Cette somme fera l'affaire. Non elle fera pas l'affaire ! [Miriel]

Cela faisait deux heures, deux longues heures à poireauter sur la route à attendre un stupide marchand qu’ils devaient protéger… C’est fou à quel point certaines personnes n’avaient aucun respect! Si elle n’avait pas tant besoin d’argent, cela ferait longtemps qu’elle se serait barrée sans demander son reste. Miriel remonta doucement son capuchon pour se protéger du vent qui lui glaçait les eaux, quand finalement un homme arriva. Il était inutile de demander son statut social. Seulement par ses vêtements, on pouvait deviner qu’il était riche. Un fils à papa qui ne semblait pas comprendre qu’est la vie. Il échangea quelques paroles désobligeantes avec Nehril avant de finalement réaliser qu’il s’adressait à ses deux gardes du corps, et là, son attitude changea rapidement…

«Vous voici donc, mes camarades ! Ma caravane est plus loin sur la route ! Venez ! Et partons ensemble pour de folles aventures !»

Décidément les paroles de son grognon de compagnon ne semblaient pas affecter plus que cela le marchand qui était beaucoup trop de bonne humeur! Miriel s’efforça de ne pas grimacer alors que l’homme lui saisissait l’épaule comme si l’on saluait un vieil ami. Elle prit la main du commerçant  avant de la laisser tomber dans le vide, l’air froid. Avait-elle réellement besoin d’ajouter quoi que se soit? C’était très clair que la bonne humeur du commerçant ennuyait déjà la mercenaire. Combien de temps cette mission allait durer déjà? Parce qu’ils étaient vraiment mal partis… L’humain ne perdit pas de temps, et les invita à rejoindre sa caravane. Miriel déplaça son regard cendré de là ou Tahovar venait d’arriver, mais à sa grande surprise, il s’enfonça rapidement dans les hautes herbes sans attendre et les enjoignit à le rejoindre rapidement.


«Venez compagnons !»


Miriel, interdite, haussa soudainement un sourcil. Mais c’était quoi ce bordel? Elle se tourna vers Nehril avant de lui adresser la parole; «Il n’a pas l’air sain d’esprit ton compagnon…» Cette histoire était très louche, et il y avait définitivement une anguille sous roche. Qui était ce marchand fou? Était-ce un piège? L’hybride avait travaillé trop fort pour sa liberté, la dernière chose qu’elle avait envie était de retourner au Puy les membres enchainés… ou dans une cage. Cette pensée la fit légèrement frissonner alors qu’elle retourna son regard cendré vers le commerçant qui était disparu derrière un arbre. «L’argent c’est de l’argent. » Miriel enleva rapidement le capuchon de sa cape qui camouflait son visage et s’enfonça dans les hautes herbes à son tour. Elle se doutait bien que quelques choses se préparaient, et avait l’impression que la moindre fibre de son corps était aux aguets. Ces oreilles se dressaient à chaque son qui venait les chatouiller. Sa main bien en garde sur son épée était prête à assener un coup fatal si une quelconque menace apparaissait. Elle arriva soudainement à un espace boisé, et trouva finalement le commerçant, debout fixant l’horizon. Ce qu’il était bizarre ce type! Miriel se retourna pour voir ce que Nehril l’avait suivi. Puis s’approcha doucement de ce dernier, les sens aux aguets…  «Tahovar?» lui dit-elle, tentant de le faire sortit de sa léthargie.

La situation était surréaliste. L’homme était fou. Totalement fou. Il n’avait pas une seule fibre de saine dans l’esprit de cet homme. Des milliers de questions se bousculaient dans l’esprit de l’hybride. Mais où dont Nehril avait-il déniché ce contrat? Cela lui semblait tellement surréaliste… L’hybride observa l’homme partir en courant à la recherche de sa caravane sous le regard ébahie des deux mercenaires. Miriel ne réagissait plus à grand-chose, mais ça. Ça, c’était une tout autre histoire…


«Hum… qu’est-ce qu’on fait ? lança-t-il en proie à un sérieux doute. On rentre ? On peut très bien le laisser ainsi et trouver autre chose…»


La mercenaire se retourna vers la direction où la pauvre âme pas trop saine d’esprit s’était aventurée. Que faire à cet instant précis? Son esprit logique lui disait que c’était une perte de temps, mais la somme que leur offrait son paternel ne laissait rien au hasard. S’il les payait autant pour escorter cet huberlu, c’était qu’il valait son pesant d’or.


