[Périphérie] Sur le fil d'une dague | Dante

Entre deux points, Dante s'enfile une bonne rasade d'une autre bouteille qu'il a ouvert avec ses dents. Puis asperge de nouveau la plaie.

Ah bien sûr… Ben oui les cicatrices sont des trophés pour les drows. Elles sont plutôt un fardeau pour lui. qu'l assume certe. Ca fait parti de son pacte.

Je sais qui est le contact qui m'a payé. De la à remonter c'est deux. J'ai bâti ma réputation en caftant pas mes employeurs… Je pourrais te montrer la lettre, mais je l'ai chiée voilà quelques jours.

Il ne regarde pas Krish, termine le point avant de tordre la jambe sans ménagement pour atteindre l'autre côté

Glamour... Bof. Ils sont vaanis de toute façon.

Vaanis, Péninsulaires, Zurthans, Eldéens… on s'en sacre tant que ca paye. Yé mort c'était un connard et un pervers. Point barre…

De l'autre côté, les points sont vites fait. Il tend la main attendant celle de la drow pour qu'il regarde. Elle peut voir l'éclat terne du regard de l'homme qui se vrille dans le doré. Mort. Il a des yeux de poisson mort.

Ta main..

Krish prend une bonne lampée d'alcool, imitée par Dante qui s'essuye la gueule sur son bracelet de force.

- Pas la peine. Je la rouvre à peu près toutes les dix heures et ma guérisseuse m'engueule à peu près au même rythme. ça passera.

T'a honte? Si les cicatrices sont des trophés, tu devrais pas faire ta timide…. Montre…  

Le Feu d'Uriz a un mouvement de contrariété. Ce qui fait légèrement marrer Dante qui a l'alcool joyeux lui.

- Par le Père ! Mais, plante toi cette aiguille quelque part et laisse ma main tranquille.

Un sourire goguenard effleure le coin de sa grande bouche. Les prunelles légèrement embrumées par la boisson, Dante insiste.

Il te laisse pas guérir hein? Et tes trop chochotte pour montrer… Allez qu'on désinfecte et change le pansement….

Il sort de son sac sa pommade maison, à base de gomme de sapin, de miel et de lavande. Pour faire bonne figure, il se met à tartiner sa jambe, puis celle de la drow.

Poule mouillée…

- Il te laisse pas guérir hein? Et tes trop chochotte pour montrer… Allez qu'on désinfecte et change le pansement….
- Ferme là. Je paie les pots cassés pour t'avoir cru un tant soit peut intéressant alors je la ramènerais pas si j'étais toi. T'es pas à la hauteur.

Elle allait quand même pas lui en mettre une, il venait d'arrêter de se foutre sur la gueule. Puis pourquoi elle était restée déjà ? Elle repris une longue - très longue - rasade. A oui. Pour oublier toutes les conneries qu'elle avait pu faire ces deniers mois en regardant la médiocrité de cet asticot éphémère. Ouais... ça devait être quelque chose comme ça. Une rasade de plus.

Un pot de bois caqua sur la table, embaumant l'air poussiéreux d'une épaisse odeur de sapin et de lavande. Il tartina l'espèce de crème sur sa propre jambe puis approcha la main de celle de Krish qui la retira brusquement sans se soucier de ce qu'elle devrait cocher au passage.

- N'y pense même pas.
- Poule mouillée…

Le regard de la drow fusilla le sourire goguenard de Dante. C'est qu'il commençait à lui courir l'asticot... suffisamment pour qu'elle ait envie de départager leur première manche d'une façon un peu plus ludique. Un sourire carnassier fleurit sur son visage. Elle se pencha vers lui, une flamme dans le regard.

- Tu veux vraiment jouer à ça... encore ?

- Non seulement t'es inutile et buté, mais en plus t'es chiant comme la pluie... " soupire-t-elle en se renfonçant dans son siège pour étendre ses jambes sur la table. Génial... Et Wik qui était aussi frigide qu'un manche à balais depuis son retour. Doublement génial.

- Journée de merde... " ponctua-t-elle en portant de nouveau la bouteille à ses lèvres.

Et il continue à insister.

