[Le mariage Royal | Frontière Nord-Est] Explorer de nouvelles possibilités

Neuvième ennéade de Fävrius
Onzième année du Onzième Cycle
Frontière Est d’Annon, non loin des bordures d’Uraal
Suite d'Ardamir en Annon

- Ils ne devraient pas tarder à arriver, alors rendez-moi ce campement un minimum présentable ! une autoritaire voix féminine émergea du brouhaha ambiant Les élémentalistes et les architectes avec moi ! Les naturalistes à la cueillette et qui-de-droit aux cuisines.

C’est un heureux branle-bas de combat qui s’annonçait dans le camp Daranovan, et une bienvenue pause dans leur routine. L’exploration des futaies par-delà la porte d’Anaëh avançait à grands pas, plus rapidement qu’ils ne l’auraient pensé. Les essences croisées jusqu’ici différaient d’assez peu de choses de celles de l’intérieur de la forêt pour être classées sans pour autant priver les scientifiques de leur lot de découvertes. Les sols étaient particuliers. Surtout ici, dans la périphérie du Lac, et aussi proche des tristement célèbres marais de Faelia. Les proportions de roche mère et sédimentaires étaient extrêmement variables d’un point à un autre, l’humidité du sous-sol de même, et ainsi il suffisait de quelques pas pour que sa richesse et sa texture changent radicalement sans que le parterre ne le laisse entendre. La présence d’amas de certaines essences végétales ci et là était finalement le seul indice semblant aider à se repérer sans avoir à sans cesse solliciter l’expertise des géomanciens et de la tarière.

- Ne vous épuisez pas non plus ! Il ne s’agit pas de bâtir un château tout de même !

Sous le burin des architectes et les mains des mages, se dessinait le sanctuaire destiné à accueillir votre union. Modeste par la quantité de matière déplacée pour lui donner naissance – car il faudrait bientôt le rendre à la terre, il était extrêmement riche par les détails qui l’ornaient. L’art qui donna naissance aux premières Cités était peut-être perdu, mais le talent artistique des elfes ne l’était pas. Si la nostalgie rend l’ancien magnifique aux yeux de ceux qui aspirent à l’éternité, le nouveau n’en est pas moins somptueux.
Au gré des efforts des soldats et autres volontaires, les tentes se déplacèrent ne serait-ce que de quelques centimètres, pour mieux entourer la cour factice qui serait le centre des festivités. Et les draps furent tendus de la manière la plus impeccable qui soit. Et les meubles plutôt que d’être rangés comme le voudrait la notion d’utilitaire furent déplacés pour flatter leur esthétique. Les armures lustrées trônaient sur leurs supports comme autant de soldats au garde à vous, et les armes de tous et chacun reposaient dans les milieux de table et sur les présentoirs comme les œuvres d’art intemporelles qu’elles étaient.

- Thirist, Edwen ! Il n’y avait pas une fleur dont vous vouliez ramener des plants ?

- Oui, pourquoi ?

- Ramenez vos échantillons, on devrait pouvoir en faire une arche florale décente. Ça vous en fera plus à étudier ensuite.

Cocasse situation que celle d’explorateurs se retrouvant à devoir transformer leur terrain de recherche en un lieu digne de la cérémonie qui unirait deux Souffles pour le reste de leur éternité. Mais après tout, s’il y avait bien des gens pour relever ce genre de challenge, c’étaient les quelques Lanthalorans présents.

Il veillait lorsque les premiers avaient fermé les yeux. Il avait vu se relayer à la barre plusieurs membres d’équipage, et en avait vu presque autant aller trouver le repos. C’était à son tour maintenant de s’écrouler, et de se laisser aller à son monde intérieur.
Les rêves de Cìryon étaient au moins aussi chaotiques que l’était sa perception de la réalité. Tout semblait vouloir absolument s’y passer en même temps, pour le meilleur et pour le pire. Seulement dans ses rêves, le temps et l’espace n’était en rien une barrière à ses projets. Dans ses rêves il pouvait marier son ami d’enfance en Annon et être élu Toer Tamindal à Ardamir à la même seconde. Dans ses rêves  rien n’était impossible, et tous ses désirs les plus fous pouvaient arriver à fruition. Dans ses rêves il pouvait s’inventer de nouveaux désirs à nourrir au fur et à mesure que l’incommensurable effort d’un claquement de doigts réalisait les précédents. Ainsi il se réveillerait plus exigeant envers lui-même qu’il ne l’était la veille. Car chaque fois que ses yeux se fermaient, c’était de nouvelles attentes qu’il plaçait sur lui-même.

- Debout Nolwëdil, c’est fini l’hibernation.

Réveil difficile. Le forgeron avait bien trop peu dormi. Mais qui irait le dire à Maltlin ? Maltlin s’en serait-il même préoccupé si on le lui avait dit ? Probablement pas. Ce n’est pas comme si les cernes sous les yeux du pauvre artisan n’étaient pas assez profondes pour le lui dire.

- Ne t’inquiète pas, on s’est déjà occupé de ton bagage et on en a pris le plus grand soin. l’élémentaliste tendit un bras au forgeron Viens, je vais t’aider à t’installer sur Sìrdal, tu finiras ta nuit à cheval.

- J’espère qu’il a le trot doux.

- Tu ne trouveras pas un mathandil au pas plus délicat dans tout Miradelphia.

- C'est vrai ce qu'on dit. Les opposés s’attirent.

Moyennant quelques ronchonnements, l’elfe laissa Maltlin lui passer le bras sous les épaules et l’amener jusqu’à la monture sur laquelle il monterait bien trop lentement même pour qui a la patience du elfe. Le cheval lui ne s’en offusqua pas, faisant ainsi démonstration de la régularité avec laquelle il avait accueilli des passagers dans le même état… ou du moins, de la régularité avec laquelle ce passager s’était retrouvé dans cet état.

- Tout va bien, tu as fait bon voyage ?

Ce n’est plus à son ami que s’adressait maintenant le mage, mais à une demoiselle à la mine reposée, bien qu’elle eût elle aussi toutes les raisons du monde de s’exciter à l’idée des événements à venir. Kaëlistravaë était visiblement une personne au tempérament moins emporté que son meilleur ami. Et c’était tout à son honneur.

- J’imagine que ce n’est pas ce que vous aviez imaginé lui et toi pour votre union… mais avouons que la symbolique est belle, n’est-ce pas ? Maltlin lève les yeux au ciel, pensif Votre mariage sera le premier grand événement que connaissent les terres reconquises d’Annon.

Avec un peu de chance, un tel bon augure attirerait la bénédiction de La Mère sur ces lieux pour le futur, et ainsi ils connaîtraient-ils un futur doux comme ces célébrations plutôt que tragique comme leur libération.

Ça n’avait rien des somptueux appartements dans lesquels elle avait habitude de séjourner, mais tout de même, l’effort était là. Pouvait-elle vraiment en vouloir à quiconque ? Ils étaient tout de même sur un bateau et, qui était-elle, pour aspirer à de plus onéreux conforts ? Puis, on avait rembourré sa couche de quelques épaisses pelisses, rapatrié certains morceaux de sa vaste toilette et même, on s’était assuré de son bon confort tout le voyage durant. Non, même si elle avait cherché quelque chose à leur reprocher, elle n’en aurait été bien incapable. Et bien malgré tous ces efforts déployés, le sommeil, elle ne sut le trouver.

