[Demie-Finale] Deux tueurs pour une couronne | Dante & Hane

Printemps - Sixième jour de la première ennéade de Barkios de l’An 14:XI

Cela faisait trois jours que la première demie finale avait eu lieu, et pour ne pas désavantager les duellistes de cette seconde manche, la finale n'aurait pas lieu avant le dernier jour de la seconde ennéade.

C'est dans un matin plus frais que les jours précédents que les curieux et les revanchards affluaient vers les Sablons. Les frissons couraient déjà le long des dos et les bavardages se transformaient en cris au fur et à mesure que Mamba les laissait mijoter. Si la première finale était déjà attendue, celle-ci avait un goût tout particulier. Le favori du public, contre un parfait inconnu. Un homme dont personne n'avait réussit à voir le visage. Il ne s'était même pas dévoilé pour un évènement à l'extérieur, une promotion ou on pari. Rien.

On avait fini par penser qu'il s'agissait de quelqu'un de connu. Un Prince Marchand ou un noble de Péninsule. Un elfe peut-être ? Ou encore le renommé assassin Zaahrian Las'Danir ? Le roi Glenn peut-être ?! Il n'était pas vraiment mort et participait au tournois. Pour d'autre, il s'agissait de l'héritier d'Eofel fort en gueule qu'était Ascanio ou encore du Prince Azhar. Pendant un temps, le nom d'un certain capitaine nommé Enrico di Montecale avait été sur toutes les lèvres, avant qu'un vent de rumeur ne rappelle que le bougre n'avait qu'une jambe. Et pendant ce temps, en sous main, les mises montaient à chaque combat remporté. C'était un véritable pactole qui était en jeu à présent. Mamba s'en frottait les mains presque autant que son très cher camarade à l'intendance.

N'a-qu'un-œil - comme l'appelait les petites gens depuis sa mésaventure aux madrier - était finalement aussi intrigant que le favori le plus spectaculaire.

C'est dans se brouhaha d'anticipations que Mamba se leva pour jeter à la face de la foule compacte :

« Boooonjour Thaar ! »

Alors que vous attendez à l'ombre des sous-bassement, vous entendez l'exclamation traditionnelle de Mamba. La tension et l'adrénaline montent, car aujourd'hui, c'est une explosion de clameur qui lui répond. Chacun à un bout de l'arène oblongue, derrière une immense grille qui se lèvera dans un instant, vous pouvez voir l'immense terrain sablonneux qui vous tend les bras.

« Heureuse de voir que vous êtes toujours présent ! »

D'un côté les loges des spectateurs les plus importants, juste derrière la gracieuse Mamba. Ses voiles bancs et rouge semblent la couvrir encore moins que d'ordinaire... Ce qui est en soit un exploit.

« Mais avais-je vraiment besoin de m'en faire avec le combat qui va se dérouler dans quelques instants ?! » Vous entendez la foule protester au loin. « Thaar ! Aujourd'hui s'offre à toi un duel digne d'anthologie ! A ma droite, celui que tu acclames depuis un mois maintenant ! Un étranger qui a su se montrer à la hauteur de tes attentes par ses actions des plus viriles ! Le Tueur de Roi ! » Dans le ciel, vous distinguer un petit personnage fluet avec une énorme épée. Il se met a courir vers un autre petit personnage couronné et lui tranche la tête d'un coup avant de la brandir en hurlant silencieusement, sous les rires et les hola des spectateurs. « Et à ma gauche ! Un homme donc le mystère a su piquer toutes les curiosités au vif ! Un challenger inattendu et efficace ! Notre cher Héros qui n'a qu'un Œil ! » La scénette est effacée par une ombre étrange. La lumière semble perdre en intensité l'espace d'un instant, puis un visage borgne nimbé d'obscurité fait son apparition au dessus du sable avant de s'évaporer en une multitude d'éclairs colorés.

Dans un éclatant bruit de chaines et de rouages bien huilés, les deux herses se lèvent pour vous laisser faire votre entrée et dévoiler vos magnifiques tenues de scène. Ce n'est pas le moment de perdre les faveurs du public !

Une fois votre tour de chauffe fait devant les yeux ébahis d'un public gueulant vos noms à pleine voix, vous venez vous placer sous la loge d'honneur au bord de laquelle se tient celle qui a vos destins au creux de la main : Mamba. Un train lumineux part de sa main pour former un rond au-dessus de l'arène tandis que sa voix gonflée par la magie d'un mystérieux acolyte résonne dans l'ensemble du bâtiment.

« Votre attention s'il vous plait ! Le combat du jour est un duel de gentil homme. Sans doutes est-ce la raison pour laquelle nos meilleurs guerrières ont-elles préféré observé depuis les gradins plutôt que de s'inscrire au tournois ! Messieurs. Aujourd'hui, vous allez pouvoir utiliser votre plein potentiel. Toutes les armes et toutes les tactiques, même les plus perfides, sont autorisées... Mais sachez que le sable sous vos pieds est actuellement sous le contrôle de plusieurs mages. Ce n'est pas dans un désert, mais dans un marais que vous combattrez ! » Le public suit l'intonation explosive de Mamba et exulte à son tour tandis que les mages postés autour de la pistes s'agitent. Le sable autour de vous devient plus compacte Vaux pieds reposent maintenant sur une surface à peu près stable. Autour de vous, plusieurs ilots, connectés ou non, prennent le même aspect. D'autres en revanche, semblent s'effondrer légèrement. Soudain, des herses de chaque côté de l'arène se déversent des trombes d'eau, guidées par une volonté habile. L'eau se mêle au sable et, sous vaux yeux, l'arène se change en une sorte de marécage dans lequel un sol compacte et inégal côtoie des sables mouvants près à vous enliser et à vous aspirer par le fond. Dans les cris d’excitations, Mamba revient bientôt sur vous « Le combat ne prendra fin que par capitulation ou incapacité. Que les duellistes rejoignent leur côté ! »


Le Maître du Jeu, s’adressant à X'andarin… Les huitièmes et quarts n'ont pas été de tout repos. Ton dernier combat à eu lieu il y a plus d'une ennéade maintenant, mais les très nombreuses coupures que le gamin blafard t'as laissé en souvenir ont mis du temps à guérir. Reposé et alerte, tu as parfaitement conscience que ton identité est ton bien le plus précieux sous l’œil de ce public avide.

