[Ellipse] Une nouvelle âme au sein du clan | Patience/Viconia/Na'ri

Cela ne faisait pas si longtemps que cela que le groupe partit assister au tournoi de Thaar était revenu à Elda. Et on pouvait dire que le voyage avait eu son lot de rebondissements pour Patience. A l'aller, Na'ri l'avait examinée pour de simples nausées et avait découvert qu'elle portait un enfant. Si elle avait craint que Viconia ne veuille l'utiliser contre son géniteur, la sombre lui avait assuré qu'il n'en serait rien. Mieux encore, elle lui avait laissé entendre que le bébé n'hériterait pas de son statut et serait libre, ce qui était réel un soulagement pour la jeune femme qui commença enfin à apprécier son état.
Au cours de leur séjour, elle avait connu un autre grand bonheur. Celui de retrouver la trace de ses frères perdue depuis quinze an. Circulant au niveau de cellules des gladiateurs, Maszaer l'avait appelée si fort que Sauveur l'avait entendu et avait appelé à son tour. Elle n'avait eu qu'à voir ses yeux si particuliers pour le reconnaître... De là, elle avait pu retrouver ses trois frères de sang mais elle apprit également la mauvaise nouvelle : Serein et leur père n'étaient jamais sortis de l'arène... Elle s'était toujours raccrochée à l'idée qu'ils étaient tous en vie pour garder espoir et elle tomba de bien haut. Car cette nouvelle ouvrait la porte à la possibilité qu'ils ne soient pas les seuls à avoir rejoint Tyra... Et cela lui fut très difficile à encaisser.

Cependant, Patience avait utilisé ses moments de "liberté" -sous le chaperonnage de Maszaer- pour profiter de la compagnie de ses frères autant que possible, même si elle ne vit que très peu Sauveur qui brilla dans les jeux en atteignant les quarts de finale. Avant leur départ, elle demanda à Viconia l'autorisation d'entretenir une correspondance avec eux et sa maîtresse accepta. Ainsi, depuis leur retour, la jeune femme avait déjà écrit plusieurs lettres à chacun de ses frères. Aimé lui apportait un regard extérieur sur ce que Sauveur et Digne pouvaient lui raconter de leurs vies. Il oubliait néanmoins de parler de lui et elle se doutait qu'il taisait quelque chose... Elle espérait obtenir enfin la réponse dans sa prochaine missive. Quant à Courtois, ses messages étaient très courts. Il n'avait jamais été très bavard mais au moins il faisait l'effort d'écrire à sa sœur. Le quotidien de Patience lui semblait bien plus doux à présent qu'elle savait que sa famille était là pour la soutenir, même si elle se trouvait encore loin.
Il n'y avait d'ailleurs pas que les Hadjaoui pour lui venir en aide. Avec son ventre qui s'arrondissait toujours un peu plus, l'organisation de la maisonnée fut revue un peu différemment. Chaque serviteur cédait un peu de son temps à Patience pour l'aider dans ses propres tâches. Il s'agissait souvent de porter de lourdes de charges et nettoyer les cages et enclos, choses qu'elle ne pouvait plus faire sans contraindre outrageusement son nerf sciatique et provoquer des contractions. Ces dernières étaient apparues au cours du voyage de retour. L'été approchant, la chaleur des terres stériles était montée en flèche comparé à l'aller et Na'ri avait dû faire preuve d'attentions toutes particulières pour préserver la jeune femme et le bébé qu'elle portait de la déshydratation. Le trajet n'en avait pas été moins éprouvant et on se dépêcha de faire sortir tout ce petit monde du désert afin que la future mère ne soit pas en danger. Depuis, Patience sentait régulièrement les muscles de son ventre se raidirent durant plusieurs secondes. Cela se passait sans douleurs mais les premières fois avaient été plutôt impressionnantes à ses yeux, surtout dans le contexte du voyage.

Si elle savait que le terme de sa grossesse approchait, il lui était impossible d'en définir précisément la date. Pourtant, celle de la conception était facile à trouver... Cependant, la gestation des humains et des immortels n'étaient pas la même et, au même titre que le sang déterminerait si l'enfant tiendrait plus de son père ou de sa mère, il rallongeait plus ou moins la durée de la grossesse... La rousse savait qu'elle aurait dû accoucher depuis déjà quatre ennéades, mais il n'y avait aucun signe à l'horizon. Alors elle prenait son mal en patience...

Il régnait depuis peu une certaine agitation dans la demeure de la Triumvir. En venant l’aider dans ses tâches quotidiennes, Maszaer avait trouvé Patience assise sur son lit, se tenant le ventre et respirant difficilement. Une contraction douloureuse l’avait réveillée dans la nuit. Ce n’était pas la première fois qu’elle en avait une, c’était régulier depuis leur seconde traversée du désert. Alors elle ne s’était pas alarmée et avait laissé le sommeil la reprendre. Mais elle fut suivie par une autre une dizaine de minutes plus tard. Puis une autre… Cela faisait deux heures que les contractions se rapprochaient par étape. A présent, elle avait à peine le temps de se remettre d’une contraction que la suivante apparaissait, rendant la douleur bien plus difficile à supporter. Le demi-sang était aussitôt allé chercher ses homologues femmes pour prendre en charge la future mère. Elles avaient alors envoyé les hommes faire chauffer de l’eau et rapporter des linges propres. On n’avait prévenu Viconia et, comme souhaité par l’humaine, la prêtresse Na’ri. Il n’y avait aucun besoin de soigneur à première vue mais elle était la seule en qui Patience avait pleinement confiance et l’enfantement lui faisait peur malgré tout… Ca et les intentions de Viconia dont elle ne parvenait pas à être certaine.

