Roule ta bosse ! | Kerath

RP faisant suite à Maladresse et déjà vu
Un jour mon prince viendra... peut être courant la 6ième énnéade de Karfias, ou peut être après
17ième année du XI ième cycle
Quelque part entre ailleurs et là bas.

Le soleil était haut dans le ciel et illuminait le monde de ses rayons ardents. Il sembla à la sombre qu'il était un peu moins chaud ou peut être pas… C'était peut-être la fatigue… ou encore le venin du scorpion. Quelle idée. Mais quelle idée aussi de ne pas regarder, non inspecter minutieusement l'intérieur de la chaussure avant de la mettre…
Par chance, il était seul.
Par chance, elle était Na'ri.

Assise par terre, le contenu d'une trousse de soin à son côté, la prêtresse inspectait la plaie qu'elle avait ouvert avec une fine lame. D'un geste sûre elle la faisait saigner. Son chameau était allongé, derrière elle, ruminant de rares brins d'herbe qu'il avait réussi à glaner. Elle ne payait pas de mine… Non pas que cela la changer à d'habitude mais elle était plus poussiéreuse et sa tenue militaire plus froissée. Le turban était de travers et le pan qui d'habitude lui barrait le visage pendait sur le côté.

- Sarah'hami ? Tu sais quoi… On va attendre qu'une caravane, ou je ne sais quoi passe. Le chameau ne bougea pas poursuivant son activité avec un flegme flagrant. La sombre rangea son matériel après avoir rincé la lame. Il faudra la passer dans un feu, mais plus tard… elle avait le temps.

- Et puis… On est pas si mal… Nous sommes à côté d'un puit. Au moins, on ne mourra pas de soif. Le pied nu sur sa cuisse, elle regardait l'horizon qui s'étirait à perte de vue.

Elle reprit la parole après un long silence.

- Est-ce que tu pourrais m'expliquer comment on a fait pour revenir sur nos pas en trois jours ? Mais là encore, l'animal ne lui fournit aucune réponse. Alors elle poursuivit sa contemplation.

C'était calme. Presque reposant si cela ne faisait pas autant de temps qu'elle était perdue. Seule…
Vraiment seule ? Elle ne vit pas que derrière elle, un nuage de poussière se soulevait au loin.

Alors certes il avait une armée à diriger et des ordres à donner, une stratégie à appliquer, du moins il devait s’assurer qu’elle le soit mais il pouvait bien s’absenter quelques jours, ce n’était pas comme s’il était le seul à avoir une quelconque autorité ; après tout si la triumvir, Prime Flamme et haute-prêtresse d’Uriz n’arrivait pas à se faire obéir il y avait de quoi se demander pourquoi le Père l’avait choisie. Donc Kerath ne se fit pas de soucis, tout était en place, il n’y avait plus qu’à appliquer ce qui avait été décidé et puis si jamais Krish avait besoin d’un avis militaire il y avait bien assez d’officiers expérimentés et compétents qui rempliraient très bien la fonction de conseiller. Le Senger se mit donc en route après la dernière réunion.

Il faisait chaud mais après avoir passé un certain temps dans la région, Kerath s’était habitué à la chaleur, pas au point de passer des heures à l’intérieur de sa carapace d’acier sous le soleil brûlant, mais normalement ça ne devrait pas prendre des heures. Toutefois comme les imprévus étaient inévitables il n’avait pas pris son habituelle armure rouge et encore moins son heaume. A la place il avait choisi une armure plus légère, beaucoup plus légère. Mais de toute façon il ne devrait pas se battre ; du moins si tout se passait bien et comme c’était rarement le cas il avait tout de même choisit de s’équiper un peu pour une telle éventualité. Il resserra sa prise sur les rênes de Murrpau qui avançait au pas, bientôt ils attendraient le campement avancé des éclaireurs à la recherche de la prêtresse et ils s’y arrêteraient pour la nuit. Mais avant d’aller se coucher Kerath demanda un rapport détaillé pour s’assurer que ce n’était pas une énième fausse piste ou que ladite piste serait toujours là demain. Une fois assuré qu’il n’était en réalité pas bien loin, une demi-journée de retard tout au plus, il défit le harnachement de son félin à pointe puis après avoir mangé il partit se coucher pour se réveiller à l’aube demain.

Ils se réveillèrent même avant l’aube, une heure et quelque avant, plus tôt ils partiraient et mieux ce serait, la frontière des seigneuries morcelées étaient inconstantes s’il en était et même si celles qui se trouvaient proches de Sol’Dorn et de la Sente Noire avaient été pacifiées il s’agissait toujours d’une région en partie sauvage. Il fallait admettre que ça l’étonnait que, si elle était bien dans le coin, Na’ri ne fut pas retrouvée par une patrouille du cinquième ost mais Kerath avait appris depuis un bon moment que, sur certains sujets, il valait mieux ne pas trop se poser de questions. Surtout si on ne pouvait pas y répondre.

Ils étaient quatre à être partis du campement, le Senger évidemment, deux soldats qui lui servaient de gardes rapprochée et un éclaireur qui devait les mener jusqu’à la prêtresse. Le groupe était monté, mis à part Kerath qui était à dos de félin à pointe tous étaient sur des chevaux et lorsque Murrpau renifla, un feulement lui échappa et le général sut qu’ils étaient proches ; au passage il sut que Na’ri était toujours avec son chameau et en effet quelques minutes plus tard l’éclaireur leur montra une silhouette en immobile dans la plaine, si on pouvait appeler ça une plaine, difficile de la manquer depuis la petite colline sur laquelle ils étaient. Le voyage au pas était fini, cette fois ils se dépêchèrent, alors certes ils n’étaient pas certains que c’était bien la prêtresse qu’ils cherchaient mais même si son visage n’était pas visible ses vêtements l’étaient et il était difficile de se tromper.

Une fois arrivé à quelques mètres de Na’ri, Kerath ne descendit pas de Murrpau, ni ses subordonnés d’ailleurs, regardant la prêtresse puis leur général.

« T’as trente seconds pour m’expliquer ce que tu fous là. »

Si la sombre n'avait pas vu ses semblables arrivés, le chameau, lui, avait senti le félin à pointe. Il leur voyait depuis toujours une haine viscérale fort compréhensible. D'un bond, il se releva et pris ses distances laissant sa maîtresse s'affaler sur le dos dans un fin nuage de poussière. Le turban finit de se dénouer, auréolant le visage éraflé de la médecin.