Le Maître du Jeu, s’adressant à Hanegard… Facile. Ce n'est certainement pas ainsi que tu décrirais tes derniers combats. Pourtant - malgré ton épaule encore légèrement douloureuse d'avoir du faire face à Nehril - tu sais être la tête d'affiche ici. Tu as eu une ennéade pour te remettre et tu es aujourd'hui plus que prêt à en découdre.

« Que le duel COMMENCE ! »

Fiches des duellistes:

Dans un bruit de chaines et de rouages, la herse révèle X'Andarin. Un mètre quatre vingt, plastron de cuir et bottes légères. En plus de ses lames, le gladiateur apporte un magnifique arc court en bois sombre et un plein carquois remplis de flèches, six empennées de noir, six autres empennées de rouge. L'air relaxe, le gladiateur parcoure l'arène, entretenant le mystère à son sujet en saluant sobrementles spectateurs qui l'acclament. Manifestement, il s'économise. Derrière le masque blanc, l'oeil marron étincelle d'un amusement certain. Tranquillement, il prend place à côté de Hanegard qu'il regarde en coin.

Votre attention s'il vous plait ! Le combat du jour est un duel de gentil homme. Sans doutes est-ce la raison pour laquelle nos meilleurs guerrières ont-elles préféré observé depuis les gradins plutôt que de s'inscrire au tournois ! Messieurs. Aujourd'hui, vous allez pouvoir utiliser votre plein potentiel. Toutes les armes et toutes les tactiques, même les plus perfides, sont autorisées... Mais sachez que le sable sous vos pieds est actuellement sous le contrôle de plusieurs mages. Ce n'est pas dans un désert, mais dans un marais que vous combattrez !  

Une voix grave, rauque, traverse le masque, atteint les oreilles du Tueur de Roi. 

Bande d'enflures. 

Tournant la tête dans tout les sens pour tout observer et analyser de son œil valide, X'Andarin va de son côté de l'arène. Il regarde les ilots et les bancs de sables… Essayant de deviner ce qui semble sûr et ce qui semble hasardeux. Son avantage réside dans son poid et son agileté. Son désavantage dans l'incertitude du terrain. Parce qu'il n'y a pas de végétation pour indiquer où il est parfaitement sûr de mettre le pied. t rien ne dit qu'au fil du combat, ca le restera… 

Saleté de mages. 

Pour toute préparation, X'Andarin ne fait que prendre son arc, ne prenant aucune flèche dans son carquois pour le moment. 

Le combat ne prendra fin que par capitulation ou incapacité. Que les duellistes rejoignent leur côté !

Le gladiateur inspire doucement, le coeur parfaitement stable. Sous le masque, la prunelle visible finit par se tourner vers Hanegard. Il est temps de danser.

Le regard d'acier du Tueur de Rois perçait dans l'obscurité des tunnels, concentré sur le duel à venir et sur l'importance de se montrer à la hauteur des enjeux. Il avait dominé tous les combats jusque là, réussissant à se faire connaître du public afin d'émerger parmi les centaines de combattants ayant entamé les jeux dans la quête du titre suprême. La grande mêlée, les madriers, la horde des morts, les huitièmes puis les quarts de finale... tant d'épreuves durant lesquelles l'ancien baron d'Alonna s'était montré à son avantage, même si son rude affrontement avec Nehril lui laissait une épaule  douloureuse. Malgré cela il pouvait s'enorgueillir de faire partie des quatre meilleurs, des quatre gladiateurs qui formaient l'ultime carré, des quatre champions invaincus qui faisaient vibrer les foules. Aerianna pouvait déjà être satisfaite de son investissement, bien qu'il ne fasse nulle doute dans l'esprit de son poulain qu'elle espérait une victoire totale et absolue pour aider à asseoir son élévation politique en Ithri'Vaan.

Pour toi, Liliana, murmura le Tueur de Rois en pensant à sa fille chérie et à son avenir qu'il voulait radieux, la véritable raison pour laquelle il acceptait de prendre tant de risques dans ces arènes en y jouant sa vie pour le plaisir d'une plèbe dont il méprisait intimement les instincts bestiaux. Qu'il vainque ou perde, qu'il survive ou pas, Liliana disposait désormais d'une dot apte à faire oublier l'origine roturière de son père et grâce à laquelle elle pourrait faire un mariage selon son cœur. L'or versé par Aerianna se trouvait depuis plusieurs ennéades bien au chaud dans les caves de son château de Val-Néera, compensant la ruine infligée suite à la guerre du Médian et à sa capture par Cosimo. Quoi qu'il arrive, Hanegard avait déjà gagné ses jeux et cela l'aidait à envisager sereinement les dangers à affronter.

Le bruit de chaines annonçant l'ouverture de la grille le tira de sa rêverie. L'heure n'était plus au recueillement mais à l'action, à la virilité huilée et musculeuse, au spectacle et au sang ! La danse de mort qui s'annonçait nécessitait autant de préliminaires que l'amour, et Aerianna n'avait pas fait les choses à moitié. Des trompettes éclatèrent en fanfare tandis que le Tueur de Rois sortait de l'ombre pour s'avancer lentement dans l'arène. Une épaisse cape écarlate lui couvrait l'intégralité du corps et un casque d'or dont la visière représentait un crâne grimaçant lui donnait l'air d'un de ces héros de légende dont les bardes chantent les exploits ou les vilenies. Tandis qu'un chœur d'éphèbes entonnaient des chants héroïques qui se voulaient "wandrais" (une idée d'Aerianna, bien qu'Hanegard lui ait expliqué que les guerriers de son clan ne chantaient pas au combat), plusieurs jeunes filles à peine vêtues de voiles diaphanes vinrent entourer le Tueur de Rois afin de lui ôter casque et cape.

