[QG C'Nros] Votre avis est important pour nous... (L'Renor)

4e jour, 2e ennéade de Karfias
Dix-Septième année du Onzième Cycle
Chambre Arcanique

Deux gardes, deux Phoenixs et son fidèle Varg. Non pas qu'elle en a de besoin absolument cependant certaines habitudes prises en temps de crise ont la vie dure. Vêtue de son ensemble de travail, c'est à dire un drapé enserrant sa poitrine, sa ceinture de disques dorés ceignant sa taille fine. Ses grandes jupes fluides en voilages rouges et noirs complètent le tableau tandis que les boucles banches sont commodément tressés en une tresse épaisse lui battant le creux des reins. Depuis que Lolri a pris sa retraite, Viconia a des coiffures pas mal plus simple la majorité du temps.  Une mèche rebelle coure le long de sa poitrine.

Le pied nu se pose sur la pierre du C'Nros. Un domaine qu'elle a évité parce qu'il était fief d'un concurrent. Maintenant qu'elle est libre de toute attache, Viconia monte à l'assaut de l'imposant bâtiment sans crainte aucune. Il y a du boulot à faire, il y a des règles à définir pour la régularité de la prochaine course au prime sorcier. De plus, c'est une marque de respect envers la nouvelle dirigeante. En tant que femelle qui a aidé à vaincre Malag, en tant que dirigeante du C'Nros, elle a droit de parole et d'écoute.

Sel'Drin lui a proposé d'attendre l'annonce au grand public, quand ils auront de quoi de plus consistant à leur annoncer. Les dirigeants concernés, par contre, ont le droit d'être mis au courant.

Bonjour, je demande audience auprès de Ditronw Da’re L'Renor je vous prie.


D'un signe, Viconia dit à ses Phoenixs et au chien-ours d'attendre. c'est aussi une preuve de confiance et de respect. Varg, haletant, se lèche les babines et s'assied sur son arrière train. Aussi se fait t'elle conduire vers son ainée, la petite Rose Noire excentrique à la poupée informe... Comment s'appelle t'elle déjà. Dula?

Attendant patiemment d'être introduite, la mage de l'esprit s'accorde sur la mélodie de sa vis à vis quand elle entre. Les oreilles aussi droites que son maintien, les prunelles d'émeraudes rougeoyantes se posent, ni trop amicaux, ni agressif sur son hôtesse, la détaillant aussi rapidement et efficacement que l'autre femelle le fait. Notant les différences, les similarités.

Merci beaucoup Ditronw Da’re pour me recevoir à la dernière minute.

« Viconia attend à l’extérieur, Ditrown ».

Un petit sourire s’élargit sur le visage enfantin, et d’un signe de la tête donna son approbation. Ainsi donc, la toute jeune triumvir avait trouvé le chemin de son bureau. Eh bien ! Elle se devait de la recevoir céans ! Un regard mutin, l’œil luisant d’une malice malsaine, elle s’affaira un instant à remettre de l’ordre sur la table. Elle dissimula avec flegme ce que la petite n’avait pas besoin de voir, et préféra plutôt glisser à ses mirettes curieuses ce dont la Rose Noire estimait nécessaire. Il était de bon ton de faire venir de quoi se sustenter, mais elle n’en donna point l’ordre ; non pas qu’elle désappréciait la Prima, mais plutôt que cette dernière lui était indifférente. Sans d’autre avis que leur brève rencontre le jour de sa nomination, elle préférait que la trium ne s’attarde guère en ces lieux. Il était toujours préférable d’éviter l’ingérence au sein de son institution ; aussi veillait-elle à n’inviter personne qui aurait pu influencer son ordre.

Et malgré l’humeur curieuse, la Thaumaturge ne pouvait se résoudre à ne pas appréhender cette visite impromptue : car là où trainait les limiers arrivait la merde. Elle avait vécu assez longtemps pour s’en être aperçue, et se targuait même d’avoir réussi à tromper Teiweon elle-même en évitant les situations les plus ambigües. Mais là ! Déjà se trémoussait devant elle la brave petite. Affichant une mine affable, elle l’invita du geste de la main à s’asseoir en face d’elle. Les yeux verts de son invitée surprise laissait entrevoir la fatigue et la détermination. Un étrange mélange qu’elle ne pouvait que comprendre : propulsée à des responsabilités pour lesquelles elle n’avait jamais été préparé, la petite Viconia essayait de tenir coup. L’Renor s’intéressait fort peu à la gestion politique, mais elle s’imaginait assez la cadette perdre de l’énergie dans des missions infructueuses – ou non.

