrai qu'ils n'étaient pas seuls.

Elle le remercia et se détourna légèrement pour se remettre de ses émotions, laissant les deux hommes discuter à voix basse. * Inspire. Et souffle. Tu vas t'en remettre. * On avait pas idée de se mettre dans des états pareils pour si peu... Mais elle en était à la fois détendue et heureuse. Il lui fallut de longs instants pour avoir l'impression de ne plus avoir les yeux aussi rouges que sa robe et pouvoir affronter la seule chose un minimum contrariante qui était prévue ce soir... Elle s'empara de nouveau du bras de Fenris, et ils quittèrent Terond pour aller présenter leurs hommages aux mariés... Et à leurs familles.

Si le pus gros de son émois avait disparut, il suffisait d'un coup d'oeil pour savoir qu'Halya avait pleuré. Elle en avait encore un léger trémolo dans la voix en arrivant devant Kaëlis et son père... la rouquine échangea un rapide coup d’œil avec Artiön avant de poser pleinement son attention sur sa cousine. Fenris la salua brièvement, s'intéressant tout de suite au marié pour laisser le champ libre aux complexes retrouvailles des trois Yasairava encore vivant. Halya sera un bref instant la jeune mariée dans ses bras et laissa ses doigts flotter autour de sa main libre, comme elle le faisait parfois lorsqu'elles travaillaient ensemble au palais et qu'elles abandonnaient pour un moment la distance qui caractérisait les relations de leurs deux branches familiales.

- Félicitations. Je te souhaite tous le bonheur possible et une vie éternelle au côté de notre cher roi. " sourit-elle avec un froncement de nez amusé en parlant de roi. Elle avant pourtant le cœur à fleur de peau en plongeant ses yeux verts dans ceux de la splendide dame. " C'est un homme bien. Vous serez heureux. Tu le mérites... Mais ne lui dit pas que je lui ai fait un compliment. " souffla-t-elle encore un peu plus bas en s'approchant de manière à ce que les longues oreilles de leur voisin n'en entende au mieux que des bribes.  

Puis elle recula, se tournant vers l'oncle qu'elle n'avait pas revu depuis l'enterrement de son père et qui ne lui avait pas adressé une parole qui ne soit purement professionnelle depuis son accession au titre de Protectrice.

- Mon oncle. " Elle porta une main à son cœur puis ferma la monta en fermant le poing au contact de ses lèvres en un parfait salut traditionnel. Les yeux du vieil homme, aussi gris que ceux de Kaëlis ou d'Eorim, la jaugeaient en silence, distants. Il lui rendit néanmoins son respectueux salut, quoi que raide.

- Halyalindë.
- Heureuse que l'intendant vous ait transmis à temps mon mot concernant la cérémonie.
- Juste à temps, en effet.

Le ton était cordial, mais les épaules tendus et les dos plus droit que des murs de pierre. Un léger silence s'installa. Kaëlis posa la main sur le bras de son père, mais Halya signifia d'un geste que ça n'avait pas d'importance et s'inclina face au patriarche de leur famille.

- Je vais vous rendre à vos obligations. " sourit-elle avant de se tourner un bref instant du côté du marié. " Finalement, je peux officiellement te souhaiter la bienvenue dans la famille maintenant. Si tu as besoin de te changer les idées un de ces jours, n'hésite pas à me contacter. Mon amitié ne dépend pas de la politique. " Elle s'écarta de quelques pas pour se placer de nouveaux à côté de Fenris, mais alors qu'elle enjoignait discrètement son compagnon à partir, un phénomène étrange eut lieu.

- Halyalindë... " lança une voix contrôlée et distante. La rouquine ne cacha pas sa surprise en faisant de nouveau face à son oncle. " Passez une agréable soirée. " un sourire hésitant se peignit sur le visage d'Halya. Elle acquiesça sans un mot.