Plus que la houle qui faisait tanguer la coque du navire, quelque chose l’agaçait et l’embêtait suffisamment pour qu’elle sache tirer bon repos de son voyage. Était-ce la menace, qui veillait au loin, de voir l’idée bien construite qu’elle avait de son propre mariage qui la harassait autant ? Fort était à parier que oui! Elle s’était mille et une fois imaginé le scénario et elle en avait fait de cette rêverie sa réalité. À tel point qu’elle avait même abordé quelques artisans de sa connaissance, voir même quelques ménestrels, afin de s’assurer de leur disponibilité au moment venu. Et après l’angoisse, après le stress de voir sa lubie dérangée par l’empressement de leur union prochain, vint la honte. En avait-elle seulement oublié les fondements de leur union ? Les raisons qui l’avaient poussée à acquiescer à cette promesse qu’ils se firent jadis ? Promesse de s’unir sous le regard bienveillant de Kyria, de s’attacher l’un l’autre, de sorte à ce que même la distance n’en vienne ternir leurs sentiments ? Esseulée dans sa couche, le regard vidé d’émotions, elle fixa le plafond auquel y était rattachée une cage à lampions, qui valsait au gré de la houle, encore et encore …

Elle gloussa finalement, déposant sa fine et délicate menotte contre son front, de sorte à s’en couvrir les yeux du pouce. Elle se trouvait ridicule de se tracasser de la sorte. Demain, elle allait se marier et tout ce qui l’angoissait actuellement, était de savoir s’il y aurait assez à becqueter, ou si les troubadours trouveraient moyen à fausser … Au moins se rendit-elle compte du ridicule de la chose! Sa poitrine se souleva d’un soupire prolongé, expirant tout l’amertume qu’elle cultiva depuis son prompt départ.

Enfin, elle pouvait dormir.

Lorsque le monde se découvrit à elle à nouveau, le navire était amarré depuis fort longtemps déjà et sur le pont, chaque matelot s’affairait bruyamment  à leurs tâches. Kaelis ressortit des entrailles de l’embarcation en arborant l’une de ses plus savoureuses toilettes ; celles dont elle avait pris pour habitude de revêtir lorsqu’elle s’attendait à croiser son promis. Pour l’occasion, une robe partiellement faite de dentelle, dont la tête s’approchait d’un blanc coquille d’œuf, terni d’une touche de beige aux teintes d’ivoires. Elle conquit la passerelle l’amenant au sol ferme, rejoignant ses accompagnateurs respectifs.

« Tout va bien, tu as fait bon voyage ? »

« C’est qu’on a bien veillé à mon confort. » Elle gratifia Maltlin de l’un de ses sourires affables, de ceux qui saurer rassurer quiconque sur la véracité de ses propos. « Je ne dois le bon temps passé sur ce navire qu’au talent de son équipage. »

« … Votre mariage sera le premier grand événement que connaissent les terres reconquises d’Annon. » À ces quelques paroles supplémentaires, Kaelis dirigea ses spinelles grisâtres en direction de son voisin. Ce fût à ce moment un poil étrange, mais c’était comme si de le voir sourire bêtement à ses paroles, elle avait lu le fil de ses pensées.

« Rien n’est moins certain que ces terres soient favorables à notre union … Mais oui, la symbolique n’est pas désagréable. » Avait-elle seulement ajouté, avant que l’on lui emmène les rênes de son palefroi. Sans que la chose fut totalement nécessaire, quelqu’un vint lui porter main forte pour se hisser au sommet de l’équidé, qu’enfin le convoi chemine au petit trot jusqu’au campement de fortune. À peine deux lieux furent battus des sabots, qu’ils purent apercevoir à l’horizon les primes décorations de ce qui serait bientôt un lieu sacré.

L’étoile du matin retrouva son franc éclat, tant son sourire s’illumina à la vue de ce sanctuaire qui verrait, plus tôt que tard, naître l'éternelle union entre eux deux.

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Alëandir, quelques jours auparavant

- Heru, vous venez à peine d’être intronisé ! Ne pensez-vous pas qu’il est un peu tôt pour déjà vous en aller ?

Les mots te glissent sur la peau sans y trouver la moindre prise. Ce n’est pas la première fois qu’ils refusent de comprendre, et ce ne sera certainement pas la dernière. Après tout, la dernière expérience de mobilité du Trône Blanc s’était soldée par la mort de Dyarque…

- Je ne m’en suis pas caché avant que l’on me choisisse, je ne m’en suis pas caché lors de mon intronisation et je ne compte pas changer d’avis de sitôt. C’est ainsi que je conçois mon service. Pas assis sur une chaise dorée à signer des décrets dont je ne connais pas la réalité.

Pas une missive mais deux. L’une provenant des elfes de l’armée royale, déplacée avant que tu ne prennes place à leur commandement, l’autre provenant de ceux de Daranovar, partis avant que tu ne perdes autorité sur eux. Les deux sans équivoques. L’Annon était une région fascinante, tant par sa ressemblance avec l’Anaëh profonde qu’à travers les menues différences qui l’en séparaient. L’Annon était à leurs yeux une région qu’il valait le coup de protéger. Parce que c’étaient de nouvelles ressources, sur lesquelles l’embargo Noss serait presque nul. C’était une place de choix pour surveiller le reste du monde, à mi-chemin entre votre forêt, les territoires d’Elda et Vaanis. Et surtout, majorités d’entre les dépêchés s’étaient sentis le même devoir de protection envers ces terres qu’envers le reste de leur foyer.
Prendre une décision quant à la continuation de ce premier investissement aurait dû être chose aisée. Leur accorderais-tu de continuer leur travail d’expertise ? Sans aucun doute. Tu leur faisais largement assez confiance pour leur donner pouvoir entier sur la suite des opérations… mais l’occasion d’enfin poser l’œil sur l’Annon était trop bonne pour être refusée. Tu aurais, à la manière dont elles étaient écrites, d’ailleurs pu croire que les deux missives fussent écrites expressément dans le but d’exciter ta curiosité et de t’attirer auprès des camps frontaliers. Ce n’était habituellement pas dans les usages des militaires d’avoir autant souci d’esthétique dans leurs descriptions. Il faut croire que la passion de ceux qu’ils accompagnaient devait être contagieuse.

- Je vous avertirai lors de mon arrivée aux camps Nord. À partir de là, si tout se passe bien, je longerai la frontière jusqu’aux ruines d’Ellyrion avant de rentrer vers Alëandir. Je vous envoie autant d’informations que possible via le roulement des soldats des différents camps.

Quelques bouts de viande séchée, du pain de méroca, du nécessaire d’entretien pour tes cuirs, quelques cuirs de rechange... C’est avec un empressement assumé que tu préparais ton sac de voyage, et c’est sans la moindre hésitation que tu rejoignais ta maigre escorte.

- Si possible, j’aimerais avoir ce qu’on a de plus proche d’un relevé des maîtres ouvriers de chaque Protectorat à mon retour !
 
Et les courtes salutations qui suivirent furent bien moins marquantes que le claquement des griffes de Vìrin contre la pierre blanche des pavés d’Alëandir.

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Lendemain de l’arrivée du bateau d’Ardamir
Camp Frontière Nord

Pensif, tu regardes s’approcher la berge d’Uraal comme si la fixer accélérerait les manœuvres. Enfin. Vous arriviez enfin. Et Vìrin ne devrait pas tarder. Fort est à parier que si elle l’avait voulu, la caengal serait arrivée bien avant vous, détour ou pas. À tous les coups, chasser la parfaite proie lui aura été plus tentant que te retrouver… Satanée bestiole ! C’est qu’elle n’en faisait jamais qu’à sa tête ! Et c’est bien pour cette raison que tu lui faisais confiance. Mais qu’à cela ne tienne, tu ferais un bout de chemin de plus sans elle. Qu’elle doive se fier à l’odeur ou à la Symphonie, elle finirait bien par te retrouver. Toi, il fallait que tu remettes pied à terre.

- Une quinzaine de minutes de marche direction Sud Est et on devrait arriver au c...
.
- Hop hop hop ! Une petite minute !

- Cìryon ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Il n’y avait pas déjà d’autres forgerons en place ?

- Il y avait. J’ai repris le poste tout récemment. Et si tu veux tout savoir… je réalise mes rêves ! le forgeron t’adresse un regard malicieux Et les tiens aussi !

- Qu’est-ce que tu racontes encore ?

- Les gars ! Pièce à conviction !

Des fourrés d’où avait surgi l’artisan bondirent deux soldats Daranovans, tirant derrière eux une grande boîte, dont il aurait été un euphémisme de dire que le contenu semblait faire la fierté du forgeron. Ton cœur se mit à battre, anticipant ce qu’elle pouvait bien contenir sans vouloir y croire. Tu étais un enfant à nouveau. Tu fêtais ton premier demi-siècle à nouveau. Tu ouvrais un présent à nouveau. À nouveau, ton cœur manquait d’éclater, tes poumons d’imploser, et ta gorge de s’affaisser sur elle-même. Tu n’avais jamais vu d’armure aussi resplendissante de toute ta vie, pas même dans les peintures des héros du temps de la Forge Originelle.

