Une prière n'est pas forcément pour les dieux | Myr

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Le masque qu'on ne voit pas >>

7e jour de la 1ere ennéade de Favrius ~ Automne
17e année du XIe Cycle
Camp Sud du siège eldéen
7h30

Les épaules douloureuses, le bras gauche tendu par ses muscles gainés, Krish marche à grands pas entre les tentes aux couleurs des Osts ou de l'état major. Les yeux qui croisent son chemin sont de moins en moins nombreux. La douleur s'accentue à chaque seconde. La fatigue de ses muscles également, mais elle peut encore attendre.

Au détour d'une tente, un prêtre zélé l'intercepte pour l'examiner rapidement, concerné. Prenant quelques minutes, il solidifie l'omoplate fracturé et les fêlures les plus inquiétante. La douleur reste. La fragilité aussi, mais au moins l'os ne risque plus de se disloquer au moindre mouvement. Elle reprend la marche. Les idées fixes ne lâchent pas prise si facilement.

C'est devant sa propre tente qu'elle finit par arriver. Le tissus noire des tentes de l'état major est tiré pour laisser entrer la lumière du jour et la lanterne suspendue au milieu de leur espace de vie est toujours allumée. Les Repentis ne sont pas encore là. Chaque détail de sa vie quotidienne saute douloureusement aux yeux de la triumvir.

Elle veut le voir. Elle veut être sûre qu'il ira bien. Si ça commence à sentir le roussit et que des choses étranges se trament dans Sol'Dorn, il est hors de question qu'il tombe avec elle. Elle ne veut pas qu'il soit blessé et c'est bien là la volonté qui l'empêche de vomir ses tripes sous l'effet de la douleur. Chaque inspiration, chaque mouvement, chaque pas est source d'une nouvelle pique qui lui vrille les épaules, le cou et le haut du dos. Mais elle doit faire autrement. Ce que Viconia et Kerath ont engendrer doit suivre son cours. Elle peut encore choisir ce qu'elle mettre à l'abri du courant.

En passant le seuil, elle le cherche des yeux. Il était à la cérémonie du matin et avait trouvé le chemin du retour avant que tout ne parte à vaux l'eau. Il n’avait pas compté rester de toute façon, déjà qu’il avait fait l’effort de se lever… cela dit c’était en sentant Krish s’éloigner de lui qu’il s’était réveillé et une fois réveillé Myr’Hennis ne pouvait se rendormir. Elle le distingue à peine qu'elle marche droit sur lui et l'enlace avec précaution, sans lever les bras plus haut que le creux de ses reins. Son étreinte n'a pas la moindre force. Alors il avait repris le travail et avait pris un rapport de la pile qui hantait encore et toujours le bureau pour le lire et il s’était levé et avait marché tout en lisant pour tenter de faire le lien entre ce que contenait ledit rapport et ce qu’il savait. Il s’arrêta de lire lorsqu’il entendit des bruits de pas et il se retourna juste à temps pour recevoir l’étreinte de Krish. La raideur de son maintien et la tension de ses épaules, il peut facilement l'identifier car il l'expérimente au quotidien. Mais même s'il devait refermer ses bras sur elle sans y prendre garde, elle ne lâcherait pas prise et ne laisserait échapper qu'un maigre gémissement. Aucune larme ne devait perler aux coins de ses yeux, elle se l'était promis.

Sous l'oreille de Krish, un battement sourd et lent. Égal. Puissant. Rassurant. Elle inspire profondément... Ou du moins elle essaie mais sursaute et se tend à cause de la douleur.

« Les dorniens ont tentés de t’assassiner ? » Il murmurait en n’osant la toucher, ne sachant où il pouvait poser ses mains sans risquer de lui faire mal mais en baissant les yeux il finit par trouver ceux de Krish. La voix de l'eldéenne était blanche, mais elle fit l'effort de se redresser
- Si seulement c'étaient les Dorniens...
- Qu’est-ce qui ne va pas? » Demanda-t-il plus inquiet que pour sa première question.

- J'ai fait l'erreur de trop. " Son visage avait perdu la dureté et la superbe qu'il affichait devant les autres. " Juste après ton départ, un prêtre de Kiran a été ramené par les sentinelles. Il était dans un sale état et sous le choc. Viconia a tenté d'entrer dans son esprit avant qu'il ne meurt, mais sans prévenir personne. Kerath a tué l'homme sans sommation et sans nous permettre de l'interroger, et il refuse d'admettre qu'il a fauté en mettant en danger la vie d'une Triumvir. J'ai voulu laisser Viconia gérer sa propre défense, mais elle était sur le point de mettre Kerath à mort, alors je suis intervenu, je l'ai envoyé aux guérisseurs et j'ai briser le bras de Kerath en punition. Valsrik'Hrae a utilisé sa magie pour me contraindre physiquement et m'a désavouée devant tous et Kerath m'a rendu son anneau d'Obok Senger parce qu'il préférait partir que de servir un triumvirat indigne qui l'empêche soit disant de tuer des traitres. " Elle repris son souffle, son oeil recommençant à luire d'une colère contenue. " Je lui ai imposé une ordalie à midi. Il gagne, je reconnais que j'ai eu tord de lui briser le bras et je lui explique pourquoi Uriz m'a choisi. Je gagne, il reconnait qu'il a agit trop vite au détriment d'Elda et il s'agenouillera pour demander mon pardon. Valsrik'Hrae a appelé à la trahison et à la remise en question de mon rang après avoir utilisé sa magie pour me contraindre physiquement. J'ai vaincu son ami Ran'Lyn, un ancien du C'nros, et je l'ai confier à Kiel pour avoir le champ libre. Puis j'ai condamner Valsrik'Hrae a être marqué comme traitre à Elda avant d'être l'objet d'une chasse. "

Elle parlait vite et essayait de ne pas se perdre, traitant son récit comme elle avait traité la situation sur le moment : problème après problème. Mais si elle ne s'était pas perdue, Myr'Hennis l'était, elle enchaînait bien trop vite pour son esprit encore embrumé par le sommeil.

