C'est bien sympa tout ça mais quand est-ce qu'on mange? [Elia]

Troisième ennéade de Karfias 17 : XI

Myr’Hennis n’aimait pas marcher dans les rues de Thaar, il y avait bien trop de gens et tous ces gens il ne voulait pas les voir, c’était pour éviter la plèbe que l’architecte ne quittait que rarement l’Etat-Major ou le Prime Quartier et ce jamais sans sa garde presque au complet mais là sa garde était restée au Puy alors il devait y aller seul. Enfin pas tout à fait seul vu qu’il était accompagné de quelques esclaves mais bon, ils ne comptent pas alors Myr’Hennis était bel et bien seul dans ces rues bondées. Et il voulait en sortir le plus vite possible avant qu’un passant n’ait la mauvaise idée de tâcher sa toge noir brocardée d’argent ; une toge qui valait bien plus que la vie d’un de ces misérables qui avait la chance de marcher si près du Grand Architecte du Puy d’Elda. Malgré la foule il appréciait tout de même sa promenade, le quartier avait beau ne pas être aussi riche que les Soiries, l’architecture laissait clairement à désirer, mais ça lui était suffisamment étranger pour qu’il puisse s’étonner d’une poignée de choses. N’étant pas bien loin du Marché Libre il pouvait entendre les rugissements de certaines créatures visiblement massives et des gens criant des sommes d’argent dans l’espoir d’obtenir un esclave qui, il semblerait, valait le détour. Cependant Myr’Hennis ne fit pas ce fameux détour et continua sur son chemin qui commençait à se faire de moins en moins bondé au fur et à mesure qu’il s’éloignait du Marché en question ; ce qui ne faisait jamais de mal parce que c’était plus simple de marcher lorsqu’il n’y avait pas des gens de partout et puis il y avait moins de personnes pour le dévisager vu qu’il sortait très distinctement de la foule du haut de ses deux mètres dix-huit.

Une fois qu’il arrivait aux rues enfin désengorgées il tomba très vite sur l’échoppe qu’il recherchait. Il entra sans frapper, se baissant pour éviter de se cogner la tête avec le linteau de porte et trouva un humain derrière un comptoir. L’humain en question, visiblement jeune lança un regard surpris au nouveau venu dans sa boutique.

« Bonjour, je peux vous aider ? »
« J’ai une commande qui attends ici depuis… près d’un an. »

Les yeux du jeune homme s’agrandirent en se rappelant la description que son père lui avait fait de leur plus fidèle client car même si le client en question ne venait que très rarement, la dernière fois devait remonter à cinquante ans, il commandait régulièrement et surtout payait très bien et sans faute.

« Oui monsieur Vect, elle est toujours là… j’ai bien essayé de l’envoyer à Sol’Dorn mais l’intendance a refusé à chaque fois et… » le drow leva la main pour faire taire l’humain.
« Où est-elle ? »
« Dans la réserve. » Répondit-il en cherchant un trousseau de clé sous le comptoir. « Suivez-moi. »

En réalité Myr’Hennis connaissait déjà le chemin, l’endroit n’avait pas tant changé depuis qu’il était venu et bien vite on lui présenta le monolithe de marbre noir qu’il avait commandé, il l’observa quelques instants avant de demander à ce qu’il soit déplacé dans l’atelier mitoyen. Il aurait pu le faire ramener au Palais d’Argent mais ç’aurait ruiné la surprise alors un des esclaves qui l’accompagnait lui tendit la sacoche qu’il portait et l’architecte en sortit ses outils pour commencer à sculpter. Les premières heures il les passa à dégrossir la pierre jusqu’à ce qu’enfin des blocs tombent pour révéler une forme humanoïde.

Le soleil était à son zénith, illuminant la capricieuse Thaar. Heureusement, le vent marin de l’Olienne vient apporter la fraicheur à l’intérieur de la Cité. Ainsi, pour la majorité des marchands de Thaar, la fraicheur provenant de la mer était une occasion en or pour faire le commerce. Rapidement, la foule s’agglutinait.

Bien entendue, je profitais de cette occasion pour quitter le Palais pour m’enfoncer à l’intérieur de la cité à la recherche de dernière trouvaille ou de curiosité à assouvir. Il y avait tant de chose à apprendre, de rencontre à se faire ou des choses à se mettre sous la dent. Mais, c’était l’occasion de voir une amie pour devenir son modèle vivant pour ses travaux.