Le ballet d’affection qui se jouait autour de vous n’en finissait pas, et paradoxalement, tu étais le seul à ne pas pouvoir danser. Une main liée à celle de ta fiancée, l’autre accrochant les jambes d’un cousin qui se refusait à quitter ta compagnie, tu te trouvais forcé à l’immobilité, et à des réactions maladroites, remerciant intérieurement la présence de Lùthanar chaque fois qu’il se donnait la peine d’un peu guider les choses. Ah la famille…

La famille, c’en était d’autres tout nouveaux membres qui s’approchaient maintenant, en les personnes d’un couple que tu savais une paire sans pourtant jamais avoir eu l’occasion de les côtoyer de concert. L’arrivée d’Halyalindë et Fenris t’arrache un sourire radieux, que même la politesse trop protocolaire du Tel’Sorn n’aura pas su entamer.

- Heureux est un faible mot !

Tu poses un regard attendri sur Kaëlistravaë, puis une œillade taquine sur Uirphen, qui sent bien ce que tu t’apprêtes à lui demander. Le jeune elfe décidé à ne pas te lâcher resserre encore un peu son étreinte sur ta nuque.

- Uirphen… tu sais, j’aimerais bien profiter un peu de mes amis aussi…

- Bon, d’accord Tiön.

Plutôt que de te lâcher l’enfant ouvre un bras, invitant Fenris à le rejoindre dans votre étreinte. L’hésitation de l’Aigle finit par lui faire perdre son peu de patience, et là plutôt que de simplement proposer, le blondinet te lâche, comptant sur toi pour le retenir, et s’accroche au soldat pour l’y tirer de force. Toujours maladroitement tu essaies te partager ton bras entre Phen et Fen, de manière à ce que quitte à s’y être trouvé contraint, l’Aigle se sente au moins bienvenu dans cette étreinte.
Elle n’aura été que de courte durée. Pour le bien du cadet Nöldorion et de sa compagne comme pour celui – à ton grand étonnement – d’une Kaëlis visiblement plus secouée qu’elle ne l’était précédemment.

- C’est ce qu’ils disent tous avant de changer d’avis !

Tu lances en riant à Halyalindë avant qu’elle ne s’éloigne et que toute ton attention ne se reporte à nouveau sur ton petit cousin, et surtout sur ton épouse. Tu te penches contre elle, rapprochant ta tempe de la sienne.

- Qu’est-ce qui ne va pas Tigilidënya ?

Cette symbolique qu’était l’union de leurs pattes avait certes de quoi honorer la tradition et à émouvoir la première fleur bleue, mais elle n’avait rien de pratique. Soumise à quelques discussions croisées entre les connaissances de son mari ainsi que les siennes, aux embrassades interminables et plongée dans l’incapacité de se trémousser les hanches –bien qu’Artion fût probablement le plus à plaindre pour ça-, elle souhaita que le temps accélère où enfin, elle pourrait se départir de cette harassante tresse! Et encore, voyant sa cousine s’approcher d’eu, elle aurait désiré plus qu’à tout autre moment s’éloigner de quelques pas de son aimé, afin de s’entretenir personnellement avec elle. Quoi que leur entente ne se soit jamais montrée fleurissante, elle n’en restait pas moins sa cousine et elle apprenait tranquillement à mieux l’apprivoiser. Ses séances d’apprentissage au dispensaire de même que son implication au sein de la communauté Ardamiroise l’inspiraient à lui témoigner plus d’estime, ceci bien malgré le croisement de son lignage avec ces sauvages de Noss …

Arrivée à sa hauteur, Kaelis réserva l’un de ses plus faux sourires –de ceux qui paraissaient tous naturels tant elle les maîtrisait- puis, hocha du chef en guise de salutations envers sa cousine. Point qu’elle ne désira pas s’entretenir avec elle, mais le moment s’y prêtait mal. Puis il y avait Artion, qui semblait si joyeux que s’eut été de lui déplaire que d’engager quelques discussions houleuses avec l’ex-protectrice. Et tandis qu’elle fit la réception de ses vœux, quelque chose l’écorcha. Cette fois franchement. Encore une allusion à la Royauté … Ce pourrait-il que … Pendant que sa cousine poursuivait sa boutade concernant le gaillard qu’elle tenait par la main, son regard argenté fuit au profit d’Artion, qu’elle fusilla momentanément de ses spinelles tout en fronçant son joli petit nez. Une bagatelle si brève et concise qu’on ne le remarqua qu’à peine.

