l'[ellipse] contée ou l'ascension d'une gouape de plus • solo

An 11 • XI Cycle
En fin d'année...

Œil pour œil, dent pour dent...

Un jour comme un autre frappait gaiement aux carreaux de la minuscule fenêtre, qui de volets ne possédait point pour protéger des éventuelles bourrasques ou de l'éternel astre incandescant qui pouvait s'insinuer ou bon lui semblait. Même ici. Ou peut-être était-ce encore un de ces petits oiseaux de bonheur à qui je laissais parfois quelque bout de gras sur le rebord de la fenêtre dénudée, du trou à rat que je m'étais dégoté – avec puit de lumière tout de même. Qui sait ? Je me tortillai bien langoureusement dans les doux draps et roupillais encore quelque temps profitant un maximum de mon argent, c'est que je payais à l'aubergiste chaque jour, la nuit à venir et ainsi de suite. Cependant, le présent sommeil serait le dernier que je consommerai en ces lieux, et c'était bien dommage car la chère n'y était point onéreuse pourtant abondante et que les chambres jouaient leur rôle d'abri à la perfection. Aussi, je m'inquiétais déjà pour mes petits oiseaux dont je m'étais bien évidemment entiché dès les toutes premières matinées passées à l'auberge. Comme pour m'aider à digérer ce pleutre abandon de ma part, mais je devais vraiment bouger d'ici, je rêvai d'eux, pourvu que d'autres clients subvinssent en petit bouts de gras, à leur gâterie...

Un « tactactac » vint m'importuner nouvellement dans ma somnolence. C'était à coup sûr la journée avec un grand « j » m'invitant au réveil, ou mes petits oiseaux quémandant leur pitance, ou les deux, les cinq, les sept ! « Hein... Ah... Oh... Aïe aïe aïe ! » ahanais-je péniblement. Moi d'habitude pourtant si matinal, je n'avais en ce jour apparemment point envie de sortir de ma létargie, quelle étrangeté de ma part diriez-vous, mais c'est que je flottais entre un sommeil réparateur et le répudié réveil ; assailli rudement par les réminiscences éthérées de la veille, mais surtout, surtout je refusais de me lever parce que j'étais amoché à outrance et c'est le moins que l'on puisse dire pour imager ce que les coups encaissés de la veille avaient légué à mon joli minois, à mon corps, à mon antre sacrée... Et à mon sourire.

J'avais reçu comme des lattes aux roubignoles, des parpaings sur la margoulette, des pavés heurtant mon torse ou peut-être était-ce l'inverse ; des noeuds de phalanges s'étaient trémoussés contre mes pommettes en feu, des poings gantés avaient giflé mon arcade explosée, qui gonflait salement englobant une bonne partie de mon visage tuméfié. J'avais des côtes cassées, allez savoir pourquoi mon talon me lancinait à en hurler lorsque plus tard je tenterai de le poser, puis d'autres douleurs communes de celui qui a été proprement lynché. Et bien-sûr, comme une cerise manquant au toupet du gâteau, une de mes dents de devant était restée sur le sol, celui-là même qui avait assisté à la raclée monumentale dont j'avais été la cible. Triste dent, tout de même utile parmi les gravillons, témoin ou vestige de mon incapacité à me défendre. Parce qu'il fallait que cela cesse, je me promis de réussir ; prenant la mansuétude de cette fameuse guilde de voleurs comme une aubaine, et leur message au pied de la lettre « la prochaine fois on te les coupe » – cela avait le mérite d'être clair – et la douleur faisant office de bonne mémoire, dès lors je ne subtilisais que le strict minimum en me faisant oublier des grands chapardeurs avant de me mettre l'année suivante au charlatanisme pour ne dépouiller que très rarement quelque ivre pochtron qui n'aurait pas tout dépensé au comptoir. J'essayais de survivre, petit poisson dans le grand océan.

Il y avait certes dans ce corps de métier beaucoup de concurrence, c'est qu'à Thaar rues places et avenues pullulaient déjà d'arnaqueurs en tout genre, mais il fallait bien que je me nourrisse et j'étais persuadé qu'en m'éloignant des richesses convoitées par la dangereuse guilde, je pouvais éviter de me faire rudoyer comme je l'avais été après avoir mis la main sur des bijoux déjà convoités. L'année nouvelle serait riche en rebondissements, désormais je gagnerai mon pain en l'ôtant de la bouche à imbécile heureux, au pigeon à la poire à l'utopiste croyant superstitieux fétichiste et vaniteux de ce monde si cruel. Je prendrai l'or à qui voudrait bien par bêtise par acquisition d'espoirs, me le donner, en échange de mes rebouteux services. Je me rangeais donc – du moins fis-je semblant – et comme un mouton dans le troupeau alors que les chiens au loin guettent sans qu'on ne puisse soi-même les voir, j'espérais au moins une fois, un jour, leur chipper quelques fleurs interdites et ce sans qu'ils ne s'en rendissent jamais compte. Oui, un jour je me prouverai à moi-même qu'ils n'étaient ni omniprésents ni plus rusés que moi, et sous leur nez je subtiliserai à un riche thaari, l'objet de leur convoitise. Et ce jour là, ils l'auraient dans les dents, car je serai tout simplement insoupçonnable, pourvu de toutes mes dents – j'avais rapidement remplacé la dent manquante par une solide prothèse en argent –, et surtout, riche, tout cela bien évidemment grâce à une honnorable profession de charlatan. Mes couilles.

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