Un rafraîchissement ? | Kerath

Quatrième jours de la troisième ennéade de Karfias, an 17, XI cycle
Camp Nord, siège de Sol'Dorn

Plic ploc. Plic ploc avait  fait la pluie sur les toiles des tentes des valeureux sargtlins.

C'était une pluie d'été. Une pluie chaude, faites de grosses gouttes qui martelait tout sur son passage. Il arrivait que certaines rebondissent apportant un peu plus de douceur à cet hymne. Sa musique rappelait un champ martial par sa brutalité, ses rythmes et son enthousiasme.
L'eau ruisselait sur une terre tellement sèche qu'elle n'arrivait pas à l'absorber. L'eau filait, poursuivant son chemin de rigole en rigole. Sa destination ? L'océan c'est sûr ! Mais déjà l'Oliya.
C'était une pluie d'été. Un don du ciel. Et comme tout les dons, il ne pouvait durer.

La prêtresse avait croisé la pluie. Tenant dans ses mains deux larges bassines de cuivre, elle avait pu être au première loge de ce concert improvisé et su l'apprécié à sa juste valeur. Ce ne fut pas du tout le cas de ses deux esclaves qui transporter de lourds seaux d'eau.  D'un, une légère vapeur s'élevait. Les demi-drows auraient apprécier de faire une halte pour soulager leurs bras et leur épaules. Et ils se seraient bien épargné une douche…

C'est ainsi que le petit groupe s'arrêta devant la tente de l'Obok Sender, qui devait être alité s'il suivait les recommandations de ses soigneurs. Les soldats de la garde connaissaient bien Na'ri et l'annoncèrent avant qu'elle ne leur demande.  
Elle attendait avec un léger sourire aux lèvres l'autorisation d'entrer ne portant pas la moindre attention à l'étoffe de sa robe de cérémonie bleue nuit que la pluie avait rendu transparente.

Ça n’était pas nouveau, et surtout pas un secret : Kerath n’aimait pas la pluie. Et ce pour des raisons toutes militaires cependant même s’il la détestait ça n’empêchait qu’elle pût avoir son utilité. Du moins c’est ce qu’on lui avait dit et il attendait de pouvoir voir une telle utilité à l’œuvre car jusque là il fallait admettre que cette dernière ne fut qu’une épine dans le pied du Senger et plus généralement de son ost. De plus il en était venu à penser que la pluie, dans les terres arides sur lesquels étaient construite Sol’Dorn, était un mauvais présage. Alors entendre la pluie tapoter contre la toile de sa tente lui arracha un grognement, qui plus est la pluie chaude ne pourrait qu’élever la température interne, ça donnerait une atmosphère lourde qu’il détestait presque tout autant que la pluie en elle-même. Toutefois ce qui l’agaçait le plus ce n’était pas la pluie ou la lourdeur de l’air mais le fait qu’il devait rester alité, il ne pouvait plus tourner en rond, rester immobile était en train de le rendre fou ce qui n’était visiblement pas le cas de Murrpau qui était resté couché au pied du lit de camp, les pattes croisées pour y poser sa tête. Cela dit Tiu’kor lui n’était pas resté bien longtemps, une demi-heure tout au plus, avant de sortir en lâchant un couinement caractéristique de sa race. Le Senger ne savait pas vraiment où il allait mais de toute façon ça n’était pas spécialement important, tout le monde savait qu’il risquait le courroux de Kerath en se servant de Tiu’kor pour une partie de tap’bagron. Et ces temps-ci il fallait mieux éviter de faire quoi que ce soit pour l’énerver car il ne cherchait qu’une occasion pour taper quelque chose ou quelqu’un.

Le blessé sut que quelqu’un approchait bien avant que le quelqu’un en question soit annoncé car même s’il n’entendait pas grand-chose de l’extérieur à cause de la pluie et des divers sons inhérents à un camp militaire, ce n’était pas le cas de Murrpau qui dressa les oreilles, sortit ses griffes et dévoila ses crocs. Kerath força un peu pour s’asseoir. Bien que cela faisait un bout de temps maintenant que sa crédibilité en avait pris un coup, il ne pouvait s’empêcher de toujours voir des prétendants un peu trop ambitieux pour leur bien dans tous les coins, même s’il avait fait ce qu’il pouvait pour regagner la confiance de ses soldats. Il espérait d’ailleurs que l’ordalie qu’il avait gagnée suffirait à dissiper les soupçons des plus sceptiques sur la capacité du général à mener le Second Ost. Toutefois la paranoïa daedhelle était aussi ancrée chez Kerath et il ne laissait que peu de personne rentrer dans sa tente, surtout maintenant ; parmis ces rares personnes il y avait Malal, Na’ri et étonnement sa très chère fille. Cependant cette dernière ne venait pas souvent d’ordinaire alors maintenant il ne s’attendait pas vraiment à ce qu’elle lui rende visite.

Kays’Montyr salua d’un hochement de tête la prêtresse avant de rentrer dans la tente pour l’annoncer, laissant sa camarade pour surveiller l’extérieur. O’Shovah quant à elle préféra serrer la main de la médecin.

« Vous pensez qu’il en aura pour combien de temps ? » Elle avait essayé de le dire sur un ton nonchalant mais on pouvait sentir l’ennui poindre dans sa voix.

Elle ne s’en plaignait pas par dévotion mais être de garde n’était pas du tout quelque chose qui l’amusait et chaque après jour qui passait à rester plantée là elle avait l’impression que ses compétences s’amenuisaient, que ses réflexes s’émoussaient. Quant à Kays il haussa un sourcil en voyant le félin à pointe se recoucher lourdement. Il prévint son supérieur que la prêtresse se trouvait devant la tente et Kerath lui ordonna de se dépêcher de la faire rentrer, qu’elle ne prenne pas davantage la pluie. En retournant dehors il fit signe à Na’ri d’entrer, lorsque cette dernière s’exécuta le Senger haussa un sourcil avant d’esquisser un sourire.