- Parce que je pensais que tu valais quelque chose et que je voulais éviter que le quartier des lanternes soit entièrement détruit par un affrontement entre nous. " Elle brandit sa bouteille comme une idée soudaine. " T'sais j'aime bien Thaar alors je préfère qu'elle reste entière. C'est la seule ville ou on peut se balader à poil le soir en revenant de soiré sans que personne trouve ça anormal et sans que personne en profite pour te foutre un coup de surin dans le dos. C'est la destination ultime pour les vacances... Mais bon, j'parie que t'en a jamais pris de vacances. C'est pas comme si tu devais accumuler le stress. T'as quoi ? 50ans pas plus ? "

Les prunelles de Dante se font pâles. Rageuses… Il la toise un moment. Un moment où la lueur inhumaine des prunelles pâles prend toute la place. L'humain dit d'un ton calme, trop calme.

Arrête tes salades. Thaar t'a jamais connu les caniveaux. Pourquoi on aurait foutu le feu aux Lanternes en plus. J'ai comme l'impression que tu me prend pour ce que je suis pas. Ca rapport avec le fait de vouloir me voir à poil? C'est ca tes manèges?

Les prunelles de Dante se font pâles. Rageuses… Il la toise un moment. Dit d'un ton calme, trop calme.

J'ai pas connu ceux de Thaar, seulement ceux du Puy. Les caniveaux de Thaar, je les ai créés et je les aime bien. " répond-elle, goguenarde, sans embrayer sur la suite
Tu m'as pas répondu.
Oublie ça, petit. ça ne concerne que les grandes personnes.
Ca me concerne... Thaar pue, est pourrie a la moëlle mais c'est mon territoire. Qu'est ce que tu me voulait. pourquoi tu m'a envoyé cette pute?

L'assassin empoigne lentement sa bouteille et lorgne le contenu.

- Ton territoire. C'est mignon. " Elle glousse en allongeant la dernière syllabe. Il n'y a décidément pas de limite aux prétentions des abrutis " T'as pissé autour aussi ? Désolée le Conseil n'était pas au courant, ton Altesse. "

Dante rit. S'enfile un bon autre quart de bouteille… Le conseil, il y a tout un monde que le conseil ne connait pas. Et tout un monde qui se fiche éperduement du Conseil aussi. Ils se laissent royalement tranquilles, s'ignorent.

tu m'a pas répondu... et oui j'ai pissé autour. Tu as pas idée combien de bouteilles ca a pris.
- Sort toi cette gamine de la tête ou on va te prendre pour un minot du genre à chanter la sérénade. je l'avais sous la main, ça aurait pu être n'importe qui d'autre.

Elle l'avait sous la main. Bien oui. Elle lui a renvoyé à la gueule celle qu'il a tuée, celle à qui il a transpercé le coeur. Parce qu'elle l'avait sous la main. A d'autres, Bien oui…. Bien oui…. Dante s'enfile une autre rasade. Pour le moment par contre, il s'en fiche éperduement. rien n'a plus d'importance autre que sa prochaine gorgée. Les cendres reviennent encore.

Je ne suis pas un minot... je suis l'Ombre... Dit il, l'élocution devenant légèrement pâteuse.

- Ust'Kor ! C'est toi ? Ha ! Bah si je m'attendais ! " Elle rit encore. "A mais c'est pour ça que c'est toi qu'ils ont embauché pour tué MON despote.

Waiiiiis… Y'a plusieurs gus qui voulait la mort de ton trou du cul. Avatar ou pas, tu devrais faire attention à tes épaules. Ya des rumeurs de contrats en cours sur ta gueule

La lueur inhumaine des prunelles s'atténue un peu devant la progression de la brume. Mais il est relativement de bonne humeur. Et à la vitesse qu'il boit, l'assassin va sûrement s'écrouler dans pas longtemps.

- Mais c'est qu'il s'inquiète en plus le gentil petit assassin. " ricane-t-elle encore, carnassière. Elle le provoque. Elle le cherche.