Accroupie par terre, deux femmes maintenaient l’archère en position en lui tenant fermement les mains, l’invitant à serrer leurs doigts pour se soulager. Le bébé était là et elle avait commencé à pousser. Sous la douleur, elle sentait son bassin s’élargir et les chairs s’étirer à outrance pour permettre le passage de ce corps pourtant si frêle, provoquant douleur et sensation de brûlure. Tout en poussant, Patience serrait les dents et seuls des gémissements de souffrance accompagnaient ses efforts pour mettre au monde la progéniture de Ryth’ten. Une part de lui… Son dernier cadeau…
A mesure qu’elle voyait son ventre s’arrondir et la date de son accouchement reportée, elle s’était mise à se poser tant de questions au sujet de ce bébé… Qu’aurait-il de son père ? Ses cheveux ? Sa peau ? Ses yeux ? Peu lui importait, elle était juste curieuse et impatiente à la fois. Et effrayée aussi. Quelle femme ne l’était pas lorsqu’il s’agissait de mettre au premier son premier enfant ? Il y avait tant d’inconnues concernant ce qui les attendait. Curieusement, Patience avait imaginé ce moment bien plus solitaire… Avec Na’ri, puisqu’elle le lui avait demandé… Et peut-être une femme ou deux parmi les demis sang pour gérer la logistique. Mais les hommes s’étaient tous activés sous les directives de ces dernières tandis qu’elles-mêmes se dévoluaient entièrement à elle, à la soutenir physiquement et moralement dans ce moment si douloureux, si éprouvant et si beau à la fois…

L’une de ses sages-femmes improvisées guettait la descente du bébé mais elle n’avait pas besoin d’elle pour savoir où il en était… Elle le sentait à chaque étape de sa progression. Elle sentait la circonférence de la tête avancer toujours un peu plus jusqu’à atteindre sa largeur maximale au niveau de son col.
Elle y était presque…
Les contractions s’enchaînaient à un rythme soutenu, ne lui laissant que quelques secondes pour respirer avant de reprendre, la forçant à pousser pour apaiser la douleur de la pression exercée sur son ventre et ses hanches. Sans aide, elle ne tiendrait pas dans cette position…

Et puis, la tête sortit.
Elle poussa encore… et ce furent au tour des épaules. La sage-femme de surveillance recueillit l’enfant dans un linge propre avant qu’il n’atteigne le sol. Elle acheva de le sortir délicatement sous le regard de Patience à la fois heureuse et soulagée. La demie-sang le lui présenta et l’archère lâcha une main secourable pour passer un bras derrière le bébé et venir le serrer contre elle, le prenant dans ses bras sans plus le lâcher. Il était couvert de liquide amniotique mais elle s’en moquait. Elle avait eut si peur que les choses se passent mal et était si heureuse qu’il soit là…

On invita doucement la jeune mère à s’allonger pour se reposer tandis que l’on s’occupait d’elle et du petit.

Oui… C’était un garçon.

On coupa le cordon et on se prépara à faire sortir le placenta bientôt. Pendant ce temps, Patience admirait le bébé qui avait ouvert les yeux et ne la quittait plus du regard, comme captivé. Ses iris étaient grises… Il n’aurait pas les yeux rouges des sombres. Sa peau était claire et non anthracite. Ses oreilles étaient rondes. Sur sa tête, quelques cheveux blancs se battaient en duel. Ce serait donc tout ce qu’il tiendrait de son sang immortel.

Lorsque tout fut terminé, le placenta sorti à l’aide de quelques poussées, la mère nettoyée et pansée et les deux êtres éprouvés bien au chaud sous une couverture, l’atmosphère s’apaisa doucement. Une des demies-sang montra à Patience comment donner le sein et alors commença la première tétée du chérubin, tous deux allongés sur le côté.

-Comment vas-tu l’appeler ?

La rousse effleura le crâne presque chauve de son bébé dont les yeux ne la quittaient plus. Il était si beau… Elle avait tant réfléchi au prénom. Elle le voulait semblable à ce lien qui l’avait unie à Ryth’ten. Semblable à ce dernier moment qu’il avaient passé ensemble et qui lui avait offert ce présent...

-Sincère… Il s’appelle Sincère.