« Merci énormément d’être venue Halyalinde, ta présence comptait beaucoup à nos yeux. Et je ne manquerai pas de m’en tenir au secret, Artion a une tête bien assez grosse comme ça pour qu’on l’affuble de plus de compliments. » Cette fois elle eut pour sa cousine un semblant de sourire complice, d’une lueur amusée à l’œil. C’est vrai, tout de même, qu’elle était capable de quelques bons traits d’humour …

Puis son paternel fit acte de présence au moment le moins opportun. La main libre de Kaelis vint caresser son front du pouce et de l’index, comme si c’est exactement ce qu’elle aurait voulu esquiver en s’adressant à sa cousine dans le feutré. Halyalinde se retourna pour mieux affronter le patriarche Yasaivara, mais l’étoile du matin ne manqua pas de soutenir le regard de son père par-dessus l’épaule de sa cousine. De rechef son minois se fronça, ses sourcils en firent de même et elle le menaça pratiquement du regard, comme si elle s’attendait à ce que ce dernier fasse fit de cet heureux événement qu’était le mariage pour régler ses comptes avec elle. Pourtant, elle s’était trompée et elle fut déjouée par la frigidité de son père. Évidemment qu’il n’irait pas gâcher ce doux moment!

Laérion s’approcha de sa fille, bras ouverts et vint l’enlacer sans se soucier un moment du fait qu’elle était aussi attachée à Artion qu’un pot de colle ambulant. Il couvrit son front d’un chaste baisé et la fixa quelques interminables secondes, passant en revue la douceur de sa joue d’un passage de son pouce.

« Tu es belle, ma fille. Et il me plait de te voir si heureuse … J’attendais ce moment depuis si longtemps. » Son sourire fit tomber les dernières barrières de son air naturellement austère, gratifiant Artion également de cette même risette. Il fit un pas de travers et délaissa Kaelis au profit du Roi, qu’il jaugeât à son tour silencieusement. « J’ai pour toi Artion la seule chose que je n’oserai jamais ordonner à mon Roi … Prends soin d’elle. Chéries-la, aime-la et protège-la. Alors je pourrai dormir sur mes deux oreilles en sachant que ma seule fille, ma précieuse fille, est et sera à jamais heureuse à tes côtés. » Laérion termina sa demande dans un sourire qui ne lui ressemblait pas –il n’avait pas habitude à hausser les joues de la sorte si souvent!-, s’inclina, et s’éloigna pour rejoindre la foule de convives.

Là, il fallut tout pour que Kaelis n’explose pas. Qu’elle n’éclate pas ou qu’elle ne fende pas en deux. Elle mâcha sa langue par trois fois, se retourna vers le petit cousin de son mari, lui témoigna l’un de ses plus charmants regards, puis lança : « Excusez-moi, il me faudrait vraiment tenir quelques mots à mon époux … C’est que nous n’avons pas eu une seule seconde pour nous … » Et avant même qu’on lui accorde ce répit, l’étoile du matin tracta la grosse patte d’Artion afin qu’il la suive. Elle serpenta au travers quelques groupuscules d’invités, puis stoppa nette sa marche accélérée au détour d’une grande tente où personne ne pourrait les voir.

Furibonde, elle secoua sa petite main nouée à la sienne comme si elle désira se départir de la tresse, en vain. Elle étouffa un grognement rageur comme elle n’en avait jamais fait devant lui et le fusilla du regard. Son souffle était précipité, mais ce ne fût évidemment pas leur marche qui lui avait intimé cette cadence, ma la rage qui bouillait en elle. De manière pincée, elle souffla tout bas pour qu’on n’en vienne à les entendre :

« Quoi ?!?! Tu es Roi ?!? Et tu comptais me le dire quand ?! » Elle le bouscula, mais ne l’ébranla même pas d’un poil, tant sa charpente la domina. Pourtant, elle n’en restait pas moins menacante, elle qui ne s’était pratiquement jamais courroucée contre lui. « Que dira-t-on quand on apprendra que la Reine ne savait même pas qu’elle le deviendrait à son mariage ?! D’une belle idiote, oui! Je n'ai jamais été aussi humiliée! Et à mon propre mariage en plus! » À nouveau elle le poussa contre les tentures de l’abri de toiles, bien qu’elle fut encore nouée contre l’immense paluche de son mari.  

