Fort Norkan ne répond plus - Un silence inquiétant

Fort Norkan ne répond plus
~ Un silence inquiétant ~

Sujet d'inscription à l'évènement

Début

Suite Un nid à moustiques

Précisions sur ce RP :

• Ce RP fait partie d'une trame autogérée en accord avec le Staff.
• Pour toute question, contacter Brohan Wulfekiin.

Les joueurs participant à cette intrigue sont priés de ne pas jouer les personnages qui y participent dans un RP se déroulant après la date du présent RP et de ceux qui suivront jusqu'à la fin de l'aventure.


Contexte :
Au cours des années 15 et 16 du XIe cycle, Serramire a remarqué une augmentation considérables de clans wandrais à proximité de ses frontières. Conséquence de cette augmentation de population, les raids se font de plus en plus nombreux, et la marquisat s'est vu forcé de prendre des dispositions afin de renforcer la protection des terres frontalières.
A ce contexte déjà particulier s'ajoute le deuil de Serramire. En effet, le duc est décédé à la fin du mois précédent. C'est alors son fils qui a pris sa succession, et le contexte actuel le force déjà à devoir faire preuve de ses talents de dirigeant. Protéger les frontières avec les Wandres est ainsi l'un des premiers défis auquel il a à faire en tant que nouveau souverain.

La nouvelle avait circulée dans toute le duché. D'abord dans des discussions entre nobles inquiets, puis d'officiers à soldats, et enfin les racontars de taverne ont fait le reste. Il se raconte en Serramire que Fort Norkan, fier et unique avant post érigé dans les Wandres sauvages, n'a plus donné signe de vie depuis plusieurs ennéades. La communication n'a certes jamais été si évidente avec le fort, mais après plus d'un mois sans aucune nouvelle les autorités de Serramire s'inquiètent. Aucun message ne leur est parvenu, ni aucun groupe de ravitaillement envoyé par voie maritime n'en est revenu. Quant aux voies terrestres, elles sont loin d'être sûre. Pire encore depuis ces deux dernières années, alors que les frontières sont constamment aux prises avec des wandrais de plus en plus insistants.

Ayant tout récemment succédé à son défunt père, le nouveau duc a décidé d'agir. Mais mobiliser plus encore les troupes régulières pour une telle entreprise fragiliserait la propre sécurité des terres du duché. Aussi Serramire a préféré faire appel à l'aide volontaire de ses vassaux. Certains y ont répondu, comme notamment Oësgard qui prévoit envoyer non moins que son nouveau Sénéchal en personne, mais les vassaux volontaires demeurent trop peu nombreux pour les dangers qui attendent l'expédition. Alors Serramire a décidé de la compléter de quelques mercenaires engagés pour l'occasion. Un message a donc été colporté dans tout le duché par les crieurs, relayé jusque ses voisins par les marchands et colporteur. Sans entrer dans les détails, le message disait simplement que Serramire était à la recherche d'hommes courageux qui n'auraient pas peur d'affronter la jungle wandraise. Si le but de la mission reste flou, il est clair qu'une expédition est en préparation. Les volontaires, d'où qu'ils viennent, devront alors se présenter à la caserne de Serramire au plus tard le dernier jour de la sixième ennéade de Favriüs.

Favrius de l'An 17:XI ~ Automne
7e ennéade
Cité de Serramire

La caserne paraît si calme en ce jour de printemps, comparé à l'activité habituelle. Entre les entraînements et les passages journaliers des soldats qui viennent prendre ou terminer leur garde, le bâtiment fourmille généralement de monde. Pourtant, en ce moment, il paraît vidé. La plupart de ses gens ont été affectés ailleurs, par nécessité. Ne restent à Serramire que la garde de la ville, et quelques troupiers encore trop inexpérimentés pour être envoyés aux frontières. Alors quand certains sont en patrouille et que d'autres sont en repos, les quelques soldats restants paraissent si peu à l'intérieur des grands bâtiments.

Gustav est arrivé la veille, après un épuisant voyage à allure forcée. Mais plus que son voyage, c'est de faire son rapport à peine descendu de selle qu'il a trouvé le plus fatiguant. Fort heureusement pour lui, le militaire à pu ensuite gagner une couche assez confortable, et aujourd'hui est jour de repos. Un repos bien mérité, avant de reprendre bientôt son dur labeur, mais dont il ne profite pas réellement. L'on aurait pu penser que l'officier en profiterait pour vagabonder dans les rues ou, comme certains de ses collègues, courir les bordels. Mais non, le militaire ne s'y prête ni à l'un ni à l'autre. Au lieu de cela Gustav ère dans la caserne, l'air las et ennuyer, jusqu'à échouer sur un banc bordant la cour d'entraînement.

"Hé ! Sir Bas-de-laine !" Interpèle son collègue, en le réveillant d'une tape dans le dos. "Qu'est-ce tu fiches là ? Tu d'vais pas être en r'pos cejourd'hui ?"
Gustave tourne la tête et lâche un soupire de lassitude en découvrant que celui qui l'a trouvé n'est autre que son ami du temps tous deux faisaient leurs classes ici même. Qui d'autre l'appellerait par ce vieux sobriquet, de toute manière ?
"Ah, c'est toi." Gustave désigne ses habits, qui se résument à une simple tunique sur un pantalon uni. "Comme tu vois, j'le suis. Mais pas l'envie de sortir, et comme je n'ai qu'un jour j'ai pas l'temps d'rentrer chez moi."
"Ah ! Tu changes pas hein ? Et alors, c'est comment à la frontière ?"
Gustav hausse des épaules.
"Calme... La plupart du temps. Tu manques pas grand chose."
"Si tu l'dis. Pourtant y parait que les Wandrais sont plus grognons ces derniers temps, l'mulot et la rougette ont été envoyés eux aussi. J'ai croisé l'Chat noir y'a quelqu' ennéades aussi, y'a eu gros des pertes de sont coté. Trois lances complètes y m'a dit."
"Faut croire qu'on a plus de chance de notre coté."
"Faut croire. T'es du côté sud du Sigolsheim, c'est ça ?"
"A la frontière d'Outremont, ouai."
Le soldat se sied au coté de son collègue, semblant réfléchir, puis prends un air inquiet.
"Y'a Fort Norkan par là, non ? J'ai entendu des trucs, par les gardes du château. Parait qu'on n'a plus d'nouvelle depuis un moment."
Gustav esquisse un sourire nerveux.
"Ouai... Figure-toi que c'est pour ça qu'on m'a fait v'nir."
L'ami ouvre rond les yeux, à la fois surprit de la coïncidence et ravi de pouvoir en apprendre plus que ses camarades qui ne peuvent quitter pas la cité.
"Ah ouai, et t'en sais quelqu'chose ? Y ont fait circuler un message pour recruter des mercenaires, on dit qu'cest pour aller dans les Wandres. Y a un rapport ?"
"T'en sais des choses, pour un gratte-papier."
"Tu m'connait, j'ai les oreilles qui traînent."
"Fais gaffe, ça t'jouera des tours un jour. Mais ouai, c'est pour ça. Ils forment une expédition pour aller voir. Avec mes gars on est sensé les accompagner jusqu'à la frontière pour les faire traverser."
"Eh beh... Vous partez quand ?"
"J'sais pas, dès que tout est prêt. J'dois me tenir prêt à partir dès demain."

Consignes:

Dalcen menait sa monture par la bride lorsqu’il pénétra dans Serramire. Son corps, habitué à l’activité bourdonnante qui s’emparait quotidiennement de la cité à cette heure, parvint naturellement à se frayer un chemin jusqu’à un imposant édifice en pierre noire.
Son visage pâle, encadré par une barbe de quelques jours à peine, révélait des traits marqués d’un homme qui avait surmonté maintes épreuves malgré son jeune âge. Ses yeux, d’un noir abyssal, semblaient vitreux comme si aucune émotion ne transitait derrière ces fenêtres de l’âme. Ses cheveux, courts et sombres, étaient rejetés en arrière et certains d’entre eux se dressaient sur son crâne.
Poussant un soupir las, il reposa un instant sa tête contre la façade chaude et rugueuse de bâtiment avant de fermer les yeux. Ses pensées ne tardèrent pas à s’envoler vers sa famille et ses amis, chose qui le fit frissonner.

— Dalcen ? lança une voix aiguë d’où perçaient quelques accents d’inquiétudes. Tout va bien ?

Le jeune homme souleva ses paupières avec une certaine réticence et découvrit le regard anxieux de la femme qui lui faisait face. De petite taille, elle arborait toutefois une longue chevelure brune qui cachait en partie son visage. Son unique œil visible, d’un bleu perçant, était rivé sur Dalcen. Le jeune homme trouvait regrettable qu’elle dissimule ses traits derrière cette tignasse désordonnée, ayant pu constater sa beauté stupéfiante lorsqu’elle les laisser onduler en arrière.

— Tout va bien Aldara, la rassura-t-il en la gratifiant d’un sourire pourtant hésitant. J’ai juste quelques… appréhensions.
La jeune femme posa une main sur son épaule, faisant fi des piques métalliques qui recouvraient son armure lourde.
— Je suis sûr que ton père va bien…, fit-elle d’une petite voix, comme si elle craignait sa réaction à la mention de son paternel.
Le jeune guerrier saisit la main d’Aldara et lui accorda une nouvelle grimace tout aussi peu convaincante.
— Merci. Merci de me rassurer. Mais je… n’espère plus grand-chose.

Le père de Dalcen était un officier de Fort Norkan. Un homme, qui selon ses paires, était un guerrier de grande valeur. Fort comme un lion et doté d’une intelligence sournoise, il marquait facilement les esprits de ceux qui le croisaient. D’après ses compagnons d’armes, Dalcen lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, l’âge et les blessures de guerre en moins. Le petit de Jirlord, Jirlord le Jeune ou bien Jirlord Deux avaient été constamment les noms dont il avait été affublé durant ses années sous les ordres de son père. Las de cette comparaison, Dalcen avait fini par quitter l’armée et avait œuvré un temps en tant de bandit, chose dont il n’était pas fier, avant de se ranger dans le mercenariat. La mort de sa mère puis la disparition de son père avaient remis en question la vie qu’il menait depuis lors.  
— Tout ira bien, fit Aldara en écartant une mèche qui entravait son œil droit. Viens, allons à la caserne.
Elle lui prit la main, le guidant dans les rues avec une mine déterminée. Dalcen se surprit à rire de bon cœur, chose qu’il n’avait pas faite depuis bien longtemps. Aldara était le soleil qui illuminait son monde de ténèbres. Elle lui permettait d’avancer, de cesser de ressasser le passé pour se concentrer sur l’avenir. Les Wandres étaient un endroit dangereux, et malgré les objections qu’il lui avait adressées, elle avait insisté pour l’accompagner. Ses talents de guérisseuse et ses dons magiques seraient difficilement contestables au sein de la compagnie, mais secrètement Dalcen espérait qu’elle soit éconduite du fait de son jeune âge.