En dessous, le grand guerrier à la carrure massive portait une cotte de maille lui protégeant le haut du corps, des gantelets et des bottes renforcés par de fines plaques de métal, une épée bâtarde et une dague à la ceinture. Sa longue chevelure où l'ébène laissait désormais une large place au gris se trouvait nouée en queue de cheval pour ne pas risquer de le gêner en se plaquant sur ses yeux sous l'effet de la sueur. Dégainant lentement son épée dont il jeta au sol l'encombrant fourreau, Hanegard la brandit en direction du public tout en entamant lentement son tour de chauffe. Des années de vie publique en tant que régent, baron puis châtelain lui avait appris que le peuple voulait rêver lors de ces grandes fêtes. Bien que cela l'oblige à forcer un peu sa nature, il lui fallait en jouer des tonnes pour s'imposer comme l'un des héros de l'arène et forger la légende que lui demandait Aerianna.

EINHERJAR ! rugit-il à l'attention de la foule qui reprit en cœur ce cri devenu célèbre depuis l'épreuve des madriers.

Ce n'était pas encore suffisant, il en fallait plus. Par chance X'Andarin semblait moins adepte du spectacle, et le Tueur de Rois comptait bien profiter de ce moment où la lumière de l'arène ne brillait que pour lui.

JE NE VOUS AI PAS ENTENDU ! EINHERJAR ! beugla Hanegard encore plus fort pour que la foule se mettre à hurler son cri de guerre à s'en faire péter les cordes vocales.

Alors que l'arène tremblait sur ses bases sous les hurlements quasi-déments et que Mamba devait se dire qu'elle risquait de se retrouver au chômage si Hanegard continuait ainsi à tenir le rôle de chauffeur de salle, ce dernier se tourna vers la loge d'honneur où trônaient les personnalités les plus influentes de la région, ceux et celles qui finançaient cet événement historique et dont la faveur pouvait briser ou favoriser les destins. Avisant la féline Krish Al'Serat et décidant de jouer au maximum son personnage, Hanegard envoya un baiser à la Princesse Triumvir avant de se tourner vers son adversaire, de faire quelques rotations tape-à-l’œil avec son épée et de conclure d'un petit geste nonchalant de la main signifiant "allez, amènes-toi". Rien qui puisse impressionner le redoutable adversaire se tenant devant lui, mais les spectateurs raffolaient de ce genre de provocations gratuites.

Ayant enfin fini son tour de chauffe et alors que les clameurs baissaient d'un ton, Hanegard vint rejoindre Mamba et X'Andarin afin d'entendre énoncer les règles de ce duel. Que tous les coups soient permis, cela il le savait déjà, mais la rouquine ajouta une difficulté supplémentaire à laquelle aucun des deux combattants ne s'attendaient : des mages se mirent à invoquer pour transformer le cercle de combat en un espèce de marécage gluant et collant aux chausses. N'a-qu'un-Œil parut peu apprécier cette attention spéciale des organisateurs, probablement car un tel terrain ne lui permettrait pas de mettre en oeuvre toute son agilité. A l'inverse, le public applaudit chaudement à cette nouveauté inattendue qui promettait d'user la résistance des duellistes, obligés pour se déplacer d'arracher leurs pieds à cette boue visqueuse.

Que le duel COMMENCE ! s'exclama Mamba.

Pendant la préparation, Hanegard avait conservé sa dague à sa ceinture, se contentant de vérifier une ultime fois sa prise sur la lame de son épée qu'il n'avait pas rengainé après son tour de chauffe. Ayant remarqué que X'Andarin tenait son arc en main, le Tueur de Rois réagit au quart de tour dès le début des hostilités en fonçant sur son adversaire aussi vite que le lui permettait le vicieux terrain. Son principal handicap provenant de son absence d'arme à distance, il lui fallait atteindre rapidement la zone de corps-à-corps où il comptait pouvoir déployer efficacement ses attaques.

Que le duel COMMENCE !

X'Andarin, droit comme un I majuscule de son côté de l'arène s'installe en position de tir, son pied gauche se décalant prestement sur le talus. Qui peut bien savoir ce qui se passe sous le masque impassible?

Sans attendre, avec calme et méthode, le protagoniste  bande son arc, vise et  décoche une flèche empennée de noir, visant droit sur Hanegard. De la distance qu'il est, le guerrier ne peut voir l'éclat froid et calculateur du regard marron. Et, pour un borgne, dirons nous qu'il a le compas dans l'oeil. Avec un calme infini, le gladiateur décoche son trait, sait qu'il a bien visé le rhinocéros qui vient droit sur lui. Aussi ne prend il pas la peine de regarder s'il fait mouche.

Les spectateurs peuvent le voir se ramasser sur lui-même tandis qu'il accumule l'énergie dans els muscles de ses jambes qu'il détend d'un coup sec, changeant de talus, mettant de la vase entre lui et le lourd guerrier. Il n'a pas de mailles, il n'a pas non plus de lourde épée ni de plaques pour le faire couler. Il n'a pas regardé le terrain en tout sens pour rien plus tôt.

Se réceptionnant, X'Andarin décoche un autre trait au même moment, mais la flèche va se perdre dans les gradins sous une floppée de rire. Mais il n'en a cure que son trait parte croche et blesse quelqu'un… Il ne faut surtout pas avoir l'air trop professionnel, les groupies du tueur de Roi pourraient lui en vouloir... Plutôt, il analyse de nouveau le terrain, choisissant son prochain point de chute sûr, pour se dérober à la charge de son adversaire.