 Bien entendue, il était hors de question que je sois habillé comme une chiffonnière. Ainsi,Je portais une brassière moulant le haut du corps de couleur pourpre, dénudant légèrement le bas ventre et les bras. La brassière était suivie d’un sarouel avec un tissus très fin pour laisser passer la chaleur. Autour de ma taille. Le reste du drapé était resserré par plusieurs bracelets. Un pan de tissu me couvrait une épaule, retombant jusqu'à la chute de mes reins, où l'accrochait une épingle. Divers bracelets et bijoux viennent donner une touche personnelle à son ensemble créant un ensemble harmonieux.

Joshua et moi quittions les Soieries pour se diriger dans la maison de mon amie Asha. Nous traversions le marché libre apercevant les marchands affiliés de Maralina en train de vendre leurs plus belles prises. J’en reconnues quelques-uns mais je ne portais pas une réelle attention. Je ne souhaitais pas les parler. De plus, l’endroit était nauséabond, bruyante et remplie de misérabilité. Pourtant, à cet endroit, ce commerce était le haut lieu de Thaar. Ici même, Maralina prospérait par son commerce d’esclave. Ca serait impensable pour la Péninsule ; elle est commune et culturelle à Thaar. Le choc culturel était bien là, mais, j’avais appris à accepter ses règles et m’habituer. Finalement, je finissais par m’habituer avec une certaine distance.

Nous sortions du marché libre pour s’enfoncer dans les quartiers populaires. Je me dirigeais dans un petit quartier où les artisans et artistes y prospérer. Dans ce même quartier, l’atelier de ma Maitresse d’art étaient présente. La maison d’Asha était à quelque mètre. Quelques minutes de marches, nous arrivions devant l’échoppe. Je me tournais vers Joshua.

« Tu es libre, je ne vais t’imposer de m’attendre dans l’atelier. Ça risque d’être long. » disais-je avec compassion.
« Comme d’habitude, tu viens me retrouver salon de Thé. » désignant du doigt la maison de Doucechaleur. « Sinon, je t’attendrais à l’intérieur de l’échoppe quand j’en aurais marre »
« Comme tu veux. Allez va » terminais je avant de voir Joshua me gratifier d’un sourire et de disparaitre dans le salon. J’en étais certaine qu’il va retrouver sa petite Misha…. Petit coquin.

A l’intérieur de l’échoppe, le frère s’Asha derrière le comptoir était plongé dans sa lecture. Il leva la tête me regardant de bas en haut. Il répéta la même chose plusieurs fois. Il était clairement en train de se rincer les yeux. Lorsque nos deux regards se croisèrent, je fis un petit sourire en coin. Tout de suite je le vis gêner, ne sachant plus où se mettre.

« Je fais comme si je n’ai rien vue » dis-je avec amusement «  Asha est là ? »
« Mh….elle n’est pas là. Elle a des obligations.  Elle rentrera peut-être dans pas longtemps. »
« Je l’attendrais dans l’atelier. Si tu ne vois pas d’inconvénient. »
« Bien, mais, il y a un client dans l’atelier. Essaye, de ne pas trop le déranger. »
« Ne te fais pas de soucis. Je ne vais pas m’ennuyer à l’attendre. »

Il m’ouvrit le rideau pour me diriger dans l’atelier. Une fois à l’intérieur de l’Atelier, je m’asseyais sur un grand canapé, légèrement usée par le temps mais confortable. En face de moi, j’aperçut le fameux client. Pour un drow, il m’avait l’air très grand. De plus, au niveau de son habillage, il ne ressemblait pas à un Doeb. Les Doeb s’était mêler à la culture Vaanie.  C’était facile de supposer que cet homme en face de moi était vraiment un elfe de cette lointaine cité du Puy. Je sortis de ma bandoulière mon carnet, suivit de la plume et mon encrier. J’ouvris le carnet pour arriver à une page vierge. Rapidement, je commençais à le regarder brièvement avant que les premier traits dessines la première forme de l’homme.