La caserne se dessina finalement à l’horizon et ils mirent peu de temps à la rejoindre. Ici et là, des hommes en armes s’échangeaient rumeurs et histoires avec chaleur, mais Dalcen remarqua que certains d’entre eux arboraient des mines plus graves. Le jeune homme se présenta à l’un des soldats qui semblaient inspecter les volontaires.

— Vous êtes venu pour l’annonce ? lança l’autre en plissant les yeux devant la longue épée à deux mains qui ceignait le dos de Dalcen. L’arme, particulièrement imposante, lui fit hausser les sourcils. Vos noms ?
— Dalcen de…, commença-t-il avant de se reprendre. Dalcen. Je suis un mercenaire.
— Et je suis Aldara ! lança aussitôt la guérisseuse en s’avançant à son tour.
Le soldat leur jeta un regard peiné, comme s’il doutait de leur chance dans la jungle wandraise.
— Fort bien, répondit-il en faisant mine de griffonner des mots sur son registre. Soyez prêt à partir dès demain.
Il s’éloigna sans leur accorder davantage de temps puis s’intéressa à un nouveau groupe d’hommes armés. Même si l’expédition qui était montée n’avait rien à voir avec l’absence de réponse qui s’était emparée de Fort Norkan, bien que Dalcen en doutait, il espérait pouvoir glaner quelques informations sur ce qui s’était passé dans les environs. Le visage sombre, il s’installa près d’un banc de la cour d’entraînement. Aldara prit place à ses côtés.
— Nous retrouverons ton père Dalcen, l’assura-t-elle.
Le jeune homme eut un sourire lugubre.
— Cela permettra-t-il à Jirlord Deux de devenir Dalcen ? murmura-t-il plus pour lui même que pour sa compagne.

Assis sur un petit tabouret devant la caserne où se rendaient les mercenaires désireux de se faire recruter pour l'expédition à destination des Wandres, La Hire s'enquillait de grandes goulées d'une affreuse piquette locale tout en se demandant s'il allait utiliser le reste de sa solde pour regarnir son cruchon ou pour aller taquiner les catins qui tentaient d'attirer les clients un peu plus bas dans la rue. Sergent dans l'armée de Serramire, le colosse portait le délicat sobriquet de La Hire de par ses crises de colères monumentales durant lesquelles aucun règlement ne le retenait plus. Cela lui avait au fil des années valu quelques sévères bastonnades et empêché son avancement vers des grades plus élevés. Mais de cela, La Hire s'en foutait tant qu'il pouvait se bagarrer, boire et courir à la gueuse... des loisirs simples qui l'aidaient à ne pas trop réfléchir aux brumes de l'avenir.

Le tabard d'un nouveau venu attira l’œil du vétéran : de sable à double chevron d’or, chargé d’un loup de gueules. Ce blason ne lui était pas inconnu car il s'agissait des armes de l'ancien baron d'Alonna. Un coup d’œil au visage du cavalier qui arborait ce tabard lui confirma qu'il ne se trompait pas : certes la chevelure devenait autant sel que poivre et des rides apparaissaient au contour des yeux, mais il s'agissait bien de l'homme qui autrefois commandait les légions noires de Serramire lorsque le Duc Merwyn Séraphin régnait encore sur le duché. Epoque bénie pour la Hire, alors jeune recrue des légions, car le brave Duc Merwyn ne s'embarrassait pas trop d'honneur et laissait allègrement ses soldats piller les cités conquises durant ses campagnes. Rejetant son cruchon de vin, le sergent se leva et héla le cavalier pour attirer son attention.

Général ? Par les mamelles glacées de Tyra, j'aurais jamais cru vous revoir ici !

Hanegard Kastelord, car c'était bien de lui qu'il s'agissait, eut un petit sourire en coin lorsqu'il reconnut le visage ingrat du colosse. Retrouver une tête amie en Serramire avant d'affronter un danger augurait bien de la suite, tout du moins s'il en croyait les vieilles traditions païennes wandraises de son enfance. Pure superstition datant d'un autre âge lui aurait fermement affirmé sa femme, mais il n'avait jamais totalement réussi à se départir de ses racines.

Repos, la Hire. Je ne suis plus ton commandant depuis des années.

Se détendant, le sergent regarda son ancien chef descendre de cheval plus péniblement qu'il n'en gardait le souvenir. L'explication vint d'elle-même une fois qu'Hanegard fit quelques pas pour le rejoindre, boitant ostensiblement du pied droit. Avisant le regard curieux du vétéran, il s'en expliqua.

Petit souvenir des Jeux de Thaar. Mais au moins maintenant, je sais quand il va pleuvoir.
On en a entendu parler. C'est vrai que vous brisé à mains nues le cou d'un Haut-Prêtre drow ?

L'ancien baron d'Alonna éclata franchement de rire. Au fil de ses voyages il avait souvent entendu le récit de son combat en finale et à chaque fois apparaissaient de nouvelles péripéties inventées par les différents conteurs. Décidément impossible de se fier aux bardes pour conserver la véracité des faits, les gaillards adorant enjoliver pour captiver leur auditoire. Cela avait souverainement agacé Hanegard du temps où il dirigeait Alonna car cette distorsion de l'information pouvait parfois jouer à l'encontre du pouvoir en place en répandant de fausses rumeurs. Désormais qu'il se trouvait retiré des affaires publiques, il en riait le premier et considérait comme fascinant cette capacité à ne jamais se satisfaire de l'authenticité. Changeant de sujet, La Hire en vint aux véritables raisons qui pouvaient l'amener en ce lieu.

Vous venez pour l'expédition à Fort Norkan ? Hochement de tête affirmatif de l'ancien baron. Sur que ça peut  être utiles de vous avoir, vu que vous connaissez bien le coin. Mais pourquoi venir parmi les mercenaires ? Vous n'êtes pas avec les gusses d'Alonna ?
Je suis ici à titre privé, La Hire. Mes fiefs en Alonna et en Velteroc sont désormais dirigés par mes fils.

A titre privé voulait dire "contre pécunes", langage que comprenait parfaitement La Hire qui eut un clin d’œil complice comme pour approuver l'importance de l'argent comparé à ces bêtises de serment dont se gargarisaient tant les nobles sans pour autant les respecter. Ayant indiqué à Hanegard la salle où se tenait le recrutement, l'ancien sergent se réinstalla sur son tabouret et rattrapa son cruchon non sans faire promettre à son ancien chef de revenir le soir même à la caserne pour leur raconter ce qu'il avait fait depuis toutes ces années.

Harald « La foudre de guerre »  Skorsheim et Marianne « la Suiveuse » Skorsheim

Après avoir entendue l’appel aux armes de Serramire pour partir en expédition dans les terres wandraises, le couple n’avait pas perdue de temps pour se proposer et partir avec l’expédition dirigé par le Seigneur Brohan. Leurs âges avancés qui s’approchait de la soixantaine n’enlevait pas encore leurs vigueurs, leurs expériences et une soif insatiable de reprendre les armes. Cela fait quelques années que le couple n’avait plus participer à une bataille hormis repousser les avancer Drow dans les terres oesgardienne. Depuis la fin de l’invasion, le couple s’occupa du temple de la seigneurie, s’efforçant à soutenir et maintenir la forme des milices de la seigneurie. Fidèles au seigneur Brohan et à ses descendants, le couple participa à la bonne entente et à la fierté de la seigneurie.

Fidèles, têtus et contre l’avis des différents amis et famille de participer à une expédition dangereuse à cause de leurs âges, le couple avait décidé de soutenir le vaillant Brohan et de prouver que les vieux avaient encore des tripes et des ressources. Ainsi, ils étaient dans le convoi, suivant le jeune seigneur en direction du point de rendez-vous.  Assis sur leurs chevaux respectifs, ils adoptaient une altitude fière et amusés. Marianna porta une armure en cuir noir, enroulé d’une cape de lin avec les plumes de corbeau. La vielle Corneille portait son arc fétiche, suivit d’une belle épée à une main et quelques dagues par ci et par là. Bien entendue, elle était accompagnée de son fidèle compagnon : Born. Bien entendue, Born n’était pas son mari mais son vaillant chien.  Le canidé fier, caractériel et bon chasseur suivait la maitresse. Quant à son fier époux, il portait une épaisse armure en cuir, avec quelques plaques d’aciers sertis sur son thorax qui renforcer encore plus sa grosse musculature. Une hache à deux mains était attachée sur son cheval. Il portait une épée en acier sur son ceinturon.

Le couple suivait le convoi ne s’empêchant pas de conserver entre eux. A leurs habitudes, ils ne s’empêchaient pas de regarder le convoi, les attitudes des guerriers et surtout d’un jeune soldat qui avait mener quelque bataille dans les guerres Péninsulaire ou à la frontière de la Péninsule.  Marianne étira un petit sourire en coins avant de sentir son regard de son époux. Ils savaient que ce jeune homme avait un talent pour son âge et dans les entrainement, ils sentaient un futur maitre d'arme. Si les guerriers possédaient une véritable confiance en soi, le jeune homme était beaucoup plus introvertie. Ainsi, il était sujet d'attention du couple.