Le travail de la jeune mère fini dans son intégralité, la medecin savoura un instant la paix de la chambre. A présent, elle était complétement incompétente pour les soins du nourrisson. Elle avait juste appris à vérifier les réflexes et à veiller à ce qu'il prenne bien le sein. Mais les autres femmes s'en chargeaient avec joie. Peut être avec un peu trop d'enthousiasme… En effet, elle avait l'impression de voir des papillons se disputaient le pistil d'une fleur.

Alors, sur la pointe des pieds, elle quitta la pièce pour avertir la Triumvir du bon déroulement. Mais avant, elle demanda un repas auprès des cuisines pour la nouvelle mère. Celle-ci aussi avait besoin de reprendre des forces. Et de boire. Il ne fallait pas négliger une jeune mère, lui avait on dit chez ses homologues de Natha… Pendant un instant, la prêtresse les envia. Oui, elle avait aimé aider à donner la vie. En fait non. Elle avait adoré. C'était progressif, presque calme comparé à l'urgence des blessures de guerre. Et surtout tellement plus euphorisant ! C'était des petits évènements comme ça qui redonnait la joie de vivre.
Un instant, elle envisagea de changer de divinité. L'euphorie de la naissance sans heurt.

Alors la sombre quitta la somptueuse demeure pour les quartiers plus confidentiels de l'Etat major. Elle se devait de lui annoncer la nouvelle, bien qu'il serait fort étonnant que la Triumvir ne soit pas déjà au courant. Mais rien de pouvait entamer la bonne humeur de la petite noirelfe.  

Ca prend un moment, mais Viconia finit par arriver. Moins leste qu'à son habitude, la jeune triumvir entre dans la chambre dans laquelle Patience repose avec le bébé. Dans un cliquetis de colliers recouvrant sa poitrine gonflée par la grossesse en cours. Les prunelles vertes brillent de contentement. De quoi aura l'air le gamin?

Tranquillement, ses jupes ondulant doucement sous sa démarche chaloupée, la triumvir s'avance doucement, s'enquiert de la santé de Patience et du petit, enveloppé dans ses langes. Elle ne le voit pas.

Je peux?

Comme si dire non était une option. La jeune drow prend le bébé avec une délicatesse infinie, tasse la couverture du gosse… Il a la peau pâle… l'oreille ronde. Une petite frimousse humaine. Le cheveu blanc. Viconia le berce tranquillement tout en chantonnant. Avant de demander son nom.

Sincère?

Viconia a un sourire doux, tandis qu'elle parle au nourisson. Dans son cerveau tordu, l'idée que ce gamin ne pourra jamais être libre au Puy fait son chemin. Y a t'il moyen de faire en sorte que cet enfant pourra être utile et libre? Il est un petit X'Ianxin mine de rien, peu importe son lignage…

Zniee… Ca sonne bien. Alors, Zniee… J'ai l'honneur de te dire que tu fais partie de ma famille, ta maman et toi. Prend ton temps, grandit et devient un fort et fier sang mêlé. Tant que je serai vivante, personne ne te touchera…

Puis, remettant le nourrisson dans les bras de l'humaine, Viconia a un sourire mutin.

Je te fais transférer tes possessions dans le logement jouxtant les écuries, il est tient maintenant. Et tu aura ton arc. Tu as une Flamme à protéger désormais. Prends juste garde à ce que les visiteurs ne se rendent pas compte que tu es armée. Prends le temps qu'il te faut pour te remettre. C'est un grand jour…

Alors que Viconia lui réclamait de prendre son fils dans les bras, Patience ne pouvait s'empêcher de se montrer réticente. Cependant, au fond d'elle, elle était morte de peur. D'accord, la sombre lui avait toujours assuré que son enfant ne risquait rien mais la jeune rousse avait énormément de mal à croire les membres de cette race sur parole. Elle craignait que ses mots n'étaient là que pour endormir sa vigilance.
Seulement elle n'avait pas le choix, et Viconia le savait parfaitement. Alors elle la laissa prendre Sincère dans ses bras et le porter quelques minutes. A peine la Trumvir sut son prénom qu'elle le traduisit dans sa langue. L'humaine ne dit rien. Elle pouvait bien l'appeler comme elle voudrait, son vrai nom serait toujours celui qu'elle lui avait donné. Le discours que la sombre tint au bébé, en revanche, eut le donc de détendre un peu plus la jeune mère. D'autant plus qu'il se conclut par Viconia qui lui rendait son fils.

Alors elle ne lui avait pas menti ?

Patience posa sur la drow un regard à la fois surpris et méfiant, peinant à croire ce qu'elle avait entendu. Mais la suite lui fit froncer les sourcils. La décision de Viconia de lui rendre ses affaires, y compris ses armes, était incompréhensible. Elle avait toujours été en sécurité jusque là. De qui devait-elle se protéger ? Et depuis quand devait-elle assurer elle-même sa protection alors qu'elle lui avait toujours dit que tout le monde veillerait sur elle ici ? Les phoenix était là pour protéger les lieux, qui pourrait lui faire du mal en ces murs ?
Un simple décision, et tant de questions... A partir de ce jour, Patience ne devrait plus dormir que d'une oreille. Car il était clair désormais qu'un danger menaçait Viconia et, par extension, elle aussi.