« Ta robe te va à ravir. »

La prêtresse salua la garde.
« Vous pensez qu’il en aura pour combien de temps ? »
Je vous répondrai en sortant. La medecin s'en voulu d'avoir oublié de prendre des pâtisseries pour les gardes. Mais déjà, elle était invité à entrer.

« Ta robe te va à ravir. »
- Merci ! La daedhelle ne pu s'empêcher de rougir comme une très jeune drow. Kerath allait croire qu'elle avait fait exprès de s'habillait ainsi, alors que toutes ses robes étaient sales ou abimées. Elle n'avait pas pris beaucoup de temps pour elle ces derniers jours. Puis elle se racla la gorge pour reprendre le fils de ses pensées.
J'ai fait porter des seaux d'eau dont de l'eau chaude si tu souhaites un… que je… te rafraichisse. Elle se retourna pour remercier les esclaves et leur donna congés également. Ils déposèrent prestement leur fardeau près de la porte et partirent le plus vite possible. La mésaventure du jeune prêtre avec Murrpau était parvenu à leurs oreilles(1).
La medecin posa ses deux bassines dans un coin et encore penché en avant, elle demanda J'avais pris une bassine pour Murrpau, pour éviter qu'il ne lape l'eau savonneuse. Est-ce que je dois lui préparer maintenant ?

Le colosse émis un grognement. Était-ce un grommellement d'approbation ou non ? Dans le doute, elle remplit une cuve. L'eau chanta au contact du cuivre.
Après ses allées venues, elle s'approcha enfin de son patient. De près, elle paraissait fatiguée. Mais elle souriait.

- Bien… Dis moi tout… Je t'écoute.

Na'ri s'était agenouillée à côté du lit au niveau des hanches du colosse. Le coude était posé contre le matelas, le menton dans sa main. Elle le regardait malicieusement tout en souriant.

(1) Alors que le prêtre était en train de changer consciencieusement le pansement de l'Oblok, il avait relevé la tête. A cet instant, il s'était retrouvé nez à truffe avec le félin à pointe de l'Obok Senger qui le regardait travailler avec curiosité. La créature avait soudain levé la tête pour l'interroger du regard..

O’Shovah poussa un soupir en entendant la réponse de la prêtresse, ça ne pouvait être que mauvais signe. Les deux gardes échangèrent un regard après l’entrée de Na’ri dans la tente et même si Kays considérait la confiance de son général comme un honneur il fallait dire que monter la garde ne faisait pas partie de ses passe-temps favoris ; surtout qu’il n’en voyait pas vraiment l’utilité, dans la petite forteresse qu’était le camp nord si un éventuel assassin voulait se débarrasser de Kerath et que par on ne sait quel miracle il arrivait à arriver jusqu’ici ce n’était pas vraiment deux gardes de plus qui allaient changer quoi que ce soit. Être réduit à une garde honorifique était pénible mais il fallait admettre que ça avait ses bons côtés : notamment être affectés avec l’Obok Senger lorsque ce dernier combattait ce qui pouvait être aussi gratifiant que dangereux. Mais voilà pour le moment Kerath n’était pas vraiment en état de se battre, loin de là même et c’était bien ce qui l’énervait prodigieusement.

Assis sur son lit il faisait attention de ne pas se courber pour éviter que ses blessures ne le fasse souffrir plus que nécessaire car même si Kerath était familier avec le toucher de Kiel ce n’était pas quelque chose qu’il appréciait tant que ça. Il ne portait pour tout vêtement qu’un simple pantalon en lin noir plutôt grossier, étant torse-nu il n’avait que des pansements lui entourant le ventre, cachant un peu moins de la moitié du tatouage qui couvrait le torse jusqu’aux abdominaux ; en prenant la tête du Second Ost il avait rompu avec la tradition qui dictait de faire ledit tatouage sur le visage mais au vu de ce qu’était devenu le dernier vrai Obok Senger de l’ost il avait préféré prendre ses distances. De toute façon ça ne changeait pas grand-chose en réalité car qu’il se le soit fait sur le visage ou sur le torse le tatouage en question n’aurait pas été plus lisible, la faute à toutes les cicatrices et autres spectres de blessures hantant son corps. Il était presque possible de retracer l’histoire de Kerath à traversses cicatrices pour peu qu’on puisse reconnaître l’âge d’une blessure et déterminer quelle arme avait bien pu la causer. En réalité ça pouvait être un jeu capable d’occuper des médecins durant un bon moment si jamais les prêtres de Kiran s’ennuyaient trop ; à condition qu’ils en aient assez de débattre de la meilleur maladie pour se débarrasser d’une race ou d’une autre et du meilleur moyen de l’inoculer. Ce qui, de ce qu’il avait pu voir et étendre, n’était pas vraiment près d’arriver. De toute façon même si ça arrivait Kerath n’aimait pas du tout être vu comme une bête de foire alors jamais ils ne les laisseraient s’amuser ainsi.

A la place il regarda Na’ri en haussant un sourcil, avant de se rendre compte qu’elle ne se moquait effectivement pas de lui et qu’elle avait bel et bien amené de l’eau froide et chaude. Il réfléchit ensuite à la proposition de la prêtresse, en effet Murrpau regardait l’eau avec un intérêt teinté de curiosité. Son maître savait très bien que ce n’était pas de la soif, le félin à pointe devait avoir encore avoir des réserves d’eau sous sa peau mais comme tout bon chat qui se respecte il devait avoir envie de renverser quelque chose et vu que Kerath ne lui avait pas encore interdit de le faire les bassines étaient une cible tentante. Voyant que l’animal commençait à se lever dans le dos de Na’ri, le Senger grogna son assentiment en regardant ledit animal, prêt à lui dire d’arrêter lorsque sa patte se lèvera, prête à frapper l’étrange récipient de cuivre à remplie d’eau à l’odeur toute particulière ; et puis avec toutes ces bulles dans l’eau ça ne pouvait pas être naturelle alors il fallait forcément s’en débarrasser. La préparation de la bassine spécialement pour lui attira son attention et il approcha sur la pointe des pattes pour observer le spectacle. Cependant devant le regard noir de son maître il préféra se coucher lourdement devant, lapant un peu d’eau au passage pour faire croire que c’était là son intention depuis le début. Kerath se tourna ensuite vers Na’ri, son sourire revenant lentement alors que Murrpau semblait redevenir sage ou du moins qu’il ne comptait pas renverser la bassine.