« Si je ne vous avais ouvert, vous auriez trouvé le moyen d’entrer par la fenêtre n’est-ce pas ? ». La boutade avait été dit avec humour, mais les prunelles andrinoples, elles, ne souriaient pas. Comme les enfants, Viconia devait avoir l’habitude d’obtenir ce qu’elle voulait. A moins qu’elle n’ait grandit plus que la mage ne semblait le croire ? « Mais là Sesmika ! Que me vaut votre agréable visite ? ».

Son menton reposait sur le dos de sa main, l’œil malicieux et un sourire taquin toujours flanqué sur ses lèvres closes. Elle l’écouta discourir sans grande attention, prêtant plus d’importance au son mélodieux et à la longue crinière que ce qu’elle lui rapportait là. De toute façon, il ne s’agissait guère plus que des amabilités, et la jeune triumvir ne rentrait pas encore dans le vif du sujet. Alors, ma Douce, pourquoi viens-tu jusque dans ma tanière au risque de te faire croquer ?. Un ricanement sinistre se répercuta dans son esprit alors qu’elle visualisait fort bien la dentition parfaite de son Monstre. Là, elle tentait vainement de détourner ses pensées de la Chose, préférant s’accrocher aux détails de plis de sa tenue, à la gestuelle assurée mais malhabile de son invitée. Elle avait sans doute aucun fait un long chemin depuis leur dernière rencontre ; loin des pénates de son Culte, soutenue vaille que vaille par l’Etude Noire, elle avait avancé malgré les marées réprobatrices.

L’Renor, bien loin des préoccupations de ses confrères, était plutôt restée en retrait, observant l’avancé et le recul de chaque pion de ce nouveau pouvoir en place. Attentive aux jeux politiques, elle suivait sans un mot les déboires et les victoires. Et bien que seul le Feu d’Uriz l’ait sollicité, les virements et revirements du triptique l’avait beaucoup amusé. Jamais elle n’aurait cru que le Géant puisse s’en aller si peu de temps après son intronisation, de même qu’elle n’aurait pas mis un sou sur la brave Viconia. Mais à en voir le résultat, force était d’admettre qu’Urgoll était un garçon fragile tandis que son homologue, elle, avait tenu bon. D’ailleurs, elle avait écouté avec circonspection et un certain plaisir ce que l’on racontait dans les couloirs de l’Elda.
Oh Dula, crois-tu seulement qu’elle l’aimait ?

Elle eut bien du mal à ne pas se retenir de glousser. L’amour était un aveu de faiblesse et pour sûr elle ne le concéderait jamais. Sa langue caressa ses lippes avec gourmandise. Son humeur était bonne, peut-être trop pour paraître honnête. « Il me plaît à entendre que vous ne venez pas ici interférez dans mon institution, même si je vous céderai volontiers quelques travaux », un regard appuyé vers la pile de papiers à sa gauche suffit à ajouter de l’emphase à sa boutade. « Et si vous souhaitez mon avis sur quelques sujets, croyez-moi bien que je serais ravie de les donner ». La mine vraiment affable, sa bouche scindait presque son visage enfantin en deux tant elle était étirée. Elle devrait se méfier, oh oui Dula, elle le devrait. Pauvre petite chose. « Mais chaque chose à un prix, et j’entends bien réclamer le mien, un jour ». Dans un petit éclat de rire, la Ditrown Da’re ne bougea guère, la main soutenant toujours son menton, plantant ses prunelles vivaces dans celles de son interlocutrice.

 

 

Méfiante? Viconia l'est. Elle suit chaque mimique, chaque posture, chaque parole, chaque intonation de la Ditrown Dare. Dans une économie de geste redoutable, Viconia contrôle chaque parcelle de son corp et de ses expressions comme elle le fait depuis deux cents ans.

L'émeraude rougeoyant du fier visage se plante dans les prunelles andrinoples de L'Renor. C'est un jeu qui peut très mal tourner. Lui faire payer quoi au juste le service que Viconia lui rend en entendant sa voix comme sa charge l'exige?

Les lèvres noires s'étirent en un charmant sourire tandis que de quelques centimètre, L'Enchanteresse se penche vers La Rose Noire comme pour une confidence.