- Elle est magnifique Cìryon. Je… Je ne sais absolument quoi te… te dire.

Plus que l’émotion, c’est le hoquet qui te coupe la parole. L’excitation, la surprise, le choc, tu en avais avalé de la salive de travers et perdu le rythme de ta respiration. Maintenant ton diaphragme te le faisait payer, au bon plaisir de ton ami d’enfance.

- Tais-toi, ravale ton hoquet et enfile-la !

Le cuir embrassait ta carrure comme une seconde peau, et les plaques s’agençaient sur le cuir comme les écailles d’un reptile. Pas un espace manquant, pas un espace de trop. La cuirasse t’allait comme un gant. Tu te penches jusqu’à poser la paume des mains au sol. Tu plies le bras. Tu contorsionnes ton dos. Tu soulèves les genoux. Tu cherches la gêne, la limitation, mais tu ne la trouves pas. Jusqu’au bout de tes doigts les écailles d’or pâle glissent les unes sur les autres comme se contracteraient et se détendraient tes muscles, pour t’offrir presque l’entièreté des mouvements dont ton corps est capable. Ton corps, ce n’est d’ailleurs pas que dans ses mouvements que la cuirasse se confond avec. Un jeu de courbes et de creux, un agencement de plaques fait d’une main de maître redessinaient sur le plastron des formes qui étaient à peu de choses près celles de ta propre musculature.
Comme clin d’œil à son ouvrage précédent, et finalement presque symboles de ton rôle sur le champ de bataille en tant qu’Enda’Otha, les pans de tissus couvrant la tassette étaient marqués cette fois non pas du symbole de Daranovar, mais de celui que tu voudrais voir devenir l’emblème commun de toutes les milices Taledhelles.

- Et parce que ton meilleur ami est vraiment formidable, il t’a aussi fait ça. le forgeron souleva un faux fond pour te révéler que la boîte n’était pas aussi vide que tu le pensais Je sais que le tien te vient de tes aînés, et je pense plus ou moins comprendre que ce n’est pas simple d’en changer… mais bon. J’espérais que tu me voies comme faisant assez partie de la famille pour accepter ça.

Tu aurais voulu pouvoir les retenir, mais les larmes te furent arrachées. Poser ton focaliseur dans la boîte où était il y a quelques instants encore ton armure fut la dernière chose raisonnable que tu trouvas la force de faire avant d’enfermer le forgeron dans une étreinte digne du surnom qu’il te donnait, et de fondre. Cìryon te répondit d’un rire trop silencieux. Tu devinas aisément que dans ton dos, des larmes de bonheur lui étaient aussi venues.

- Qu’est-ce que tu veux que je te dise après ça ? tu soupèses le sceptre, laisse tes doigts glisser là où se présentent, contrairement à ton focaliseur, de véritables prises Si tu voulais faire de moi une épave c’est réussi !

- Hey ! Ce n’est pas tous les jours que ton meilleur ami devient Roi. Ce sont des choses qui se fêtent ! Alors enfile-moi ton fichu masque, et maintenant que tu as une armure digne d’un Heru-Aran, débrouille toi pour arriver au camp avec la prestance digne de l’habit !


Tu éclates de rire. Il te suit. Vous prenez le temps d’évacuer l’émotion, et lorsque tu te sens la contenance nécessaire à faire honneur à ton présent, vous…

- Attends ! Ton chignon a vu de plus beaux jours. Laisse Lumornel s’en occuper pour toi rapidement.

- Tu penses vraiment qu’ils m’en voudront pour deux mèches de travers ?

- Oui ! Fais-moi confiance, et sois Royal !

À présent vous pouviez reprendre le chemin vers le camp que vous auriez déjà dû avoir rejoint depuis bien longtemps. Et Cìryon te suivait de bien trop près. Et il était bien trop souriant. Et tu aurais dû de douter de quelque chose depuis le départ. Tu aurais dû au moins te douter de quelque chose en constatant la finesse avec laquelle les premières installations du campement avaient été ouvragées. Ou au moment où il est devenu évident que la végétation autour de vous n’était pas entièrement naturelle. Mais non. Il avait fallu que tu la voies elle debout aux côté d’un Maltlin vêtu d’une armure au moins aussi magnifique que la tienne, pour comprendre. Il avait fallu que tu la voies elle dans la robe de ses rêves, pour comprendre.

- Cìryon… vous…

- Ce n’est pas tous les jours que ton meilleur ami devenu Roi se marie, ce sont des choses qui se fêtent !

Image non contractuelle de l'armure:

Image non contractuelle du masque:

Place, car la Reine de la ruche venait de faire son entrée! Du moins, c’est l’effet qu’elle ressentit lorsqu’elle esseula la selle de son palefroi pour mettre pied à terre. Tous, sans exceptions aucunes, freinèrent le temps d’un moment leur labeur, qui d’ailleurs n’avait rien d’une sinécure. Leur mandat était clair : tout se devait d’être prêt pour l’accueil des premiers rayons de soleil. Or, il y avait encore moult à faire! Mais la venue de la principale concernée se montra raison suffisante pour s’octroyer une pause, au moins le temps que se libèrent de leurs affaires quelques femmes promptes à mettre Kaelis en bonnes dispositions! On lui fit faire le tour du campement, qui n’en était d’ailleurs qu’à ses commencements, mais qui se montra tout de même fort prometteur. Les prémices de certains agencements floraux, l’établissement de certains endroits prompts aux interminables palabres et même, les fondations d’une tablée longue comme aucune autre! Et que dire de ces fumets qui enivraient d’ores et déjà les environs, mêlées à quelques flagrances tirée directement des feuillages mit à disposition ?

Enfin, après un dix minutes fort plaisant à l’œil, on enquit Kaelis à franchir deux panneau de tissus menant à ses appartements. Une tente temporaire, sous laquelle elle pourrait d’abord, se reposer, puis se préparer pour le jour prochain. C’est qu’il y avait à faire avant de se montrer présentable à son homme! Et une journée ne se montrerait de trop pour être totalement par-faite. Et avec le temps, avec patience et résilience, son entourage réussit à lui rendre ce fidèle sourire affable, avenant même, qu’on lui connaissait si bien. L’étoile du matin en avait presque oublié la mélancolie qu’elle tira tout le long du voyage en bateau, de ne pas célébrer son union comme elle l’eut souhaité. Elle s’était désormais faite à l’idée : demain, peu importe les circonstances qu’on lui avait réservées, elle serait unie pour l’éternité avec celui qui monopolisait autant ses pensées que ses rêveries.

« Tssh! Non, pas comme ça. Il faut que l’arrangement soit plus resserré, autrement lorsque nous danserons le chignon aura tendance à fondre sur ma tête. Et la frange, là, tu ne la trouves pas étrange ? » Dit-elle à l’encontre de l’une de ses auxiliaires, bien que le tout ponctué d’un timbre de voix à la fois doux et plus personnel qu’il ne l’était la veille.

« Lorsque tu arboreras ton diadème, ce sera parfaitement adéquat. Quant au reste ; c’est que tu n'as guère habitude. Tu verras, tout sera à point » À peine s’approcha-t-elle de sa tête pour y prodiguer quelques retouches, qu’on entendit le campement se soulever à l’approche de piochements d’équidé. C’était lui, elle en était certaine. Artion arrivait.

« Il est là, n’est-ce pas ? » Prononça Kaelis, alors qu’elle chassa de deux doigts la main innocente de son assistante, de peur qu’elle en défasse son labeur par inadvertance.

« Probablement. C’est un peu tôt il est vrai, mais tu es tout à fait présentable. »

« Présentable … » Ronchonna tout bas Kaelis, alors qu’elle observait son reflet dans la glace, bien insatisfaite. « C’est à peine acceptable, avouez-le ... »

« Je t'assures que … »

« Le temps nous manque, allons-y de suite. » Finit par lancer la teledhelle, tout en soulevant sa poitrine d’un soupire las. Elle qui crut enfin avoir adhérer à l’idée de ce mariage impromptu, revenait à la réalité : ce n’était guère ainsi qu’elle avait imaginé le tout. Mais enfin, à quoi bon ternir son visage d’un air d’enterrement, alors qu’elle reverrait enfin son promis ? Elle se souleva et lorsqu’elle entreprit de quitter sa tanière, deux femmes vinrent à son secours afin de soulever de quelques doigts la traînée de sa robe.