« T’as trente seconds pour m’expliquer ce que tu fous là. »

Les prunelles empourprées s'ouvrirent mais peu de temps éblouies qu'elles étaient par le soleil. Murrpau, en bon compagnon, piétina et réussit à se positionner de telle sorte que l'astre solaire soit remplacé par un visage bougon.

Un mirage… il ne me manquait plus que ça… Il aurait pu être plus beau… Elle soupira mais elle continua à regarder ce visage si familier et si lointain. Dans un grondement, on pouvait entendre le décompte des secondes.

Trente secondes ? C'est bien trop peu !   Les lèvres de la sombre se fendirent d'un léger sourire. Mais pour résumer, sous l'impulsion d'un pied, trois gros cailloux se mirent en chemin. Ils ricochèrent. Ils écorchèrent. Ils se séparèrent. Et me voilà à tourner autour d'un puit pour retrouver mes amis… Et je parle au vent et à Sarah'hami. Puis elle libéra un soupire qui s'emblait venir du fond du cœur. Maintenant, j'ai mal au pied. En effet, le pied nu était toujours contre sa cuisse, la plante ensanglantée ouverte aux rayons solaires.

N'empêche… Quelle idée de se faire nommer Llar Jatha'la Tonashss*… Mais il parait que pierre qui roule n'amasse pas mousse. Qu'en penses tu Murrpau ? Les secondes devaient être passées maintenant, et comme le félin manquait lui aussi de répartie, la sombre bascula sur le ventre et se releva prestement. Cependant le pied blessé ne toucha pas la poussière. Fait notable, sa chevelure poudreuse était libre et en profitait pour caresser les épaules tout en adoucissant l'ovale de son visage.

La prêtresse regarda avec étonnement les soldats qui attendaient leur Senger comme si elle découvrait un nouvel environnement : avec émerveillement et appréhension.

Bonjour !   De la façon dont elle découpait le mot, oui, elle leur souhaitait un bon jour. Heureuse de vous retrouver. Quelles sont les nouvelles de Sol'Dorn ? Son visage était le reflet de ce qu'elle disait. Fait étonnant, elle paraissait moins fatiguée qu'avant son départ.

Elle reposa son regard sur le cavalier, son sourire se fana quand elle se tendit pour se mettre au garde à vous.

Je n'ai pas déserté. C'est la seule chose qu'elle dit à l'officier .

Et en plus elle se fout de ma gueule… fut la première réaction de Kerath. Si Na’ri n’avait pas été une prêtresse elle s’en serait pris une alors pour éviter un geste malheureux le Senger enroula les rênes de sa monture autour de ses mains ; s’il ne descendait pas de Murrpau il ne risquait pas de frapper qui que ce soit. Il pouvait toujours donner un coup dans le félin mais il n’était même pas certain qu’il le sente particulièrement alors ça ne changeait rien. Le félin à pointe en question se pourlécha les lèvres puis il pencha la tête sur le côté lorsqu’il entendit son nom. Mais le Senger regarda bien vite la blessure au pied de la prêtresse en se demandant pourquoi celle-ci n’avait rien fait pour s’en débarrasser et, surtout, comment est-ce que c’était arrivé. Il se concentrait sur cette blessure car il ne comprenait à rien à ce que disait Na’ri et même si l’impression qu’elle se moquait de lui était passé ça l’irritait quand même.
« Ma patience a des limites. » Grogna-t-il alors qu’il desserrait les rênes autour de ses mains.
« Je n'ai pas déserté. »
« J’espère pour toi. » Il mit ensuite pied à terre, fit le tour de Murrpau, attrapa la prêtresse par les aisselles pour la hisser sur le dos du félin à pointe, il plaça le pied valide de Na’ri dans l’étrier avant de lever la tête vers elle. « Tu la boucle jusqu’à ce que je te dise le contraire, c’est compris ? » Sans attendre de réponse il attrapa les rênes et lança un regard à l’éclaireur qui rebroussa chemin pour retourner au camp.

Bon, au moins elle acquiesça et un signe de la prêtresse fit tourner à la tête à Kerath qui remarqua ses affaires au sol. Il hésita une seconde avant de se décider, il regarda un de ses garde, le plus proche.

« Ramassez tout ça et on renter, on a assez traîné ici. » Un hochement de tête plus tard le soldat descendit de son cheval pour rassembler les effets de Na’ri.

« Et le chameau ? » Demanda le second soldat, à moitié tourné sur sa selle.

« Bon débaras. »

Kerath n’eut pour toute réponse qu’un haussement d’épaule puis, pendant que le premier garde rassemblait les affaires de la prêtresse, le Senger sortit une gourde des sacoches pendant aux flancs de Murrpau et la tendit à ladite prêtresse. Si elle se mettait à avoir des hallucinations, du moins si elle le pensait, boire ne pouvait pas faire de mal. Puis ils se mirent en route et lorsqu’ils arrivèrent au camp que Kerath et ses subordonnés avaient quittés le matin même, il faisait presque nuit mais il était en vue alors il se tourna vers l’éclaireur.

« Fais parvenir un message à Krish: je vais avoir un peu de retard. Rien de grave. »

L’éclaireur hocha la tête et enfourcha sa monture pour trouver une estafette dans le campement parce qu’il avait assez voyagé pour aujourd’hui. Du moins il espérait trouver quelqu’un pour remplir ce rôle mais vu qu’ils n’étaient pas bien nombreux les chances étaient minces. Mais ce n’était pas le soucis du Senger, tant que le message parvenait  à la triumvir, le reste, il s’en moquait éperdument. Il entra dans le camp bien après l’éclaireur et il conduisit Murrpau, et Na’ri, jusqu’à la tente la plus proche pour que la prêtresse se repose. Il l’aida à descendre puis sortit avec le félin à pointe pour lui retirer son harnachement. Il rentra à nouveau, déposa la selle de sa monture à côté d’un lit de camp.

« Restes ici, je reviens. Murrpau, restes. »

Ensuite il sortit tandis que le félin s’allongea sur le sol. Kerath alla au centre du campement, attiré par l’odeur de cuisine qui se dégageait du feu de camp principal. Les soldats, assis autour du feu, venaient de terminer de préparer du civet de cerf ; un bien grand mot pour désigner une sorte de pottage auquel était ajouté du sel, de la graisse et des tranches de cerf d'Elda mais comme il s’agissait du plat par excellence des osts, les soldats avaient, au fil des cycles, fini par lui donner un nom plus appétissant que le plat en lui-même ne l’était réellement. Après avoir salué les guerriers rassemblés autour de la casserole, Kerath remplit un bol puis il retourna dans la tente ou était sensée l’attendre Na’ri. En entrant il lui tendit le bol avec la cuillère plantée à l’intérieur du civet, Murrpau s’était déjà levé en sentant l’odeur de viande et il lorgnait sur le bol.