« Il faut bien que la jeunesse se forme, on commence à être vieux maintenant. » annonça-t-il le vieux guerrier à sa femme.
« En effet, oui. C’est bien triste… »
« Pourquoi donc, ma femme. »
« A une époque, j’avais un homme beau, musclé et vigoureux…Maintenant, j’ai un époux bidonnant, courbaturé, râleur et grossier. » disait-elle avec un soupire faussement lasse.
« Ah ça, c’est le temps, ma p’tite Marianne. Je me suis marié à toi. Pourquoi faire d’après toi ? Il faut bien quelqu’un pour nettoyer la maison.»
« J’ai une envie de te décocher une flèche. »

Ils se regardèrent un moment, s’étirant un sourire mutuel. Puis, Marianne leva les yeux aux ciels poussants un soupire amuser. Elle se mit à regarder le jeune soldat qui sembler nerveux. Elle l’appela tout en continuant le chemin

« Jeune homme. »
« Oui, Dame Corneille. »
« C’est ta première expédition dans les Wandres ? »
« Oui, Dame. »
« C’est quoi ton nom déjà, Hjordis ? »
« Oui, Dame. »

Elle lui adressa un sourire complice avant de répondre. Marianne savait que l’expédition était dangereuse. De plus, ce jeune était une jeune combattant avec un talent Puis, les wandres ne pardonnaient pas. Par expérience, elle préférait mettre à l’abris le jeune homme et indirectement assurer les arrières de son époux. Malgré qu’elle plaisanta sur sa vieillesse avec son époux, Marianne savait que malgré les expériences d’une vie de vétérane qui compenser la force de la jeunesse ; la vieillesse était un fardeaux. Puis, en tant que mère, elle préférait se sacrifier que de voir un jeune gens se faire tuer. La jeunesse devait être préservé.

« Surveille mon époux et assure ses arrières. Tu sais à cet âge, les vieux n’ont pas toute la hargne de ta jeunesse »

« C’est bien ma femme de se soucier de moi. Tu as vue ça, jeune homme, elle me prend pour un sudiste. Elle a encore oublié qu’on est des Oesgardiens. Enfin…Soyons partenaire, mon petit. Les wandrais auront peur de nous, je te l’dis. »

« Oui, père Harald » hocha le jeune homme se sentant gêner d’attirer l’attention du couple Otharique.

Au loin, le jeune homme entendait le rire de ses confrères d’armes qui étaient visiblement amusés par la scène.

La missive était arrivée quelques ennéades plus tôt à Oësgard, confirmant les rumeurs qui circulaient déjà parmi les nobles et les bourgeois : Fort norkan ne donnait plus de nouvelle. Aussi important que puisse représenter cet avant-poste enfoncé au-delà des frontières wandraises, Oësgard n'y portait pourtant pas grand intérêt. Le fort était trop loin pour apporter une aide quelconque à la baronnie, et son impact sur les relations entre wandrais et péninsulaires a été inexistant du point de vue des Oësgardiens. Au mieux il aura appris que les wandrais, sauvages connus pour vivre en tribus éparses, seraient capables de s'unir si l'enjeu est suffisamment grand.

Le baron Geoffroy d'Oësgard n'a connu la bataille d'Oësgard que dans les chansons des bardes et les récites d'officiers, pourtant cela est suffisant pour qu'il se soit senti concerné par l'appel à l'aide de Serramire. Et nordien, qui un temps a vécu entre les murs du château serramirois, aurait sans doute participé lui-même à l'expédition si ses conseillers ne lui en avait pas dissuadé. Il y avait plus important à faire pour lui au sein même de la baronnies, comme notamment s'assurer de la bonne mise en place des nouvelles réformes militaires initiées par son sénéchal. C'est d'ailleurs ce dernier qu'Oësgard a décidé d'envoyer aider Serramire. Le choix s'est avéré d'autant plus pertinent que le sénéchal Brohan avait déjà passé quelques années dans les Wandres, alors qu'il n'était encore que chevalier, et qu'il s'en était sort par les grâces d'Othar. Son expérience serait donc fort utile à l'expédition, s'était convaincu le baron, en plus de ses connaissances avérées en faune et en flore.

Pour l'accompagner, le sénéchal d'Oësgard avait choisi avec soin ceux qui lui seraient le plus utiles dans la jungle Wandraise. Non pas une troupe entière, mais un groupe réduit de personnes compétentes en qui il pourrait avoir confiance. Parmi eux se trouvaient d'abord une unité de soldats Höginois, aux compétences diverse pouvant palier à la plupart des situations que pourrait rencontrer le groupe. A eux s'ajoutent une herboriste guérisseuse, cachée sous une longue cape verte, que le seigneur chevalier semble bien connaître. De plus, un couple de guerriers otharites ont tenu à accompagner leur suzerain, instant malgré la réticence de ce dernier dû à leur âge avancé. Sans doute par respect et parce que cela apporterait au groupe la bénédiction du dieux guerrier, le seigneur oësgardien qu'ils se joignent à l'expédition. Par ailleurs des vivres ont été préparées pour le voyage, ainsi que du matériel de camp et de chasse.

Tariho de la 7e ennéade
Cité de Serramire, cour de la caserne.

Au matin du dernier jour de la septième ennéade, tous ceux retenus pour l'expédition ont été réunis dans la cour d'entraînement de la caserne. Le jour du départ est arrivé, et il a été demandé à tous, vassaux volontaires de Serramire comme mercenaires engagés contre pécune, de se préparer pour un départ à l'aube. Et les gardes ont été clairs : ceux qui ne seront pas là à temps ne participeront pas à l'expédition, et n'auront donc pas de récompense. C'est donc dans une cacophonie matinale que la centaine de gens de différents horizons s'est réunie. Le silence se fait alors qu'un garde aux vives couleurs de Serramire monte sur ce qui a tout l'air d'une estrade improvisée. D'une voix portant haut et fort, l'officier s'adresse à la foule de gens présents.

"Envoyés des seigneuries amies et mercenaires, bonjour ! Pour ceux qui ne m'ont pas encore rencontré je suis Gustav, Gendarme de Serramire. Vous tous, qui êtes ici, avez courageusement accepté d'affronter les Wandres au nom du fier duché de Serramire. Je vais vous mener jusqu'à la frontière où vous rejoindrez le sire chevalier Viktor de Drenan. Votre mission sera de l'aider à rallier Fort Norkan, puis de revenir. A présent vous pouvez regagner vos montures, nous quittons la porte Ouest dans une heure. "
Son discours terminé, l'orateur se retire pour rejoindre ses hommes. Et comme indiqué dans son discours, à quelques poignées de sable près, le convoi quitte la cité de Serramire une heure plus tard. Les soldats serramirois sont en tête, suivis des envoyés d'Oësgard et d'Alonna, puis d'Odélian, alors que les mercenaires ferment la marche. La cohorte se dirige donc vers l'ouest, puis remontera progressivement vers le nord jusqu'à gagner la frontière entre Outremont et les Wandres. C'est là que les choses sérieuses vont commencer.

Notes du MJ:

— Dalcen, c’est bientôt l’aube ! s’écria une voix inquiète à ses côtés. Tu n’as que trop dormi ! Les autres vont partir sans nous !

Dormir ? Lui ? Si seulement il le pouvait encore. Avait-elle seulement conscience de ce qui hantait ses rêves ? Des corps inanimés, brisés qui lui retournaient un regard torve, dénué de toute étincelle de vie ? Il battit des paupières, chassant ces images avant de se redresser légèrement. Il faisait si sombre qu’il ne fut que partiellement convaincu que l’aube pointait véritablement son nez à l’horizon. Il se força tout de même à se lever, non sans lâcher un grognement, puis enfila en grande hâte son plastron argenté. Il attacha maladroitement les courroies, ses mains tremblantes de fatigue s’emmêlant dans les lanières de cuir. Aldara vint naturellement à ses côtés :

— Laisse, lui fit-elle en les lui serrant plus fort qu’il ne l’était nécessaire. C’est bon ?

Il plongea son regard dans le sien. Il y lut la même appréhension qui devait danser dans ses propres prunelles.

— Merci.

La jeune magicienne s’écarta avec un sourire. Elle avait déjà revêtu ses vêtements de voyage. Une cape verte à capuchon, sous laquelle saillait une fine armure de cuir au motif simple. Un pantalon couleur crème, très terne, recouvrait ses jambes, plongeant dans ses bottes montantes.
Dalcen saisit son épée, un espadon massif qu’il attacha dans son dos, puis sortit de sa tente. Son cheval, Justice, l’attendait non loin. Une belle bête à la robe vermeille lustrée, qui renâclait impatiemment à mesure que le jeune mercenaire s’approchait d’elle. Il sauta sur sa selle, non sans avoir préalablement aidé Aldara faire de même. Ils partirent ensuite à vive allure pour rejoindre le point de rassemblement.

Le nombre de soldats, mercenaires n’étaient pas aussi impressionnant qu’il aurait pu le croire. Ce n’était pas une armée en marche, mais simplement un groupe d’hommes, disparate et hétéroclites qui prenait part à une expédition. De sa position, il n’entendit que quelques éclats de voix venant de l’officier, rapidement étouffé par les murmures qui provenaient des hommes autour de Dalcen. D’un accord tacite, il rejoignit sa propre monture, remarquant que les autres faisaient de même, puis adressa un regard hésitant à Aldara alors qu’il prenait la route. Avait-il eu raison de l’avoir laissé l’accompagner ?

La compagnie de mercenaire fermait la marche. Dalcen chevauchait légèrement en avant des siens, frayant par moment avec les soldats d’Odélian. Il gardait un œil sur sa compagne, craignant de la perdre dans cette masse d’hommes dont la discipline forcée ne parvenait guère à masquer ce qu’ils étaient réellement. Des hommes payaient à massacrer autrui.
La première journée fut étonnement paisible. Dalcen put laisser librement voguer ses pensées au gré des paysages qu’il traversait. Même si l’allure était légèrement soutenue, le jeune homme n’avait aucun de mal à la suivre. Il avait déjà pris part à ce genre d’expédition, même si jamais à cette échelle.

La nuit arriva rapidement et Dalcen tâcha de se faire une place avec Aldara autour du feu de camp. Ils se tinrent près des mercenaires qui avaient chevauché non loin d’eux et dont ils avaient vaguement échangé quelques mots durant la journée. Avec des sourires chaleureux, ils les accueillirent avec quelques remarques bien senties sur la relation qu’ils entretenaient. D’autres soldats d’Alonna étaient également présents et Dalcen partagea son repas avec eux. Une fois son bol vide, Aldara saisit un petit instrument qu’elle dissimulait dans un étui de cuir et lança au jeune mercenaire un sourire éclatant. Il lui sourit en retour lorsqu’elle le porta à ses lèvres, délivrant les premières notes d’une mélodie complexe. Descendant dans les graves, Dalcen surprit à se détendre, un frisson de plaisir venant le saisir lorsqu’elle accéléra légèrement le rythme. C’était une musique douce, enchanteresse, qui mit un terme aux conversations des hommes autour d’eux. Aldara déplaçait ses mains avec aisance, glissant le long du tube comme l’écume sur la roche, ses yeux fermés, son visage brillant d’une intense concentration. Quand elle éloigna sa bouche de son instrument, il y eut un bref instant de silence avant que tous lâche des exclamations admiratives. Le visage rouge, la jeune magicienne se serra un peu plus contre Dalcen, ses yeux rivés vers le bas alors que les hommes lui demandaient de jouer un nouveau morceau. Son compagnon les congédia avec un sourire, puis se leva et fit signe à Aldara de le suivre pour mettre un terme aux demandes des hommes autour du feu.