Aux devants du campement, tous s’approchèrent d’elle, mais préservèrent une distance certaine afin de la mettre en valeur aux yeux de son promis. Et l’effet fut bel et bien au rendez-vous à voir la tête que tira son amant, une fois qu’il la vit, au loin, du haut de son canasson. Enfin, il arriva à leur niveau et sous les applaudissements de tous et chacun, ils accueillirent le fiancé à chaudes acclamations. À voir leurs bouilles jouasses, leurs yeux illuminés d’allégresse et la liesse qui animait la foule, sans compter les sobriquets lancés avec amusements tels que « Ô Roi! Notre Roi! Vivat au Roi! », démontra qu’ils étaient pour le moins tous de proches connaissances. Qu’est-ce qu’ils étaient étranges, tout de même, de le surnommer ainsi … Et même, elle trouva la chose si curieuse, que son adorable faciès en fut un poil interloqué.

Mais enfin, cela n’avait que peu de valeur face à toute la joie qui l’animait à l’instant. L’avait-elle seulement déjà vu plus heureux ? Son sourire était si large qu’elle se demandait s’il serait à même de prononcer ses vœux sur l’autel, tant la mâchoire menaçait de lui lâcher.

Candide, sage et aussi pure que l’était son surnom, elle patentait, les mains mariées devant elle. Elle patientait que vienne la chercher son fiancé et ainsi, qu’il ne la laisse plus, pour l’éternité à venir.

Spoiler:

Un ouvrage pareil ne pouvait décemment pas être l’œuvre d’à peine quelques ennéades. Ou même de quelques mois. Ce devait faire de longues années que Cìryon travaillait sur cette pièce. Cela faisait de longues années que Cìryon travaillait dessus. Tu le sais. Il y a après tout bien peu de choses qu’il fasse l’effort de te cacher. Mais alors comment ? L’or… le cuivre… le rouge et le doré… comptait-il depuis le départ te la faire porter la cuirasse au jour de ton mariage, ou n’étais-ce là qu’une formidable coïncidence ?    

Ton cœur bat la chamade, tes yeux la cherchent et la fuient à la fois. Kaëlistravaë ? Ta Tigilidënya ? C’était vraiment elle !? Es-tu seulement éveillé ?

Ton esprit a du mal à encaisser des informations qu’il a pourtant bien comprises. L’émotion est forte. Le bonheur t’étoufferait presque, mais une soudaine culpabilité te gagne au même moment. L’endroit était magnifique. Elle était magnifique. Et trêve de fausse modestie, toi aussi tu étais magnifique. Mais ce n’était pas ainsi que tu vous imaginais vous unir. Pas ainsi et pas ici. Tu aurais voulu pouvoir tout planifier, lui offrir le plus beau des autel, tirer une liste exacte des invités, organiser le décor, organiser les fêtes… et là… là vous aviez déjà dérogé à la tradition. C’est toi qui aurais dû l’attendre. C’est elle qui aurait dû être amenée à toi.

Tu aurais voulu tout faire autrement, et paradoxalement, tu as l’impression que tu n’aurais pas pu être plus heureux.

Le Roi et La Reine s’uniraient en Annon.
Quel plus beau témoignage de votre volonté à embrasser les terres perdues ?

Tu glisses du destrier que l’on t’a prêté pour faire ton premier pas vers elle, pour brusquement te stopper. Le Prêtre de Kÿria veille déjà par-dessus l’épaule de ta bien-aimée, ce qui voulait dire que la représentante du Beau-Seigneur à qui la cérémonie ne devait pas être bien loin…
Enfin ton regard trouve la force de s’arracher à la silhouette de ta future épouse, et à peine l’aura-t-il fait, que tu manques d’éclater de rire. Cette cérémonie n’aurais pas pu être plus parfaite.

La surprise avait été de taille lorsque deux Daranovan avaient frappé à la porte du dispensaire pour enlever Kaëlis... Et qu'Halya avait été placée entre la penderie et les vivres sur la barge qui les emmenaient au campement avancé du Nord-Est de l'Annon. Fenris étant en mission et son apprentissage avec les médecins d'Ardamir se passant relativement bien, elle n'avait pas cherché à protester. Elle avait attrapé une robe, une paire de botte et s'était laissé embarquée dans l'aventure en imaginant la tête de son oncle lorsqu'il saurait que la Honte de la famille avait assisté au mariage de sa fille alors que lui non.

Le voyage se passa dans une certaine monotonie et Kaëlis ne parlait que peu, prise dans bien trop de pensées pour qu'Halya sache par quel coté l'aborder. Kaëlis et elle, bien qu'ayant travaillé ensemble durant plusieurs années, n'avaient pas développé d'affinité particulière. Il était assez étrange de penser qu'elle était la cousine de la mariée tout en se considérant beaucoup plus proche du promis. Les aléas des amitiés...

Tout comme l’Étoile du matin, elle avait posé ses valise au camp la veille de la cérémonie dans une tente qu'elle partageait avec deux autres femmes. Contrairement à elle, elle avait tout de suite mis la main à la pâte, riant et travaillant jusqu'à tard dans la nuit pour terminer les préparatifs. Le temps était à la fête et même les tracas avaient quelque chose de réjouissant. Malgré la tension de la future mariée, la joyeuse troupe était bien trop heureuse de participé à l'évènement après des années de luttes et d'incertitude. Aussi, quand tout se précipita le lendemain, les rires de joie restaient difficilement sous contrôle.

Pour rassurée la jeune mariée, Halya et ses cothurnes l'avaient aidé à s’apprêter, découvrant une robe blanche des plus fabuleuse. Drôle de couleur pour un mariage, mais après tout ils ne seraient pas à une entorse près envers la tradition et elle allait si bien à la jeune femme. Puis les aides improvisées laissèrent la coiffure de la belle dame aux mains les plus expertes pour aller se préparer. Elles s'aidèrent les unes les autres, transformant l'intérieur de leur tente commune en un joyeux chaos et tissus et de brosses, pour réussir à sortir au moment du rassemblement prévu.

Optant pour les hospices d'Arcamenel, un bon présage en cette journée, Halya avait choisi une robe d'un rouge flamboyant renforçant la couleur de ses cheveux roux. Le tissus qui ornait sa poitrine était rehaussé d'une ceinture en métal doré. Les bretelles du même métal formaient un col original et laissait ses bras totalement libres. Chose peu courante, elle avait prit grand soin de sa coiffure, les autres invités s'étant amusées avec sa couleur et sa longueur atypique. De face, elle semblait avoir les cheveux libres à défaut de quelques tresses qui dégageaient ses oreilles pointues. Mais à l'arrière de son crâne, la tresse prenait l'apparence d'une rose sans interrompre la cascade légèrement ondulée qui échouait dans son dos.

A l'arrière de la petite foule d'invités sur leur trente-et-un, Halya lança comme les autres des vivats aussi joyeux que taquins à l'arrivée d'Artion. Elle était si contente pour eux deux que son cœur battait la chamade. Il ne manquait que la présence de Fenris pour faire de cet évènement un moment parfait, mais elle ne comptait pas perdre une seconde à se morfondre. Ses amis allaient unir leurs Souffles devant les dieux et cela ne pouvait qu'être un magnifique moment.

Image non contractuelle de la robe:

Image non contractuelle de la coiffure:

-Je suis jaloux... Tu restes élégant quoi que tu mettes. Et, alors qu'on est au milieu de nulle part et qu'on a été prévu au dernier moment, tu arrives à te faire encore plus beau pour le mariage improvisé du Roi. Comment tu fais ?