« Pardonnez moi, sans vous déranger. Mais, vous êtes un homme de cité de Puy ? Aux vues de votre style, vous ne ressemblez pas du tout à un Doeb. Je me trompe ? »

Il n’aimait pas sculpter en portant une toge simplement parce que la sculpture était un métier bien plus salissant qu’il ne pouvait le laisser présager. Dans sa villa il se serait simplement changé mais il n’était pas chez lui et puis il n’avait pas amené de vêtements de rechange, en effet il se trouvait dans un endroit où il pouvait être vu et donc il ne pouvait pas se permettre d’être vu mal apprêté. Alors il avait mis un vêtement noir pour que ça se voit moins mais pour qui a l’œil un peu exercé, ou alors passe plus de trente secondes à regarder le grand drow, il était facile de voir la poussière en quantité impressionnante qui était restée figée sur le vêtement de Myr’Hennis ; assombrissant au passage sa peau d’un gris cendré. Etant donné qu’il portait déjà du noir sculpter une pierre tout aussi sombre n’aurait pas dû poser de problème mais voilà : le marbre noir est le négatif de sa version blanche et a donc des veines de la couleur opposée alors la poussière noire qui s’accrochait à ses vêtements étaient constellée de blanc. Ces petits îlots blancs dans un océan e ténèbres brillaient parfois en accrochant un rayon de lumière des torches qui éclairaient la pièce faisant momentanément briller d’une façon relativement subtile la toge que portait l’architecte.

Maintenant qu’il avait terminé de dégrossir le monolithe qu’il avait sous les yeux il était temps de réfléchir à la position que prendrait la sculpture une fois formée et sur ça il hésitait encore. Son cadeau était censé être une œuvre privée, seulement pour les yeux de sa chère et tendre mais le problème étant que sa compagne était loin d’être une personne privée et que, par conséquent, il n’était pas impossible que d’autres posent les yeux sur la statue ; il y avait aussi la possibilité que Krish fasse exposer sa représentation dans le Grand Temple d’Uriz, à la vue de tous. Ne pouvant pas contrôler ce que sa mie ferait de ce présent Myr’Hennis fit un pas en arrière, incapable de se distancier suffisamment de la futur statue il tentait de prendre du recul physiquement dans l’espoir vain que ça puisse aider. Il commença à lentement tourner autour de la statue en jouant distraitement avec une mèche de ses cheveux d’argent lorsque ses oreilles se dressèrent en entendant quelqu’un parler.

Ça ne pouvait pas être les esclaves qui l’accompagnaient, ce n’étaient peut-être pas les siens mais il faisait entièrement confiance à Krish, ou du moins la personne qui s’en occupait pour elle, pour s’assurer que les objets qui la servait soient parfaitement obéissant ; ce qui impliquait ne pas parler sans que quiconque ne leur ait adressé la parole, de toute façon ce n’était pas vraiment ce que les esclaves diraient même sans en avoir reçu la permission. Il continua de faire son tour, quelqu’un comme lui ne pouvait pas être pris au dépourvu ou du moins il ne devait pas admettre avoir été surpris ; avec les années il avait appris à cacher sa surprise au point d’être maître en la matière. Terminant le tour de la vague silhouette de marbre noir il arriva finalement face à celle qui s’était introduit dans l’atelier sans prévenir. Cela dit peut-être qu’elle l’avait fait mais qu’il n’avait pas entendu, trop absorbé par son travail ou ses réflexions mais dans le doute il partit du principe qu’elle ne l’avait pas fait. Il croisa les bras en la détaillant un peu, il ne l’avait jamais vu et visiblement c’était aussi le cas de l’étrangère qui se trouvait face à lui. Il haussa un sourcil, un sourire amusé aux lèvres.

« Pour quelqu’un qui ne veut pas déranger tu es étrangement inquisitrice. » Son regard passa ensuite sur ce qu’elle avait entre les mains et surtout ce qu’elle faisait avec, son sourire disparut, ses sourcils se froncèrent et ses oreilles se dressèrent, la pointe perçant le rideau d’argent que formaient sa longue chevelure. « Indiscrète et en plus impolie. Puis-je au moins savoir à qui j’ai à faire ? »

« Pour quelqu’un qui ne veut pas déranger tu es étrangement inquisitrice. Indiscrète et en plus impolie. Puis-je au moins savoir à qui j’ai à faire ? »

Je me contentais de dessiner la forme générale de mon interlocuteur.  La forme générale représentait juste la silhouette atypique de la personne en face de moi, suivit de sa démarche élégante, remplie de mouvement. Pour le coup, je préférais garder l’essentiel de mon croquis, ne m’embarrassant pas des détails. Mon but était juste de capter le mouvement. Pour le coup, mon modèle de facto n’était pas du genre de personne à rester fixe.

Je sortis un mouchoir, nettoyant le bout de la plume le rangeant avec l’encrier portatif. J’attendais un petit moment avant de fermer mon carnet de croquis, le déposant sur le canapé. Puis, toute mon attention se consacrer à mon interlocuteur. Je me mis debout d’un pas léger, m’approchant de quelque pas de mon interlocuteur.