Faites confiance aux enfants lorsque leurs instincts parlent. À peine la faveur demandée qu’une moue préoccupée au visage, Uirphen quitta ton bras pour retourner auprès de sa grande sœur. Il faut dire que tu te trouvais à l’instant au moins aussi surpris que le chenapan, de ce que tu percevais de l’humeur de ta nouvellement-faite-épouse. Pour autant tu ne dis rien, te contentant d’encaisser et de la suivre, en attendant qu’elle se décharge entièrement du poids qui venait de lui tomber sur la conscience. Peut-être l’excitation du moment avait-elle fini par avoir raison d’elle. Peut-être n’attendait-elle que d’avoir enfin un moment en seul à seul, et de profiter de celui qui était maintenant sien. Et ta famille qui se refusait à vous accorder le moindre instant de répit… c’est qu’à trop profiter de l’un de ces rares moments où ton oncle se dévoilait capable de sympathie, tu en aurais presque oublié comme celle que tu aimes apprécie que vous soyez seul à seul.

Ou alors peut-être était-ce autre chose.

De préoccupé, ton humeur sombra brusquement à une inavouable tristesse lorsqu’elle brandit sa main, et se tenta à briser votre lien avant qu’il ne soit consommé. Etait-elle déjà déçue d’être tienne ? Qu’avais-tu bien pu lui donner comme raison de briser le Vœu d’Eternité à peine prononcé ? Il devait y avoir quelque chose. Tu ne pouvais pas être innocent, pas quand elle s’emportait de cette manière. Il fallait bien plus que rien pour qu’elle en vienne à…

- Tigilidënya…

Tu soupires doucereusement, les coins de tes lèvres se relevant légèrement alors qu’en vain la demoiselle s’échinait à déplacer le poteau que tu es. Et jouant du peu de mouvements que t’autorisent les tresses, ta main nouée se tente à caresser la sienne, tandis que la libre vient se poster dans son dos. Tu l’amènes contre toi, l’invitant de force à poser sa tempe contre le plastron de ton armure, espérant que conjointement à la douceur de ton ton et de tes gestes, la fraîcheur du métal l’aide à redescendre en pression.

- Tu… ton oreille accroche les sons des festivités non loin, et tes yeux scrutent des passants encore beaucoup trop proches à ton goût On sera plus tranquilles pour en parler plus loin.

Ton avant-bras libre passe sous son fessier et sans grand effort tu la soulèves. D’un pas assuré tu vous éloigne des lieux de la fête, et trouve refuge dans une petite clairière, battue par la brise sifflant entre les hêtres qui dominent le paysage. Ici, enfin loin de tout, tu rends les pieds de ton aimée à la terre, ta main glissant par la même occasion juste au-dessus de ton fessier.

- Je te le promets Tigilidënya et ton regard ne ment pas Tu es la toute première personne à qui je l’aie annoncé. vous êtes seul, et malgré tout, tu murmures presque Tigilidënya, je ne sais pas réellement ce qui m’a pris, et rassure-toi, j’ai été autant surpris lorsque les mains se sont levées en ma faveur que tu le seras en lisant ces mots. tu te balances doucement de gauche à droite en contant ton histoire, vous berçant tous les deux J’ai choisi de me lever pour Anaëh durant le dernier Haut-Conseil, et les Protecteurs ont choisi de me faire confiance. Tigilidënya, je suis le nouvel Aran.

Ta main libre glisse le long de son flanc, te force à souhaiter qu’elle ne fut plus gantée, et se pose sur sa joue. Tu lui dérobes un baiser.

- Et tu es la nouvelle Rîn Berith. tu l’embrasses une seconde fois C’est ce que je t’ai écrit. Mais mon intronisation date d’il y a à peine plus d’une ennéade. Je sais que tu travailles d’arrache-pied pour Ardamir. Peut-être n’as-tu simplement pas eu le temps de le lire.