Tout en achevant d'ajuster la manche de sa chemise sous sa veste, Fenris sourit à la question de son ami. Terond faisait partie du détachement de cavaliers qui l'accompagnait dans sa mission. Le jeune Nöldorion avait une grande région à couvrir et se déplaçait donc à cheval et à vive allure pour la traverser rapidement. Seuls ses anciens frères d'arme étaient en capacité de le suivre et son frère lui avait cédé une vingtaine d'hommes pour en faire son escorte sans même qu'il ait eu à le demander. Avait-il fait exprès d'y joindre son ami ou ce dernier s'était-il porté volontaire ? Il n'avait jamais eu le fin mot de l'histoire et peu lui importait au final. Il était heureux de pouvoir renouer avec l'archer et d'avoir quelqu'un au quotidien avec qui partager autre chose que le travail...

-Je te remercie pour le compliment. Lui répondit-il, amusé.

Fenris s'était mis sur ton trente et un. Etant sur le terrain en permanence et sans réel stationnement fixe, il n'avait avec lui que des tenues militaires. Fort heureusement pour lui, il en conservait toujours une ou deux pour les quelques fois où il se rendait dans une cité pour discuter "affaires". Il avait suffit de l'agrémenter un peu pour la rendre parfaite pour un mariage malgré la coupe militaire.
La veste était plutôt courte, s'arrêtant aux hanches, et dans les tons bleu clair. Des fils d'argent dessinaient des arabesques sur toute la surface. Le col droit était orné à chaque coin d'une aile d'Aigle. Le pantalon noir était plutôt simple, mettant en valeur le travail de précision réalisé sur le premier vêtement. La broche des Nöldorion était, comme à son habitude, placée au niveau de son cœur. Ses cheveux étaient coiffés avec soin si ce n'était la présence plutôt curieuse d'une petite tresse dans la masse blanche derrière son oreille gauche. C'était Halie qui s'était amusée à lui faire lors de son dernier séjour à Ardamir. C'était sa manière à elle de lui faire comprendre qu'il commençait à avoir les cheveux longs et sa façon à lui de garder en tout temps quelque chose qui lui venait d'elle. Alors certes, elle n'était pas assortie avec le personnage, mais il n'y avait guère que Terond pour le lui dire.

L'Aigle releva les yeux vers son ami et observa son uniforme.

-Tu y vas accoutré de cette manière ?

Terond regarda sa tenue et revint sur Fenris.

-C'est l'uniforme standard. Il est propre, c'est déjà bien ! On n'est pas tous membres d'une famille importante appartenant au seul corps d'armée qui peut s'habiller comme il veut. Lui lança-t-il avec sérieux.

L'ex-cavalier s'avança vers lui pour quitter sa tente et, au passage, mit une petite tape sur le bras de son ami. Ce dernier lâcha immédiatement son rôle pour sourit, amusé. Fenris avait parfaitement compris son jeu, il était impossible de le tromper. Il sortit à sa suite et tous deux se rendirent sur les lieux de la supercherie.

Tout le monde semblait être déjà là. La foule était amassée d'un côté, docilement positionnée en arc de cercle. La cousine d'Halie, curieusement vêtue de blanc, se tenait debout sur le devant de la scène. Artion descendait de cheval et se retrouvait à la fois figé et heureux en comprenant ce qu'il se passait. Les deux militaires arrivaient juste à temps.
Contournant la foule pour se trouver une place d'où observer la cérémonie, ils prirent soin de ne pas déranger ceux qui étaient déjà là et jubilaient devant le regard stupéfait de leur souverain tout en criant leur joie de les voir ainsi réuni pour ce grand jour. Fenris observait les visages, en reconnaissant un certain nombre soit parce qu'il les connaissait, soit parce qu'il les avait déjà croisé en d'autres occasions. Parmi eux, une silhouette retint tout particulièrement son regard et il n'eut besoin que d'une fraction de seconde pour la reconnaître. Il s'approcha, se faufilant entre les quelques convives qui l'entouraient, prenant soin de ne pas être remarqué trop tôt. L'air de rien, il vint se positionner à moitié dans son dos et se pencha pour lui glisser quelques mots à l'oreille.

-Moi qui m'inquiétais de ne pas avoir de cavalière pour le bal de ce soir... Puis il attendit qu'elle se tourne vers lui pour poursuivre. J'espère au moins que tu es toujours disponible.

Un sourire à la fois paisible et heureux s'était peint sur son visage. Il ignorait si elle était du voyage. Il avait cru comprendre que tout ceci avait été organisé à la va vite par les amis du marié. Il n'était guère surpris de la trouver ici mais il ne l'aurait pas été davantage de la savoir absente. Il en aurait simplement été déçu car c'était une parfaite occasion pour eux de se retrouver après plusieurs ennéades de séparation. Pour l'heure, il contenait sa joie, comme il savait si bien de le faire. Mais elle saurait sans nul doute la voir, elle qui savait tout de lui aussi bien qu'il savait tout d'elle.

Les rires communicatifs s'éteignirent au fur et à mesure qu'Artion parvenait à retrouver contenance. Quelques chuchotement avaient encore lieu tandis que la cérémonie commençaient à se mettre en place.

Par les dieux, les prêtres n'avaient même pas commencé à parler qu'Halya avait déjà l’œil humide. ça promettait pour la suite...

- Moi qui m'inquiétais de ne pas avoir de cavalière pour le bal de ce soir...

Ses oreilles se dressèrent, elle se tétanisa et sentit tout à la fois une joie féroce lui faire bondir le cœur. Elle eut beau tenter de le retenir, son sourire se courba en une infinité de grimasses avant de revenir deux fois plus rayonnant qu'il ne l'avait été. S'il n'y avait eu Artion et Kaëlis, elle se serait retourner pour sauter au cou du jeune homme qui venait d'arriver en douce. Elle ne pensait pas qu'il aurait le temps. Elle n'était même pas certaine qu'il ait été prévenu. Mais il était là.

Elle se retourna à moitié, dévoilant son sourire lumineux sans prononcer un mot. Le regard asymétrique de Fenris plongea dans le sien l'espace d'un instant.

- J'espère au moins que tu es toujours disponible.


Il était juste derrière elle, suffisamment près pour que sa voix amusée ne soit qu'un murmure, un souffle sur sa nuque.

- Je voulais demander à Artion, mais il parait qu'il est déjà pris.
- Une chance pour moi. Mais sinon, je suis sûr que Terond se serait proposé pour te remplacer auprès de lui.

Juste à côté de l'ex-cavalier, son vieil ami ouvrit de grands yeux. Il semblait sur le point de s'exclamer, mais retint son hoquet d'indignation incrédule. Fenris sembla se réjouir de cette réaction. Il semblait léger, ses missions s'étaient donc bien passé. Tout en lui semblait pétiller d'une joie simple, des expressions infimes de son visage au regard qu'elle connaissait si bien.

- Je crois qu'il n'est pas son type...

Tout en glissant ces quelques mots encore plus bas que ceux de son amant, elle saisit sa main, entrelaçant ses doigts aux siens. Ses yeux se portèrent à nouveau sur les héros du jour. D'un geste - qu'elle se doutait être aussi naturel pour elle que surprenant pour son noble sire - elle attira leurs mains devant elle, obligeant le bras du militaire à glisser autour de sa taille, comme pour l'enlacer discrètement. Un tout petit pas en arrière lui permit de sentir le torse de Fenris contre son dos.

Malgré l'absurdité que lui semblait être une telle débauche de tenues mirifiques, il fallait reconnaitre qu'Artion avait la prestance d'un roi et Kaëlis méritait mille fois son surnom. Une joie sereine devenait presque palpable autour de l'assemblée. Les paroles étaient échangées avec douceur. Enfin, on prenait le temps de célébrer l'amour des vivants et non des disparus.

Tandis que son regard couvait les visages épanouis des deux fiancés, un frisson remonta jusqu'à sa nuque. Émue, elle serra légèrement la main de Fenris qui lui rendit tendrement son attention.

Maintenant, c'était parfait.

Cérémonie:

En ce splendide jours où deux âmes immortelles vont unir leurs éternités, tu connais l'une des plus grandes peurs de ta courte existence.