Nous ne nous sommes pas beaucoup côtoyées durant les siècles et votre réputation vous précède. En tant que Triumvir, je vous épargne le blablatage sur ma charge…  je le sais, vous le savez… Viconia a un léger rire… Pourtant il faut sans cesse le rappeler. C'est navrant comment les gens oublient vite…


. Pourtant, le C'Nros est toujours resté muet. Ce que je respecte. Par contre, votre voix, vos opinions n'ont pas de prix autre que celle de mon écoute, de ma prise en considération et de la satisfaction de vos besoins, dans la mesure des ressources disponibles de la cité. J'ai déjà dit à quelqu'un d'autre qui voulait que je sois débitrice qu'il n'y aura aucun prix payé qui ira au détriment de l'Eda Vengeur, de la cité d'Elda ou de moi-même. Par ma charge même, avoir mon oreille vous garanti une rétribution bien conséquentes. Vous êtes consciencieuse, je sais que vous devez m'avoir surveillée. Vous m'avez vue aller. Les actes pèsent pas mal plus que ces faibles paroles que vous entendez aujourd'hui.

Elle ne risque pas grand chose, le trois quart du Puy doit l'avoir regardée ces dernières années.

Par contre, avant d'agir, je me dois de parler et d'écouter. Il y a eu irrégularité pour la course au Prime Sorcier je ne vos apprend sûrement rien. Vous pouvez rester muette quand à la nouvelle course mais ca serait à votre désavantage. Restez muette aujourd'hui et vous en serez bien marri demain. Parlez aujourd'hui et le Prochain Prime Sorcier pourrait bien être à votre convenance demain.

Dans un cliquetis de colliers, Viconia se penche et prend la même posture que L'Renor, ne la lâchant pas du regard.

La mélodie de la dirigeante du C'Nros la fascine. Ses oreilles fines se tournent vers la petite drow, attentive, l'oeil vert est alerte, amical sans trop l'être, sans défiance. Plutôt, elle la regarde comme on regarde quelque chose de mystérieux et d'intriguant. De quel autre prix pourrait elle bien parler? Celle qui a marqué maitre Kahvekah, la maitresse jalouse…

un sourire engageant flotte sur les lèvres de Viconia

Elle gloussa, toujours un rictus de plus en plus malsain accroché au visage. Elle ne bougeait pas, bien heureuse que la petite chose ait encore un peu de répondant ; pas encore assez, mais tout de même. La langue restait cloitrée derrière ses dents tandis qu’elle la détailla avec délice. Il est bien dommage qu’elle ne soit point venue plus tôt. La Prima était une bien bonne distraction, et Shyn’tae lui manquait assez pour accorder à la brave triumvir autant de temps qu’elle le souhaitait. Par quelques égards, les deux jeunettes se ressemblaient. Toutes les deux parlaient bien trop pour paraître tout à fait crédibles, et pourtant chacun d’elle cachait un grand potentiel qui ne demandait qu’à éclore. Va-t-on jouer ?. Une seconde vague de gloussement finit de répondre à la question intestine.

« L’Elda est mon seul intérêt, Sesmika ». Elle marqua une courte pause avant finalement de se lever, contournant le bureau pour s’asseoir sur son rebord, à un pas d’elle. Son attention toujours portée sur la jolie eldéenne, elle croisa les bras doucement. « Mon expérience m’a appris très vite qu’ici il y a toujours un prix à tout, qu’on le veuille ou non ». La Rose Noire avait prononcé ces mots avec douceur mais de façon à ce que la phrase ne puisse souffrir d’aucune contestation. « Je payerai moi-même quelque chose en vous révélant ce que je pense. Et vous, que vous le souhaitiez ou non, vous resterez tributaire de ce que je vous dirai, quelle que soit votre décision ». Elle pourlécha ses lèvres avec envie, laissant le temps s’abimer quelques secondes dans un silence qui n’avait rien de gênant. « En m’impliquant d’une façon ou d’une autre, vous m’ôtez la chance de voir toutes mes dettes payées ». Lentement, avec délicatesse, elle lui posa une main sur la sienne. « Il serait donc juste que vous m’aidiez à les rembourser un jour. Mais là ! N’ayez crainte Sesmika, je vous promet qu’il ne s’agira en rien d’une chose compromettant votre statut ici ». Ses dents brillèrent un peu lorsqu’elles se dévoilèrent dans une bouille franchement carnassière. L’Renor se pencha en avant, jusqu’à son oreille et lui murmura tout bas : « Je dois bien avouer que vous m’avez assez impressionné ».