« Si nous avions un concours pour trouver la personne la plus attentionnée tu gagnerais sans conteste. » Cependant ce n’était pas le cas et ça risquait de continuer ainsi pendant très longtemps. Du moins le général ne voyait pas de changement à l’horizon et avec l’Eda Vengeur il n’y avait que peu de chance que ça change. « La seule chose de propre doit être mes pansements. Et la blessure en dessous, Kiran en soit loué. » Toutefois il savait que seulement remercier la déesse était injuste. « Merci pour tout d’ailleurs et je sais que j’ai eu d’autres opportunités et que j’aurai dû te le dire plus tôt mais... je te présente mes excuses pour… pour ton bras. » Remercier seulement la déesse était injuste tout comme demander pardon seulement auprès d’elle et c’était une injustice que Kerath voulait réparer.

Au compliment de son supérieur, la sombre rougit encore.

- A celui qui veille sur ses hommes comme un Père, je me dois de lui apporter l'affection d'une mère.

Les mots avait franchi ses lèvres avant même qu'elle ait pu y réfléchir. Ce n'était pas faux que cela faisait quelque temps, notamment depuis qu'elle s'approchait de ses 700 ans, elle avait plutôt tendance à voir ses compatriotes plus comme des enfants que comme des frères. Mais, pour Kerath ce n'était pas le cas… mis à part le fait qu'il soit son supérieur, il était plus un pairs pour elle… Enfin presque. Dans la mer de ses émotions, la daedhelle ne savait que faire de cette vague sensation qui se lovait en son sein.

" j’aurai dû te le dire plus tôt mais... je te présente mes excuses pour… pour ton bras.

Il avait finit oui de l'embarrasser comme ça ! Le rouge lui montait encore aux joues comme une adolescente. Lentement, la sombre se releva et s'approcha de lui. Elle dû lever la tête pour pouvoir plonger le regard dans celui si unique du daedhel.

- Merci ! Murmura t'elle dans un sourire. Après tout, qu'y avait il à dire de plus ? Elle s'en était remise et n'en avait jamais voulu à son Obok Sender. Grâce à cette blessure, elle avait pu apprendre beaucoup de chose. Certaines étaient de trop, d'autre apportait d'autres questions. Mais il était toujours intéressant de le savoir.

La peau d'ébène l'attirait…

- Pardonne moi également. Excuse moi d'avoir voulu te parler alors que tu étais exténué. Je ne souhaitais pas te mettre dans cet état… La pretresse baissa rapidement son visage pour cacher les larmes qui perlaient à ses yeux. Et pardonne moi d'avoir été stupide et faible face à un éphémère. Cette situation n'aurai jamais dû arriver. La voix de la sombre était légèrement tremblotante.

Et voilà comment doucher toute ardeur. Intérieurement, une petite voix mesquine riait aux éclats. Comment avait elle osé. Cela faisait presque un siècle qu'elle n'avait pas accueilli en son sein un corps étranger. Même pour les cérémonies d'Isten, elle avait trouvé une parade. Et visiblement, elle plaisait puisqu'elle avait une file d'attente… C'était une situation assez improbable et assez cocasse pour une drow mais c'était une longue histoire à base d'ambition déchue, de morts et de larmes. Bref, une histoire drow dans toute sa splendeur.

Après un silence gêné, la medecin se râcla la gorge et dit à son patient qui était sensé encore être alité.

- Puis ce que tu es debout, va voir tes gardes. Ils semblent s'inquiéter pour toi. Et… La prêtresse hésitait, il s'agissait de la sécurité d'un haut gradé après tout. Mais tant pis, elle osa. Kerath était debout devant elle. En pantalon de lin, le félin à ses pieds.
Et, laisse les se dégourdir une petite heure. Ils ont surement besoin d'exercices. Juste pour une heure. Il ne nous arrivera rien. Elle avait encore parlé trop vite… Rien de préjudiciable, tout du moins. Comme prise en faute d'avoir trempé ses doigts dans un pot de confiture, Na'ri baissa les yeux pour cacher maladroitement sa hardiesse. Et surtout, il y avait toujours Murrpau. Et il y a toujours Murrpau. Le rouge monta encore aux joues.

Cherchant à se distraire comme à distraire son partenaire, elle demanda.
- Et sinon, tu aimes ton eau chaude, comment ?  A question stupide, réponse idiote.

Le corps puissant l'envoutait…

Seulement, si seulement il n'avait pas la profonde taillade et cet horrible bandage blanc. Et si… et si Kerath n'avait pas fait cette Ordalie, qu'aurait elle fait ? Rien. Rien car elle n'aurait pu l'approcher ainsi... Alors, de sa sacoche, elle sorti ses linges et du savon puisqu'elle était là pour ça.

L'amère ironie.

La remarque le fit sourire, il n’y avait jamais pensé et maintenant qu’il avait eu quelques jours d’inactivité, il avait eu tout le loisir d’y réfléchir : la solitude commençait à lui peser et il n’était pas rare qu’il se sente seul, même entouré de son armée ; le soucis étant que Kerath avait l’habitude de régler ses problèmes par la violence ou bien en rajoutant une couche à la violence déjà présente ce qui n’était qu’une solution temporaire, sans compter le fait que la solitude ne se laissait pas taper dessus facilement. Il y avait bien Malal mais depuis le temps elle s’était faite distante, alors certes le Senger l’y avait poussé, même si elle continuait d’orbiter autour de lui la prêtresse de Zhak’Bar n’avait plus la même influence et ne jouissait plus de l’attirance qu’avait éprouvé l’eldéen à son égard. Ce fut donc un petit sourire qui passa sur son visage, qui lui donnait un air peu étrange étant donné qu’il n’en avait pas l‘habitude, avant de finalement disparaître, lui rappelant qu’il avait des excuses à présenter.