- Heureusement, Valsrik' n'est pas encore Prime Sorcier, mais je ne le sous-estimerait pas. Un haut membre de l'Etude de l'inconnu et un Haut gradé qui me remettent en question, c'est très mauvais pour moi, et après l'ordalie de cette après midi ça peut encore empirer. Surtout que... " Son regard devint bien plus noir cette fois. " Viconia va renoncer à son titre de Triumvir d'une façon ou d'une autre. " Que ce soit d'elle-même, sous la contrainte de sa consœur, ou sous celle de Kerath.

Tout près de son compagnon, Krish mêla ses doigts aux siens. Brusquement rattrapée par sa présence, son expression s'adoucit de nouveau.

- Je sais qu'on avait prévu de faire le voyage ensemble pour le mariage, mais il faut que tu rentres à Elda, maintenant. » Mais même s’il avait eu du mal à tout suivre la dernière phrase de Krish l’interloqua.

« Mais… mais tu ne peux pas partir avant une ordalie ! Que vont penser les dieux ? »
- Moi je ne peux pas partir. » Elle serra ses doigts un peu plus fort. " Toi tu peux. »
« Est-ce vraiment nécessaire ? » Deamnda-t-il la gorge serrée. Il se doutait que si elle le lui demandait c’était que oui mais sait-on jamais.
- Après la façon dont ça a dérapé ce matin et ce que je compte encore faire, je ne peux rien garantir. Certains pourraient s'en prendre à toi pour m'atteindre ou une rébellion de plus grande ampleur pourrait avoir lieu. Vu ce que disait le messager, Sol'Dorn prépare sans doute une dernière offensive pour partir avec honneur. Toi... Tu es trop important. Pour Elda... Et pour moi. Je t'en prie, ne m'en veux pas... »

Il ferma les yeux et pris une grande inspiration. Il serait très probablement vu comme un lâche mais vu que c’était déjà le cas, ça ne changerait pas grand-chose. Il n’avait pas envie de partir, de la quitter. Il déglutit et expira lentement avant de rouvrir les yeux. Si son amante, aimée et amie lui demandait, il le ferait.

« A deux conditions. » Il serra aussi fort qu’il le pouvait les doigts de Krish et refusa de regarder autre chose que ses yeux. « Honore ta promesse. Et bois avec moi. » Il tendit le bras pour attraper sa coupe de Serren à moitié vide. « Rien qu’une gorgée. »

Avec un sourire un peu plus énergique malgré le voile de douleur qui brouillait toujours ses traits, elle acquiesça. Elle ne voulait pas qu'il emporte d'elle un visage anxieux et une voix abattue.

- J'ai encore un peu de temps. Je ne te quitterai pas avant que les Repentis n'arrivent. »

Ce qui ne prendrait en réalité qu'une poignée de seconde, quelques minutes tout au plus, et ils le savaient tout deux. Elle regrettait de ne pas pouvoir se dresser de toute sa hauteur pour embrasser Myr'Hennis, mais le verre qu'il amenait à eux, elle l'accepta avec plaisir... Et pourtant Uriz savait à quel point le goût du Serren lui déplaisait quand il était ailleurs que sur les lèvres de son fiancé.

Elle lassa ses doigts autour de la coupe, caressant la main de l'architecte sans la coincer, comme elle le faisait si souvent pour voler son verre à son compagnon. Non décidément, même maintenant, le Serren ce n'était vraiment pas son truc. Son visage n'essayait même pas de faire semblant.

- Promet moi qu'il y aura autre chose à boire à notre mariage... "
« Bon d’accord… il n’y aura pas que ça. »

Quelques minutes plus tard, après quelques mots qui n'avaient d'important que leur banalité, Eshk'Oroth apparut à l'entrée de la tente. Elle se tourna... un peu trop vite pour son propre bien.

- Enfin. Est-ce que Ferya et Ih'ara sont au camp ?
- Euh... Oui ?
- Parfait. Que Ferya ne lâche pas Valsrik'Hrae d'une semelle. Tarlyn va sonner le rassemblement dans les Seigneuries. Tarshal et toi serez seuls affectés à ma protection en plus de la garde d'ébène. Shundara, Keldaarh, Xundath et Ih'ara vont escorter Myr'Hennis jusqu'à sa propre garde, à Elda, avec quelques membres de la garde d'ébène. "

Le masque dépourvu d'expression accomplit l’exploit de paraitre dubitatif. Les noms qu'elle venait de donner représentait la moitié de sa garde personnelle, mais Krish avait déjà fait son choix. Une mage de la vie, un archer, un assassin et une fantassin qui n'hésiterait pas à faire ce qui était nécessaire pour ramener le Grand Architecte en vie au Puy. Avec ça, même si des dissensions éclatait ou que la garde d'ébène faisait des siennes - ce dont elle doutait, mais on était jamais trop prudent - elle pouvait être tranquille. Et malgré ses doutes, Eshk'Oroth savait rien qu'au ton de son ancienne patronne, que l'heure n'était pas aux dissensions mais à l'action et à la confiance. Pour lui, c'était un exercice facile, restait à savoir si les actions des dernières ennéades auraient suffit à resserrer à nouveau les liens de leur Ordre.

Moins d'une minute plus tard, c'est avec le goût d'un baiser sur les lèvres, baiser que Myr'Hennis fit durer le plus longtemps possible, et la certitude que quatre de ses plus proches compagnons veilleraient sur son aimé qu'elle ressorti de son antre.

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