«Quel imbécile, il est parti dans le mauvais sens…»


«On ne peut pas le laisser comme ça. C’est peut-être un idiot, mais il vaut son pesant d’or. Viens!» Sans rajouter quoi que se soit, l’hybride se mit à courir pour rejoindre Tahovar. Il était peut-être cinglé, mais ce qu’il courait vite! Miriel suivit les traces de pas dans la boue et au bout de quelques minutes ses oreilles se dressèrent alors qu’elle entendit la voie nerveuse et chaotique de celui qu’elle devait protéger. Sans attendre, elle accéléra le pas pour découvrir le marchand qui menaçait un passant. Ce dernier, apeuré, se mit à crier pour tenter de se sortir de cette situation – disons  délicate. « Mais lâche moi sale crétin! Non je ne les ai pas vus tes créatures! »  


« Vous mentez! Sale mécréant! Vous êtes de mèches avec ses créatures monstrueuses n’es-ce pas?!? Elles vous ont proposé un pourcentage de mes possessions! Avouez le sale voleur! »


« Mais de quoi vous parlez?!? » Puis, le visage du vieil homme sembla s’éclairer lorsqu’il vit l’hybride qui arrivait en courant; « Hey vous là! La jeune fille! Aidez-moi! Cet homme est malade!! »


Sans attendre, l’hybride rejoignit rapidement les deux hommes, elle attrapa d’une main ferme le poignet de Tahovar, et le fit tourner dans une direction peu confortable. Le marchand grimaça avant de se mettre à hurler, lâchant de ce fait le vieil homme qui était sous le joug de sa rage aveugle. « Mais lâche-moi petite idiote!» Miriel fronça légèrement les sourcils et tourna un peu plus le poignet du marchand qui ne put s’empêcher de crier un peu plus fort. Plus au bout de quelques secondes, elle le lâcha, le jetant violemment sur le sol boueux. «Traite-moi d’idiote encore une fois et je te garantis que tu ne pourras plus jamais prononcer un mot de ta triste de vie. » Elle venait peut-être de faire une connerie, mais valait mieux qu’il apprenne tout de suite à qui il avait affaire.  Elle était peut-être une ex-esclave, mais elle méritait quand même un minimum de respect. Miriel se redressa pour faire face au vieil homme. Ce dernier semblait sous le choc, comme s’il venait de voir le spectacle le plus extraordinaire qui soit. «Quoi? » dit-elle d’un ton sec. « Vous vouliez de l’aide oui ou non? » Définitivement cette quête s’annonçait haute en couleur…

Miriel écouta d’une oreille distraite l’échange entre Tahovar et Nehril. Après tout, elle n’était pas payée pour faire preuve de quelconque diplomatie à l’égard de l’attardé qui leur servait d’employeur. Néanmoins, elle ne put s’empêcher de sourire à la remarque de son partenaire. Ils échangèrent rapidement un regard complice, avant que l’attention du demi-elfe ne se retourne vers le vieillard un peu trop bavard…


«La vie est particulièrement courte pour ceux qui parlent trop, lança l’homme rabougri avec un aplomb à faire pâlir de honte un politicien véreux.»


Non, mais pour qui il se prenait chose? C’était quoi cette manie de cacher la vérité? Il n’avait vraiment pas froid aux yeux. Après tout les deux mercenaires étaient bien loin d’être patients… Nehril pouvait exploser d’un moment à l’autre.


«Hélas, ce n’est que trop vrai. Malheureusement, l’inverse l’est tout autant.»


Et ce qui devait arriver arriva.