« Je m’appelle Elia. » je fis une très belle révérence avant de me relever, portant mon regard bleuté sur celle de mon interlocuteur dont je tentais de discerner sa pensée. « Vous avez raison que je suis indiscrète et impolie. Je ne pouvais pas m’empêcher de faire un croquis de vous car votre démarche est élégante. Je ne peux m’empêcher d’être but en blanc avec vous car un artiste de Puy, je n’en ai jamais vue. »

Lorsque je posais légèrement mon regard sur le marbre en question. Je ne pouvais pas m’empêcher d’essayer de comprendre l’esprit de mon interlocuteur et sa démarche artistique. Comment faisait-il pour produire un statut sans des croquis à coté de lui. Je ne connaissais pas grand-chose à la sculpture. Pourtant, j’étais sur d’une chose, l’artiste en question avait une précision redoutable et son processus de travail était méthodique. J’avais en face de moi un maitre redoutable en sa matière. Je ne pouvais qu’être émerveiller en le regardant, curieuse de savoir d’avantage et s’assoiffer de connaissance.

« C’est un défaut, peut être ! Mais ce défaut me permet d’être face à vous. » Je m’approchais d’un pas de lui, adoptant une altitude fière « Mais, cher monsieur, je sais sentir un maitre dans son art. Votre aisance, la prestance, la maîtrise de vos gestes confirment ma réflexion. Vous êtes un Maitrea dans le domaine de l’art. Je le sais. Ça se voit. De ce fait, vous remplissez ma curiosité.  »

Je reculais d’un pas, suivit d’un autre pas.

"j'ai vue peu de maitre avec votre talent."

Bon au moins elle reconnaissait ses travers, c’était déjà ça et puis elle avait intérêt à être élégante, sa démarche, vu qu’il supportait son mal de dos pour l’être. Il fronça à nouveau les sourcils, se demandant si c’était une blague. Elle se moque de moi ? Myr’Hennis rendit ses outils à l’esclave chargé de la mission capitale de les porter. Comme tout le monde l’architecte n’aimait pas qu’on se moque de lui mais d’un côté les compliments, même s’ils n’étaient pas sincères, étaient toujours agréables à entendre. Alors son visage s’adoucit et un sourire joueur passa sur ses lèvres alors qu’il revenait à sa place devant le bloc de marbre noir.

« Quel âge as-tu? Vingt, trente ans? » Demanda-t-il en la détaillant un peu, lire l’âge d’une personne était loin d’être une spécialité pour le daedhel et il ne se fatiguait jamais à le faire sur des humains, de toute façon à quoi bon apprendre à lire l'âge, selon comment le soleil est tourné ça change tout le temps. « C’est un peu jeune pour pouvoir savoir avec certitude si un artiste se trouve en face de toi et quant à décider si l’artiste en question est un maître… » en réalité Myr’Hennis ne se considérait pas comme un maître que ce soit en dessin, en peinture ou en sculpture et pourtant il sculptait depuis près d’un demi millénaire maintenant.

C’était d’ailleurs, en partie, pour ça qu’il voulait faire cette statue qui représenterait son chef d’œuvre, le couronnement d’une vie dédiée à Isten. Mais plus il y pensait et plus ce qu’il voulait faire, il ne pouvait pas le faire seul. En regardant le bloc de pierre qui se trouvait derrière lui il ne voyait qu’une partie de la statue qu’il voulait accomplir et malheureusement ce qu’il voulait allait sûrement nécessiter de la magie élémentaire de la terre, chose qu’il était loin de maîtriser et qu’il ne comptait pas apprendre. L’idée de devoir faire appel à un mage pour une de ses œuvres le répugnait mais il pouvait bien faire ça pour Krish. Il ravala donc sa fierté et nota dans un coin de sa tête qu’il lui faudrait commander du marbre blanc ainsi que du marbre noir et bleu. Cela dit il pouvait toujours réduire autant que possible l’utilisation du mage, ce dernier n’aurait en réalité qu’une seule chose à faire mais c’était toujours ça de trop, son dégout des mages lui rappelait à chaque seconde que ce n’était pas une bonne idée mais sa chère et tendre en valait bien la peine. Tant pis, il ferait une autre chose pour son chef d’œuvre, ça serait quelque chose de plus simple qui… la voix d’Elia le fit sortir de ses pensées et il releva la tête vers elle, arrêtant au passage de jouer à nouveau distraitement avec une mèche de cheveux.