Cours mon gros, tu es mignon.

dés:

Le terrain ne se prêtait pas aisément à des charges armes au clair dans la plus grande tradition des clans wandrais, mais Hanegard savait ne pas avoir le choix au vu de la situation. A contrario de son adversaire il ne disposait pas d'armes de jets véritables, quand bien même sa dague pouvait éventuellement servir de projectile de fortune à courte distance ; alors que X'Andarin maniait habilement un arc lui permettant de le transformer en porc-épic sans même qu'il puisse répliquer. Salauds de mages, salauds de lâches qui ne se battent pas au corps-à-corps comme de véritables hommes du pilier ! L’œil entraîné de l'ancien baron analysa le mouvement du bras ramenant la corde près de la joue, puis le départ de la flèche qui siffla dans l'air. D'un adroit pas de côté il esquiva... ou plutôt il aurait esquivé si la boue gluante n'avait pas un peu ralenti son mouvement. Certes, la flèche qui le visait en pleine poitrine ne toucha pas son but initial, mais elle vint se planter en plein dans les mailles couvrant l'épaule déjà méchamment amochée lors du combat contre Nehril.

ARGH ! le cri de douleur d'Hanegard s'éleva dans l'arène lorsque l'acier aiguisé plongea dans sa chair.

Ce bâtard borgne n'avait pas manqué son tir ! Il fallait reconnaître qu'il connaissait son affaire dans le maniement d'un arc à bout portant et qu'il n'avait nullement paniqué face à la charge le visant. Le choc ralentit un instant Hanegard, ce dont profita X'Andarin pour s'écarter d'un bond gracieux vers un petit promontoire surnageant au milieu du marigot et d'où il comptait sans nul doute faire pleuvoir la mort sur son adversaire blessé. Paradoxalement l'intervention des mages jouait pleinement à l'avantage du plus léger des deux combattants, à tout le moins dans ce début d'affrontement où ils demeuraient à une certaine distance l'un de l'autre. Mamba n'aurait pas pu les faire combattre au milieu d'une tornade, plutôt ? Non ? Non.

L'afflux d'adrénaline subjugua Hanegard qui posa ses pupilles injectées de sang sur l'archer. Croyait-il vraiment pouvoir venir à bout d'un guerrier des wandres aussi aisément ? Empli de rage au point d'ignorer temporairement la douleur qui irradiait dans son corps, le Tueur de Rois attrapa la flèche à un pouce de la blessure et en brisa la hampe d'un coup net, ne commettant pas l'erreur des bleu-bites de l'arracher de la plaie avant la fin de l'affrontement. Le ruisseau d'ichor rouge qui coulait sur son bras depuis la blessure irait en s'amplifiant dès lors qu'aucun bouchon ne l'arrêterait plus. Mieux valait conserver l'acier ancré en lui pour éviter qu'une perte de sang trop importante ne l'affaiblisse, en priant au passage les Dieux pour que la flèche ne soit pas empoisonnée. En tout cas, à entendre les clameurs qui les entouraient, le public appréciait ce duel.

Tandis que X'Andarin armait déjà son second tir dans l'espoir d'en finir rapidement, Hanegard réalisa que le borgne avait rejoint son petit promontoire par un long saut alors qu'il lui aurait suffit de simplement courir en ligne droite. Curieux choix, à moins que cela ne soit un acte délibéré qui annonçait la présence...

...d'un piège ?

Un sourire carnassier apparut sur le visage du wandrais lorsqu'il réalisa que son adversaire cherchait à l'amener en plein dans l'une des zones où la tourbe se trouvait la plus épaisse, un endroit où son poids allait impitoyablement l'enliser. Une ruse habile certes, mais une ruse qui risquait désormais de se retourner contre son auteur. Reprenant sa charge interrompue par le premier tir, Hanegard fonça droit en direction du piège afin de laisser croire qu'il n'avait rien remarqué et s'apprêtait à commettre l'erreur qui lui coûterait une humiliante défaite. Mais à la dernière seconde, juste avant que son pied ne se pose dans la zone embourbée, il utilisa l'élan accumulé durant la course et bondit avec une souplesse inattendue pour un homme de sa corpulence, ses muscles tendus à l'extrême pour passer au-dessus des sables mouvants en suivant le même chemin que X'Andarin quelques secondes auparavant.

Fusse la surprise de voir son piège ainsi déjoué qui fit rater son second tir à l'archer ? En tout cas la flèche passa très loin de sa cible et fila en direction du public où un malchanceux va se la prendre. S'il y survit, cela lui fera une histoire à raconter plus tard à ses petits enfants : "avant j'étais aventurier, puis je me suis pris une flèche dans le genou en assistant à un combat de gladiateurs". Cela n'a pas la verve poétique de l'affrontement avec un dragon mais à tout le moins cette cible involontaire a physiquement donné de sa personne pour participer aux Grands Jeux.

Déboulant comme un ouragan sur le talus où se dressait X'Andarin, Hanegard ne fit pas dans la dentelle. Se prendre une flèche à distance, encaisser une raillerie, poursuivre un adversaire fuyant, il y avait là plus que le nécessaire pour le mettre carrément en rogne. Le borgne avait pu profiter de son avantage à distance jusque-là, mais il se retrouvait désormais dans une situation quelque peu délicate face-à-face avec un wandrais furieux bien décidé à lui faire également goûter aux plaisirs de la lame. L'épée du Tueur de Rois effectua un arc de cercle parfait avant de s'abattre avec violence en direction de la clavicule de X'Andarin... du côté de son œil aveugle bien évidemment, car la colère n'oblitérait pas chez Hanegard l'intérêt tactique d'utiliser au maximum l'handicap causé par cet angle mort, si vous me passez ce jeu de mots.

dés:

X'Andarin savait déjà que Hanegard était un vétéran, aussi n'est il pas trop surpris lorsque le guerrier en maille saute proprement le rejoindre sur son talus. Lâchant son arc et le laissant tomber entre eux, le gladiateur fait un pas de reculons pour mieux pouvoir dégainer. Mais il n'en a pas le temps. Un mouvement flou à gauche lui indique l'issue fatidique. La lourde lame s'enfonce et dévie sur la garde de la dague qu'il porte à l'avant-bras(voir avatar) et s'immisce sous sa spallière gauche, là où la chair est tendre et vulnérable.