Le vieux débris ne vit aucunement le coup venir. Miriel quant à elle, resta de glace devant ce spectacle. «Joli crochet » se contenta-t-elle d’ajouter d’une voix des plus neutre alors que le corps boudiné tombait au sol dans un bruit sourd.  On aurait presque plus croire qu’elle avait parlé de la pluie et du beau temps sur ce temps et non pas d’un pauvre individu qui venait de se manger une mandale en pleine tranche. Le vieil homme porta sa main sur son nez en hurlant de douleur. On pouvait même voir les gouttelettes de sang se mêler à ses larmes. À croire que Nehril ne l’avait vraiment pas manqué. Mais aucune pitié ne traversa le regard de l’hybride. À quoi bon? C’était simplement une autre âme qui tentait de leur faire perdre un temps précieux. Un autre qui tentait d’avoir une part du gâteau… C’était leur magot, et personne d’autres!



«Ses premières désillusions, commenta le mercenaire en désignant l’homme d’un signe de tête. Que pensez-vous de toute cette histoire ? On se dirige vers le nord ?»


L’hybride haussa les épaules. Avaient-ils vraiment d’autres pistes? «On n’as pas d’autre piste pour le moment. À moins que tu veuilles le faire parler un peu plus? Après tout sa réplique ne laissait pas vraiment de place à l’imagination. » L’hybride échangea un regard complice avec Nehril, puis elle s’approcha du vieillard. Ce dernier, apeuré se redressa sur ses papattes, avant de reculer le plus possible alors que la mercenaire s’approchait dangereusement de lui, le visage impassible.


«Non… Nooon arrêtez! Je vais tout vous dire… »


Miriel s’arrêta à quelques pas de lui, avant de dégainer rapidement la petite lame qui trônait sur sa cuisse. Elle se mit à sa hauteur, avant de pencher légèrement la tête sur le côté, «Alors? Qui t’a dit que tu pouvais t’arrêter maintenant? » L’humain déglutit avant d’avaler difficilement sa salive, clairement apeuré.


«Ils avaient une espèce de symbole sur leur bras. Un espèce de symbole avec une croix et un cercle. Ils avaient tous les têtes couvertes. Ils avaient l’air vachement organisés pour une bande de voleurs. J’ai même pensé que c’était trop. Mon grand –père disait toujours que… »


Une main vint rapidement attraper le collet du vieil homme et l’approcha brutalement du visage de l’hybride; «  Viens-en au fait, vieillard. Je te conseille de ne pas nous faire perdre patience. » La victime hocha rapidement la tête tel un enfant pris la main dans le sac avant de continuer;


«Généralement les voleurs sont toujours un peu chaotiques, mais eux, étaient organisés, comme une machine bien huilée. Aussitôt que je l’ai aperçu, je me suis caché dans un buisson. Je les ai entendus mentionner le mot contrat. Mais sinon c’est tout, je vous le jure…»


Miriel relâcha rapidement le vieillard qui tomba une nouvelle fois au sol, se tenant son nez cassé avec sa main droite. L’hybride se releva et suivit finalement Nehril. «Je crois que ce contrat sera beaucoup plus compliqué que l’on pense. Ce sigle te dit quelques choses? Le cercle et la croix?»

La mercenaire n’eut aucune réaction alors que ce tar – pardon – que ce drôle oiseau reprend à nouveau la parole, sans omettre de les insulter au passage.  Au moins les années d’esclavage lui avait appris une chose, celle de tenir sa langue et de retenir son envie d’éclater quelqu’un à coup de pelle. Néanmoins, elle le suivit de son regard glacial alors que ce dernier s’éloignait d’un en gambadant. Mais quel curieux oiseau celui-là! Pas étonnant que son père essaie de l’entourber, qui aurait voulu de ça comme progéniture?


«J’ai un mauvais pressentiment. L’homme qui nous a chargés de ce contrat est le père de Tahovar. Nous devions protéger ces marchandises jusqu’à Naélis. Alors pourquoi diable aurait-il aussi embauché d’autres hommes pour voler la cargaison de son fils ? Cela n’a aucun sens.»