« Mais dis moi, toi qui a l’air de t’intéresser tant à l’art et surtout de t’y connaître, qu’est-ce que l’art ? »

En réalité l’architecte n’y avait jamais vraiment réfléchi, du moins pas vraiment, pour la même raison qu’il ne s’était jamais demandé pourquoi est-ce qu’il avait deux bras et deux jambes ; l’art faisait partie intégrante de sa vie et même si son travail impliquait une part non négligeable de propagande il ne s’était jamais intéressé à l’effet qu’avait l’art sur lui. Probablement parce que Myr’Hennis avait beaucoup de mal à reconnaître les mérites des œuvres d’autrui et que s’y intéresser suffisamment longtemps pour les voir n’était pas dans ses habitudes. Quant à ce qu’il créait, c’était généralement adressé aux dieux ainsi il ne retournait que rarement voir les statues qu’il avait faites, il avait des autels dans sa villa pour les onze, il n’allait donc dans des temples que pour les cérémonies officielles mais dans ces cas-là il avait autre chose à faire que de contempler ses travaux. Il en allait de même avec les bâtiments qu’il faisait construire ou qu’il embellissait d’ailleurs, ils devenaient une partie intégrante du paysage et son cerveau filtrait pour ne voir que ce qui l’intéressait.

C’était donc pour ça que la réponse de l’éphémère l’intéressait plus que ce qu’il imaginait et malgré une exposition qu’il qualifierait de maladroite, il devait admettre que c’était une vision qui avait un certain mérite même s’il ne la partageait pas. Il déplia les bras et accepta la tasse de thé dans laquelle il trempa les lèvres avant de se poser lui-même la question : comment définir l’art ?

« Je n’ai pas la prétention d’en avoir une définition universelle voir même une définition acceptable par qui que ce soit, même par moi. Et pour tout te dire en trouver une n’a aucune importance, car contrairement à ce que tu dis : l’art est avant tout utilitaire. » Il ponctua son discours d’une autre gorgée de thé qui se voulait plus rhétorique qu’autre chose, il avait goûté bien meilleur, au Palais d’Argent par exemple. « Que ce soit pour imprimer dans la pierre le pouvoir ou l’influence d’une personne ; transformer les passions d’un individus en quelque chose de productif ; être cathartique ; manipuler autrui ou que sais-je encore, l’art existe parce qu’il a une, plusieurs mêmes, fonctions reconnues comme utiles par ceux qui le pratiquent ou l’admirent ainsi il y a autant d’art que de personne pour le voir, l’entendre ou le ressentir. » Il se déplaça jusqu’au plateau pour attraper une gourmandise et l’avaler. « C’est aussi pour ça que je trouve une partie de ta définition superflue et une autre fausse. » Les yeux de l’eldéen remontèrent du plateau jusqu’à l’humaine avec une certaine lenteur, il hésitait à choisir ses mots avant de se rendre compte qu’en réalité il se moquait d’être brutal ou non.

« Ce n’est pas ton art, ou le mien pour ce que ça change, qui va pousser les gens à l’introspection mais les gens eux-mêmes, l’art n’est qu’un prétexte pour le faire, il n’est là que pour leur tenir la main, les aider à faire le premier pas sur cette route souvent aussi glissante que dangereuse. Une route que l’écrasante majorité préfère ne pas emprunter. A raison. Pour ce qui est du public, c’est une idiotie de penser que tes œuvres puissent toucher tout le monde. Tout le monde est déjà resté de marbre, si tu me permets l’expression, devant un tableau, une musique ou une danse alors que d’autres étaient transportés par la représentation en question ; l’art ne s’adresse pas à la plèbe ou au patriciat, la naissance ou le nombre de pièces dans sa bourse ne change rien à la vision qu’une personne a sur l’art : prends un mendiant, montre-lui un de tes dessins puis offre-lui un palais et son regard n’aura pas changé. Il t’appréciera sûrement davantage mais son avis sincère sera toujours le même. L’inverse est aussi vrai pour un prince marchand. Mais je comprends bien que ta vision se base avant tout sur un idéal et que, par définition, un idéal n’est pas atteignable. Cela dit, entre l’image et la parole, l’un n’est pas plus fort que l’autre. Les deux ont leurs forces et leurs faiblesses et au lieu de les opposer je te recommande plutôt de les combiner, il se trouve que les deux se complètes très bien. » Il regarda ensuite les gourmandises et un sourire passa sur ses lèvres. « Au final je dirais que la gastronomie est l’art ultime car je n’ai jamais vu qui que ce soit rester indifférent devant de la nourriture, peu importe la nourriture en question ou le sentiment que cette dernière fait naître. »