La douleur, vive et pénétrante, à laquelle suit une chaleur alors qu'un flot écarlate imbibe le tissus de sa manche. Un grondement sauvage traverse le masque tandis que le gladiateur encaisse le choc, ne laissant pas son adversaire le précipiter dans le bourbier. Sous le masque, la prunelle marron se fait impitoyable. Si Hanegard pouvait voir le visage de son adversaire en ce moment, il serait proprement effrayé. On pourrait s'attendre d'un homme sec et sans trop de muscles comme X'Andarin reculerait…. Mais non. Il est plein de surprise.

On pourrait s'attendre à ce que X'Andarin dégaine une de ses épées courtes. On pourrait aussi s'attendre à ce qu'il dégaine une dague. Mais non, avec stupéfaction, le public peut voir la main droite, la main valide, gantée de cuir, aller chercher une flèche dans son carquois.  Puis, visant carrément la maille à la base du cou du tueur de Roi, il abat son trait.

Avec satisfaction, le gladiateur voit qu'il a pris une bonne flèche. Peu importe où, s'il touche, ce connard le sentira passer. Mais, idéalement, le plus près du visage possible, histoie d'abîmer un peu cette belle gueule virile au passage. Les groupies vont le remercier. Il ne laissera personne se mettre en travers de son but, et certainement pas un connard qui s'amuse à jouer les matamores.

Les femmes aiment tellement les cicatrices!

Pour sa part, N'a qu'un œil ne laisse pas les pensées et les sentiments le guider. Il fonctionne à l'instinct en cet instant précis. Un léger ricanement se fait entendre. Prend ca trou duc!

dés:

La lame d'Hanegard s'abattit sur le bras de son adversaire qui n'avait pu suffisamment appréhender le coup venu du côté où son œil défaillant lui créait une zone d'ombre ne permettant pas d'analyser correctement la trajectoire de l'épée. La giclée d'ichor en résultant réjouit le cœur du wandrais qui retrouvait en cet instant la saveur sauvage de ses instincts barbares si longtemps étouffés sous les bonnes manières de la politique péninsulaire. Admettons au passage que le terme de bonnes manières équivaut simplement à dire que l'on peut se massacrer joyeusement au nom d'un soi-disant principe de l'honneur. Les nombreux villages rasés à travers tout le Médian durant la dernière guerre constituaient une bien triste fresque de cet "honneur" dont se targuaient haut et fort les arrivistes désireux d'étendre leur influence à la cour de Diantra. Mais nous nous éloignons de notre sujet, concentrons-nous de nouveau sur le duel.

Quel plaisir de voir couler le sang de X'Andarin ! Jena désapprouverait certainement la lecture de ces lignes, mais force est pour le narrateur d'admettre que notre héros sans peur ni reproche appréciait férocement de voir le borgne souffrir. Car même si l'ancien baron n'était pas un homme cruel par nature, toute personne ayant participé à une guerre sait que la folie et la rage du combat brisent les barrières habituelles derrières lesquelles les pires instincts de l'humanité peuvent se tapir. Même le grondement sauvage qui s'échappa du masque constituait une délicate musique, une farandole joyeuse sur laquelle il pourrait longtemps continuer de danser.

Mais X'Andarin non plus n'avait rien d'un amateur, comme le montra la fulgurance de sa réaction.

Du coin de l’œil, Hanegard le vit porter sa main gantée de cuir à son carquois et en sortir une flèche qui plongea directement vers la gorge du baron, là où la maille ne protégeait plus la chair. Un coup potentiellement destiné à tuer, car bien que Mamba ait spécifié qu'il ne s'agissait pas d'un combat à mort, les circonstances du duel rendaient parfois malaisé de poser les limites au-delà desquels le Souffle risque de partir rejoindre le sombre royaume de Tyra. Un coup bien placé, un coup habile, un coup intelligent de par son improvisation, un coup inattendu et qui aurait probablement surpris plus d'un duelliste... mais un coup qui se vit adroitement parer par le gantelet cuirassé du Tueur de Rois sur lequel vint se briser la pointe de la flèche.

Toutefois il ne s'agissait pas là d'une flèche ordinaire comme celles qui s'entassent dans les carquois de tant de guerriers à travers le monde. Son embout ne ressemblait pas à une pointe mais à une minuscule jarre qui se fracassa sous l'impact et relâcha un liquide poisseux d'où jaillirent presque instantanément des flammes inquiétantes. Hanegard n'avait de sa vie jamais entendu parler d'un tel liquide qui se révélait plus dangereux encore que le fameux feu grégeois issu des arsenaux de Merval, puisque l'air lui-même semblait constituer le déclencheur de la flamme. Le liquide se répandit sur son gantelet qui s'entoura de flammes consumant avidement les épaisseurs de cuir à la recherche d'un nouveau combustible.

Les hurlements enthousiastes du public devaient s'entendre jusqu'au port et même au-delà, tant le duel tenait toutes ses promesses. Ni X'Andarin ni Hanegard n'avaient le temps de regarder les tribunes, à l'inverse des organisateurs et des parieurs qui devaient se frotter joyeusement la panse à l'idée des juteuses retombées de ce combat que l'on chanterait encore dans un siècle ! Nombre de ceux éliminés dès les premières épreuves assistaient d'ailleurs à la scène, probablement soulagés en leur for intérieur de ne pas se retrouver dans l'arène face à l'un de ces deux tueurs que rien ne semblait pouvoir ralentir dans leur volonté de destruction.