Les pérégrinations de ta mentor, Hissaelel vous ont mené loin des cités, près des Portes de l'Anaëh... Une aventure ô combien intimidante pour toi qui, ayant vécu la majeur partie de ta vie non loin, en Ardamir, n'en avait jamais approché les limites, ne connaissant ces dernières que par les récits des voyageur puis, plus tard, des réfugiés. De sombres lieux, te serais-tu dit... Si tu n'y avais découvert une effervescence on ne peut plus joyeuse. Étourdie par l'activité qui y régnait, tu avais suivi ton aînée sans tout à fait prêter attention à ce qu'elle faisait, ni avec qui elle parlait... La surprise t'avait donc complètement saisi alors que ses mains te saisissaient aux épaules.

"Nin hén*, notre Roi va se marier." avait-elle soufflé avec une grande excitation.

Étourdie, tu l'avais été, alors qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour murmure le mot "mariage", Hissaelel s'emballait, allant de ci, de la pour discuter avec les organisateurs des festivités, se faisant ainsi connaître et, selon toute vraisemblance, telle une aubaine divine, rapidement accostée pour présider à la cérémonie. Toi, sa jeune élève, avais frémi d'une impatience fébrile, à l'idée d'assister pour la première fois à pareil évènement non pas en tant que simple famille ou ami de l'un des futurs, mais comme apprentie prêtresse d'Arcamenel. Tu observerais ta maîtresse accompagner le marié, chanter pour...

"As-tu confiance en moi, nin hén* ? avait demandé avec une grande douceur Hissaelel, à l'écart de l'euphorie régnante.
- Toujours, amin arwen*... avais-tu soufflé en réponse, tes yeux pâles humides d'émotion.
- Tu m'honores, nin hén*. Je ne puis accepter le rôle qui m'est offert... avait-elle fait avec un tendre sourire, remettant l'une de tes boucles derrière ton oreille vacillante de confusion. ... Car il me semble plus juste que ce soit toi qui prenne place au côté de notre Sire."

Soudainement muette, il t'avait fallu une minute pour retrouver ta voix.

"Cela ne se peut amin arwen* ! avais-tu murmuré de frayeur. Je n'ai jamais... C'est trop tôt... C'est le... Le mariage du Roi ! Comment pourrais-je... ? Pourquoi pas vous ? Vous seriez parfaite ! Alors que je... Je ne suis qu'une enfant..."

Toutes ces raisons qui te paraissaient évidentes se bousculaient sur tes lèvres. Mais à ce chaos, s'opposa le cocon des mains de ton aînée, qui entourèrent les tiennes alors qu'elle cherchait ton regard craintif.

"Qui souhaites-tu être en ce jour, nin hén* ? Ýllethil Sówiel, la douce fille de Saeliel ? Ou Ýllethil la Diaphane, Voix et Servante de Notre Beau Seigneur ?" avait-elle dit tout bas.

Le rythme de ton coeur s'était accéléré, sous la caresse de ce nom qu'elle avait soufflé, et des visions qu'il apportait avec lui. Là où ta raison s’entêta à te prévenir contre les douceurs que ton aînée te contait sans cesse, ton sentiment s'inclina, bien trop heureux d'être ainsi porté aux nues. Servir l'Amant, tel était ton souhait pieux, le servir et offrir tant de lumière qu'il t'était possible à tes semblables, dans ces tristes temps.

Ton assentiment ne s'était pas davantage fait désiré et ainsi aviez-vous commencé à répéter, ton aînée te rappelant ces formules que tu avais jadis entendu sans les retenir, ce rituel plusieurs fois admiré sans que tu n'en ai mémorisé le sens et le rythme. Il en allait à présent autrement. Ce devoir qui était le tien, tu t'en étais imprégnée. Et si la terreur de ternir l'éclat de ces beaux jours te sciait les jambes, tu n'en avais cure. Car tu Le servais avec toute la force de ton jeune cœur.

A présent, tu attends au milieu de la foule euphorique et impatient, dans la tenue flamboyante que tu revêts en Son nom. La future, resplendissante, est déjà là, parmi d'autres figures t'évoquant des noms qui, en un autre temps, te donneraient le tournis, mais que tu bénis aujourd'hui d'un regard de tendresse. Tous, ils sont rassemblés pour célébrer. Tous, ils sont rassemblés pour voir s'unir deux immortelles épris et aimés...

Une cavalcade, et le voilà qui arrive. Lui, dont l'armure offerte illumine l'assemblée de feux dorées, lui dont  le cœur est aujourd'hui exposé, lui que tu as déculotté il y a si peu de temps.

Beau Seigneur, je suis votre servante. Te répétant cette formule avec une obstination héroïque, tu luttes contre le mortel embarras qui te gagne tandis qu'un rire le prend. Tu luttes contre son nom, tu luttes contre le tien. Aujourd'hui il est le futur aimé et toi la servante de l'Amant qui doit le guider au devant de son amour. Alors ton visage blanc perd le rose qui te montait au joue, au profit d'une expression de sérénité douce.

Solennelle, tu attends la fin de son éclat, de même que les chuchotements, pour laisser s'élever une note fine. C'est là le commencement du premier chant, qui s'envole et se déploie, tandis que vous avancez d'un pas aérien. Tu ne saurais revendiquer la pérennité de cette ode, car c'est là un chant parmi tous ceux que ta mentor t'a transmis, seulement celle de la foi qui t'anime et habite ta voix de miel.

"O môr henion i dhû
Ely siriar, êl síla
Ai! Aníron Yasairava

Tiriel arad 'ala môr
minnon i dhû-sad oltha
Ai! Aníron Laergûl.

Alae! Ir êl od elín!
I 'lir uin el luitha guren.
Ai! Aníron Yasairava.

I lacha en naur e-chun
Síla, éria, brónia.
Ai! Aníron Laergûl."

Ainsi se rejoignent les deux aimés, sous ton regard bienveillant et celui de ton confrère de Kÿria. Devant tes yeux se déploient leur gloire tendre, et tous les êtres que leur amour a rassemblé. L'âme adoucie par cette vision, tu enveloppes de tes doigts fins la grande main du futur et la guide jusqu'à ce que sa paume se joigne à celle de la future.

Musique et traduction:

Au moment où ses doigts viennent se saisir des tiens, au moment où s’envolent les premières notes de son ode à l’amour, tous doutes sont levés. Plus question de reculer. Plus question d’hésiter. Plus de et si, plus de (i]mais[/i] qui tiennent. Seulement l’amour. Seulement l’affection que tu portais à celle qui t’avait sauvé la vie de plus de manières qu’elle n’osait se l’imaginer. Tu te laisses guider par la jeune prêtresse jusqu’à l’élue de ton cœur, fredonnant doucement la mélodie qu’elle a entonné dès lors qu’inconsciemment tu en auras compris la structure.
Et ses doigts abandonnent les tiens. Et ta paume trouve celle de Kaëlistravaë. Et gants ou pas, armure ou pas, ta main est comme  réchauffée par le doux rayonnement de l’étoile du matin.

Tes yeux, malgré l’ombre que porte sur eux la visière de ton masque trouvent les siens sans peiner. Ton regard plonge dans le sien avec toute la douceur dont tu es capable, et avec toute l’assurance qu’elle peut te connaître. C’est un brillant futur qui vous attend. C’est vers un heureux destin que vous marchez. Elle et toi. C’est vers la brillante lumière d’un avenir radieux que vous vous dirigez, et aujourd’hui, l’Anaëh toute entière marche dans vos pas.

Ton cœur bat. La prière s’élève vers Arcamenel. Le premiers vers du serment vous étreignent, vous lient dans l’éternité. Ton cœur bat alors que tu la contemples, cette éternité. Ton cœur bat alors que l’avenir te renvoie au passé.

Tu te souviens.