Il s’était attendu à tout, et surtout n’importe quoi, comme réponse mais pas à ça. Pourquoi le remercier ? Il leva les yeux qu’il avait baissé, surpris, l’interrogeant du regard. Son sourire aussi le déroutait, s’était-elle reconvertie en prêtresse de Kiel sans qu’il ne le sache ? La suite lui causa presque un mouvement de recul. Il en perdit son nissétien pendant un moment, il ne s’était pas attendu à voir les yeux de Na’ri s’humidifier, surtout pour ça, c’était la faute de Kerath, pas la sienne. Il se pencha en avant, ramenant sa jambe sous l’autre, serrant un peu les dents à cause de sa blessure il posa une de ses mains sur l’épaule de la prêtresse.

« Je ne peux pas te jeter la première lame, j’ai été stupide... et faible. J’aurai dû le tuer quand j’en avais l’occasion. Ce n’est pas ta faute, c’est la mienne. » Il déglutit un peu bruyamment, forçant la salive à passer sa gorge serrée. « A cause de ça j’ai perdu des drows, j’ai trahis mon ost en le capturant et j’ai levé la main sur une prêtresse. » Un sourire triste retroussa légèrement ses lèvres. « Tu serais en droit de demander ma tête et les prêtres de Meingal te la donnerait. »

N’y tenant plus il s’était levé pour marcher, lentement évidemment, tournant en rond dans sa tente, le silence pesant le poussant à continuer sous le regard du félin qui n’avait toujours pas bougé mais qui le suivait tout de même des yeux. Jusqu’à ce que Na’ri ne brise le silence en question. Il tourna la tête vers elle et après quelques secondes de réflexion il acquiesça, il se dirigea vers le battant de la tente et en sortit à moitié à la surprise des deux soldats en faction.

« Vous avez quartier libre pendant une heure. »

Kays haussa un sourcil, surpris, il allait poser une question avant qu’O’Shovah ne l’attrape par l’épaule pour le tirer en arrière, un grand sourire aux lèvres.

« Ne dérangeons pas la convalescence du général, ordre des prêtres. » Se contenta-t-elle d’expliquer toujours avec le même sourire quand son camarade lui demanda ce qu’il se passait, quelques mètres plus loin.

Les yeux de Kays s’agrandirent comme si Tesso venait de lui révéler un secret ineffable et ils partirent ensuite se perdre entre les tentes du camp nord, loin du regard de Kerath qui ne resta pas plus longtemps dehors sous la pluie et rentra à nouveau dans sa tente personnelle. Son regard alla sur le félin à pointe qui s’était levé en voyant son maître sortir. Maintenant qu’il avait son attention, le Senger lui ordonna de sortir. L’animal pencha la tête sur le côté avant d’obéir, sortant de sa démarche féline pour aller s’asseoir devant l’entrée de la tente, sa queue battant l’air alors qu’il regardait avec un air méfiant les rares soldats qui avaient le courage de braver la pluie, motivant ces derniers à accélérer le pas.

La question fit hausser un sourcil à Kerath toutefois il ne répondit rien, se disant que se moquer de quelqu’un chargé de vous soigner n’était pas vraiment une excellente idée. Toutefois il ne put s’empêcher de lui répondre avec un sourire en faisant un pas pour s’approcher d’elle.

« Tiède. »

D’une main il lui attrapa le menton pour lui faire lever la tête et après un regard bref plongeant dans ses yeux il l’embrassa, sa main glissant de son menton pour aller se poser sur sa joue dans une caresse. L’eau chaude allait avoir besoin d’un moment avant de refroidir alors autant en profiter.

La parole était elle allée au-delà de sa pensée ? Oui. Non. Peut être… Mais visiblement, Kerath n'eut rien contre sa demande audacieuse en donnant congé à ses gardes. Une heure…
Il était fascinant d'expérimenter comment le temps passait en fonction de ses occupations. Une heure de calvaire était mille fois plus longue qu'une heure concentrer sur une tâche importante qui, elle-même, était plus longue qu'une heure en charmante compagnie.
Une heure…
Au cœur d'une guerre, certes un peu étrange, mais une guerre quand même, la prêtresse avait osé soustraire une heure à son Obok Senger, à son patient. Sur un coup de tête, sur un excès de sentiments inavoués et inavouables, la daedhelle avait donné de l'eau aux rumeurs qui courraient déjà sur sa présumé relation.
Une heure…
Et déjà, le daedhel marchait vers elle en souriant. Aussi improbable qu'un sourire sur le visage bougon de l'Obok Senger, la medecin les aimait et les trouvaient tout à fait charmant. Oui, il existait en ces terres plus beau sourire. Mais ceux là, par leur rareté, étaient magnifiques.
Bien qu'un peu surprise par le geste de Kerath, la sombre laissa la main rugueuse sur son menton et plongea à son tour dans les prunelles si uniques. A peine leurs lèvres effleurées qu'elle ferma ses yeux.

Le vertige qu'elle éprouva alors était si grand et si doux qu'elle en eut le souffle coupé. Sur sa joue, la tendre caresse la ramena à son être. Elle émit le souhait de ne pas en connaitre la fin. Jusqu'alors passive, elle répondit avec douceur à l'invitation. Puis elle posa ses mains délicatement à la taille du sombre et elles se mirent à effleurer la peau. Les doigts glissaient sur la soie, suivant des chemins erratiques, parfois le long d'une cicatrice puis remontant brusquement pour aller se perdre dans le lin. Son baiser devient alors plus ardant.