« Si tu veux mon avis, j’crois qu’il y a quelques choses de vraiment pas net avec cette histoire. Peut-être que son père essaie de le discréditer? Et ça, ce n’est pas bon, ni pour lui ni pour nous. T’imagines si on apprend qu’on s’est fait voler ce que l’on protégeait? Il n’y a plus personne qui voudra nous engager! Et ça je peux pas me le permettre. » Elle haussa les épaules avant de retourner son regard vers Nehril. « J’ai besoin de thune, et ce contrat est grossièrement bien payé pour ce que c’est… » Miriel se mit à scruter les alentours de la clairière avant de soupirer en faisant quelques pas dans la direction de Tahanovar – ou peut importe ce qu’était son nom – et  se retourna pour regarder Nehril; «  Alors tu viens? J’crois pour sa santé  et ma santé mentale – c’est mieux que le n’on soit pas seuls tous les deux. » Lui dit-elle un demi-sourire aux lèvres en lui faisant en clin d’œil.


Miriel attendit que Nehril la rejoigne avant que les deux acolytes se mettent en route pour suivre – de loin le commerçant. L’hybride, resta silencieuse, tentant de mettre de l’ordre dans ses pensées, mais il y avait quelques choses qui la titillait. Un détail qui soudainement pourrait avoir une très grande importance. Elle ne pouvait se retenir plus longtemps, sa curiosité se devait d’être assouvie; «Dis- moi Nehril… Tu leur as parlé d’avec qui tu faisais la mission? » Son regard d’acier se retourna sur le flamboyant personnage, l’observant quelques secondes silencieuses, avant de reprendre la parole en chuchotant; « Parce que ça sent vraiment la merde cette histoire… et si on se plante, j’ai pas trop envie de finir encore dans une cage. » Son regard de glace se retourna vers son collègue; « Parce qu’il me cherche encore… » Inutile de préciser qui ou quoi, après tout elle avait confiance en Nehril, elle se doutait bien qu’il ne vendrait pas sa peau pour une montagne d’or. Quoi que… quatre fois le prix d’une jolie prime, ça faisait une très jolie somme. Une somme assez alléchante pour tout mercenaire ou commerçant assez habile et sincèrement, toute cette histoire corrompue ne lui disait rien de bon. Qui sait si ce cinglé ne les amenait pas dans un complot plus grand qu’ils avaient imaginé?

«Je n’ai parlé à personne de ce contrat. Il est bien trop récent. Tu penses que… toute cette affaire… aurait un lien avec ton passé ? Comment ?»


Miriel croisa finalement le regard de Nehril. Ce dernier semblait légèrement surpris. Et qui aurait pu le blâmer? Après tout, elle n’avait certainement pas tout révélé au mercenaire. On n’était jamais trop prudent. L’hybride haussa rapidement les épaules avant de retourner son regard vers le fou qui gambadait joyeusement devant eux. Tout cela était beaucoup trop louche pour que cela soit un contrat normal. « Je sais pas. Toute cette histoire est beaucoup trop bizarre pour ne pas considérer la moindre option. » Miriel croisa une nouvelle fois le regard de Nehril, échangeant un regard entendu avant de continuer à avancer. Pourquoi est-ce que le père de leur client volerait-il son propre fils? Cela ne faisait aucun sens… Quoiqu’un père qui réduisait sa progéniture à l’esclavage ne faisait pas nécessairement plus de sens. « Je crois avoir encore une prime assez impressionnante sur ma tête. Cela ne m’étonnerait pas qu’on essaie dix millions de stratagèmes pourris pour m’avoir.» C’était bien là une preuve de confiance qu’elle faisait au mercenaire, après tout, Nehril ne semblait pas être de ceux qui prendraient avantage ainsi d’une possible coéquipière. Miriel accéléra le pas, rattrapant ainsi Tahanovar. «Dites-moi, Tahanovar. Comment va les affaires de votre père? » Ce dernier s’arrêta net avant de se retourner vers la mercenaire. Il se retourna vers l’hybride avec un regard outré; « Mais! Comment ça comment vont les affaires de mon père?!? Ils vont très bien! Comment osez-vous me poser cette question! »


Miriel fronça légèrement les sourcils avant de reprendre la parole; « Et comment expliquez-vous que ce dernier attaque votre propre caravane?» Le marchand haussa les épaules; «Cela me semble évident! Pour nous tester pardi! Nous sommes les justiciers de Thaar! » Miriel se retourna vers Nehril, les poings serrés. Elle allait définitivement lui mettre un pain si ce dernier n’arrêtait pas de se comporter en moron.