Reprenant sa posture, elle dégagea une mèche de sa figure. Voilà une bien drôle d’entrevue. « Par ailleurs, je pourrais tout aussi bien parvenir à soutenir mon candidat favori sans votre aide. Il serait plus simple, en effet, d’avoir recourt à votre sagesse mais ce n’est jamais qu’une solution. Et, si je puis me permettre, vous devriez ne jamais l’oublier ; ceux qui ont négligé les alternatives ne sont jamais restés vivants bien longtemps ». La dernière affirmation tranchait parfaitement avec l’air guilleret qu’elle se donnait. Et si tôt la phrase prononcée, elle tapa doucement dans ses mains avec entrain. « Alors, maintenant que les choses sont dîtes, racontez-moi cette sombre histoire avec votre point de vue. Je tenterai au mieux de vous éclairer ».

Ce jeu, ce putain de jeu… Les double sens, les allusions, les menaces implicites… Viconia ne réagit pas encore pour le moment, se contentant de se redresser le temps que L'Renor fasse le tour de son bureau. Un bref instant, elle pense à Maitre Kahvekah. Même façon de vouloir être le plus avantagé possible, de vouloir placer l'autre dans une position inconfortable, avoir le pouvoir sur le pouvoir….  

Le murmure à ses oreilles, la main sur la sienne… Un beau Démon sous couvert de gamine se dévoile ainsi à Viconia… Se méfier encore plus…

Les prunelles d'émeraudes s'animent, prennent une teinte forestière quand la Ditrown initie le premier contact physique. Caressant doucement sa mèche blanche d'un air absent, l'Enchanteresse attend la fin de la tirade de la Ditrown avant de déplier ses jambes interminables Dans un cliquetis de colliers, la jeune drow se lève et va se placer devant L'Renor.

Les prunelles d'émeraudes sont intense, hypnotiques. Les lèvres noires s'ourlent en un charmant sourire. La voix mélodieuse se fait basse, confidentielle tandis qu'elle prend les deux petites mains de La Rose Noire dans les siennes, en une étreinte douce et chaude…

Si j'avais négligé les alternatives, je ne serais pas encore en vie pour vous parler aujourd'hui… Je ne suis pas ici pour impressionner ou pour mon statut personnel… Je suis ici parce que, comme vous, je place la cité d'Elda avant ma situation. Je vais me retirer de la course au Prime Sorcier parce que l'Eda Vengeur, justement, a besoin de moi vivante. Il n'est pas question ici de moi comme vous pouvez le penser, mais du meilleur choix possible pour la pérennité et la stabilité de l'Eda Vengeur… Choix dans lequel VOUS avez droit de parole.

Elle se penche un peu vers L'Renor, son tour de lui souffler à l'oreille.

J'aurais pu tenter de lui arracher le siège de force… Mais il y aurait eu encore des Morts… Dont la mienne probablement. Quel avantage pour la cité, pour notre peuple? Une guerre civile ici pendant que le siège se déroule plus ou moins calmement à Sol'Dorn serait une catastrophe.

Comme Myr'Hennis lui a si bien appris, se rendre indispensable.  Brûler certains documents et garder le tout dans sa tête. Ce qui la rend moins vulnérable en un sens, parce qu'essentielle. Et elle ne s'en cache pas. Pourquoi le ferait t'elle? Le Savoir c'est le pouvoir.

Certains savoir, informations sur l'Elda essentielles aurait été définitivement perdues. La stabilité de notre peuple compromise et je ne crois pas que le Feu d'Uriz en aurait été bien aise… Oui, les alternatives j'y ai vu

Un léger souffle chaud sur l'oreille de L'Renor. Un murmure suave

Toujours impressionnée? Je sais, je parle trop…

Viconia se recule un peu, donnant de l'air à sa comparse. Ce petit jeu peut se jouer à deux. Il y a deux plans qui se jouent en ce moment… D'abord régler les affaires.