Ignorant la douleur qui commençait à poindre sur son poignet là où les flammes atteignaient sa peau, Hanegard porta de nouveau un puissant coup d'épée vers le flanc gauche de son adversaire. La première attaque avait méchamment entaillé le bras du borgne, il n'y avait aucune raison de ne pas insister au même endroit qui se trouvait non seulement dans la partie obscure du champ de vision, mais déjà affaiblie par la blessure reçue juste avant.

dés:

Le vétéran refrappe exactement dans son angle mort. Mais, ce coup ci, X'Andarin attend le coup d'épée. Le chuintement de deux dagues qu'on dégaine, un mouvement de hanche souple tandis que X'Andarin semble se recroqueviller sur lui même, ses dagues couvrant le long de ses avant-bras en une posture défensive.

L'acier contre l'acier tinte bruyamment, la secousse du coup puissant du tueur de Roi le fait saigner un peu plus. Sa manche gauche est maintenant complètement écarlate, le gladiateur sent l'hémoglobine s'insinuer dans son gant de cuir. Il sait qu'il ne pourra pas indéfiniment encaisser de ce côté.

Il se recroqueville un peu plus, ramassant toute la puissance de ses jambes. Par réflexe, il tasse le poignet enflammé de Hanegard du chemin, les flammes roussissant quelque peu sa manche droite. X'Andarin se retrouve presque à genoux devant son adversaire.

Avec un silence de mort, le combattant détend ses jambes, libérant toute la force emmagasinée.. Tournant un peu pour ne pas se cogner le masque contre la cotte de maille, il percute de plein fouet le vétéran à l'abdomen, pour finir de le déséquilibrer totalement. Il est temps d'en finir… Pour la majorité des combattant, il y aurait l'adrénaline, l'exhultation. Pour X'Andarin c'est une tâche nécessaire, c'est certain que l'adrénaline coule dans ses veines. La volonté d'en découdre aussi. Mais le gladiateur ne se départit pas de sa froideur et de son flegme, même avec deux dagues aux mains.  


Dans les gradins la foule rugit, dans les loges les sponsors regardent ce combat avec intérêt. Mais en ce moment, le gladiateur se concentre sur ce qui se trouve devant lui. Plates et mailles, odeur de sang et de sueur. Chaleur des flammes et humidité des marais. Il n'y a plus qu'Hanegard et lui, le reste du monde, en ce moment, peut bien aller royalement se faire foutre.

dés:

A la dernière seconde, un éclair d'acier jaillit alors que la dague de X'Andarin venait d'intercepter le coup qui l'aurait sinon proprement tranché au niveau du thorax. Les deux lames crissèrent dans un bruyant raclement métallique et une projection d'étincelles qui vinrent se noyer dans la gadoue aqueuse au milieu de laquelle ils combattaient. Peu de duellistes auraient ainsi réussit une telle parade, qui plus est avec un bras recouvert de sang suite à la profonde entaille d'où jaillissait toujours un ruisseau écarlate. La foule ne s'y trompait d'ailleurs pas en encourageant désormais les deux combattants tant il apparaissait évident qu'ils se surpassaient et poussaient leurs corps au-delà des limites du raisonnable, voire au delà des limites du possible. L'exploit et la souffrance, tel était le prix charnel à payer pour atteindre la finale de ces Grands Jeux qui brillaient à travers tout Miradelphia d'un éclat à nul autre pareil.

Le brasier qui rugissait sur son poignet finit par avoir raison de la concentration du wandrais, la douleur réussissant à percer à travers les épaisses murailles d'adrénaline érigées par la rage du combat. Une fraction d'hésitation, un court instant durant lequel il ne fit pas suffisamment attention à son adversaire faillit lui coûter cher. Se ramassant sur lui-même tel un guépard au moment de sauter sur sa proie, X'Andarin jaillit de sous la garde du Tueur de Rois pour le ceinturer et le projeter en arrière dans le marigot qu'entretenaient toujours les mages postés tout autour de l'arène par Mamba. Les pieds fermement ancrés au sol tels deux rocs que peuvent battre les vagues sans les ébranler, Hanegard cru pouvoir résister voire tourner cette charge à son avantage, mais l'inattention causée par les flammes ne se rattrapait pas aussi aisément lors d'un duel contre un artiste de mort tel que X'Andarin.

Alors que les spectateurs se levaient de leurs sièges en hurlant leur soif de sang comme une meute de loup, les deux gladiateurs s'effondrèrent dans une gerbe d'eau boueuse. Plus aucune règle ne dictait leur affrontement, plus aucune limite ne les séparait de la folie. Les longues années passées auprès de leurs maîtres d'armes respectifs, les innombrables dangers affrontés et dominés durant leurs vies aventureuses se concentraient en cet instant précis où seule compte l'ivresse de la victoire. Se souvenaient-ils encore, nos deux héros, qu'ils participaient à un tournoi pour le bénéfice quasi-exclusif de leurs sponsors confortablement installés dans la loge d'honneur ? Peu probable, leurs instincts primaires prenaient totalement le dessus et dictaient leurs actes comme s'ils étaient devenus les élus du dieu de la guerre. Chair, sang, odeur, ils n'étaient plus que deux bêtes enragées avides de déchiqueter l'adversaire pour apaiser la soif de carnage qui les tenaillait.

La tête à moitié enfoncée dans l'eau stagnante, Hanegard cherchait en vain à reprendre sa respiration lorsqu'il vit la main de X'Andarin brandir une dague et plonger en direction de sa cuisse. Une nouvelle fois, ce furent ses réflexes qui jouèrent en faisant jaillir son gantelet enflammé sur la trajectoire du mortel projectile. Sans doute le destin eut-il à cet instant une brusque envie d'ironie, car si Hanegard ne put correctement parer l'attaque à cause de la douleur causée par les flammes, ces dernières vinrent également lécher la manche de X'Andarin en l'obligeant à lâcher sa dague qui tomba dans l'eau, désormais inutile. Une seule erreur à ce stade causerait la perte d'un des deux gladiateurs, tant ils dansaient l'un comme l'autre sur l'étroit fil du rasoir que seuls peuvent espérer atteindre les maîtres du combat. La folie qui irradiait des gradins montrait bien que les spectateurs comprenaient eux aussi que l'issue approchait.