Pas qu’elle souhaita rompre son lien de suite, mais emportée comme elle l’était, elle s’en trouva si remontée qu’elle ne se montra plus maîtresse de ses mouvements. Elle le poussa, tirailla les plaques de son harnois sans toutefois jamais être en mesure de se montrer menaçante à la hauteur de sa colère. Son amant chercha à caresser le haut de sa mitaine du bout des doigts, mais elle ne lui donnerait guère la tâche si aisée! Elle se montra aussi revêche qu’une pouliche sauvage, chassant la présence de ses doigts en secouant vivement celle-ci. Pourtant, elle se sentie prestement vaincue lorsqu’il la tracta contre le métal froid de son harnois. Agissant à l’instar d’une douche gelée, elle consentit à cesser ses hennissements, préférant plutôt savourer leurs premiers rapprochements depuis des ennéades. Et avant qu’elle ne se soit faite un plein ventre de tendresse, elle sentit ses petons quitter le sol au profit des bras musculeux de son mari. Elle ne sut réprimer la pointe d’un ricanement amusé, bien qu’elle dut endurer l’inconfort de ses plaques contre ses délicats tissus –aussi bien dire contre sa peau, tant ils se montrèrent légers-.

Lorsqu’elle récupéra plein moyen de ses mouvements, elle se trouva de nouveau tractée vers son homme, comme si lui également n’avait eu assez de leur concise étreinte. Elle se montra muette et nicha son nez là où la peau de son mari fût dénuée de toute protection métallique : il avait omit son gorgerin, sans doute pour plus de mobilité et c’est bien là qu’elle se dirigea. Elle chercha à retrouver son odeur, à s’enivrer de sa présence, se privant à contrecœur de lui loger au passage quelques doucereuses attentions du bout des lèvres. Enfin, elle fut invitée à repêcher le regard d’Artion, où une main gelée et gantée se posa miraculeusement en toute délicatesse contre sa joue à la peau d’albâtre…

Elle se laissa embrasser volontiers et les mots qui s’échappèrent d’entre ses lèvres rendirent ses attentions encore plus divines. Il avait fait d’elle non seulement la femme la plus heureuse du Royaume, mais il avait également fait d’elle la Reine …

Son regard déviât sans jamais rompre leur rapprochement, laissant filer sa main libre aux hanches d’Artion dans l’espoir de pouvoir nicher la pointe de ses doigts entre deux plaques, simplement pour le toucher ne serait-ce qu’un tantinet, établir au moins un contact … Puis des yeux, elle retourna vers lui, prenant bien tout son temps pour prononcer ses prochaines paroles.

« Pardonne-moi … Comment … » Elle passa la pointe de sa langue contre ses lèvres, un peu agacée. « J’ai douté. J’aurais dû savoir que tu ne m’aurais pas caché ça, c’est juste que … » Elle prit une pause encore, puis son sourire égaya de plus belle, comme si elle n’y croyait pas. « Roi et Reine de l’Anaeh … » Elle soutint son regard à nouveau, l’air un peu désorientée. « En ai-je seulement l’étoffe ? Et mon Ardamir … » Sa prime question fut pratiquement oubliée par la mélancolie passagère qui vint de suite harponner sa raison : elle devait quitter sa prie, c’était certain. « Il me faudra la quitter, n’est-ce pas ? » Elle le supplia pratiquement du regard, même si elle connaissait toute les réponses à ses questionnements. Peut-être n’avait-elle besoin, au final, qu’à être rassurée …

- Tu n’en es pas obligée Tigilidënya le Haut-Conseil n’avait pas élu un Roi marié après tout mais ce serait enfin une occasion d’être plus souvent l’un avec l’autre. tu poses le bout de ton nez contre le sien Et puis… tu sais comme on est efficaces ensemble. Et penses à tout ce que tu pourrais réaliser en tant que Rîn Berith…

Tes lèvres cueillent à nouveau les siennes, tes dents s’accrochent légèrement à sa lippe, et de la part de ton esprit qui n’est pas entransé par tes affects, tu te plais à imaginer l’impact qu’une elleth comme ton épouse pourrait avoir non seulement sur Alëandir, mais sur l’Anaëh toute entière.
C’était presque paradoxal quand on savait sa situation familiale, mais Kaëlistravaë était extrêmement douée pour créer la sympathie. C’était là le secret de son succès en tant que Main Droite. Face à elle le peuple Ardamiri se sentait écouté et était prêt à écouter en retour. Elle avait ce don inné pour désamorcer les conflits et apaiser les soucis… du moins… sauf les siens.