Elle l’écoutait distraitement, glissant une œillade chaude lorsqu’elle s’approcha. Pour sûr, elle avait vu les changements, observés l’ascension douce mais certaine de la jeunette. Pour autant rien ne lui était acquis. Elle ne demeurait ici que parce qu’on le voulait bien, et pire encore, l’Elda assagit – ou lassé – pouvait s’éveiller à chaque instant pour renverser le triumvirat affaiblit. Sans Urgoll, avec le Feu d’Uriz partit au loin, il ne restait au sein du Vatna que l’inexpérience et la désinvolture de la jeunesse. Et cela lui plaisait. C’était un jeu dangereux auquel dans lequel s’épanouissait Viconia, terriblement dangereux. Pour autant, ni la Rose Noire ni même le C’nros n’était prêt à s’engager dans la vie politique : trop complexe et éreintante, ces manipulations plus ou moins avisées affaiblissaient la force et la volonté du peuple. Pire encore : privé depuis des années de chef des armées, ces dernières ne tenaient que par la simple vacuité d’ambition de ses dirigeants. Chaque Obok se contentait d’observer, mais le calme ne durerait pas, elle en était certaine. Le calme ne dure jamais.

Son parfum était enivrant, à mille lieux des souvenirs qu’elle en avait. Elle était brûlante, allumée de la même envie que son Aspirante. C’était cela qu’elle appréciait dans cette génération : ils avaient la fougue qui manquait aux anciens. Et puis, n’était-elle pas le disciple de Kahveka ? Ce dernier avait évoqué laconiquement leurs entrevues, sous le couvert de leurs rencontres bien trop rares ces derniers temps. Uriz sait combien il rirait en apprenant que l’Effrontée s’était pointée dans son antre ! Et Aertsab mêlerait son éclat de rire au sien. Comme ils avaient l’habitude de le faire, depuis des siècles. Un voile de tristesse traversa ses pupilles en pensant que son invitée ne connaîtrait certainement jamais la chance d’avoir un véritable allié, une amitié sincère comme elle entretenait elle-même. On l’avait privé de cette chance au moment même où elle avait été promue dans l’effervescence. En souffrait-elle ?

Et à la dernière remarque, elle ne put s’empêcher de rire avant d’acquiescer. Pour sûr, elle jacassait comme une débutante ! Mais L’Renor était bien mal placée pour en juger : d’un caractère plutôt taiseux, elle n’entretenait que de rares conversations – et seulement quand ces dernières se montraient digne de son intérêt. Le muscle de sa bouche s’en alla caresser doucement une canine une fois l’hilarité dissipée.
« L’Elda me surprendra toujours. Il vous a laissé vous en place, alors même que rien ne le retient de réclamer votre siège. Ne vous y trompez pas : vos stratagèmes, vos alliances, votre dévouement n’y sont pour rien ». La froideur des mots, tranchant comme une lame, jurait avec la parfaite expression conquise de la Ditrown Da’re. « De la fatigue, ou simplement un manque d’intelligence, qui sait. Personne ici n’est irremplaçable, quand bien même vous emporteriez avec vous quelques secrets. Pas même le Feu d’Uriz ». Elle s’étira lentement, laissant craquer ses omoplates dans un geste volontairement lent. « Prenez bien gratuitement ce conseil Sesmika ; je vous l’ai déjà appris, ici tout à un prix. Et le jour où l’Elda s’éveillera à nouveau et réclamera son dû, oui ce jour-là vous aurez bien intérêt à ce que chaque membre qui vous entoure ait une dette à vous payer ». Sa voix fluette et calme emplissait l’air avec gravité, comme si chaque mot portait un lourd fardeau. « Ce qui compte réellement ce n’est pas que vous soyez irremplaçable, mais que vous teniez chaque âme autour de vous en laisse ».
Elle expira en fermant les yeux, ses mains orphelines retrouvant le contact réconfortant du bois. « Toute la difficulté est qu’aucun ne doit voir ces chaînes, jamais ». A cette instant, lorsque ses paupières s’ouvrirent à nouveau, l’on pouvait comprendre la peur qu’inspirait la dirigeante.

L'oeil de velours de Viconia ne lâche pas L'Renor une seule seconde. Les mimiques, les craquements, le double sens, les conseils… Tout est engrangé. La mage de l'Esprit a une mémoire exceptionnelle et, sans le vouloir ou totalement à dessein, la dirigeante du C'Nros lui donne d'autres armes avec lesquelles jouer.