« C’est chaud. » Le Senger alla ensuite s’asseoir sur un des lits de camp en face de la prêtresse. « Une fois que tu as mangé dis-moi ce qui s’est passé. En détails et clairement. »

Bien, bien, bien… Et voilà qu'elle était à nouveau une poupée de chiffon qui se faisait transporter au grès du bon vouloir. Cette fois, elle n'avait pas de liens. Sans mots, la prêtresse avait montré ses affaires et le chameau. Au moins, il était toujours possible d'avoir un dialogue.

« Bon débarras. »

Na'ri se mordit la langue pour ne pas se retourner et ne pas trahir l'ordre qu'elle avait eu. Furieuse, elle regardait ses mains pour éviter d'incendier le premier venu qui passait par là. Par contre l'outre d'eau ne pu y échapper. Puis elle se repositionna sur la selle pour limiter tout contact avec Lui… et ce ne fut pas chose simple même si le cavalier respectait ce choix.

Les heures passèrent tandis que les paysages défilaient. Elle n'avait aucune idée d'où elle était. D'habitude, elle se contentait de suivre le mouvement, mais quand elle dû s'orienter seule, ce ne fut pas facile. Elle avait des difficultés à s'habituer à la démarche du félin, sa course était plus aérienne, moins régulière. Alors ce fut avec un grand soulagement qu'elle découvrit le camp de campagne.

De la selle, elle dû passer au lit, avec la même bienveillance de la part de l'Obock Senger. Assise, elle ruminait quand un des soldat lui remis ses affaires. Dès qu'il fût parti, elle vida son sac pour mettre au pied du lit les linges souillés. Bientôt ses vêtements rejoignirent le tas et avec le peu d'eau qu'elle avait, elle entreprit de se décrasser.
Alors que la première fois que Kerath entra dans la tente, elle était vêtue de l'air du temps, la seconde, elle s'était habillée du drap et s'était recoiffée de son turban. Le visage a nouveau voilé, elle étudiait sa plaie.

« C’est chaud. » Na'ri releva les yeux et inclina la tête. Elle ne fit aucun geste pour prendre le bol, alors, le daedhel le posa à sa portée. Les yeux clos pour se concentrer, elle commença à caresser sa jambe. Son pied pulsait sous les effets de la douleur et quand elle se projeta dans ses chairs, elle eût un haut le coeur. Dorénavant incontrôlée, la magie qu'elle avait acculé se libéra et se diffusa. Dans un soupir d'agacement, elle abandonna son entreprise. Se soigner n'était pas une chose facile, et encore moins après un voyage dans le désert, et en ayant faim.

Le fumet qui envahissait maintenant la toile était des plus appétissant. C'était idiot car elle en connaissait déjà le goût, fort décevant, mais l'odeur était celle de "chez elle". Là où était sa place. En face d'elle, le sombre mangeait. Cela lui fit plaisir de le retrouver. De ses prunelles, elle l'observait. Milles questions se bousculaient mais aucunes ne passèrent ses lèvres. Elle n'avait plus aucune certitude.

Quand son estomac cria famine, elle se décida enfin d'entamer son bol, gardant son voile. Et quand la dernière cuillère fût avalée, sans qu'il n'y ait de morceaux pour Murrpau, elle prit la parole d'une voix légèrement enrouée.

- " Merci. Merci pour tout. " Ce n'était certes pas ce qu'il attendait, mais tant pis. A Frontière… j'ai tué des innocents. Je ne m'en souviens pas. Je ne sais pas pourquoi. Mais je les ai tué. Envolée l'histoire des cailloux, Envolée les sourires et la légèreté du ton. C'était deux mercenaires. Elle marqua une pause comme pour honorer leur mémoire. Comme de bien entendu, la troupe réclama justice… Alors je partis avec eux. Et maintenant, je me présente à vous… comme prisonnière.

Elle plongea dans les prunelles cerclées d'or comme une dernière fois.

- J'ai ignoré un ordre formel. Que mon châtiment soit un exemple pour tous. Elle connaissait déjà le sort réservé aux soldats eldéens : l'empalement.

« Ralentis. » Il regarda son bol vide avant de se lever, il mangeait bien plus que ça. « Je reviens. Profites-en pour te souvenir du pourquoi. » Il prit au passage le bol de Na'ri, si elle n’avait plus faim il pourrait manger à sa place. Il revint quelques minutes plus tard, une cuillère dans la bouche et en voyant Murrpau loucher sur la nourriture il le regarda, agacé.

« Va chasser. » Le félin ne se fit pas prier et sortit de la tente après s’être rapidement étiré. Le Senger retourna à sa place en tendant le second bol à la prêtresse. « Ça t’es revenu? » Il n’attendit pas de réponse pour commencer à manger.

Non. J'ai eu tout le loisir d'y réfléchir... Je les ai tué lors de crise de somnambulisme. Lors de l'absence de Kerath, elle avait déposé ses armes sur le lit, ainsi qu'une trousse bien nouée et sa bague. Je n'ai que peu de souvenirs de mes rêves. Alors de ce que je fais pendant mon sommeil... Elle avait pris le bol chaud dans ses mains en coupe, comme pour se les réchauffer. Elle faillit rajouter autre chose, mais elle se ravisa et attendit la question suivante.

« Quand j’étais enfant je faisais des crises de somnambulisme et ça m’effrayait au point de rester tétanisé pendant des heures à mon réveil. Ma mère me disait que c’était Teiweon qui avait une mission pour moi ; que c’était pour ça que je n’avais aucun souvenir de ce que je faisais. Ensuite elle me caressait les cheveux et elle me faisait mon plat préféré. Je ne la croyais pas vraiment, mais ce n’était de toute façon pas ce qui comptait, jusqu’à ce que mes crises cessent du jour au lendemain. Peut-être que Teiweon veut que tu fasses quelque chose. Si c’est le cas t’as intérêt à trouver ce que c’est. Et vite. » Il avala une nouvelle cuillerée avant de se pencher pour aller chercher une outre d'eau.

Sous le masque, un sourire triste s'étira à l'évocation du souvenir du sombre. Elle était heureuse de l'entendre partager ce précieux souvenir de la prime enfance. Et en eut un pincement au coeur.
Regardant les bouts de viandes qui flottaient dans son bouillon, elle le remercia et entama sa seconde portion.