En voyant qu'il approche dangereusement de la fin de sa bouteille - ce qui avait des chances d'être déjà mortel pour un humain étant donné la teneur en alcool et la rapidité d'ingestion - elle redescend ses pieds sur le plancher poussiéreux et se penche vers lui, matoise. " Bon alors... dit-moi, Monsieur l'Ombre, comment un mystérieux assassin que rien arrête se retrouve dépassé par une espionne débutant dans le milieu ? " La cruelle prend une gorgée de plus avant de tendre sa réserve à l'humain, des fois qu'il manque d'hydratation.

Il était dans un sale état. Dommage... Elle n'en avait plus pour longtemps à profiter de son état lamentable. Dans le genre brisage de mythe ça marchait assez bien pour l'instant.

Le sourire moqueur de Krish se fit de plus en plus large.

Tare numéro deux-cent-huit : il ne tenait pas l'alcool.

Elle le regarda s'enfoncer, lui donnant la réplique sans lâcher aucune information qu'elle ne voulait pas lui donner, comme elle le faisait depuis qu'elle était entré. Des hochement de tête saluait sa bonne descente. Il finit par craquer. Incroyablement vite d'ailleurs, ce qui évita à l'eldéenne d'avoir a supporter la présence bavante d'un ivrogne durant trop longtemps.

- Récupérer d'un coup au cœur... Et bah une bonne cuite c'est un début. " ricana-t-elle, sachant pertinemment qu'il n'avait qu'une infime chance d'imprimer ce qu'elle disait. Il riait comme un bossu, un rire fou, grinçant, un rire qui ne donnait pas envie de se joindre a lui... vraiment pas. Finalement, elle n'était pas mécontente qu'il soit frigide.

Elle le regarda, débris d'homme noyé dans l'alcool. vingt minutes chrono...

- J'ai retenu la leçon. " murmura-t-elle en buvant une gorgée de plus. Une chaleur mordante salua le calme résigné dont elle faisait preuve. Elle reposa doucement la bouteille et se leva en s'étirant. Sa jambe la tirait, mais la douleur - comme toutes les autres - était supportable.  D'un coup sec, elle tira la chaise de Dante, le regardant s'écrouler au sol en glissant de la table, reprendre vaguement connaissance avant que la boisson ne l'emporte à nouveau. S'il se réveillait de toute façon, elle l’assommerait proprement d'une bonne gauche. Dague en main, elle s'agenouilla près de lui avec le même sourire moqueur. " Désolé mon gars, je crois que j'aurais jamais pris aussi peu de plaisir à déshabiller quelqu'un. " Aussitôt dit, aussitôt fait.

S'aidant se sa dague, et manipulant l'ivrogne sans la moindre gêne, elle retira vêtement après vêtement, protection après protection, jusqu'à ce que l'humain se retrouve nu comme un ver. Elle ne montra pas plus de pudeur que de remord en l'examinant de près. Chaque cicatrice, chaque trace, chaque marque, du lys au dragon en passant par le feu et le fer. Rien. Aucune ne ressemblait à ce qu'elle cherchait... Et ce type avait écopé plutôt sévèrement. Rien d'étonnant à ce qu'il soit aussi timbré. Ce devait être un fanatique de zhak'bar de la première heure. Elle ne comprendrait jamais ce humains qui vénéraient les dieux sombres alors que personne n'était sûr qu'ils aient vraiment une flamme.

Cette fois, c'était certain. Il n'était personne.

En tailleur au milieu des affaires éparses, elle pris le temps de les fouiller, puis les rassembla en un ballot serré. Les protections, les vêtements, le ceinturon d'arme, l'onguent, elle récupéra tout et l'accrocha à la selle de Tril. Elle ne laissa que les quatre dagues, non sans avoir briser la lame qu'elle avait jadis forgée d'un coup de masse bien placé. Trois éclats nets en tombèrent. Il pourrait la reforger s'il le souhaitait, mais ce ne serait plus celle qu'elle avait mis au monde, ça lui suffisait.

Une fois le cheval gris attaché à Tril à son tour, elle se hissa en selle pour retourner vers la ville au petite trot.

Dans la cabane insalubre, entre deux bouteilles vides et macérant dans une flaque de liqueur rance, un homme à la tête douloureuse devrait se sortir de ce mauvais pas avec ni plus ni moins que sa bite et ses couteaux.