Tout a un prix… Les eldéens affectionnent particulièrement quand le prix payé est le sang et la Flamme d'un de leur pair. Les secrets. Le chantage. Les complots. Les meurtres. Il y a beaucoup de sang qui jalonne son parcours. La Rose Noire en a certainement conscience. En son fort intérieur, Viconia se dit que les chaîne les plus invisibles sont les plus efficaces. Encore plus quand la personne au bout de la chaîne ignore qu'elle est enchaînée. Elle reconnait des traits de caractères semblables à ceux de Kahveka et les paroles de la Ditrown Da'Re ne tombent pas dans l'oreille d'une sourde.

Elthiriel faisait souvent marchandage de faveurs… Une vie contre un petit service… A définir ultérieurement… Maitre Kahvekah a tenté la même approche.  Il y a une chose, ou plusieurs chose que la Rose Noire ne sait pas cependant. Et Viconia sera bien la dernière personne à le lui dire aussi. Elle aussi a déjà commencé ce petit jeu, discrètement, en toute intimité. Une toile ne se tisse pas en un jour. Et des chaines invisibles ne se forgent pas en un instant. Par contre, elle a tout son temps.

Lorsque L'Renor ouvre les yeux, le regard effrayant, la mage de l'Esprit ne lui oppose que des mires d'un émeraude rougeoyants de fascination en réponse. La drow devant elle est plus âgée, les variations de sa musique la fascine et Viconia se dit qu'elle aurait beaucoup à apprendre d'elle. Non pas des évidence qu'elle lui assène et que la triumvir ait semblant d'entendre pour la première fois. Non, le fond plus sombre qu'elle pressent chez sa vis à vis.

Un problème à la fois. D'abord l'Eda Vengeur, d'abords la stabilité de la cité. Quand ses pairs s'ennuyeront, alors il sera temps de tirer sa révérence. La beauté de la chose quand on vit longtemps, c'est qu'on peut éventuellement avoir plusieurs vies à vivre et Viconia a déjà ses alternatives en tête.

Votre infinie sagesse n'est pas tombée dans L'oreille d'une sourde. Y a t'il, déjà, un acompte à payer pour avoir accès au reste de votre infini savoir?

Susurre Viconia d'une voix douce, respectueuse, dans laquelle n'entre aucune crainte. Un léger sourire en coin tandis qu'une main fine aux longs doigts écartent la mèche rebelle qui cache un de ces yeux meutriers, yeux dans lesquels, après avoir dressé ses remparts mentaux pour ne pas se laisser envahir par la mélodie fascinante de sa pair, les joyaux verts se plongent sans fard ni crainte.  

Forger une chaine, certes… Il restera ensuite à savoir qui aura la clef de la dite chaine au final. Etape un, décrypter l'énigme L'Renor.

La si plaisante conversation eut tôt fait de finir de distraire la Rose Noire de ses prérogatives. Et malgré sa méfiance muette, elle ne pouvait se résoudre à congédier si tôt reçue sa notable invitée. En vérité, Viconia l’intriguait ; sa brûlante jeunesse semblait lui avait lui avoir donné quelques facilités qu’elle lui reprendrait tôt ou tard. Mais jusque-là, elle n’en demeurerait pas moins fascinante. Si personne ne venait contenir ses plans et son ambition, alors la petite pourrait bien percer assez de défenses et de cœurs pour s’assurer une prospérité relative. Et si l’idée d’un Elda stable ne la laissait point de marbre, la Sanglante restait prudente sur la capacité de la Prima à assumer seule – ou presque – une si grosse charge. Et bien que l’avenir de son peuple, à l’image de sa Maîtresse, lui importait le plus, elle n’était pas encore décidée à agir dans un sens ou dans un autre. Plutôt, reposant sur son expérience, elle se renseignait, épiait avec discrétion et analysait ensuite tout cela.

Elle ne la sous-estimait pas. Elle n’avait pas encore la force nécessaire pour s’imposer ici, et n’attisait pas encore assez de sympathie auprès des citoyens pour s’en sortir indemne. Les hautes instances lui étaient au mieux égales ; aucun n’avait intérêt à mettre un nouveau coup de semonce maintenant, laissant l’entièreté du Vatna dans une étrange dormance. Au dehors pourtant L’Renor avait pu sentir les quelques tensions – pas forcément à destin de la jeunette -, mais les plaies étaient toujours ouvertes. L’enchaînement des défaites, la défection du triumvirat et la trop prompte nomination du nouveau laissait coi quelques-uns des habitants. Et si elle-même n’avait pas été présente ce jour-là, si elle n’avait pas ôté la vie de son prédécesseur de sa main, alors elle aussi peut-être ne serait pas plus assurée quant à cet étrange trio.