Apaiser les siens, c’était ton devoir.

- Tu fais une magnifique Reine Kaëlis. ton front se pose sur le haut de son crâne Et si tu penses le contraire, c’est que tu ne te rends pas compte de tout ce que tu as à offrir…

Avec une discrétion toute relative, tes doigts viennent fouiller le même endroit que les siens, l’accompagnant à travers les complexes agencements de plaques impénétrables de l’armure forgée par Cìryon vers les accroches qui tenaient les-dites plaques ensemble. Tu l’aides à défaire un à un les liens de tes spalières, de ton plastron et des brassard et gantelet de ta main libre. Ses doigts glissent souvent, elle peine à comprendre le fonctionnement de certaines attaches, et tous les deux vous riez de concert de ce maladroit effeuillage.
Et quand enfin elle obtient ce qu’elle veut, tu la prends contre toi, l’invitant à poser sa tempe contre ta poitrine nue. Tu lui offres ta peau, ta chaleur corporelle, le contact qu’elle attend depuis un moment déjà, séparée qu’elle était de toi par un métal froid comme l’automne.

- Tyë melinyë Tigilidënya.

Je t’aime.

Elle sentait crescendo son cœur battre la chamade à mesure qu’il se tenait à proximité d’elle. Son geste anodin, d’une main immiscée dans le candide but de le toucher, se remémorer la présence de sa chaleur, fut bellement encouragée par la grande patte de son mari. Le front sagement déposé contre le sien, ses paupières se refermèrent et inspira à plein poumons, l’air béat. À l’instar de sa patte unie par la tresse sacrée, son autre main fut jointe à celle de son mari, qui serpenta d’une attache à l’autre, à dénouer là quelques sangles de cuir et là, quelques ficelles brillamment nouées. Un peu à la manière des jouvenceaux qui n’avaient idées de comment délasser le corsage de leurs conquêtes, Kaelis se trouva fort embêtée par tant de labeur. Heureusement, l’aide qu’elle reçut fut suffisamment conséquente qu’elle sache s’en sortir, quoi que l’attente fut telle qu’ils furent tous deux enclins à quelques gloussements –pour un amusé, pour l’autre un peu plus gêné-. Dans l’attente qu’elle achève sa complexe besogne, son nez vint parfois retrouver le sien, chaque fois un peu plus insistante sur la caresse qu’elle délivrait à son faciès, jusqu’à venir cueillir du bout des lèvres une poignée de chastes baisés.

Sa nouvelle condition l’empêcha de s’emballer de trop, elle qui avait tendance à profiter pleinement de ces moments d’intimité … Elle freina ses ardeurs, se tempéra et préféra poser son corps contre le sien, dans une accolade qui perdura pendant de longues minutes.

« Ton armure … Je ne suis pas certaine que je ferai une excellente page et saurai te l’enfiler … » Elle sourit de plus belle, sans toutefois rompre le contact. « Et puis, nous aurions pu attendre à ce soir … Au moins, tu n’aurais pas eu à couvrir ta pudeur jusqu’au lendemain. » Elle glissa son index d’un passage sinueux de son poitrail jusqu’à ses abdominaux, où elle fit à cet endroit quelques arabesques du bout de l’ongle. À nouveau, elle remua un peu du chef et vint jusqu’à glisser un froid baisé au niveau de son pectoral droit, puis un autre, un peu plus haut, puis un autre, et encore … Jusqu’à cesser son jeu à l’encolure de ses lèvres et de lui murmurer :

« Tu m’as manqué, mon Elnoruì … »