Nous verrons bien. Nous verrons si ce qui a été fait à suffit, maintenant que je suis de retour… Elle soupira. Suis je en mesure de vous demander une faveur ?

« Je ne peux rien te promettre mais demande toujours. »

La prêtresse touilla son civet. Cette nuit, je souhaiterai être attachée et... Elle regarda gênée, ailleurs Et ne faites pas parti de mes juges. Je ne veux pas qu'on vous accuse de partialité pour... Sa voix mourut. Bref, ne salissez ni votre nom, ni votre fonction pour moi. C'était une évidence. Kerath n'était pas devenu Obock Senger en faisant dans le sentimentalisme. Mais parfois, énoncer des évidences était rassurant. La daëdhelle en avait besoin... comme d'une caresse maternelle dans ses cheveux.

« Tu parles comme si tu étais déjà condamnée. Il y aura une enquête et on verra où elle nous mène, de toute façon on a pas le choix vu que tu ne sais rien, n’est-ce pas ? »

Je sais ce que les mercenaires m'ont raconté. Nous sommes partis ensemble de Frontière quand ils m'ont arrêté. Je ne suis pas certaine qu'ils soient restés dans la région. Elle n'avait que sa parole, et elle s'accusait d'avoir troublé l'ordre de Frontière… Demain sera donc un autre jour. Ce fut en silence qu'elle finit son bol, pensive.

Auras tu besoin d'aide pour ôter ton armure ? Elle avait réutilisé le tutoiement habituel. Ou un massage, après cette journée de chevauchée ? Maintenant que le ventre était plein et qu'elle avait dit ce qui devait être, Na'ri ne pouvait s'empêcher de se sentir utile en agrémentant le bien être de son compagnon.

Kerath la regarda quelques instants en silence avant de pousser un soupir.

« Tu as leurs noms? Au moins celui de leur compagnie. »

"Je te les donnerai plus tard…" Plus tard, c'était bien plus tard… c'était chercher la facilité, c'était fuir les questions de l'Obock Senger.

Il engloutit ce qui restait à l’intérieur de son bol avant de le poser au pied du lit pour se lever et présenter son dos à Na’ri. « Si tu peux m’aider pour les petites attaches… » D’une main il tenta vainement de les attraper.

Le voyant ainsi se contorsionner, elle se mit à rire. "Oui, je les vois ! Ne t'inquiète pas ! " A son tour, la prêtresse se redressa et monta sur le lit pour être plus à l'aise pour atteindre les dites lanières. "Mais enlève moi tes pattes de là ! " Touchant une dernière fois les lanières du bout des doigts il finit par obéir et ramena sa main devant lui. Elle se pencha pour déposer du bout des lèvres un baiser voilé sur la main retardataire.

Tandis que Na’ri s’occupait des lanières dans son dos, Kerath défit les accroches sur ses flancs et au niveau des épaules et le plastron ne mit pas longtemps à s’ouvrir, puis il fut réceptionné par son propriétaire qui le déposa au pied d’un lit. Il s’étira ensuite avant de se retourner pour s’asseoir en poussant un soupir fatigué.

« Alors, où t’ont-ils amenés pendant tous ces jours? Et t’es-tu échappé ou ils t’ont laissé partir ? »

La daedhelle haussa un sourcil, son geôlier ne se laissa pas aussi facilement corrompre. Et cela lui plu… beaucoup. Par mimétisme, elle s'assît également, mais en tailleur.
- " Comme je te l'ai dit devant le puit, nous sommes partis rapidement après ma capture. [... Explications en attente du rp... ] Et, il y a quelques jours, nos chemins se sont séparés. J'ai erré depuis. " Machinalement, elle traçait différents motifs du bout des doigts autour de sa coupure. Puis elle changea complètement de registre.

- "Dis moi, avez vous dans ce camp quelques herbes médicinales à me donner ? Il me faudrait juste quelques feuilles d'Erboas ou du miel. Je n'ai plus rien sur moi pour me soigner et il ne me reste que mes Orbb'aphyon…" D'une main, elle pointa sa trousse qui se trouvait avec ses armes, sur le lit de Kerath. "D'ailleurs, n'hésites pas à t'en servir en badigeonnant tes lames. Que ceux qui survivent à tes coups, meurent en emportant d'autres… J'imagine que tu connais aussi bien que moi l'impact d'une épidémie sur le moral de l'ennemis. Ma préférée est la quatrième. Elle se développe bien dans les eaux stagnantes également."

« Tu veux bien arrêter de changer de sujet ? Tu commences à me fatiguer. Racontes moi ce qui s’est passé avec les mercenaires. »

Décousus… oui ses propos avaient peut être été jusque là décousus mais les questions ne l'avaient pas vraiment aider à respecter la chronologie des évènements.

- " C'était la nuit du 4ième jour de la troisième ennéade de Karfias. Je me suis réveillée ligotée et ensanglantée. Sarah'hami était également là bas, dans le camp des mercenaires. Elros, m'a alors expliqué que j'étais là, car pour la troisième fois, je m'étais attaquée à un de leurs. La première fois, c'était deux jours plus tôt. Et la seconde, la veille. Bien qu'ayant aucuns souvenirs, j'ai fini par la croire. J'étais épuisée. J'avais mis cet épuisement sur le compte de mes allers et retours entre le camp Nord et le camp Sud, ainsi que sur l'usage de ma magie. Mais si je devais faire en plus les allers et retours à Frontière, la nuit ne devait pas être de tout repos. Je pense que l'on peut interroger la garde de nuit, ils ont dû noter mes allers et venues… Bref."

La prêtresse fit une pause pour reprendre le fils de sa pensée avant de reprendre son récit.

"Mais, plutôt que d'aller trouver les autorités eldéennes, les mercenaires préférèrent lever le camp et c'est ainsi que nous partîmes pour le désert Zurthan avec Elros. "

À nouveau docile, elle attendait la prochaine question avec appréhension. Que pouvait elle dire de plus ? Rien ne changerai le fait qu'elle était coupable de ses meurtres. C'était les faits. Le reste n'était que superflus. Il y avait bien un autre point, mais elle même ne le comprenait pas. Shyn'tae, elle pourrait. Shyn'tae... Comment est ce qu'elle allait d'ailleurs ?

« Attends... ce n'est pas la première fois ? Et tu n'as pas jugé bon de venir prévenir quelqu'un? » Il commençait à s'énerver, serrant son genoux d'une main qu'il avait nerveusement transformé en étau.