Ils aimaient marcher ainsi le soir. Dalcen avait l’impression que c’était ces moments passés avec elle qui le sortait de sa torpeur quotidienne. Ils s’assirent après un moment à l’écart du campement et le visage du jeune mercenaire se fit plus grave. Ses inquiétudes refaisaient surface. Que se passerait-il si Fort Norkan avait été envahi par une force étrangère ? Des wandrais ? Des bandits ? Comment pourrait-il la protéger pendant la bataille ?
Remarquant son visage sombre, elle porta encore une fois son instrument à ses lèvres et la mélodie l’emporta à nouveau.

La troupe tenait un rythme soutenu mais sans forcer outre mesure sur les organismes, chacun devant aborder les Wandres avec une capacité physique suffisante pour y affronter les dangers qui les guettaient. Faisant partie des privilégiés qui disposaient d'une monture, Hanegard avait profité du trajet pour réfléchir à ce qui pouvait bien se passer aux alentours de Fort Norkan pour justifier ainsi un tel silence. Depuis la construction du Fort, les relations avec les tribus wandraises alentours étaient demeurées tendues et empreintes de méfiance, il aurait suffit d'une provocation fusse-t-elle involontaire de la part des officiers en garnison pour que cela mette le feu aux poudres. Ancien guerrier d'un clan wandrais, frère de sang d'une autre, Hanegard connaissait mieux que la plupart l'honneur chatouilleux des siens face à des Péninsulaires arrogants et avides de richesses.

Ce soir-là, l'ancien baron se trouvait autour d'un feu à écouter une jeune femme jouer une douce musique qui arriva à faire taire même les pires braillards, chacun appréciant le jeu des notes, la subtilité du rythme, l'élégance de la mélodie. Un instant de douceur parmi ces brutes payées pour tuer leur prochain et à qui Hanegard n'aurait pas offert sa confiance fusse une seule seconde. D'ailleurs, à voir les regards égrillards de trois compères qui du coin de l’œil observaient moins la mélodie que la musicienne, il aurait mieux valu éviter de la donner ainsi en spectacle. Autant les soldats d'Alonna qui assistaient à la scène conservaient même en expédition une rigueur martiale du fait de la présence des sergents, autant les mercenaires ne rendaient de compte à personne sinon à celui qui leur versait une bourse d'or dans la main.

La musicienne et son compagnon s'étant éloigné, les soldats et mercenaires présents entamèrent une partie de dés à laquelle Hanegard se joignit, moins par goût que pour tromper l'ennui. Les soirées autour d'un feu de camp pouvaient paraître longue tant qu'ils se trouvaient en territoire allié... dans quelques jours les nuits leur paraîtraient encore plus longues mais ce serait à cause des heures angoissantes passées à scruter l'obscurité pour vérifier qu'aucun ennemi n'approchait de la troupe. Tout en remuant les dés dans le cornet, le mercenaire à la droite d'Hanegard et qui faisait partie des trois ayant longuement observé Aldara se laissa aller à un rire gras.

Mignonne la donzelle de tout à l'heure, elle doit être douée à la flûte... enfin j'me comprends.
Tu fermes ta gueule et tu lances les dés.

Le gaillard le fusilla du regard mais estima sans doute que déclencher une bagarre ne lui serait guère profitable. Avec un grognement rageur, il renversa le cornet et tous virent les deux trous de balle pointer vers le ciel.

Double un, maudits dés !

Amusé, Hanegard récupéra le cornet et fit rouler les dés, obtenant un cinq et un six qui le plaçaient en tête de cette partie. Ravi, il se plongea plus que prévu dans les méandres du jeu et mit de longues minutes à constater que la place à sa droite se trouvait désormais vide. Autour du feu de camp, il n'y avait plus de trace du mercenaire graveleux ni de ses deux comparses.

La lune venait de surgir derrière la masse ombrageuse, dardant ses rayons glacés sur les environs. Les terres, baignées de cette lueur opaline, semblaient à présent irradiées et investies d’une force nouvelle. Un vent calme et paisible les balayait, comme un souffle chaud courant le long d’une joue. Les paysages ternes et argentés étaient tirés de leur torpeur, les animaux silencieux se mirent soudainement à s’agiter, leur cri sourd transperçant soudainement le silence de la nuit.

Assis sur une souche, deux silhouettes, enveloppé dans une longue cape verte se tenait côte à côte. La jeune femme reposait sa tête contre l’épaule du guerrier qui en retour, entourait sa taille de son bras droit. Était-il possible pour lui d’être plus heureux qu’en cet instant ? Son cœur qui martelait sa poitrine lui fournissait un élément de réponse. Des informations lui parvenaient : la chaleur de son corps l’imprégnait, son odeur l’enivrait. Il passa une main sur son visage brillant et se pencha légèrement en avant.

— C’est donc là qu’tu t’es réfugié ma jolie ? lança une voix brusque derrière eux.

La soudaine quiétude de Dalcen s’envola aussitôt. Il pivota légèrement, remarquant trois mercenaires qui le toisaient, leur visage dissimulé dans la pénombre. Le jeune mercenaire se redressa :

— Nous cherchons un peu de paix avant demain, fit-il d’une voix calme malgré la colère qui l’habitait pour avoir briser ce moment. Pouvez-vous nous laisser un moment ?

L’un des hommes se pencha en avant. Dalcen reconnut en lui l’un des hommes qui avaient dîné autour du même feu de camp que lui.

— Et pourquoi qu'tu pourrais pas nous laisser un p'tit moment ? lança l’autre en découvrant ses dents dans un rictus mauvais.

Aldara se recroquevilla, serrant plus fort son bras. Dalcen se leva et chercha la poignée de son espadon par dessus son épaule. Seul le vide lui répondit. Il se retint de jurer. Il avait dû laisser son arme près de son cheval. Quel imbécile laissait son épée dans un campement rempli de mercenaire ? L’un des hommes se pencha vers la jeune guérisseuse et passa une langue sur ses lèvres :

— Alors, ça te dirait de prendre du bon temps avec de vrais hommes ?

Aldara jeta un regard effrayé vers son compagnon et secoua la tête. Une expression de détresse pure se peignit sur son visage. Dalcen sentit son sang bouillonnait dans ses veines.

— Fichez le camp, gronda-t-il en serrant les poings. Je ne le répéterais pas.

Les hommes s’esclaffèrent et des traits argentés jaillirent de leur dos. Le mercenaire qui avait pris la parole fit un pas en direction de Dalcen, pointant son arme vers lui dans un geste qui se voulut menaçant. Il ouvrit la bouche, mais fut aussitôt accueilli par le poing du jeune homme qui l’envoya virevolter quelques pas plus loin. Dans un beuglement, les deux autres hommes se jetèrent sur Dalcen qui s’ébroua comme un forcené pour éviter leur prise. Une arme passa en sifflant au-dessus de sa tête et il bloqua l’autre du coude. Amorçant une riposte, le bras droit de Dalcen fut retenu prisonnier par l’étreinte d’un de ses opposants et l’autre en profita pour lui décocher un violent coup au visage. Désorienté, il fit quelques pas en arrière en battant des mains et ne put éviter la pluie qui suivit. Il tomba à terre, du sang s’écoulant de son front vint obstruer son œil gauche.

Le mercenaire qu’il avait frappé au départ se releva en grimaçant et se dirigea d’un pas décidé vers Aldara qui avait vainement tenté de prendre la fuite. L’un des hommes l’avait rapidement rattrapé et immobilisé plus loin. Des larmes s’écoulaient le long de ses yeux écarquillés. Elle adressa un regard suppliant à l’égard de son agresseur.
Dalcen poussa un hurlement de rage et sauta sur ses pieds, son visage ensanglanté lui conférant l’air d’un fou. Il s’élança en direction d’un premier homme qui lui bloquait le passage. Il lui saisit le poignet puis lui tordit, le forçant à plonger sa lame dans son torse. Le mercenaire n’émit aucun son en s’effondrant, ne serait-ce qu'un éclat de surprise qui vint doucement éclipser la lueur malfaisante qui illuminait son regard.
En voyant son comparse chuter, le second mercenaire jura et se jeta sur Dalcen. Ils se livrèrent un rapide duel de couteau, les lames crissant l’une contre l’autre avant de pénétrer la chair. Il planta sa lame dans la cuisse avant de lui asséner son visage contre le sien. Le mercenaire tituba mais ne tomba pas. Au contraire, il lui atteignit l'épaule de sa dague, arrachant un cri de douleur du jeune homme.

Il n’arriverait jamais à temps. Le mercenaire avait déjà jeté Aldara au sol et s’approchait d’elle, une lueur avide dans les yeux.

Encaissant les quelques pièces gagnées grâce aux dés, Hanegard se leva et s'éloigna du feu de camp, sourd aux demandes des soldats qui lui proposaient de leur offrir une revanche. L'absence des trois mercenaires l'inquiétait car il ne connaissait que trop bien les brutes de cette espèce pour croire qu'ils sauraient écouter la voix de la raison. Vivant à l'instant présent sans se soucier du lendemain, incapables d'appréhender le monde autrement qu'à travers leurs pulsions immédiates et les brumes vaporeuses de l'alcool, ils risquaient de se lancer sur les traces de la jeune musicienne simplement parce que leur braguette les démangeait. Avec un peu de chance ils ne trouveraient pas leur proie, mais mieux valait les garder à l’œil pour éviter un drame.

Un garde en patrouille lui indiqua avoir vu la musicienne et son compagnon s'éloigner un peu du camp, sous-entendant avec un rire gras qu'ils devaient "chercher un coin tranquille". Mais lorsqu'il ajouta que les trois mercenaires venaient eux aussi de prendre la même direction, Hanegard jura dans sa barbe et pressa le pas... tout du moins autant que sa cheville le lui autorisait. Autrefois ses grandes enjambées lui aurait permis de rejoindre la scène du drame rapidement, mais désormais même les bruits de lames entrechoqués et les cris de douleur qu'il entendait poindre au loin ne pouvaient suffire à compenser sa boiterie. Grognant comme un ours, l'ancien wandrais finit enfin par atteindre la scène du drame au moment où Dalcen venait à bout du premier assaillant. Un coup d’œil au champ de bataille imposa des priorités : le jeune homme était certes en danger mais à tout le moins il savait se défendre, alors que sa compagne venait de se faire plaquer au sol par l'un des mercenaires qui cherchait à glisser ses mains sous sa robe.