Profitant d'être au-dessus du wandrais, X'Andarin brandit alors sa seconde dague de sa main rougie par le sang qui coulait le long de son bras. Conscient de n'avoir plus ni le temps ni l'espace de manier son épée, le Tueur de Rois la lâcha et agrippa le poignet ennemi avant qu'il ne puisse s'abattre. L'un comme l'autre avait pénétré dans l'arène équipés de nombreuses armes comme des bataillons militaires s'en montant au front, et désormais ils luttaient pour la possession de cette simple dague, cet ultime instrument de mort qui scellerait leur destin. X'Andarin souffrait d'un bras lourdement atteint et d'une force physique inférieure au wandrais, mais ce dernier était à moitié étouffé par l'eau boueuse qui l'empêchait de respirer. D'une certaine façon, le hasard les amenait quasiment à égalité tandis qu'ils tentaient chacun de plonger cette dague dans la chair de l'autre.

Un artiste aurait pu... que dis-je ? Un artiste aurait dû immortaliser cette scène alors que les deux duellistes se trouvaient dans cette eau saumâtre, leurs muscles bandés sous l'intensité de l'effort, quasiment immobiles tant leurs forces s'équilibraient ; avec pour enjeu cette dague qui brillait d'un éclat métallique sous le chaud soleil de Thaar. Cette dague forgée par un artisan parmi tant d'autres, mais cette dague qui d'un coup devenait l'incarnation des espoirs de tout un peuple, de toute une foule qui avait cessé ses cris pour admirer de leurs yeux ébahis cette lutte de l'homme contre l'homme, cette danse interrompue brutalement comme si le temps venait d'interrompre son flux éternel. Un silence presque total venait d'envahir la grande arène de Thaar, chacun retenant son souffle dans l'attente du dénouement. Pour un peu, on aurait même pu entendre les grognements étouffés et les râles émanant de la gorge des duellistes alors qu'ils luttaient férocement pour s'accaparer la dague.

Hanegard ne pensait plus à rien d'autre qu'à cette dague, à cette victoire qui lui tendait les bras comme une amante désireuse de lui complaire. Même le masque de X'Andarin devenait flou pour lui tant il se concentrait sur ce qu'il lui restait de force et d'endurance. La remembrance de ses longues années de combat s'imposa à lui au fer rouge : du jeune guerrier d'un clan des wandres qui devint le chef de guerre des légions noires de Serramire, du mercenaire ne comprenant guère les usages péninsulaire au baron d'Alonna anoblit par le roi Trystan lui-même, du veuf inconsolable après le meurtre de sa première épouse au père de famille qui jouait sa vie pour conquérir l'argent nécessaire à la dot de sa fille.

Liliana.

Le Tueur de Rois ne combattait pas pour lui-même en ce jour, mais pour une jeune fille qui vivait bien loin de là, une jeune fille aux yeux rieurs et aux traits délicats, une jeune fille qui avait versé de chaudes larmes lors du départ de son père pour les lointaines contrées de l'Est, une jeune fille qui valait aux yeux d'Hanegard toutes les souffrances et tous les sacrifices. Son épaule en sang et son poignet où brûlaient encore quelques flammèches rétives ne comptaient plus alors que le visage de sa fille adorée vint effacer toute hésitation dans son esprit, tout doute qui aurait pu déstabiliser la pureté de sa détermination ou briser l'intensité de sa concentration

Il... ne... pouvait... pas... perdre.

La toile du destin se focalisait dans cette arène où se forgeait la légende d'un affrontement digne des Dieux eux-mêmes. Lentement la dague se mit à bouger alors que l'ancien baron repoussait son adversaire, ses muscles puissants se dessinant en arabesques comme des cordes de marine sous sa peau tannée par le soleil. Son visage ressortit de l'eau et il put enfin reprendre une grande bouffée d'air frais venant adoucir la torture qui tiraillait ses poumons où brûlaient les dernières parcelles d'oxygène.

EIN...

Se relevant lentement tout en maintenant la dague à distance, Hanegard utilisa ses jambes pour faire levier et forcer X'Andarin à faire de même. Leurs corps tout entier n'étaient plus que force pure alors qu'ils se dressaient fièrement au milieu de ce marigot pour l'ultime acte de leur étreinte virile. Était-ce le plus fort qui allait prendre le dessus ? Le plus déterminé ? Peut-être tout simplement le plus chanceux, celui sur le sort duquel l'Histoire avait décidé d'écrire un chapitre supplémentaire.

...HER...

Alors que les cris de la foule explosèrent dans l'arène comme si les portes de l'autre monde venaient de s'ouvrir, un éclat de rage passa dans l’œil valide de X'Andarin. Tendu comme un arc pour repousser la dague qui désormais pointait dans sa direction, ses bras tremblaient sous l'effort mais reculaient inexorablement. Tentant un ultime assaut, le borgne fracassa violemment son front masqué sur le visage du Tueur de Rois mais ce dernier se trouvait désormais bien au-delà de la frontière où un tel coup aurait pu l'atteindre.

...JAR ! rugit Hanegard dans un crachat sanglant à l'instant où les muscles de X'Andarin cédèrent enfin sous l'infernale pression qu'ils subissaient.

dés:

HRP:

Une lutte, une lutte concentrée dans un moment d'éternité infinie… X'Andarin sait qu'il devrait retraiter, mais il a conscience du sang qui lui coule le long du bras gauche, de la brûlure au bras droit. S'il retraite, il sait qu'il diminue ses chances de victoires.

Le vétéran est plus lourd, mais plus fort physiquement. X'Andarin sait qu'il devrait lui abandonner l'arme. Mais ca ne lui tente pas du tout. De frustration, il lui assène un coup de son masque qui se teinte d'une rigole rougeâtre sous le coup.