"Mais comment j'aurais pu savoir que je tuais des gens pendant mon sommeil ?! L'exaspération s'entendait dans sa voix. C'est pas ma faute s'ils n'ont pas été capables de m'attraper avant ! "

« Tu vas me dire que tu t’es réveillé avec des vêtements et des armes propres ? Que tu n’as pas été blessée les deux premières fois ? »

"Alors… non. Non je n'avais pas été blessé avant qu'ils me capturent. Merci pour ta piètre opinion. Non, je n'ai pas fait attention à mes armes. Ni a mes tenues. Oui, il pouvait avoir du sang, mais je m'occupe de blessés ! Le sang c'est mon quotidien. Alors, un peu plus ou un peu moins…" Sa voix charriait des glaçons. "Et si je puis faire appel à ton bon souvenirs, en journée, j'étais au chevet de deux patients se trouvant à l'exact opposé de Sol'Dorn."
Son regard était devenu glacial, faisant ressortir les éclats argentés de son oeil gauche.

« Tu as attaqué une compagnie de mercenaire, en a tué quelques-uns avant de partir et ce sans être blessée. Et non seulement tu l’as fait mais en plus tu l’as fait deux fois. En dormant qui plus est. Quand es-tu devenu une telle guerrière ?  »

La sombre ne répondit pas tout de suite.
"Merci pour ton sarcasme. Alors pour compléter ton image, dis toi qu'il y ait une chance pour que les deux premières fois, les mercenaires n'aient pas été prêts. Ni dans le camps. Et que c'est en sautant tête baissée que je m'y suis fais prendre. "

Elle posa ses yeux sur ses lames. Oui, elle était vexée. Elle savait que trop qu'elle n'était pas du culte d'Uriz. Et alors ? Chez les Jumelles, elle était heureuse. Mais pourquoi faillait il qu'il soit autant attiré par celles du Père des batailles ? Kerath desserra sa prise sur sa jambe. Le voyant faire, la sombre se détendit également.

« De toute façon pour le moment ce n’est pas important. Il va me falloir le nombre de mercenaires, leurs races et une description. »

" Je dirai que la troupe comprend une vingtaine de membres. De tout horizon. De tout âge… Adulte plutôt. Ils parlaient l'Olyien." Elle fit à nouveau une pause. Ce temps était tellement révolu, et elle avait pu dormir depuis qu'elle en avait des souvenirs éparses. "Quand nous avons quitté le camps, il y avait une histoire de loups. Parmi eux, il y a Elros, une elfe. Elle s'est occupée de moi. C'est grâce à elle que je suis encore en vie. Ce n'était pas elle la responsable, mais elle était respectée. Ce n'était qu'un détail mais elle parlait… baragouinait l'eldéen. Par contre… inutile de mentionner Na'ri Yisfi. Ils me connaissent sous le nom de Llar Jatha'la Tonashss."

La sombre fit à nouveau une courte pause. Pourquoi demandait il cela ? Ce n'était pas à lui d'enquêter.

" Kerath… commença t'elle d'une voix suave, tandis qu'elle se penchait en avant. Le drap, noué sur son épaule ne révéla rien de sa peau de jais. Dit moi… Tu es un chef de guerre. On manque peut être d'occupations, mais, ce n'est pas à toi de partir en chasse…" Elle croisa les bras, faisant ressortir sa poitrine.

"En parlant de chasse… Si Murrpau a chassé Sarah'hami, MA monture, fait en sorte à ce que je ne vois pas son cadavre. Je n'ai déjà pas apprécié que tu l'abandonnes. " Elle avait baissé la voix, c'était presque un chuchotement. La douceur du ton tranchait avec la dureté de son regard. Regard qu'il lui rendit quelques secondes avant de finalement se lever.

« Tu as raison, je n’aurai pas dû venir. De toute façon je pars demain. » Il se massa l’épaule avant d’attraper le bol qui attendait patiemment sur le sol, une fois de nouveau debout il lança un dernier regard à la prêtresse. « Bonne nuit, Na’ri. » Lâcha-t-il d’un ton cassant avant de sortir de la tente.

"Merci. Mais... " la toile de la tente se refermer déjà sur le large dos.

Il avait encore faim, il n’avait pas encore prié mais, surtout, son mal de tête allait en s’empirant.

Il ne l'a croyait pas... Elle en était certaine. En y réfléchissant bien, qui la prendrait au sérieux ? Même elle aurait des doutes en écoutant une telle histoire. Ses yeux se posèrent sur leurs affaires. S'ils devaient lever le camp, il fallait tout préparer. Boitant, la sombre récupéra alors leur attirail. Ne sachant que faire de ses armes, elle les laissa sur le lit, mais se réappropria son focalisateur et ses petites infections, ce n'était pas des choses qu'on pouvait se permettre de laisser trainer. Tout en pliant, elle adressait des prières aux dieux pour tous ceux qui étaient dans ce camps, et pour celui qui lui était dorénavant inaccessible et blessé. Ils avaient quitté le siège juste pour elle. Elle qui faisait preuve d'égoïsme.

Après que tout fut rangé, elle se lia une cheville à un poignet avec son turban par peur, par habitude. Puis elle posa sur son oreiller le large plastron. Curieuse, elle le caressa. Le cuir était tanné par l'usage, aussi lisse que le grain d'un marbre de Myr'Hennis. C'était doux, agréable. Il y avait parfois des accros, des griffures. Ne réprimant plus l'envie qui la tenaillée, elle y glissa la tête et s'imprégna de son odeur. Son odeur à Lui.

Ignorante des affaires à Sol'Dorn, la prêtresse s'endormit ainsi, paisible.

Kerath alla s’asseoir avec ses soldats autour du feu mais plus personne ne parlait. Peut-être était-ce son arrivée, peut-être s’étaient-ils arrêtés pour écouter ce que la prêtresse et lui racontaient, peut-être qu’ils avaient des questions qu’ils n’osaient pas poser. Peu importait en réalité, Kerath n’avait plus envie de parler. Il remplit à nouveau son bol et mangea rapidement, lorsqu’il se servit à nouveau deux soldats se levèrent pour prendre leur tour de garde, remplaçant leurs camarades. La discussion avait finalement repris mais le Senger n’y prenait pas part, c’était à peine s’il écoutait d’une oreille distraite. Une fois qu’il eut terminé il se leva, prit les bols vides de ses soldats avec les ustensiles affiliés et il sortit du camp pour aller les laver à une petite rivière tributaire de l’Oliya sous le regard surpris de ses drows. Ça faisait tellement longtemps qu’il ne s’en était pas chargé qu’il avait oublié la majorité des petites combines qui permettait d’accélérer le processus mais il s’en moquait, il n’avait pas sommeil et le doux son de l’eau ruisselante l’apaisait sans qu’il sache vraiment comment ou pourquoi. Toutefois il décida bien vite que ça n’avait aucune espèce d’importance, le principal c’était le résultat, pas le moyen d’y arriver.