Peu de choses écœuraient autant Hanegard que les viols et le souvenir de sa première femme rouvrit une vieille blessure au plus profond de son âme. Est-ce que cela s'était passé ainsi, voilà tant d'années dans les lointaines forêts des wandres ? Sa tendre Liliana, violée et assassinée dans des circonstances pas si éloignées de celles d'aujourd'hui. Il n'avait pas pu la sauver à l'époque, mais jamais Hanegard n'aurait pu se regarder de nouveau dans un miroir si Aldara devait subir le même sort. Comme un fauve enragé, il rejoignit le couple au sol, le mercenaire ne l'ayant pas entendu approcher à cause des bruits de combat entre Dalcen et son complice. Agrippé au col par une poigne puissante, le violeur se trouva projeté en arrière et se retrouva avec une dague plaquée contre la gorge tandis qu'une voix sourde résonnait à son oreille.

Tu sais comment les wandrais traitent les violeurs ? Ils leurs coupent les couilles et les laissent saigner à mort. Mais tu as de la chance, je suis miséricordieux.

Et sans hésiter, l'ancien baron trancha net la gorge du mercenaire qui s'effondra dans un gargouillis sanglant. Sa haine et sa colère lui dictaient de faire souffrir ce misérable, mais sa foi en Néera lui interdisait de s'abaisser à ce niveau. Il savait que l'acte de tuer constituait une interdiction du dogme qu'il ne pouvait pas respecter à moins de devenir un ermite retiré de ce monde cruel, mais à tout le moins il s'assurait désormais que les âmes envoyées dans le royaume de Tari le seraient promptement et sans y prendre le moindre plaisir. De la justice, une froide et glaciale justice qui ôtait un membre corrompu de l'humanité, voilà de quoi il s'agissait en cette nuit-là. Détournant le regard du cadavre, Hanegard se tourna vers les deux duellistes, prêt à venir en aide à Dalcen si cela s'avérait nécessaire.

Spoiler:

Harald « La foudre de guerre »  Skorsheim et Marianne « la Suiveuse » Skorsheim

« Elle joue bien la jeune femme. C’est agréable à entendre » disait-elle Marianne mangeant son repas avec son mari dans un autre feu. Elle souriait avant de voir trois roublards qui suive le couple, puis, Hanegard qui semblait avoir sentis le même pressentiment.  « Ca, je n’aime pas. »

Harald buvait sa bière, regardant sa femme à sa droite avant de porter son attention sur la scène. Il mangeait sa viande, puis, il vint saisir sa hache. La tendre Marianne posa sa main sur l’épaule de son mari, secouant la tête.

« Je vais m’en charger. J’en fais mon affaire, Harald. »

Il regarda un moment sa femme. Il comprit que Marianne avait une haine personnelle envers ces hommes. A la base, il se souvint d’avoir protégée sa femme contre son ex-mari. Aujourd’hui, il l’avait tellement formée son épouse qu’elle avait toujours envie de prouver à son époux sa capacité de se battre. Harald ne l’empêcha pas, il faisait entièrement confiance à sa femme. Puis, il savait que c’était un moyen à Marianne de se venger contre les hommes semblables à son ex-mari.  

« Marianne » disait-il lui tendant son arc « Ne te retiens pas. »

« Je ne compte pas me retenir. » disait-elle avec fierté avec son accent typique d’Erac refusant l’arc pour prendre son épée l’accrochant sur son ceinturon en même temps qu’elle partait. « L’épée sera suffisante. J’économise mon arc pour les Wandres »

D’un coup de langue, Marianna appela Born, gardant la torche dans sa main. Comme Hanegard, elle se dirigea vers la forêt suivant le groupe. Elle se mit à trottiner, assez éloigné de la bande de mercenaire Ainsi, comme une louve, elle était prêtre à surprendre et attaquer dans les meilleurs moments. Puis, elle entendit les voix de ces queutards de mercenaire, la détresse de la jeune femme et le son du combat. La lutte était déjà engager. Elle s’approcha de la scène avec sa torche, cependant, Marianne savait qu’elle ne pourra arrivait au bon moment. Il ne restait plus qu’un seul homme et la vielle femme n’allait pas le laisser s’en tirer. Elle ne pouvait pas arriver à temps, mais, elle était à porter pour que son chien puisse connaitre sa cible.  

« Born ! Attaque le bras de l’homme à ta droite ! » ordonnant d’un geste de la main et d’un claquement de doigt

Courant de toute vitesse, le chien sauta, agrippa le bras de l’agresseur jusqu’à faire tomber l’agresseur au sol, faisant lâcher son couteau par la même occasion. Marianna marcha en direction de cette vermine avant de donner un nouvel ordre

« Born ! Couille ! » ordonna une nouvelle fois dans un claquement de doigt.

Il ne fallut pas longtemps pour que le chien plante ses crocs dans l’entrejambe de l’homme qui poussa un hurlement horrible. Il comptait prendre le couteau, cependant, Marianne mit un violent coup de talon à sa main. Elle garda sa torche d’une main et son épée d’une autre. Puis, elle vit le jeune homme blessé et posa son regard sur celle de l’ancien baron. Puis, elle donna une nouvelle fois un ordre

« Born, arraches. » claqua une nouvelle fois ses doigts.

Puis, dans une grande violence et d’une mâchoire d’acier. Son chien arracha la virilité de l’homme avec une incroyable violence. L’homme poussa un nouveau crie de douleur se pliant en deux, touchant ce qui restait de sa virilité. D’un claquement de doigt, le canidé s’assoie et la maitresse caressa son chien.

« C’est bien, mon chien. » portant son attention sur le jeune homme avant de fixer le mercenaire « Il faut croire qu’il y a toujours des hommes qui ne savent pas tenir leurs queues entre les jambes quand ils voient une belle fille » disait-elle avec son accent très éraçonne. « Déplorables… »

Elle s’approcha de l’homme tirant les cheveux, le fixant droit dans les yeux. Marianne était satisfaite de voir l’homme se crispait sous l’effet de la douleur. Il se tétanisa en voyant la vielle femme le regarder droit dans les yeux. Marianne était froide et n’exprimait aucune émotion. Puis, son attention se porta sur le reste virilité qui était au sol que son chien avait recraché. Elle secoua un moment la tête. Elle appuya bien son pied pour broyer sa main, profitant au passage pour prendre le couteau. Elle tendit à un des deux hommes.

« Il faut vraiment être crétins. » poussa-t-elle sous un grognement.  « Messieurs, j’aimerais le tuer là. Tout de suite. Mais, il faut qu’il meure à la vue de tous. Un peu de discipline, oblige. Sinon, l’expédition va être bien harassant. Moi, je vous le dis. Norkan ne va pas être une promenade de santé. Si, on ne remet pas vite tout le monde dans le droit chemin, on ne va pas faire long feu. Moi, je vous le dis » disait-elle dans un ton franc et direct « Sir Hanegard, m’offriez vous l’honneur de prendre ce type et l’emmener ? D’ailleurs, on a beaucoup à se dire vous et moi » disait-elle dans un sourire bienveillant « Vous, jeune homme. Prenez votre femme et vous me suivez. Je vais vous soignez autour de notre feu de camp.»

Lorsque ce dernier gesticula, elle donna un violent coup de pied sur sa tête et profita pour marcher en direction du campement.

« Une bière ne sera pas de refus. » fit-elle avec nonchalance. « La jeune génération me fait peur.»

Voyant le sang qui se rependait à ses pieds, Aldara se traîna hors de sa portée, maculant sa cape verdâtre d’une couche de terre humide. Elle jaugea Hanegard du regard, craignant de voir en lui un autre de ses assaillants qui n’aurait souhaité intervenir que par dessein de s’approprier son corps pour lui-même. Voyant qu’il n’en faisait rien, elle tourna son regard vers Dalcen.

Le jeune homme n’avait pas suivi l’approche de Hanegard, concentré sur son propre duel. Du sang venait entraver la vision de son œil gauche et il plissait l’autre avec un air faussement décontenancé. Son opposant crut voir une ouverture lorsqu’il fit mine de tituber et tenta de lui trancher la gorge d’un revers de lame. Du plat de sa main, Dalcen frappa la garde de sa dague, l’envoyant virevolter dans les airs dans un sifflement aigus. L’autre en dégaina aussitôt une seconde et lui décocha un sourire cruel. Dalcen jura et se rajusta sa prise sur sa lame. Feinter à gauche et tenter un coup d’estoc ? Cela pourrait fonctionner. Dans le cas contraire, il pouvait toujours tenter de lui balayer les pieds.
Avant qu’il ne puisse mettre en pratique sa stratégie, un rugissement animal retentit derrière lui. Dalcen bondit en arrière par réflexe, levant haut sa dague pour se préparer à accueillir un nouvel adversaire. Toutefois, et à sa grande surprise, ce fut son opposant que la masse sombre vint attaquer. Le jeune mercenaire, malgré ses yeux vitreux, reconnu un chien de combat. Celle qu’il jugeait être sa maîtresse apparue quelques instants après. D’une inflexion de voix, elle ordonna à sa bête d’arracher les parties génitales de l’homme, et Dalcen grimaça lorsqu’il se mit à hurler. Il n’avait aucune compassion pour ce dernier, mais peut-être jugeait-il cette action quelque peu barbare. Affronter un monstre justifiait-il d’en devenir un soit même ?

Le souffle court, la sueur se mêlant au sang qui recouvrait son front, Dalcen se dirigea vers Aldara d’un pas chancelant, remarquant finalement le corps sans vie du dernier mercenaire et la présence d’Hanegard à ses côtés. Dalcen s’arrêta net avant de protéger la jeune femme de son corps. Se pourrait-il qu’il soit venu à l’aide d’Aldara ? La maîtresse du chien l’avait appelé Hanegard.