Mais le vieux résiste, et le jeune s'acharne… C'est deux mains contre deux mains. Tout se passe si vite et si lentement à la fois. La dague glisse des ses doigts rendus gourds par le manque de sang. Il sent l'acier fin, heureusement sans poison, la lame lisse s'insinuer entre les plaques de son plastron de cuir, remontant vers le haut, tranchant les muscles, allant titiller dangereusement près du diaphragme… Dans l'oeil valide, une résignation  se pointe. Mourir maintenant ne servira à rien. Le gladiateur abdique donc en toute connaissance de cause.

Affaiblit par l'hémorragie  de son bras, le marron se ternit avant de tourner dans son orbite. X'Andarin s'affale mollement sur Hanegard, sa manche qui est en train de cramer trempant paresseusement dans la flotte de l'arène. Laissant le tueur de Rois savourer sa victoire tandis qu'on emmène N'a-qu'un-oeil, inconscient, sur une civière.

Krish avait probablement voulu avoir la sponsor de la coqueluche des jeux auprès d’elle, et je ne pouvais que lui en être reconnaissante, alors qu’elle m’offrait une place de choix. Je pensais gagner en plus une opportunité de discuter encore un peu avec elle, mais au moment où Hanegard apparaissait, je n’avais d’yeux plus que pour lui, et d’oreilles, vu le vacarme de son entrée, en opposition totale avec celle plus discrète de son adversaire du jour. Plus on se rapprochait de ce combat final plus j’étais excitée, tiraillée entre la peur que son chemin s’arrête là et la joie qu’il m’apporterait s’il s’imposait ce jour là. Et cette excitation m’empêcha même de me rendre compte que ce baiser envoyé était pour ma voisine plutôt que pour moi. Cela n’aurait pas eu une réelle importance de toute façon, et de l’extérieur, je serais restée cette gamine qui affichait un si large sourire plein de confiance en celui qu’elle pensait se battre pour elle.

Peu versée dans l’art du véritable duel, je suivis le débat physique incapable de comprendre qui avait le dessus. Je pouvais estimer que ce sol boueux était un désavantage pour mon champion qui ne possédait aucune arme à distance, la quantité de sang que chacun perdait, ou même la dangerosité de certains coups, grâce aux cours d’anatomie de ma voisine eldéenne qui ne s’appliquaient pas vraiment dans un tel contexte. Mais l’ensemble était une sorte d’amalgame de violence dont je ne pouvais pas estimer la complexité. Et ça tombait bien, ou j’aurais manqué perdre tout espoir à plusieurs reprises, notamment lorsqu’en plus d’une parade parfaite du borgne Hanegard perdit un peu pied, envahi par la douleur des flammes.

Je parvins à me retenir et à ne jamais suivre ces bruits de foule sauvage, j’étais au dessus de ça et il fallait que je le montre. Mais lorsque le combat se poursuivit sur le sol, j’abandonnai cette contenance altière pour me lever et me pencher en avant, cherchant à trouver un angle où je pouvais réellement voir ce qu’il s’y passait, ne restant silencieuse que par miracle. Mon visage se tordit dans une expression de doute alors que mon champion semblait perdre le duel, mais ce doute disparut instantanément lorsque je compris que l’autre venait de s’affaler sur l’humain, à bout de force.

Je restai là un instant, excitée mais sans savoir quelle réaction je devais avoir, avant de me ressaisir en remarquant ma voisine pour la première fois depuis l’entrée de l’humain. Je ne l’avais pas vue se lever, et avec une pulsion que je n’avais pas pu réfréner je me jetai à son cou pour m’y pendre. « Il l’a fait il l’a fait il l’a fait… » Je riais à moitié en répétant ces mots à l’oreille de Krish, ne me rendant compte que maintenant du soulagement de le voir triomphant. Plus qu’un combat, un seul, et nous nous retrouverions tous deux sur le toit des Jeux et du monde. J’étais pendue au cou de l’eldéenne, mais je n’avais que Hanegard et toutes ces portes qu’il m’ouvrait une à une à l’esprit. Je devrais être suspendue à son cou à lui. Je rompis l’étreinte désormais si familière qui nous liait avant de poser à nouveau un regard sur l’arène.

Je me ruai en dehors de la loge, passai à côté d’un Magyaok toujours aussi concentré pour retenir le duel dans ses moindres détails, dépassai les quelques gardes à l’entrée de la zone et me fis remarquer par un Esteldur qui m’emboîta le pas avant de me rattraper pour désigner une direction. Il savait que ça risquait d’arriver et avait pris les devants, me confirmant encore une fois qu’il savait être entreprenant lorsqu’il le voulait. Il me mena rapidement à travers les tribunes bondées et en quelques minutes je me retrouvai à l’entrée de l’arène humide après avoir croisé le perdant qui se faisait transporter hors de là. Esteldur m’abandonna à peu près à ce moment et je me retrouvai à courir dans les pas d’un soigneur qui venait probablement faire ce qu’il pouvait pour extraire cette flèche brisée de l’épaule du vainqueur. En progressant à travers l'arène tout le bas de mon corps se salissait comme jamais je ne l'avais autorisé à le faire, et les bandes de soie blanche accrochées à mon armure changeaient de couleur, alors que je pouvais voir Hanegard qui avait réussi à se relever et qui tenait encore debout. Si j’eus un léger mouvement de recul en me rendant compte une nouvelle fois qu’il était vraiment imposant, je m’accrochai à son bras valide en criant presque pour couvrir le son des vivats. « J’ai jamais vu ça, c’était parfait, merci ! » Et excitée, j’essayai de lever ce bras le plus haut possible comme un trophée, comptant sur lui pour m’aider alors que cette différence de taille rendait tout plus compliqué.

C’était mon champion, et il venait de nous ouvrir la porte vers la finale. Dans mon esprit, cette association était voulue non pas par les dieux mais par le monde lui-même, et rien d’autre que de la gloire et de la reconnaissance ne nous attendait à la fin.