Alors qu’il avait bientôt terminé il sursauta en voyant une forme massive dans son champ de vision périphérique.

« La chasse a été bonne? » Pour toute réponse Murrpau se contenta de se baisser pour boire un peu d’eau en amont et l’eau en question se teinta d’un léger rose pendant un bref instant. Kerath regarda le félin à pointe en se disant, pour la énième fois, que sa capacité à se déplacer silencieusement, en considérant son poids et sa taille, lui faisait froid dans le dos mais ça lui donna aussi une idée. Le Senger termina ensuite de nettoyer la vaisselle puis il se dénuda pour se laver dans l’eau glacée sous le regard étonné de Murrpau qui devait se demander pourquoi est-ce que son maître faisait une chose pareille. Ensuite il retourna au camp, suivit par son compagnon, où il se débarrassa des bols et autres cuillères pour aller prier. Kerath sortit de sous sa tunique son second collier au bout duquel pendait un petit soleil en bois usé par le temps ; il n’avait rien de particulier, la peinture avait disparu depuis longtemps et l’usure le faisait plus ressembler à une étoile comme on pouvait tant en voir dans le ciel nocturne qu’au soleil, surtout en considérant qu’il n’était pas épais et semblait trop fragile pour ce qu’il était sensé représenter. Et c’était entre autres pour ça qu’il le gardait si précieusement. Cette nuit-là il pria bien plus longtemps que d’ordinaire mais une fois ses dévotions terminées, comme il le craignait, sa mauvaise idée rôdait toujours dans son esprit, refusant de s’en aller malgré toutes ses tentatives.

Alors il se leva, chercha rapidement Murrpau qui était parti se coucher à côté du feu éteint, il se releva en voyant son maître approcher.

« Va chercher Na’ri. » Chuchotta-t-il à l’attention du félin à pointe qui regarda Kerath en penchant la tête sur le côté pendant une seconde avant de lancer un coup d’œil à la tente et d’y aller avec sa discrétion coutumière. Il se faufila donc dans la tente et passa entre deux lits de camp pour se tourner vers celui de la prêtresse qu’il réveilla d’un coup de langue râpeuse.

Dans la vie, il existe plusieurs type de réveil. Les réveils sonores ou lumineux. Les réveils en panique sous le coup d'une urgence. Les réveils câlins… qu'ils sont bien ceux là, mais toujours trop rares. Mais rien n'est pareil à un réveil animalier. En effet, les compagnons savent faire preuve d'une inventivité infinie pour arriver à leurs fins.

Du plastron, il ne dépassait que des cheveux éparses et un bouquet de mains et de jambes. Alors quand le félin à pointe lécha son mollet, la prêtresse sursauta. Elle chercha dans un premier temps à s'étirer, mais le lien l'en en empêcha. Et ce fut après moulte gesticulations qui lui prit bien trop de temps, elle réussit à se dégager à la fois de l'armure et de son turban sous le regard imperturbable du félin à pointe. Il sembla à Na'ri que cet animal avait tout vu.

Dans la pénombre, les oreilles de la medecin s'agitaient. Tout autour d'elle, les soldats dormaient. Il n'y avait pas d'autres bruits, si ce n'est que celui des respirations. Parfois il y avait des crissements de dents, auquel répondaient des ronflements. Des bruits de la nuit. Affreusement banal, éperdument rassurant.

Au moment où elle se redressa pour se lever, Murrpau disparu, surement lassé de sa farce. Un instant, elle eut envie de se recoucher pour retrouver la tiédeur de son lit et du cuir. Cependant, elle se rendit compte qu'elle avait soif. A côté d'elle, la couche était vide. En passant la main sur le drap, le lit était également froid. Elle frissonna.

Marchant pied nu, sur la pointe pour ne pas salir sa blessure, la prêtresse avançait lentement vers ce qui pouvait être le centre du camp, à la recherche d'un broc d'eau.

La prêtresse aimait la nuit car le firmament lui évoquait les lumières perpétuelles des Profondeurs. Elle en aurait presque eut le mal du pays si une légère bise ne s'était pas levée pour jouer avec ses cheveux. Ils se mirent à danser sur ses épaules et sur ses joues. Les yeux mi-clos, elle profita de cette caresse impromptue. Elle avait oublié à quel point c'était agréable. Alors, par cette nuit claire, elle décida d'en profiter.

Un peu plus loin, elle aperçu la silhouette élancée du compagnon joueur de Kerath.
Murrrpau ! La sombre s'amusa à rouler les R, comme pour ronronner. Merrrci ! Elle avança vers l'animal, de son étrange démarche boitillante. Mais dit moi, où est Kerrrath ?

Une fois dehors, le félin à pointe s’assit, attendant que la prêtresse le suive et il se releva lorsqu’elle approcha de lui. Pour répondre à sa question il se retourna, regarda autour de lui et une fois que la voie fut libre il s’en alla pour rejoindre son maître qui priait plus loin, agenouillé devant l’affluent dans lequel il avait nettoyé les bols.

La prêtresse suivit Murrpau jusqu'à Kerath. Et voyant qu'il priait, elle s'assit non loin en mettant ses pieds dans l'eau, s'assurant que son vêtement de fortune ne se mouille. Cette nuit, elle avait envie de rire, de s'amuser une dernière fois. Pourtant, les mots qu'ils avaient pu échangé ne prêter pas à cela. Elle avait creusé un fossé entre eux.

Tiraillée entre ses envies de le protéger de tous soupçons et ses envies intimes, elle ne savait trop comment elle pouvait construire une passerelle pour eux. Et encore moins si Kerath en avait envie aussi, même s'il devait se reposer.

Derrière un arbre, attaché à celui-ci, un cheval broutait mollement le peu d’herbe jaune qui se trouvait là et alors que Na’ri s’asseyait, Kerath termina sa prière.