Envolée la fatigue qui la chevillait pourtant au corps depuis quelques jours.
Envolée l'inquiétude de perdre ses deux êtres si chers.
Envolée les peurs et le poids des rumeurs au sein de son temple.

Ici et maintenant, enfin, elle savait ce qu'elle voulait. Mais elle savait aussi qu'elle ne l'aurait pas. Pas tout de suite, pas complètement. Kerath était aussi son patient… Alors après la douche froide, la prêtresse se détacha délicatement de son emprise. Lentement, elle rouvrit ses yeux.

Tu vas te faire mal à force d'être plié en deux… Déclara t'elle dans un sourire malicieux qui se mua en rire. Vivement, elle s'échappa complètement pour glisser dans le dos du colosse. Le son cristallin mourut dans les baisers qu'elle déposait ici et là tandis que ses mains se battaient avec le nœud du pantalon.

Après quelques instants la sombre espiègle suspendit son geste alors qu'elle venait de démêler les liens. Il lui manquait quelque chose d'important. Pourtant, lors d'un soin, quand il n'y avait pas d'urgence, elle le demandait. Son envie et leur baiser lui avait fait oublié ce qui était pourtant la base : l'obtention du consentement. Jusqu'alors, le language non verbal de son partenaire allait en son sens. Mais ce n'était pas une raison.

Une pirouette plus tard, à un pas de ce corps qui l'attirait tant, la daëdhelle faisait à nouveau face à Kerath. La tête légèrement penchée, un grand sourire aux lèvres, elle demanda enfin.
" Je souhaiterai…" comme une jeune elfe qu'elle n'était pourtant plus depuis très longtemps, elle baissa les yeux sur le lien qu'elle tenait encore " t'offrir du plaisir….

En attendant une réponse, la prêtresse écoutait le chant de la pluie pour calmer les battements de son coeur.

A force de cicatrices, le torse de Kerath n’était plus aussi sensible que lorsqu’il était plus jeune, quelques siècles plus tôt, et il ne sentit pas la main de Na’ri tout de suite. Du moins il n’y fit pas attention, ses sens étaient accaparés par le baiser qui les liaient, un touché lointain était donc loin de recevoir toute l’attention qu’il aurait mérité. Et ensuite la sensation du bout des doigts remontant fut éclipsé par la surprise, en effet il ne s’était pas attendu au changement de ton, du moins pas venant de la prêtresse qui était d’ordinaire si réservée. La main du Senger resta sur la joue de Na’ri tandis que l’autre s’était posée sur son épaule, à la base pour prendre le visage de la prêtresse dans ses mains, le baiser ardent l’avait fait changer d’avis. Du moins il aurait changé d’avis si ç’avait été un choix conscient, comme souvent il laissait son instinct prendre les rênes et au lieu de faire remonter sa main le long de l’épaule et du coup gracile, elle descendit lentement pour aller se poser sur la hanche de la prêtresse.

En sentant leurs lèvres se désolidariser Kerath ouvrit les yeux de surprise, surprise qui ne fit qu’enfler alors qu’elle prit la parole. Alors certes il était plus grand qu’elle mais Na’ri ne lui arrivait qu’au menton, à la limite il aurait mal à la nuque mais il pensait pouvoir le supporter. Le général, contrairement à ce que certains pouvaient penser, aimait autant les baiser que la suite et il fut un peu déçu de l’empressement de la prêtresse. Puis finalement elle se calma, retrouvant son côté hésitant que Kerath lui connaissait mais ça l’étonnait d’autant plus. Pourquoi est-ce qu’elle changeait d’un coup, sans prévenir, sans raison apparente ? Ça inquiétait le général plus qu’autre chose. Il réfléchit quelques secondes à ce qu’elle venait de lui dire, laissant s’installer le silence, si on ne comptait pas la pluie dehors ou les quelques sons diffus qui persistaient malgré la météo.

« Viens... » Il lui attrapa la main et alla s’asseoir sur le lit tout proche. « Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Il posa une de ses grosses main sur l’épaule, geste qui se voulait réconfortant, en espérant que ce ne soit pas vu comme écrasant. Il se demandait si demander à la prêtresse de reprendre les armes avait été une bonne idée, il espérait que ce n’était pas cette décision qui avait cet effet sur Na’ri.

Silence.

Cette fois ci, elle en était certaine, elle avait trop parlé. Pourtant, Na'ri s'attendait à une réponse binaire : oui ou non. Le baiser portait à croire que le oui était l'hypothèse la plus probable… Cependant le silence s'installait. Kerath avait-il besoin de réfléchir ? L'hypothèse du non devient alors majoritaire…

Dommage pensa t'elle. ça arrive… cependant ce silence lui fit plus mal qu'elle ne l'avait crû.

« Viens... » Un peu larguée par la situation, la prêtresse se laissa prendre la main. Celle de Kerath était si chaude… rugueuse par le maniement des armes, mais peut importe, elle aimait son contact. Contact qu'il allait lui refuser. Maintenant elle en était certaine. Alors, son cœur déborda le temps de trois battements de cils dans ses yeux.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
As t'il vu mon désarrois ? Et voilà que maintenant la panique serrait son cœur déjà bien en peine. C'est ce moment que le colosse choisi pour poser sa main sur son épaule. L'épaule… Il aurait choisi la cuisse ou un sein pour un oui… mais l'épaule… C'était bien un non. C'était non et pourtant elle avait osé l'embrasser, le caresser et imaginer plus encore. Comment avait elle pu ?

Bon, elle devait répondre. Alors elle prit une inspiration et se lança dans une improvisation durant laquelle elle évitait tout contact oculaire.
"Rien. Il n'y a rien. C'est juste que je me suis méprise, j'en suis désolée. Vraiment. Je n'aurais pas dû."
La prêtresse se laissa glisser du matelas et échappa à l'emprise de la main tant désirée mais ailleurs que sur son épaule. Elle glissa au sol pour se mettre à genoux
"Désolée, tu ne le voulais pas. Tu as le droit de ne pas vouloir ! Je me suis trompée. Désolée ! "

Puis la daedhelle se releva vivement. " Je vais préparer l'eau ! Je te laisse te déshabiller. Si tu le veux bien… bien entendu. Cachant sa gène, elle se tourna vivement et transvasa une partie de l'eau des seaux dans la bassine de cuivre.