Elle sortait à peine de la jeunesse. Tu étais entre deux âges. Mais tu étais encore fou comme à l’adolescence. Oh ta folie n’était pas celle des jeunes Souffles dont la tête n’est pas encore faite. Elle ne l’a jamais été. Ta folie était celle de ceux qui ont grandi trop tôt. Tant dans le corps que dans l’esprit. En ce temps-là ta fermeté était réelle, mais ton assurance n’était pas pleinement bâtie. En ce temps-là, à tes propres yeux tu étais beau, mais tu ne savais pas t’en contenter. Jusqu’à ce que la guerre te force à mourir à toi-même une première fois.
 C’est elle alors qui t’avait ramené d’entre les morts. C’est elle qui avait ramassé les morceaux de ton Souffle brisé. C’est elle qui t’avait reconstitué pièce après pièce. Et c’est à ce moment-là que tu compris qu’elle serait ta béquille. La source de ton équilibre. Ton tout et ta moitié. Quelques mots dispersés à ton chevet alors que tu ne pouvais encore y répondre. La manière qu’elle avait de poser ses mains contre ta peau lorsqu’elle pansait tes plaies. Avec douceur et attention comme outils, elle avait soigneusement terminé l’ouvrage. Elle t’avait rebâti plus fort que jamais. Et paradoxalement, c’est ton incrédulité qui te permit de lui rendre la pareille.
Ce n’est que parce que tu étais persuadé cette affection soudaine n’être que folie de soldat mourant que tu es resté si longtemps auprès d’elle après ton rétablissement. Ce n’est que parce que tu n’étais pas sûr qu’il s’agisse là d’amour que tu daignas apprendre ce que tu avais déjà compris d’elle.

Tu te souviens.

Vous étiez loin l’un de l’autre, toujours. Mais quoi qu’il en soit, les mélodies d’Arcamenel vous maintenaient sur la même cadence. Loin des yeux près du cœur, les faucons étaient comme vos baisers, et sans plus pouvoir jouer de vos regards, vous vous épanchiez en mots. Presque toute votre relation vous l’avez vécue séparés par les forêts, la montagne, les lacs et les rivières, à échanger des confidences à tire d’aile. Et aujourd’hui, tu y vois une force. Parce que vos mots ne portaient pas de masque. Parce que les sentiments que vous vous contiez n’étaient pas contrefaits. Parce que dans votre triste fatalisme, vous étiez allés jusqu’à vous résoudre à vivre l’éternité ainsi. Parce que pour vous qui vous rappeliez le temps où vous n’aspiriez à rien de plus que d’offrir âme seule, vous retrouver main dans la main était déjà merveilleux.

Ce souhait est-il guidé par ton seul vouloir ?

Vous vous étiez prouvés capable de tant surmonter, alors aujourd’hui , tu n’avais aucune raison de ne pas répondre : Istenin laden

Chaque pas, chaque foulée franchie vers elle en compagnie de la dévote des passions lui fit manquer un battement de cœur. Elle le sentait se cogner durement contre sa poitrine, à tenter de s’arracher de cette cage qui le protégeait et qui le cajolait. Elle avait chaud. Atrocement chaud. Même nippée d’une robe aussi aérienne que celle-ci ne sut la préserver de l’énervement qui lui réchauffait le sang. Mais c’était bon, et doux, et ô combien plaisant de le voir se rapprocher toujours un peu d’avantage. Elle aurait désiré tout laisser tomber, faire voler en éclat tous les efforts déployés pour cette cérémonie et simplement voler la main cueillie par la prêtresse, là maintenant! Elle se serait lovée, elle aurait retrouvé le nid de ses bras musculeux et protecteur, se serait blottie jusqu’à ce qu’il s’en lasse … Ou pire, elle se serait enfuit comme une gamine écervelée, sans penser au lendemain seulement pour profiter de lui.

Pourtant, elle était là, sage comme une image et rayonnante comme aucune autre étoile. Car son regard n’était pas autrement, brillant et ponctué d’une étincelle passionnée. Et en cela, d’aucuns ne sauraient affirmer qu’elle ne l’aimait point. Plus qu’aucune autre, elle était folle amoureuse de lui et jamais elle ne l’aura autant démontré qu’à cet instant, où elle l’admira silencieusement.

Et quant à elle, ses souvenirs les plus prenants furent étrangement les plus anodins … Ce moment par exemple où elle confirma qu’elle était bel et bien avec le bon homme et qu’il n’y aurait de regrets une fois ses vœux prononcés … Elle se souvenait de ce moment, où ils s’étaient redécouvert sous le couvert des immenses racines et fondations d’Ardamir, ces fois où il arrivait à l’improviste chez elle pour la surprendre … Et comme elle aimait profiter de sa présence jusqu’aux premiers rayons du petit matin avant qu’il ne s’échappe froidement de sa couche pour retourner à ses affaires … Ces tendres pensées, à les voir défiler à mesure qu’il s’approcha d’elle furent le baume au cœur qu’elle attendait. Vraiment, à mesure qu’il chemina jusqu’à l’autel, qu’elle repassait ces souvenirs au peigne fin, elle sentit que ses épaules s’allégeaient d’une pesanteur conséquente. Rien n’allait comme elle l’eut désiré, mais elle s’en fichait désormais éperdument. Car une fois postée devant l’autel, sa main mariée paume contre paume contre celle d’Artion, la tresse aux huit cordons menaçant celles-ci comme une épée Damoclès, plus rien ne comptait excepter la lueur qui transcendait les barrières de ce masque de fer, cette étincelle amoureuse qui réchauffait et rassurait …

Alors, placardant un sourire véritable, loin de ceux protocolaires et polis desquels elle avait pris pour habitude de ponctuer son adorable bouille, elle fixa Artion en lui prononçant à son tours ces quelques douces paroles :

« Istenin laden »

Dans ces deux simples mots, tu perçois tout l'émoi de leur cœur, qui te conforte dans ta tâche. Ainsi continues-tu de procédé, figure immortelle vidée de toute substance autre que ta bienveillance à l'égard des aimés. Tes mains déposent la tresse aux huit couleurs sur celles, jointes, de tes deux ainés, et ta voix légère, aux derniers échos de l'enfance, entonne les formules rituelles.

"Alors réjouissez-vous! Que les dieux soient témoins
De celui et de celle qui offrent ici leur main
De celui et de celle qui la reçoivent en gage.

Reconnaissez cette main qu'on vous donne librement
Car c'est elle qui demain, au côté de la vôtre,
Tracera pour vous deux un avenir commun.

Chérissez cette main comme elle vous chérit
Car son seul touché apaisera vos peurs
Car nulle autre que celle-ci ne ravira vos cœurs.
Elle sèchera vos larmes de tristesse ou de joie
Et un beau jour viendra, si Kÿria le veut,
Où elle se posera sur le front d'un enfant
Qui comprendra le monde, avide et innocent,
À travers l'amour qu'il lira dans vos yeux.

Cette main qui vous apaise, cette main qui vous protège
Renouvelant vos promesses à chaque frôlement
Jamais ne faillira même les siècles passant."

De nouveau, tu te tournes vers l'un et le questionne.

"Artiön Laergûl, promettez-vous à Kaëlistravaë Yasairava, de lui rester fidèle ? Promettez-vous de joindre votre cœur au sien et d'unir votre Souffle au sien dans la confiance, le respect et l'amour constant ?"

Une fois la réponse entendue de tous, récupérant le bout de la tresse, de nouveau tu te tournes vers l'une et la questionne.

"Kaëlistravaë Yasairava, promettez-vous à Artiön Laergûl, de lui rester fidèle ? Promettez-vous de joindre votre cœur au sien et d'unir votre Souffle au sien dans la confiance, le respect et l'amour constant ?"

Une fois que les deux êtres se sont ainsi prononcés, tu leur laisses le temps de s'exprimer davantage. De nouveau, leur voix vibrantes se font entendre, ton jeune coeur répondant à leur émotion d'un battement léger. Quand les derniers mots sont offerts, tu noues la tresse colorées autour de leur main et prononce de nouveau avec sérénité des formules cycléaires.

"Par ces mains que je lis, deux êtres ne font qu'un.
Puissiez-vous côte à côte affronter le destin.
Une nouvelle famille, aujourd'hui devant nous
Commence son périple et embellit le monde.
Le Barde vous bénisse et bénisse ce lien
Que toujours il dure, que rien ne le dénoue.

Que la Mère à son tour se penche sur cette Union
Qu'elle la couvre à jamais de son oeil bienveillant
Qu'ils sentent d'une douce vie l'ultime bénédiction
Voir le visage de l'autre aux traits de leurs enfants."

Tu t'effaces alors, un instant, pour permettre à ton miroir, le prêtre de Kÿria, de bénir à son tour l'union de ces deux immortelles. Sa voix ancienne se tait alors... Et toi même, tu demeure coïte, offrant une ouverture au Roi et à sa Reine un éternelle instant pour échanger, s'il le désir, un vœu d’Éternité.