Par ailleurs, l’absence du Géant avait laissé un vide béant que ni les efforts de Viconia, ni la distance de Krish ne saurait réparer. Et même s’il lui coûtait de l’avouer, Urgoll était certainement la clef de voûte qui maintenait en place l’ordre et la raison. Fort de son expérience, homme ayant connu à la fois les combats et la dévotion, il était certainement plus à même de comprendre ses pairs que l’Emeraude ou le Feu d’Uriz. Voilà ce qui manquait aujourd’hui à l’Elda : une unité. Et sans s’adoucir pour autant, l’Hôte exécuta un maigre sourire en attrapant fermement mais avec lenteur le poignet de la cadette.

« Pas d’arres pour l’heure. Il viendra un temps bien assez tôt pour payer vos dettes envers le C’nros. Posez vos questions sans crainte Viconia X’Ianxin et je tâcherai d’y répondre avec le plus de justesse possible ». Elle marqua une pause, laissant son interlocutrice digérer chacune de ses syllabes. « Toutefois ne prenez pas ce geste pour acquis. Nos intérêts sont similaires maintenant, mais rien ne garantis que cela soit le cas demain ». Puis, elle lâcha sa prise pour élargir son rictus aimable. « Alors je vous écoute ».

La frimousse de la Sanglante se plissa dans un rictus amusé. Elle l’écoutait avec attention, confortablement appuyé contre son bureau. Là, sur son perchoir, elle analysait prudemment chacune des révélations de la Triumvir. Ce n’était pas un engagement à la légère, et bien que le pouvoir du Prime Sorcier restait tout relatif au sein de l’institution depuis des années, elle savait que l’Elda avait besoin de retrouver ses piliers. Et par-dessus tout, son peuple avait besoin de plus de sureté que ce qu’offrait le duo naufragé. Alors, respirant calmement, elle réfléchissait à celui qui servirait le mieux ; car au-delà des affinités personnelles, L’Renor attachait bien plus d’importance aux compétences de chacun. Si bien qu’une personne mise à la bonne place serait vingt fois plus productive qu’une autre placée là par erreur. Elle manqua de glousser à cette pensée. Elle doit encore faire ses preuves, Dula. Patience, oh oui, patience. Elle nous surprendra peut-être ?.

Sa langue vint caresser ses canines avant de claquer doucement. « Ce n’est pas la première fois qu’une lutte pour le pouvoir fait couler le sang. Réfléchissez, Sesmika à votre propre nomination ». Elle l’avait dit avec détachement, sa voix innocente s’envolant bien au-dessus du poids des mots employés. Elle ferma les mirettes un bref instant avant de les replonger dans ceux de la sa silencieuse invitée. « Vous savez, le Prime Sorcier n’a pas grand pouvoir ici. Nous répondons – et ce depuis des siècles – d’avantage au Karliik ». Ses yeux vibrèrent de malice avant de se muer d’une tout autre intensité. « La personne idéale sera celle capable de vous tenir tête ». Ses dents se dévoilèrent dans un large sourire carnassier. Terrible. « La stabilité d’un pays ne peut reposer sur les épaules de ses têtes couronnées. Car il arrivera un moment où vous vous fourvoierez. Et ce jour-là, l’Elda Vengeur aura besoin d’un Prime Sorcier sage et clairvoyant ».

Elle n’ajouta rien, laissant le silence s’installer. Pour sûr, il y avait peu de chance que ces révélations plaisent à celle qui aspirait à toujours plus de contrôle, mais la Ditrown Da’re avait promis toute franchise. Et – elle en était persuadée -, la jeunette en avait grand besoin. « Et, si je puis me permettre, votre retrait est certainement la plus éclairée de vos décisions. Vous n’auriez pas eu les épaules pour porter ce poids-là, et vous vous seriez exposer inutilement aux coups de semonces ». Sa main se posa avec douceur sur son épaule dans un geste sympathique. Quoique les mots étaient durs, la Rose Noire gardait cette bienveillance que lui inspirait la Fougueuse Jeunesse. « J’aime peu la politique Sesmika, mais il y a une chose que votre Maître a dû vous enseigner : n’offrez jamais à votre adversaire l’opportunité de vous abattre ».