« Que tu ne veuilles pas me parler passe encore mais ne me mens pas. Pas toi, tu n’as pas le droit. »

Dans son dos, le daedhel s'était exprimé. Le seau d'eau échappa des mains de la prêtresse. Un long instant, il n'y eu que le bruit de la bassine qui résonnait dans la tente du général. Lentement, Na'ri se retourna. Son visage était doux et un peu triste.

" Sagar Ni'Syx "Sa voix était plus chaude qu'à son accoutumée. " Ainsi tu souhaites la vérité. Mais quelle vérité ? " La daedhelle planta son regard dans celui du drow, un rictus moqueur à ses lèvres. " Tu m'es important. Je ne saurais dire pourquoi, ni depuis quand. Mais tu m'es cher." En cet instant, elle avait rajeuni et avait le port altier si caractéristique des servants de Kiran. " J'ai aimé notre baiser. " Au souvenir, elle sourit tendrement. " Trop peut être. Tu ne veux pas de moi. Qu'y puis-je ? Je ne m'abaisserai pas à mendier une once d'affection. "

Elle laissa passer quelques secondes de silence avant de reprendre.

" Voilà ma vérité. Satisfait, maintenant ? " Toujours plonger dans les mires rougeoyantes auréolées d'or, elle lui avait lancé un défit.

« Ce n’est pas ce que je t’ai demandé. »
Tu m'as demandé de dire la vérité. Que veux-tu de plus ? le sourcil levé la sombre se sentait quelque peu déstabiliser. « Que veux-tu donc tant savoir ? »
« Comme je te l’ai dit : ce qui ne va pas. Tu peux me mentir mais au final c'est contre toi que ça se retournera. Si je ne veux pas que tu me mentes c'est pour toi. »
« Ce qui ne va pas ? » La prêtresse ria. « Dans l'immédiat, ce qui est ne va pas, c'est toi. Tu es coincé dans ton lit... Ce qui ne va pas ? C'est que mon amie est aussi clouée dans son lit. Ce qui ne va pas ? C'est qu'il manque trois personnes à l'état major. Ce qui ne va pas ? C'est que je doive laver le père et la fille. Ce qui ne va pas ? C'est que je suis écartelée par les deux personnes qui me permettre de me sentir entière, car elles ne savent pas se parler sans s'insulter. Ce qui ne va pas ? C'est que je me sens épuisée, ridicule et stupide... » Au fur et à mesure que la drow parlait, elle se laissait emporter par la colère qui s'essoufla à ses derniers mots. En effet, elle se sentait épuisée, ses épaules tombèrent un peu mais elle gardait la tête haute.
« Je ne resterai pas longtemps dans mon lit, idem pour Shyn’tae, grâce à toi ; Krish va revenir sous peu et il ne manquera plus personne ; ma fille finira bien par grandir un jour et elle comprendra bien assez tôt que mon respect se mérite mais qu’une fois qu’elle l’aura mérité elle n’en aura plus besoin. Je comprends pourquoi tu te sens épuisé mais pas pourquoi tu te sens ridicule et stupide. Tout va rentrer dans l’ordre. A la fin tout ira bien, si quelque chose ne va pas c’est que ce n’est simplement pas la fin. »
Elle soupira.
« La vraie fin est dans le repos de l'âme. À la fin tout ira bien si La Gardienne en a décidé ainsi. Je ne suis pas une déesse, juste une modeste servante. Je ne sais où ma flamme sera... »
« Je suis au moins certain d’une chose : chacun est en mesure de savoir si son âme ira dans les P’leiks ou non. »
Bien qu'encore posé sur le visage de l'Obok Senger, son regard était ailleurs sur un point bien au delà de la tente. Elle ne le regardait plus vraiment. Puis elle reprit après que le silence fut palpable. Ridicule. Je le suis pour avoir exposé une faiblesse. Et stupide d'avoir cru les ragots du temple... et d'avoir espéré un quelconque partage. Ainsi vont les choses... Les lèvres s'étirèrent par un sourire un peu triste. « À ton tours d'être franc et répond à cette question pour changer. Maintenant que tu sais, que feras-tu de cette vérité ? »
Resté de marbre jusque là, Kerath haussa un sourcil. « Et quand n’ai-je pas été franc ? Mais avant répondre à ta question, je ne comprends toujours pas pourquoi tu te sens stupide ou ridicule. Il ne me semble pas t'avoir dit que ce que tu ressentais n'était pas réciproque. »
« Effectivement tu ne l'as jamais dit, cependant cette discussion me laisse croire le contraire. Peu importe que tu le comprennes ou non, ce sont mes sentiments.Tu peux les juger, les critiquer, tu es libre. Mais ne m'en demandes pas plus. Par contre, j'attends ta réponse. »
« Tu penses sincèrement que je me serais déplacé en personne pour te demander de revenir et que je m’inquiéterais pour toi si tu ne comptais pas pour moi ? »
« Je… je ne sais pas. La daedhelle ferma les yeux. Elle avait besoin de réfléchir, de faire le tri, dans son esprit, dans son cœur. De ce grand ménage, qu'attendait-elle ? Alors, plutôt qu'une occasion perdue, elle se saisie de l'opportunité. En posant son regard sur celui qui était le plus doux de ses tourments, une nouvelle flamme s'était allumée. A petits pas, elle s'approcha, féline.
« Oh… c'est donc cela que tu veux savoir… » Elle tendit la main pour lui caresser la joue du bout des doigts. Au contact de ladite main il pencha la tête sur le côté en fermant les yeux qu’il rouvrit lorsque Na’ri reprit la parole. « Mais, la réponse est pourtant là, sous tes yeux. » La main descendit dans le cou lentement tandis que son sourire légèrement moqueur s'épanouissait. « Et elle pourrait même être sous tes doigts… si l'occasion de me dévêtir se faisait sentir. » Na'ri posa un genou sur le matelas « Mais pas aujourd'hui… je n'ai plus très envie. » Et pourtant, elle le chevaucha. « Soit en certain, tu ne l'apprendras pas de ma bouche. » Murmura t'elle directement au creux de son oreille. « Elle sera trop occupée… »