Au fur et à mesure que la cérémonie avance et monte en intensité, ton cœur au contraire trouve ses marques et adopte une cadence de plus en plus régulière, et de plus en plus reposée. Tout est parfait. Elle le veut. Que demander de plus ? Malgré tout, tes sentiments te retiennent. Ýllethil t’invite de sa voix chantante à formuler tes premiers vœux, et habité par un étrange pressentiment, tu tires sur le silence avant de les prononcer.

- Je promets, en tous temps, Tigilidënya, de te protéger et de te chérir comme je protège et chéris la paix, car tu es seule paix en mon cœur.
Je promets, Tigilidënya, d’à jamais rechercher la lumière de tes sourires, fusse-t-il traverser la plus sombre des nuits.
Je promets, Endatarì*, de faire de ta souveraineté sur mon Souffle un règne doux… tu souris, mutin un baiser à la fois.

Hestan lîn, gwaedh na nauth.*

Un bruissement dans les futaies proches te passe totalement inaperçu, plongé comme tu es dans les yeux de ta promise. Les mouvements au sein de la petite troupe de présents ne te sont qu’image d’arrière-plan. Et cela ne devrait pas être, car ce mouvement dans la foule, c’était la correction de la plus grande erreur de tes deux amis – et surtout de Cìryon, dirait Maltlin – l’arrivée de ceux qui avec le mage et le forgeron eux-mêmes, avec Halyalindë, avec les prêtres ! étaient les plus importants protagonistes de ce jour.
Juchés sur une Vìrin qui arrivait enfin, Uirphen et Emeril s’émerveillaient trop de vous voir Kaëlistravaë et toi aussi resplendissants pour regretter les conditions de leur voyage. Lùthanar et Glirbes leurs parents, moins impressionnables, quant à eux n’attendaient que de souligner devant aux organisateurs le courage et l’état d’épuisement des Mathandils qui les auront amenés jusqu’ici juste à temps. Et pourtant, il s’agissait de la descendance des bêtes des cavaliers Hrònmectar ! C’est dire s’ils avaient galopé !
D’ailleurs les bêtes des cavaliers Hrònmectar ne se déplaçaient jamais sans que les cavaliers en personne soient présents. Deux grands elfes supplémentaires, maître d’armes renommé pour lui, carrossière émérite pour elle, venaient compléter ton tableau familial.
Et le dernier arrivé de la chevauchée – et certainement le plus agacé -  n’était autre que le père de la promise. Arraché à son Ardamir natale par un convoi de Daranovans pressés et pressants, Laérion ne les aurait certainement pas cru s’il ne s’était pas souvenu du passage l’avant-veille, de ce forgeron haut en couleurs. Ce forgeron d’ailleurs, il aurait pour sûr à longuement s’expliquer avec… mais pour l’instant, il était temps pour lui de profiter de ce pour quoi il s’était tant énervé, et de s’abreuver des rayons de l’Etoile du Matin sa fille.

Traduction:

Hestan lîn, gwaedh na nauth.

La promesse lui avait échappé d’entre les lèvres comme l’évidence même. Des mots si doux et qui pourtant grondent comme le plus retentissant des orages. Ou sont-ils plutôt la foudre s’abattant sur l’Annon ? Les chuchotements qui parcouraient l’assistance depuis le début de la cérémonie se taisent. Les grognements des aînés parmi les derniers arrivés s’éteignent, et les gloussements de leurs enfants se transforment en des regards épris autant de curiosité que de passion. C’est faite cœur de ce moment d’intense solennité que chacun leur tour, Chanteuse du Beau-Seigneur et Guide de La Mère prononceront leurs discours. C’est alors que ceux de toute l’assemblée battent au même rythme que les vôtres que vos myocardes célèbrent les huit liens noués entre vos doigts.

Par ces mains que je lis, deux êtres ne font qu'un.
Puissiez-vous côte à côte affronter le destin.
Une nouvelle famille, aujourd'hui devant nous
Commence son périple et embellit le monde.
Le Barde vous bénisse et bénisse ce lien
Que toujours il dure, que rien ne le dénoue.

Que la Mère à son tour se penche sur cette Union
Qu'elle la couvre à jamais de son oeil bienveillant
Qu'ils sentent d'une douce vie l'ultime bénédiction
Voir le visage de l'autre aux traits de leurs enfants.

Vos doigts s’entrelacent maladroitement, gênés par les tresses qui les lient. Ta main gantée dévore celle de Kaëlistravaë, comme si à cet instant précis, tu étais persuadé que l’univers n’avait pour désir que de te la prendre. Alors de sa main libre elle vient chercher celle des tiennes qui tient le sceptre. Sa mâchoire se détend légèrement, comme si elle s’apprêtait à parler, mais ses lèvres ne se séparent pas. Sa poitrine se soulève plutôt, et dans un discret cliquetis, la tienne suit le mouvement. À ses yeux la lumière court, la traverse, te traverse, imbibe ton sceptre, et pulse avec puissance. À ton oreille, elle exsude une vibration qui n’est pas le battement de son cœur, une vibration que tu es libre de calquer sans peine. À leurs yeux à tous une des trois gemmes, puis la seconde, puis la dernière, fichées dans le focaliseur que t’avait offert ton ami s’illumine. Et au fur et à mesure que vos regards se font plus intenses, les aurores enveloppent de manière de plus en plus puissante la sculpture métallique.

Vos magies mêlées, tu la ressens, elle te ressent, d’une manière que seuls les arcanistes de l’assemblée peuvent espérer comprendre.

Rhoenîn no lîn, gurenîn no lîn ~ Athra'cuilemen ada thar'i fern,
Si adh an-uir
Rhoenîn no lîn, gurenîn no lîn ~ Athra'cuilemen ada thar'i fern,
Si adh an-uir

La légèreté de ton ténor naturel et son cristallin soprano s’harmonisent dans le plus parfait des récitatifs. Pas une consonne ne sonne sans sa sœur. Pas une syllabe ne traîne sur une autre. Le vœu d’éternité vous vient en chœur comme si vous l’aviez répété des siècles durant… parce que vous l’avez rêvé ensemble des siècles durant. Et là votre bonheur est à son comble, et tes yeux sont moites, et les larmes lui coulent déjà, et pourtant vous n’en avez pas encore vu le bout. Il suffit d’une fraction de seconde pour que l’un à la suite de l’autre la peur, l’impatience et l’ivresse vous prennent au corps. Vous frissonnez de concert à peine la langue de la jeune prêtresse décollée de son palais, et vos lèvres brûlent de devoir attendre pour se retrouver.

Vous qui maintenant n'êtes plus qu'un, embrassez vous
Et que ce baiser scelle en vos cœurs et vos Souffles
Les promesses que vos lèvres ont prononcées ici.

Inconfortable instant de flottement. Tu attends. Elle attend. Elle ne comprend pas. Elle frémit, ses yeux cherchant dans une détresse à peine dissimulée le détail qu’elle a bien pu manquer. Kaëlistravaë et toi ne pouvez retenir un gloussement, et alors que vous faites un pas l’un vers l’autre, et que vos visages se rapprochent, l’évidence se dévoile. Tu accueilles les doigts de la jeune prêtresse contre ta mâchoire, et délicatement, elle en retire le masque avant de s’éclipser.
Les mains posées sur ton focaliseur se séparent. Le sceptre retrouve son fourreau dans ton dos. Tes genoux se fléchissent légèrement. Kaëlis se juche sur la pointe des orteils. Ta main vient la soutenir à la naissance de ses hanches. Sa main vient s’accrocher avec force à ta nuque. Enfin vos lèvres se cueillent.

Enfin, vous êtes époux

Elle tenta de renifler sans faire trop de bruit mais les larmes avaient bel et bien débordées. Fenris pouvaient sentir sen mal le tressautement de sa respiration à chaque fois qu'elle prenait de l'air. Elle ne sanglotait pas, non, elle était bien trop heureuse pour ça, mais l'émotion la prenait à la gorge. Son sourire humide s'exclama pourtant comme les autres lorsque les mariés s'embrassèrent.

- Félicitations ! " et autres " Arcamenel vous bénisse ! "