« Si tu es certaine que tu seras déclarée coupable… j’ai préparé une monture avec des provisions et de l’argent. » Les yeux toujours fermés il continuait de face au cours d’eau, sa tête n’ayant pas bougée, même pas pour se tourner vers la prêtresse. « Si tu refuses je ne pourrais plus t’aider. »

La prêtresse se retourna et aperçu la monture prête à partir. Une boule dans sa gorge se noua.
"Kerath…" La voix de la sombre était presque un murmure. Elle avait la furieuse envie d'hurler, de crier, de l'étreindre.
"Kerath, viens. S'il te plait. Viens à moi si tu veux m'aider." Elle s'était relevée et tendit ses bras vers lui. Il se releva à son tour, d’abord en relevant un genou puis en s’appuyant dessus pour se mettre entièrement debout. Puis il rouvrit les yeux, Murrpau attendait à ses côtés. Il hésita à faire un pas en avant mais seulement pendant une seconde et il la prit dans ses bras.

La sombre l'accueillit avec douceur. Prenant une impulsion de son pied valide, elle passa ses jambes à la taille de son doux tourment.

Je t'aime… sa voix mourut quand elle enfouit son visage dans son cou. Les larmes débordèrent et ruisselèrent sur ses joues. Je t'aime… Elle resserra sa prise, agrippant de toute ses forces la chemise en toile. Elle hoquetait tant qu'elle avait du mal à retrouver sa respiration. Haletante, elle se cramponna à lui. Il passa sa main gauche main sous les cuisses de Na’ri et il passa l’autre dans son dos pour la plaquer contre son torse, même s’il n’en avait pas physiquement besoin vu qu’elle le faisait très bien toute seule. Puis il remit un genou en terre, Kerath s’assura ensuite qu’elle était bien accrochée avant de repositionner la main qu’il avait mis dans son dos vers le sol pour amortir sa chute alors qu’il se laissait tomber en arrière pour s’asseoir. Maintenant solidement ancré sur le sol, de sa main libre il alla chercher le visage de la prêtresse pour qu’elle le regarde une seconde avant de l’embrasser.

La daedhelle sentit son monde tanguer, basculer pour enfin se redresser. Quand Kerath arriva enfin à la détacher, elle devina plus qu'elle ne vit les prunelles d'or et de grenat. Doucement, une dernière larme glissa de ses yeux pour aller saler leur baiser. Lentement, elle lâcha la chemise pour remonter tendrement le long du cou. Du bout des doigts, elle joua avec les mèches courtes de la nuque de son partenaire, provoquant un frisson qui remonta le long de sa colonne vertébrale. Son trajet ne se termina que lorsque sa paume s'amarra sur la pommette de Kerath.
Dans ce tourbillon d'émotions, où plus rien n'avait d'importance, elle apprécia pouvoir compter sur quelqu'un, lui faire confiance, s'en remettre à lui. Et n'avoir qu'une seule envie : ne faire qu'un.
Avec un peu de précipitation et beaucoup de maladresse, la sombre passa sa seconde main sous la chemise. Alors, elle caressa, effleura cette peau marquée et si belle. Et quand le baiser pris fin, elle tourna lentement son visage pour déposer une myriade de baisers à chaque doigts comme pour les remercier de l'invitation. Kerath, n’ayant jamais été quelqu’un de particulièrement patient, lâcha Na’ri et vint placer ses mains sur les hanches de la prêtresse avant de les remonter pour se débarrasser du drap ; il en profita pour caresser la peau se dénudant sur son passage, ses mains passant brièvement des flancs de la daedhelle à sa poitrine avant de retourner sur ses épaules, les yeux de Kerath roulant le long du corps de la prêtresse, suivant la montée de ses mains. Il enchaîna sur un baiser avide, enflammé, passionné qui dura plus longtemps qu’il n’en avait l’habitude. Baiser auquel la sombre répondit avec langueur.

La main de la daedhelle quitta le visage pour rejoindre sa jumelle. Du dos, toutes deux glissèrent vers les flans avant de remonter pour s'échouer sur les larges épaules, remontant la toile qui les séparait encore pour peu de temps. Elle se redressa légèrement pour accompagner le départ de la cotte, offrant à son regard cupide la douce courbe d'un sein. Un léger sourire flottait sur ses lèvres quand elle les déposa sur le front. Aussi légères que des papillons, elles descendirent sur la tempe. La joue. Le cou. Ce faisant, elle passa ses mains dans les cheveux d'argent, puis s'appuya de tout son poids contre le torse musclé et l'allongea sur la terre battue aux rares touffes d'herbe. Comme le disait quelqu’un de très sensé : à la guerre comme en amour, seul le corps-à-corps donne des résultats, et dans les deux domaines Kerath n’avait pas l’habitude de rester passif ; d’ordinaire il cherchait à prendre l’initiative mais, étrangement, il n’en ressentit pas l’envie, et encore moins le besoin. Alors il laissa la prêtresse et n’opposa qu’une résistance symbolique lorsqu’elle le poussa au sol, plus par réflexe qu’autre chose ses muscles se contractèrent pour l’empêcher avant de lentement se relaxer pour céder petit à petit sous la pression de Na’ri. Il tenta d’ignorer, sans trop y arriver, la caresse des quelques brins d’herbes dans son dos mais il refocalisa très vite son attention sur la sombre en face, ou plutôt au-dessus désormais, de lui.

Un instant, elle regretta son geste de peur de lui faire mal. Mais elle ne voyait pas d'autre solution pour qu'ils soient égaux sous le regard des lunes. Mais le moment d'après, elle le libéra de son emprise pour joindre à ses baisers des caresses, toujours plus bas. Il ne lui restait plus aucuns scrupules quand elle joua avec le sein, goutant cette peau qui l'attirait tant. Ce qui ne provoqua pas grande réaction au daedhel, sa peau avait été tant désensibilisé par le mauvais traitement qu’elle avait subie, notamment le tatouage qui lui couvrait le torse, fait pour marquer son ascension à la tête du second ost, qu’il ne sentit pas vraiment la langue de la prêtresse

Que le voyage fut trop long ou trop court pour son galant, elle ne le sût pas. Se plaçant sur le côté, en espérant ne pas rencontrer l'onde, Na'ri dénoua le nœud qui, quelques ennéades plus tôt lui avait été interdit. Attentive, elle cherchait dans le regard d'or une quelconque désapprobation pour suspendre son geste. Qui ne vint jamais. En professionnelle aguerrie, tout ce qui pouvait recouvrir la peau d'ardoise fut retiré, tranchant avec la relative sensualité du moment.