Une fois qu’elle fut au-dessus de lui, une de ses mains partis dans le dos de la prêtresse pour chercher le nœud qui tenait le ruban servant de ceinture. Une fois trouvé il se laissa tomber en arrière et il regarda la daedhelle, le jaune qui cerclait ses yeux se faisait plus brillant, plus large que d’ordinaire aussi ; il ne fit pas attention à la soie qui ruisselait le long du corps de Na’ri mais il fit particulièrement attention au corps en question qui se dévoilait au fur et à mesure que la robe tombait.

« Je vais arrêter de te le demander alors. »

La medecin apprécia la caresse de la soie sur sa peau, frissonnant légèrement.
« Tu vois, tu me fais parler, mais tu ne m'écoutes pas. Je t'avais pourtant dit… » Elle se cambra légèrement en se tapotant la lèvre inférieure. « Pas aujourd'hui ». Elle se déplaça son bassin vers les genoux de son partenaire ce qui pour effet de finir de la dénuder. « Dois-je te laisser une chance de te racheter ? Donne moi une bonne raison pour que je ne me rhabille pas. »
La sombre bascula en avant et posa sa tête contre le torse du soldat. Elle apprécia les mélodies des battements de coeur et de la respiration, un cœur qui battait vite et une respiration qui s’était accélérée depuis quelques secondes. De sa main baguée, elle dessinait des motifs abstraits sur la peau d'ébène entre le bandage et la ceinture du pantalon. Il passa une main dans le dos de Na’ri et la laissa parcourir la peau en des caresses qui ne se voulaient pas sensuelles. Son cœur commença ralentir et sa respiration se faisait plus sereine et il poussa un soupir d’aise.

« Tu peux te rhabiller si tu veux. A condition que tu ne bouges plus. »

- "Bien. Au plaisir cher patient."

La sombre souriait, il avait choisi... tant pis pour lui. Elle ne bougea pas de son écrin doux et chaud. Ses doigts dansaient encore et toujours. Cependant, concentrée, c'était plus facile. Bien qu'improbable, elle était en lui grâce à son Art. Toutefois, elle ne commença pas par la blessure, mais par quelque chose d'un peu plus subtil, qu'elle réservait aux rituels d'Isten. Dorénavant, Kerath ressentirait plus de plaisir, de désirs aux caresses et aux baisers. Elle aimait la sensation que ce sort lui laissait. C'est doux, chaud, limite euphorisant. Un frisson de désir la parcouru un instant, laissant dans son sillage un très léger hérissement.

Puis, elle s'orienta vers les chaires meurtries tissant toujours ses sorts dans des caresses tendres. Là, elle retrouva les textures rugueuses et granuleuses des tissus. Kerath avait dit vrai, la blessure était propre et en bonne voie de cicatrisation. Alors elle modifia légèrement ses tracés pour poursuivre ce qui avait été commencé. Que cela pique ? Que cela tire ? Que cela brûle ? Bien qu'elle faisait attention à ce que ces ressentis ne prennent pas le dessus, la medecin ne les supprima pas. 

Il ne bougeait pas, comme d’ordinaire lorsqu’elle utilisait sa magie pour le soigner même si l’envie ne manquait pas. Que ce soit à cause des frissons inspirés par les doigts de Na’ri glissant sur sa peau ou bien la douleur que provoquait le sort qui, pourtant, accélérait la guérison. Il serrait les dents mais ne dit rien, c’était toujours ainsi après tout.

Quand elle eut fini, elle déposa délicatement ses lèvres sur la peau nue, ce qui arracha un nouveau frisson qui remonta le long de sa colonne. C'est avec une pointe de déception que Kerath se rendit compte que la danse était finie, une pointe de déception qui se lisait sur son visage, à condition de pouvoir le lire. Les mains se posèrent enfin. L'une sur la taille et l'autre sur le sein.

- Ne force pas trop et tu pourras reprendre bientôt. Il faudra changer les bandages aussi, mais après… Du bout du nez, la médecin se remit à le caresser avant d'être arrêtée par un frisson qui la secoua.

Fatigue et froid. C'était son revers à l'usage de son don. Elle se pelotonna alors contre le corps chaleureux en fermant les yeux. Et il resta sans bouger un long moment, sa main continuait,du bout des doigts, de partir explorer le dos de la prêtresse et même s'il aurait dû le savoir, il fut étonné une seconde de sentir que la peau parcourue n'était pas lisse. Comme pour tout bon soldat. Les combats laissaient des traces qui faisait la fierté de son propriétaires. Les cicatrices étaient en majorités fines et quasi invisibles. C'était surement l'un des avantages d'appartenir au culte de Kiran. Il y en avait partout. Enfin… presque partout. Sauf au milieu du dos, entre les omoplates. Oui, exactement là où les doigts n'arrivent que difficilement à se toucher. Mais le sombre ne pouvait voir le dessin. Au niveau d'un flanc, la peau était plus soyeuse et plus sensible aussi.

Avec beaucoup de douceur, mais surtout de la lenteur, il put découvrir un caractère. Puis un nouveau. Jamais vraiment bien formé, mais reconnaissables avec un peu de patience. Mis ensemble, ils formèrent des mots. Des noms.