— Il… il… commença Aldara visiblement choquée. Il m’a sauvé, il… a tué celui qui… qui…

À ses mots, elle fondit en larmes et se jeta dans les bras de son compagnon. Dalcen lâcha un grognement de douleur, mais accueillit avec soulagement la jeune femme dans le creux de ses bras. Lorsqu’elle se fut calmée, même si elle refusait de le lâcher, il se tourna vers Hanegard. Qui était-il ? Un mercenaire ? La détentrice du chien l’avait nommé sir. Pouvait-il être l’un de ces hommes d’honneur dont lui avait parlé un jour son père ? Dalcen peinait à le croire. Ce qu’il avait vu ces dernières années lui revenait en mémoire : la bassesse humaine, la décadence et la violence gratuite, voilà ce qui rythmait l’existence humaine. L’honneur n’était qu’un mot, le revêtement agréable dont se drapaient ceux qui se vouaient à de telles exactions. Dalcen fronça les sourcils. Mais dans ce cas, pourquoi était-il venu à leur secours ?

— Mer… merci messire…, fit-il en hochant la tête. Arrête de balbutier que diantre ! Je… je vous suis reconnaissant de l’avoir sauvé… Vous n’imaginez pas comment je le suis.

Il serra plus fortement la jeune femme contre son torse. Celle-ci adressa un sourire poli en direction d’Hanegard, mais elle évita ostensiblement son regard.

— Si je puis vous être d’une quelconque utilité… pour… rembourser ma dette. Je… enfin…

Il s’interrompit. La tête lui tournait et les mots semblaient danser derrière ses lèvres avant de les franchir de manière erratique. Il s’assit au sol et le flou qui enveloppait la silhouette d’Hanegard disparut. C’était mieux. Aldara se pencha en avant et examina sa blessure, une lueur inquiète dans le regard. Elle ne tarderait pas à user de sa magie pour le soigner, il le savait. Il préféra tourner son regard vers son autre sauveuse qui les avait incités à la suivre.

— Merci à vous aussi, fit-il en se relevant, faisant fi des avertissements d’Aldara, mais ne dites pas cela. Il existe encore des jeunes gens au cœur bienveillant.

Son regard se tourna vers Aldara qui marchait à ses côtés et il s'autorisa un sourire.

L'interruption de la vieille et de son clébard prit Hanegard de court. Les croyant tout d'abord être du côté de leurs assaillants, l'ancien baron s'apprêtait à dégainer son épée pour un combat qui s'annonçait compliqué lorsqu'il vit la femme lancer son chien à l'attaque du dernier mercenaire. Un rictus de dégoût apparut sur ses traits lorsque la bête arracha la virilité de l'homme, agissant exactement comme les wandrais que tant de personnes en Péninsule considéraient être de vulgaires sauvages. Regrettable de constater que les péninsulaires ne valaient souvent pas mieux en matière de cruauté et pouvaient également s'adonner aux plaisirs coupables de la torture. Sans mot dire, Hanegard rejoignit le blessé qui geignait pitoyablement au sol. Quel âge pouvait avoir cet imbécile ? La vingtaine tout au plus ? Avait-il seulement suivi ses deux compères pour montrer qu'il était un homme, un vrai ? Peu importait désormais, ses choix l'avaient amené en ce lieu perdu au milieu de nulle part et où il reposerait à tout jamais.

Qu'ils agissent comme des brutes sanguinaires ne nous donne pas le droit d'en être également.

Et de nouveau le poignard traça un long sillon sanglant sur une gorge, achevant miséricordieusement le mercenaire qui rendit sa vilaine âme après un ultime gargouillement. Après avoir essuyé sa lame sur le pourpoint du mort, Hanegard se releva et fixa la vieille femme.

De la discipline, vous dites ? Surtout beaucoup d'emmerdes pour nous tous si vous retournez au camp en vous vantant de vos exploits. Les mercenaires ne sont pas soumis au régime disciplinaire des soldats, l’exécuter en place publique entraînerait des désertions et le sénéchal d'Oësgard n'appréciera pas beaucoup. Aucun d'entre nous ne doit parler de ce qui vient de se passer, ces trois brutes ne manqueront de toute façon à personne.

Un coup d’œil à la blessure de Dalcen confirma qu'il fallait la traiter sans plus tarder pour éviter qu'elle ne s'infecte ou ne l'handicape durant la suite de l'expédition. Quand aux trois cadavres, les paysans du coin s'occuperaient de les piller avant l'aube, trop heureux de récupérer armes et vêtements pour se protéger ou passer les froides nuits d'hiver. La longue expérience de la guerre avait appris à Hanegard qu'un corps ne reste pas longtemps vêtu, et qu'après les hommes venaient les bêtes. Sous peu les trois mercenaires ne seraient plus que des tas d'os blanchis comme des milliers d'autres dans cette région si souvent ravagée par les guerres.

Vous avez raison, il faut retourner au camp soigner cette blessure et de toute façon nous y serons plus au calme pour parler.

Ah, la beauté d'un ciel sans nuage, au clair des lunes, un doux soir d'automne. Doux ? Manfred le trouve tout de même un peu frisquet, ce vent venu de l'Est. Le soldat profite de sa ronde autour du camp pour s'en éloigner quelque peu, cherchant dans le bois alentour un tronc à l'aspect engageant. Le soldat regarde à droit et à gauche, puis scrute les ombres du bois : personne ne semble s'y trouver. Son coéquipier a continué seul la ronde, il ne lui sera pas difficile de le rattraper. Le moment est parfait. Manfred pose sa lance et son bouclier, l'appuyant l'une et l'autre contre un tronc. Puis il se met face au tronc d'à coté, baisse ses braies, commence son office... Qui ne veut pas venir.
"Maudit ! Ca viens oui ?"

Les minutes passent, et enfin vient le soulagement. Mais pas pour longtemps. Un cri, les bruits d'un combat, et Manfred se précipite. Les braies légèrement humides, le soldat récupère ses armes et se dirige vers l'affrontement. De son point de vue le lancier ne peut pas percevoir grand chose : visiblement un homme se fait rouer de coups par trous autres. Un paysan qui passait par là ? Un différent entre certains membres de l'expédition ? Manfred n'en a pas la moindre idée, tout comme il ignore s'il doit ou non intervenir. Peut-il seulement intervenir ? Il est seul, et eux sont plusieurs. Y'en a peut-être même qu'il n'a pas vu, derrière les arbres. Et puis, vu leurs accoutrements, ils sont certainement de ces mercenaires engagés pour l'occasion, alors est-il vraiment nécessaire de s'occuper de ce qu'il leur arrive ? Les instructions du lieutenant n'étaient pas claires à ce sujet. Finalement, le soldat grimace. Ce qu'il se passe n'est pas son affaire, mais il ne peut tout de même pas rester sans rien faire : il doit au moins faire un rapport. Alors Manfred tourne les talons et se précipite vers la tente des "officiers".

Camp d'expédition, quartier des nobles.

"Et là son sang n'a fait qu'un tour ! Ah, l'était pas content l'sire chevalier. Le faquin, on l'a enfermé. Un mois à bouffer du pain sec et à dormir dans sa pisse, pi après l'est passé au pilori. Pis la ribaude, bin la ribaude on l'a"
"Sire !
L'officier interromp son histoire, tournant un regard sévère vers le soldat quelque peu essouflé d'avoir couru jusqu'ici.
"Sire Gustav ! Sire Gustav !" Répète le soldat, reprenant son souffle entre deux syllabes.
"Quoi ? Parle !"
"Pardon de vous déranger... Il y a... Là-bas... Les mercenaires... Une échauffourée."
"Qu'ils s'arrangent entre eux, je n'ai que faire de leurs querelles."
Le soldat se raidit, à la fois surprit et contrarié. Il n'a quand même pas couru en portant son armure pour rien ?
"C'est que... Y'a une bagarre, et des civils peut-ê"
"Quoi ?!?"
L'officier fronce des sourcils, énervé. Que les mercenaires se battent un peu entre eux est une chose, c'est plutôt monnaie courante lorsqu'on a à faire à de tels brutes, mais qu'ils s'en prennent à des habitants de Serramire en est une autre.
"Veuillez me pardonner sire Brohan, je vais devoir écourter notre discussion." Déclare l'officier, se tournant vers son précédent interlocuteur.
Ce dernier cependant se lève, et un regard acer se pose sur le serramirois.
"Si vous le permettez, sire Gustav, nous allons nous en occuper. Nous avons besoin de nous dégourdir les jambes."
L'officier réfléchit quelques secondes : c'est à lui que reviendrait normalement la responsabilité d'assurer la bonne marche du groupe jusqu'à la frontière, cependant ce chevalier est d'un rang plus élevé que le sien.
"Vous en êtes sûre ? Vous n'avez pas à le faire."
"La nuit est claire, cela nous fera l'occasion d'une petite ballade. Par ailleurs, nous aurons à côtoyer ces hommes dans les jours qui viendrons. Autant apprendre dès maintenant à quels soudards nous aurons à faire."
Tout juste convaincu, l'officier concède.
"Comme vous voulez, mais prenez tout de même deux de mes hommes."

Abord du camp d'expédition, lieu de l'incident.

"Vous avez raison, il faut retourner au camp soigner cette blessure et de toute façon nous y serons plus au calme pour parler."

Les victimes et leurs sauveurs n'ont pas le temps de quitter les lieux de la bagarre que se pointent cinq hommes dont quatre en armure. Les hommes s'arrêtent et les deux groupes se fixent un instant sans qu'aucun ne bouge. Finalement c'est l'homme accompagné des gardes qui prend la parole, d'une voix claire et d'un ton ne trahissant pas la moindre émotion.
"Attendez."
D'un rapide coup d'oeil, le nordien remarque la femme choquée, l'homme au visage sanglant, le loup dont la gueule laisse encore goutter un peu de sang et pour finir une masse sombre, à l'arrière, une masse sombre qui ressemble vaguement à un corps humain.
"Toi, vas voir." Demande-t-il à l'un des gardes qu'on lui a prêté, avant de reporter son attention sur le groupe en face d'eux.
"Que s'est-il passé ici ?"
Là encore, aucune émotion ne filtre au travers la voix de l'homme au port digne et à la cape pourpre. Ni colère, ni méfiance, ni rien d'autre : juste une voix claire et un ton neutre.