Elle l'aimait quand, torse nu, il chevauchait Murrpau. Là, nu sous la caresse d'argent, une feuille glissée dans les cheveux, elle l'adorait. En son sein, couvait un feu ardant. La daedhelle repartit à l'assault de ce qui jusque là avait toujours été caché. Des caresses et des baisers. De la cheville à l'aine.

La tête posée au creux de sa hanche, les oreilles tendues vers lui, elle attendait un signe, un murmure pour poursuivre sa découverte. Qui, cette fois, vint, un hochement de tête sans la quitter des yeux, après une hésitation d’un battement de cœur ; Kerath avait des doutes mais c’était bien trop tard pour les écouter. La prêtresse ferma ses yeux, tandis qu'elle glissa un peu plus bas. Maintenant elle ambitionnait une chose… si petite et si fragile, qu'elle offrit les soupirs à la Belle Dame.

Les caresses se firent plus appuyées et plus humides. Mais toujours aussi peu pressées. Aucuns creux et ni plis ne furent oubliés. Et quand, enfin, elle replongea dans le regard d'or, avec un sourire gourmand, c'était pour glisser entre ses lèvres la douce chair nacrée. La douceur des mouvements fut éphémère, cédant aux rythmes plus sauvages, plus chaotiques, n'ayant comme point de repère que le souffle du daedhel et ses simagrées. Un souffle qui se faisait plus erratique, ses inspirations plus courtes, sous l’attention de la prêtresse et même s’il essayait, Kerath n’arrivait pas à penser à autre chose alors il abandonna complétement l’idée. Elle l'avait dégusté, et il l'apprécia. Maintenant que leurs battements s'étaient calmés, pelotonnée entre les jambes musclées du noirelfe, elle le savoura. Jusque-là à moitié couché sur ses coudes il regardait Na’ri et poussa rapidement sur ses bras pour se rasseoir après quelques temps ; Isten était loin d’être la divinité à laquelle il rendait hommage le plus souvent et même s’il pouvait supporter un effort prolongé sans difficulté, force était de constater que dans un lit il était moins endurant.

 

Gênée par la nouvelle posture de son amant, la sombre se cambra pour s'étirer et glissa vers les mollets. Un peu plus loin, elle retrouva l'onde qu'elle caressa des pieds.

- "Quand tu seras remis de tes émotions, saura tu me retrouver le savon qui te parfumait ? " Le ton était plutôt joyeux. Pour l'heure, elle avait envie… de tant de chose. Alors, elle s'avança pour s'offrir à la fraiche caresse de l'onde et frissonna quand l'eau enserra son bassin. Elle ne poursuit pas son ascension de peur de se faire prendre par le courant et s'immergea entièrement.
La daedhelle réapparut une poignée de secondes plus tard, à quelque brassée plus en amont. Ruisselante, de l'eau jusqu'à la taille, elle se tourna vers la rive.

-" Est ce que tu veux venir ? " De là, où elle était, elle ne voyait pas grand chose à cause des iris d'eau. Alors, elle se faufila entre les feuilles allongées, pour attirer si ce n'est l'attention du drow, la curiosité de sa monture. Et tant pis, si elle était la souris. Tant pis… était il déjà parti ? Ce fut avec une certaine gêne qu’il hocha lentement la tête, sans vraiment comprendre ce qu’elle voulait dire. Mais si elle le voulait il pourrait chercher. Après quelques secondes il se leva et prit son pantalon alors que Na’ri disparaissait dans l’eau. Il la chercha du regard mais n’osa s’approcher, il avait déjà bravé sa peur de l’eau plus tôt et ne voulait pas recommencer si tôt. Mais sa voix le poussa à faire un pas dans sa direction. Puis un autre. Mais son courage avait des limites et c’est devant la rivière qu’il s’arrêta, incapable de poursuivre.

Elle était proche de la rive quand elle se fit mal au pieds et s'effondra dans l'eau. De sa maladresse, elle ria à gorge déployée. Le son cristallin se propagea à la surface de l'eau.

Ce soir, elle avait eu l'envie de rire, de jouer, une dernière fois.
Ce soir, elle avait eu l'envie de découvrir, d'aimer, une première fois.
Ce soir, elle avait eu l'envie de s'offrir à lui, une première et dernière fois.
Ce soir, elle avait eu l'envie de faire une parenthèse dans sa vie, d'avoir un échantillon de bonheur pour une fois.
Ce soir… il ne lui restait que l'envie de pleurer.

Assise dans l'eau, tenant ses genoux dans ses bras, Na'ri ne pu empêcher ses larmes de couler. Tournant le dos à la terre, elle se mordait les joues pour ne pas laisser s'échapper un sanglot. A ses côtés, les tiges s'agitaient. Pourquoi la respiration des pleurs ressemblait elle si étrangement à celle du plaisir ? Il n’eut pas de mal à la retrouver, surplombant comme il le faisait le cours d’eau et en la voyant assise il haussa un sourcil.

« Na’ri ? Je… je suis désolé. Tu veux bien revenir ? »

" Si je veux revenir ? " articula t'elle faiblement d'une voix enrouée. " C'est partir que je ne veux pas. Je ne veux pas… je… " Elle se releva et sortit de l'eau, un peu titubante. Bien que ruisselante, elle chercha à se réfugier dans ses bras. Il l’attrapa et la serra contre lui, peut-être trop fort. Peut être, mais la sombre le serra également contre son coeur. « Alors restes. » Pour la première fois depuis… il ne savait trop combien de temps, il chuchotait. « Si tu es innocente les dieux t’aideront. » Elle ne répondit pas, elle s'en remettait aux Dieux.

Au bout d'un certain temps, elle desserra son étreinte après avoir apaisé ses peurs dans les battements de coeur de Kerath. Des battements puissants, rapides, réguliers, tout ce que Kerath, à cet instant, n'était pas.

- "Peut-on dormir ici, sur le drap ? Il ne fait pas froid et… les lits de camps sont trop petits." la proposition était stupide, mais personne n'avait jamais dit que l'amour rendait plus intelligent. Elle avait fait un souhait. Il était tout petit et tout fragile. Et elle n'attendrait pas la volonté des dieux pour l'avoir. Et tout mortel qu'il était, exaucer certains vœux restait dans ses cordes. Après tout dormir à la belle étoile n'était pas le pire qu'il ait pu faire, ce n'était pas non plus la première fois et ce ne serait sans doute pas la dernière alors pourquoi pas? Alors il s'allongea, drap ou non il s'en moquait, tant qu'il était avec elle.

Il lui avait accordé. Une nuit dans ses bras. Demain attendra. Demain arrivera toujours trop vite.