La majorité ne parlèrent pas du tout au vieux soldat, d'autres si. Il y avait des prêtres, des mages comme des soldats, gradés ou non. De mémoires, ils étaient tous morts. Et pour la majorité à Ellyrion. Ce qui expliquait pourquoi il n'en reconnaissait que bien peu, il n'y avait pas participé et pour ceux qu'il avait connu le temps avait fini par effacer leurs souvenirs.

« Je... je suis désolé si ce n’était pas ce que tu voulais mais… » il prit une seconde pour trouver ses mots. La voix grave sortit la sombre de la torpeur dans laquelle elle avait basculé.  « Mais je préfère éviter avec ma blessure. Je n’aime pas laisser quelqu’un d’autre tout faire. »

Il eut pour toute réponse un rire clair qu’il n’était pas certain de savoir comme il devait l’interpréter.
- "Pardon..." Elle ne se moquait pas, mais elle était tellement surprise qu'elle avait du mal à retenir sa joie. Quand elle se fut quelque peu calmée, la sombre se mit à quatre pattes au dessus de son céladon. Une pensée furtive lui permis d'apprécier la bienveillance de l'intendance envers les Obok Senger pour leur avoir fourni des lits larges et confortables.

- "Merci !" Elle déposa un baiser sur les lèvres abimées. Kerath allait demander pourquoi est-ce qu’elle le remerciait mais l’expression qu’il lut sur son visage l’en dissuada. A quoi bon demander si c’était au risque de la voir changer ? Il n’avait pas besoin d’une explication.

- Mais dis moi, depuis quand suis tu les avis des guérisseurs ? Depuis quand es tu devenu si sage ?
- « Depuis qu’on est bloqué devant Sol’Dorn. Et il est possible que ça change lorsque la ville tombera. »

Elle était heureuse et cela se voyait.
- Mais je ne t'aurais pas laisser tout faire non plus et… As tu aussi un soucis avec tes membres supérieurs ? Son sourire se fit malicieux.
- « Pas la dernière fois que j’ai vérifié. »
- Mais je ne voulais peut être pas... pas comme ça... pour pouvoir revenir après ta guérison, mais tant pis ! "

Elle se pencha et déposa une myriade de baisers sur le front, la joue et le cou pour mieux revenir sur les lèvres de basalte. Baiser qu'il lui rendit avant de lui poser une question qui lui brûlait les lèvres.

- « Tu sais que tu peux revenir après ma guérison? Y'a peu de chance que je bouge d'ici de toute façon. Et tu seras sûrement la première à savoir quand je serais guéris vu que c'est toi qui t'en occupe. »

- Après ta guérison, ne seras tu pas en train de chevaucher Murrpau, à faire le tours de tes hommes, à transpirer sur le terrain d'entrainement, à noircir des pages pour les comptes rendus en retard ou à des réunions ? La prêtresse connaissait assez le dur métier d'Obock et encore plus ce soldat
- « Si. Et alors ? »
- En journée, je ne risque pas d'avoir ma place. Et je n'ai pas toutes mes nuits…
- « Une nuit de temps en temps c’est toujours mieux que pas de nuit du tout, non ?  »
- Il faut savoir donner de sa personne quand on sert les Dieux. Comment allons nous faire sans enflammer les rumeurs et les imaginations ?
- « A qui le dis-tu… mais les rumeurs te gênent vraiment ? Autant te prévenir : je ne me cacherai pas comme si j’avais quatre-vingt ans.  »
- Tu as raison... Au temple ça cancanne déjà depuis un certain temps et l'heure de distraction de ta garde a dû être mise à profit... Les soldats manquent de distractions... Et au moins tu restes digne de ta réputation ! "

Elle se redressa en prenant soin de ne pas s'assoir sur le torse. De là où il était, Kerath eut tout le loisir d'admirer les symboles des dieux tatoués. Sous le galbe modeste du sein gauche, il y avait l'épée flamboyante ; sous le droit, un disque noir et entre les deux, le serpent et l'ombre enroulés autour du fémur. Et enfin, sur ce ventre qu'un temps elle avait espéré fécond, la coupe de Natha.

- " Il nous reste la fête pour la prise de Sol'Dorn... Promets moi, promets moi de me réserver du temps. "
- « Je te le promets.  »

Les yeux de la sombre étaient pétillants.

Puis elle se remit à quatre pattes pour chuchoter à l'oreille du drow.
- " Pour les poitrines, tu les aimes comment ? "
- « C’est amusant : je n’y ai jamais pensé. Je n’y accorde pas d’importance. Contrairement aux fesses. Et toi ? »

Elle prit du temps pour réfléchir mais surtout pour résister à l'envie de mordiller l'oreille offerte.

-" Je les aime pratiques et équilibrés. Si tu as des suggestions, n'hésite pas à m'en faire part ! Elle enfuit son visage dans le cou tendre. Mais elle ne resta pas longtemps.
Que penses-tu de faire connaissance avec du savon ? Je ne voudrais pas que Kim'koat me reproche d'avoir délaissé mon patient au détriment de mon plaisir. Tu sais, c'est le jeune prêtre dont s'est entiché Murrpau. Je veux qu'il apprenne à soigner même en présence des félins à pointe. Mais je passerai autant que possible ! "

***

 
Quand la sombre sortie de la tente la sombre salua les gardes revenus de leur petite pause.

- Pour répondre à votre question, normalement l'Obock Senger doit poursuivre son repos encore jusqu'à la fin de l'ennéade. Bon... Entre nous, je ne lui donne pas plus de trois jours avant qu'il ne sillonne le camp... Veillez à ce qu'il ne porte ni armure, ni Elrie. Et s'il peut ne pas cheuvaucher aussi... Bonne fin de journée ! "

Elle avait beaucoup de difficultés à réprimer un sourire de bonheur et plongea sous la pluie qui n'avait pas cessé de tomber. Les bassines sur la tête et les seaux vides dans la main, elle rejoignit ses pairs.

- "Il faudrait que je demande les effets secondaires de la tisane contre le sommeil, il se pourrait qu'elle ait été un peu sur dosée…"