Dalcen fit à peine quelques pas pour suivre la femme que trois hommes émergèrent des bois. Leur visage, faiblement éclairé, laissait planer quelques doutes concernant leur intention. Aldara, qui s’était niché dans le creux de ses bras se recroquevilla en poussant un petit cri plaintif, craignant un nouvel assaut de la part d’autres mercenaires peu scrupuleux. Fort heureusement, l’un des hommes prit la parole, et son expression impassible vint le dévoiler à la lueur de la lune.
Dalcen, qui se souvint avoir aperçu le visage du seigneur de Höginheim, se détendit partiellement, essayant d’ignorer toutefois la légère anxiété qui venait cognait avec insistance contre son cœur. Allait-il le punir d'avoir déclenché un combat dans son campement ? Le jeune mercenaire vint caresser les cheveux d’Aldara pour l’apaiser, mais cette dernière gardait obstinément son visage enfoui dans ses vêtements. Jetant un œil en direction d’Hanegard et de la maîtresse du chien, il décida de prendre la parole, plus pour les innocenter que par réel envie de ressasser ce qu'il venait de se passer :

– Je.. eh bien… seigneur, balbutia-t-il en essuyant d’un geste le sang qui recouvrait son œil clos. Avec ma compagne, nous avons quitté le campement… pour… prendre un peu l’air. Loin de l’agitation.

Dalcen renifla et s’efforça de chasser les accents hésitants qui recouvraient sa voix :

— C’est là que ces hommes sont arrivés… Ils ont tenté d’abuser d’Aldara. J’ai essayé de la défendre, mais ils ont tiré leurs armes. J’ai… je… j’ai donc fait le nécessaire pour la protéger. Sir Hanegard, si je n’écorche pas votre nom, est venu me porter secours ainsi que cette… euh… cet animal. Et cette...honorable femme dont je ne connais pas le nom.

Dalcen inclina la tête avec un air dépassé. Le monde tanguait doucement devant ses yeux, signe qu’il avait reçu son quota de coups dans le visage au cours du combat. Il passa une fois de plus sa main gantée sur son front, chassant le sang poisseux qui le recouvrait.

— Aldara n’a rien à voir dans tout cela, soutint-il en croisant pour la première fois le regard de Brohan. Son expression était plus déterminée et il se redressa légèrement. Je… si vous cherchez quelqu’un à punir je…

Le jeune garçon chancela et tomba un genou à terre. Il secoua la tête. Il avait décidément pris un mauvais coup. Dire qu’il avait subi des rossées bien plus sévères dans sa jeunesse, voilà qu’il était incapable de tenir devant un seigneur. Aldara se leva et avec un air quelque peu effrayé, jeta un coup d’œil en direction de Brohan, portant en même temps une main sur le visage de son compagnon.

Ils n'eurent pas le temps de quitter les lieux du combat que cinq nouveaux-venus se pointèrent, menés par le sénéchal d'Oësgard en personne. Petite surprise car il était rare que la noblesse se mêle directement des affaires de discipline au sein des armées, mais peut-être le digne seigneur voulait-il jauger la faune qu'on lui confiait pour s'enfoncer dans les dangereuses terres wandraises. Sage précaution tant il faudrait alors pouvoir compter sur ses compagnons d'armes si la situation dégénérait. Hanegard laissa Dalcen expliquer la situation puisqu'il se trouvait après tout le premier concerné, avant d'intervenir à son tour.

Je me porte garant de la véracité des dires de ce jeune homme. J'étais au même feu de camp qu'eux lorsque ces trois là... il désigna les cadavres qui gisaient au sol ...commencèrent à faire des commentaires graveleux sur dame Aldara avant de s'éclipser discrètement pour la suivre.

Ayant fini de nettoyer soigneusement sa dague, l'ancien baron la rengaina puis s'approcha de Brohan tandis qu'Aldara prenait de son côté soin de Dalcen qui chancelait suite aux nombreux coups reçus au visage. Pour un peu, on aurait juré que le jeune homme sortait tout juste d'une de ces homériques bagarres de taverne qui réchauffaient les longues soirées d'hiver dans le Nord. Seule différence, ces bagarres ne dégénéraient que rarement en morts d'hommes même si les blessures subies pouvaient parfois l’entraîner.

Un rude gaillard malgré sa jeunesse, sire Brohan. Croyez moi, celui-là ne fuira pas comme un capon au premier danger venu. Un sourire amusé éclaira le visage d'Hanegard. Mon garçon, si un jour il vous vient l'envie d'une vie plus rangée, mes fils seront ravis de compter sur quelqu'un comme vous dans leurs fiefs.

Harald « La foudre de guerre »  Skorsheim et Marianne « la Suiveuse » Skorsheim

Marianne se doutait déjà que le problème allait retentir dans tout le campement. Puis, elle vit le sénéchal et son seigneur Brohan. Comme à son habitude, son seigneur avait toujours le sens de la responsabilité. Elle restait silencieuse un petit moment, portant son attention sur le jeune homme et la jeune femme. La Corneille écoutait attentivement Hanegard et le jeune homme. Puis, son attention se porta sur la jeune femme. La vielle femme ne comprenait pas la stupidité du jeune homme d’emmener cette femme avec lui. Elle ne savait ni se défendre, ni se battre et donc être un poids…. Son mari et elle aurait refuser le couple. Une personne qui n’était pas capable de se défendre et fragile psychologiquement était dangereux pour tout le groupe.

Puis, le seigneur Hanegard aurait dû mettre en garde ou dire quelque chose. Cependant, il ne disait rien, acceptant la femme dans l’expédition… Marianne poussa un soupire, puis, elle s’adressa dans un ton neutre qui cacher une légère colère.

« Je confirme les paroles de ce jeune homme et de Sir Hanegard. Pardonnez mon expression, ces hommes ont eu la bassesse de ne pas maîtriser leurs queue. J’ai voulu trainer l’un d’entre eux devant vous. Sir Hanegard a eu bon d’abréger les souffrances. »

Puis, son attention se porta sur la jeune femme. Son ton se fut plus dure et témoigner une profonde colère.

« Mais, il y a bien une chose qui me dérange. Il y a ces hommes qui ne savent pas se tenir…c’est un fait. Mais ! Sans être méchante ou vexante. Mais, cette demoiselle n’a rien à faire ici ! On va dans les Wandres et tout le monde doit être capable de se défendre ! Si, pour une agression, elle se met en pleure ! Elle va être un poids pour nous tous et nous mettre en péril ! Je suis d’avis qu’elle ne participe pas avec nous ! » Puis sa tête se tourna vers la jeune femme « Vous venez dans une mission dangereuse. Vous n’avez jamais tué un wandrais et vous ne connaissez pas ce monde-là. Tout le monde doit être utile. Si vous êtes incapable de vous défendre, vous êtes un poids. Si vous étiez ma fille, je vous aurais empêché. » Puis, elle lève la main pour taire la moindre protestation « Je suis une vielle femme, certes. Mais, j’ai bien tranché pas mal de gorge à mon actif et les wandrais, j’en ai déjà eu affaire. »

Puis, elle poussa un soupire calmer sa colère


« Mes propos sont peut-être vexante. Mais, je me base sur mon expérience, sur des faits et je suis obligée de remettre une certaine vérité au clair. »

Le seigneur oësgardien demeure d'un stoïcisme silencieux alors que chacun s'exprime à son tour, excepté la jeune femme qui semble encore trop choquée pour oser. Que ce soient les explications balbutiantes de pauvre défiguré, le soutien malvenu du parvenu alonnais ou le discours déplacé de la vieille corneille, le noble aux yeux d'argent les écoute sans mot dire. Et à l'instar de sa posture qui ne se meut point, le visage de l'officiel reste de marbre.
"Alors, soldat ?" Questionne le chevalier, s'adressant au soldat parti investiguer la scène.
Car, pendant que chacun des survivants donnait sa version des faits, l'un des gardes escortant le noble nordien s'était approché des corps sans vie pour les examiner. L'air plus malaisé que dégoûté, comme si le soldat en avait vu d'autres, il détourne son attention de l'homme à l'entrejambe sanglante pour se tourner vers le seigneur oësgardien.
"Morts, tous les trois. Deux écorchés, un embroché. Cui-là... Mes dieux... Y lui ont arraché sa qu.. Sa verge, mon seigneur."
Là encore, si le visage du seigneur nordien avait esquissé une quelconque expression, la pénombre l'aurait dissimulée.

Un silence pesant s'installe durant quelques minutes, alors le l'homme devant ici faire figure d'autorité ne prononce plus le moindre mot. Loin d'être surprenante, la situation n'en demeure pas moins complexe. Non pas que le nordien ne remette en doute la parole de la corneille ou de l'alonnais, encore que pour ce dernier le doute peut être légitime, mais plutôt que les conséquences d'un tel incident pourraient mettre en péril l'expédition à venir. Car bien que la vie de  ces mercenaires anonymes n'a pas d'importance pour les nobles dirigeant cette expédition, la perte d'hommes d'armes alors même que tous s'apprêtent à s'enfoncer dans un territoire des plus hostiles. Plus encore que cela, cet incident pose des questions de discipline et de conflits au sein même de l'expédition.
"Trois morts, et nous ne sommes qu'au premier soir." Commence le nordien, rompant le silence relatif. "Sire Hanegard... Ou préférez-vous Tueur de roi ? Qu'importe. Il m'a été rapporté que vous n'êtes pas là en envoyé d'Alonna, ni même en seigneur. Nous sommes en terre Serramiroise, et c'est encore la justice de Serramire qui s'applique à vous. Ses représentants sont les soldats de Serramire et non vous, mercenaires. Sire Gustav décidera de votre sort, pour ces trois meurtres."
Le regard d'acier du seigneur se tourne alors vers le jeune au piètre état, quoi que pris en charge par sa compagne.
"Et du vôtre."
Puis, d'un mouvement lent, le seigneur de Höginheim se tourne vers la corneille, qui bien que faisant partie du clergé otharite n'en demeure pas moins l'une de ses sujets.
"Quant à vous, corneille..." Le regard du seigneur passe rapidement de la prêtresse au corps mutilé, pour de suite revenir se poser sur la corneille. "Cet aspect d'Othar n'est pas le plus convenable. Quoi qu'il en soit... Remettez-vous en cause les décisions prises par les responsables de cette expédition ? Pensez-vous que nous l'aurions acceptée si elle ne pouvait pas se rendre utile à notre mission ? Nous pourrons en discuter plus tard, si c'est le cas."

Alors l'attention du nordien revient sur le jeune couple. Et bien que le noble ne s'encombre pas de l'identité de tous les mercenaires recrutés pour l'occasion, ceux capables d'apporter des soins aux futurs blessés sont suffisamment peu nombreux pour que le sénéchal ait pris la peine de les identifier.
"Aldara, si je ne me trompe. Soignes-le, qu'il se remette sur pied."
L'homme au regard d'argent se tourne à nouveau vers l'alonnais et la corneille.
"Rassemblez les corps et prenez-les, il est inutile d'attirer les charognes. Toi, désigne-t-il en s'adressant au soldat toujours à coté des corps, aide-les. Puis suivez-nous jusqu'à la tente de commandement." S'adressant à Aldara et Dalcen. "Vous aussi."

Le sourire s'effaca lentement du visage d'Hanegard, remplacé par un regard glacial que l'on aurait presque pu qualifier de haineux lorsque le titre de "Tueur de Rois" fut jeté en pâture dans le flux de paroles. Le sénéchal faisait-il allusion simplement à l'épisode des Jeux de Thaar ou bien ses propos évoquaient-ils le sujet autrement plus sensible que constituait la mort de Nimmio de Velteroc quelques années auparavant ? Cette hésitation sur le sous-entendu précis qu'il fallait ou non y deviner évita surement une explosion des plus malvenues tant les sujets relatifs au siège de Rochenoire pouvaient faire sortir de ses gonds l'ancien baron d'Alonna.

Pour vous Sire Brohan, ce sera "Sire Hanegard".

Du doigt, il désigna les trois cadavres qui gisaient au sol.

Ces mercenaires ont agit comme des bandits de grand chemin en attaquant leurs camarades afin de tuer et violer, nous les avons traité comme tels. Je connais les lois de Serramire autant que vous, aucune cour de justice ne considérerait leur mort comme un meurtre... tout au plus comme un regret de ne pas pouvoir les pendre.

Parler de justice pour de tels mécréants alors qu'un autre noble garantissait que Dalcen n'avait agit qu'en état de légitime défense pour défendre son amie sidérait Hanegard. C'était là parler en suzerain bien à l'aise dans son château et non pas en chef d'armée devant mener des mercenaires au beau milieu de l'une des zones les plus dangereuses du continent. A croire qu'ils auraient du se contenter de les désarmer pour les remettre gentiment saucissonnés aux autorités, ignorant totalement la rage qui embrase chacun au moment du combat et les risques qu'il faut prendre pour blesser au lieu de tuer.

Cette incapacité à s'adapter aux conditions du moment n'augurait pas bien de la suite du trajet, s'ils se trouvaient sous la responsabilité de nobles hautains incapables d'assurer leur rôle de meneurs d'hommes autrement que par une discipline de fer qui allait vite se briser face au danger. D'un autre côté, cela pourrait s'avérer intéressant en temps utiles si l'expédition aboutissait à ce qu'espérait intérieurement Hanegard, mais de telles pensées se révélaient encore trop précoces pour être suivies d'actes.

Sire Brohan, si ma parole ne vous suffit pas, je suis à votre disposition au lieu et à l'heure de votre choix. Sur ce, je vous souhaite une bonne nuitée.

Et tournant les talons, Hanegard quitta les lieux du combat pour s'en repartir en direction du campement.

Dalcen gratifia Hanegard d’un sourire reconnaissant lorsque ce dernier vint à sa rescousse, et tourna son regard vers Aldara lorsque fusèrent les remontrances de Marianne.

Je te l’avais bien dit ! voulait-il lui souffler en se penchant légèrement vers elle, mais hélas ce fut l’air qui vint à lui manquer.

Il préféra froncer les sourcils plutôt que de crachoter quelques mots dénués de sens, espérant toutefois que ces profonds plis sur son front suffisent à lui faire part de son mécontentement. Comme à son habitude elle n’en fit pas grand cas, de même que concernant les propos de l’autre femme, préférant se concentrer sur les blessures qu’il arborait. Rassemblant toute l’énergie qu’il le pouvait, que diantre, il ne pouvait rester avachie ainsi devant eux, il se redressa et se remit sur ses pieds, d’abord chancelant, puis plus fermement. Dalcen pâlit légèrement lorsque Brohan lui fit savoir que son sort aller être déterminé par un certain Sir Gustav et il se vit soudainement à l’échafaud, la tête reposant sur le billot. Il déglutit avec difficulté, mais inclina légèrement la tête pour signifier qu’il ne se rebellerait pas contre son châtiment.

Il observa ensuite passivement la discussion entre Hanegard et Brohan, s’efforçant de les fixer en ayant l'air vaguement intelligent. Chose particulièrement ardue lorsque l'on est soutenu par sa compagne et le visage tellement tuméfié qu'on le penserait tout droit tomber de la montagne la plus proche !  Alors que le châtelain prenait congé, Dalcen s’autorisa à lui sourire une nouvelle fois en formant un merci muet sur ses lèvres. Puis s’inclinant légèrement devant Brohan et Marianne avec laquelle, il était vrai, il tombait d’accord concernant le fait qu’Aldara n’avait rien à faire ici, il s’éloigna légèrement, laissant Aldara panser ses blessures.

S’asseyant sur un banc, il ouvrit la bouche, s’apprêtant à lui dévoiler le fond de sa pensée :

— Ne dis rien, tu es blessé, fit-elle aussitôt en essayant vainement de prendre un air bravache.

Après tout, les propos de Marianne l’ont peut-être touché plus que je ne le pensais.

— Bien, préféra-t-il en souriant timidement alors qu’elle marmonnait ses quelques injonctions. Je...euh...je me tais.

Le voyage venait à peine de commencer et il avait déjà rencontré le seigneur Brohan, le châtelain Hanegard et un couple de vieux fous dresseur de chiens dévoreur de verge ! Bigre, qu’est-ce que lui réserverait la suite ? Un peu de quiétude peut-être ? Il faillit ricaner. Mais oui bien sûr ! Et pourquoi pas la tête de tous les wandrais qu’ils rencontreront pour éviter qu’ils aient à se battre ? Foutu imbécile !

Visiblement les deux nobles n'ont pas la même vision des choses, et le regard haineux de l'alonnais n'échappe ni au seigneur oësgardien ni à son escorte. Les paroles du châtelain-mercenaire ne font pas grand sens dans l'esprit du sénéchal, et pourtant l'expression de ce dernier reste insondable. Pour Brohan, qui souhaitait rencontrer le noble fait gladiateur après l'avoir vu combattre dans l'arène, ce comportement impérieux et emporté en apprend au moins sur le caractère du mercenaire.
"Laisse." Murmure le chef oësgardien, stoppant d'un geste de la main son chevalier d'escorte.
Le barbu reste coupé dans son élan, ne comprenant pas pourquoi son supérieur reste aussi calme face à cette flagrante désobéissance.
"Aidez-les à emporter les corps. Et récupérez ce qui traîne, on ne laisse rien ici." Demande le seigneur à son escorte, avant de s'approcher du jeune couple.

A contrario de l'ancien souverain alonnais, le mercenaire blessé ne montre aucun signe de rébellion. Mieux encore, le jeune homme déploie autant d'effort qu'il lui reste d'énergie pour tenter de se montrer fier et digne malgré ses blessures. Cela montre au moins un certain sens de l'honneur que l'oësgardien ne manque pas de noter, bien que son visage ne montre aucun signe de sentiment.
"Tu peux marcher ?"
Le jeune homme fait signe que oui, mais la manière dont il prend appui sur sa compagne le trahi.
"Bien. Aldebriech aide-le, nous avons assez traîné."
L'homme haut de plus d'un mètre quatre-vingt s'approche alors d'une démarche militaire. Le visage buriné et la barbe brune taillée courte, ses petits yeux lui donnent constamment l'air de se poser des questions.
"T'as entendu p'tit, accroche-toi à moi." Déclare le chevalier et passant un bras sous l'épaule du mercenaire pour l'aider à tenir debout.


La discussion avec l'officier serramirois se fait rapide, les mercenaires tués n'ayant en eux même d'importance pour personne. Même le seigneur Oësgardien, malgré ses dires sur le lieu de la acène, a présenté l'incident comme un cas de défense légitime, quoi qu'un soupçon extrême. Ce qui préoccupe le seigneur nordien comme ses compagnons, dans l'histoire, est plus l'indiscipline et le laxisme qui ont mené à cette situation. En conséquence de cela le jeune mercenaire, comme sa compagne et le reste de ceux impliqués, s'en sort sans autres châtiment qu'un sermon visant à éveiller la prudence du jeune guerrier vis à vis des groupes de mercenaires. Par ailleurs, et aussi surprenant que cela puisse être, le seigneur au visage inexpressif invite le couple de mercenaires sans compagnie à se joindre au groupe oësgardien pour la suite du voyage, s'ils le souhaitent, ce afin de bénéficier de la protection notemment des prêtres d'Othar. Nul ne sait s'il existe là dessous des intentions cachées, néanmoins le choix reste celui des jeunes mercenaires. Après quoi les participants à l'incident sont congédiés, pouvant retourner à leurs tentes, en laissant les chefs d'expédition discuter entre eux.

Au lendemain, lorsque le soleil se lève et que la rosée recouvre l'herbe fraîche, les mercenaires de l'expédition découvrent que pendant la nuit trois poteaux ont été sommairement installés devant leur camp. Les cadavre des mercenaires morts la veille y sont attachés, délestés de leurs armures et équipements. Deux soldats de Serramire montent la garde pour empêcher les autres de s'en approcher jusqu'à ce que les chefs d'expéditions n'arrivent. Les mercenaires s'étant réunit autours, l'officier supérieur s'avance afin de prendre la parole d'une voix fort audible.
"Vous tous, écoutez bien ! Hier soir, ces trois hommes que vous voyez là ont commis des méfaits et des violences à l'encontre d'autres membres de notre groupe. Voyez ce qu'il leur est arrivé ! Vous tous, mercenaires, avez été engagés par Serramire pour une mission des plus importante. Et nous ne tolèreront pas que des méfaits, des violences ou des vols soient encourus au sein même de notre groupe. Vous aurez bien assez de ces sauvages wandrais pour vous défouler, par Othar ! Pour survivre sur ces terres hostiles, nous aurons besoin d'être unis et coordonnés. Alors sachez-le dès maintenant, et transmettez à ce qui ne m'auront pas entendu : Si l'un d'entre vous, mercenaires, commet quelque méfait que ce soit envers l'un ou d'autres membres du groupe, il sera rejeté sans solde et ne fera plus partie de l'expédition."
L'officier marque une pose, le temps d'écouter ce que l'un de ses hommes est venu lui dire, puis reprend.
"Cela fais partie des conditions que vous avez accepté lorsque nous vous avons engagé. J'espère que c'est clair pour vous, car nous ne le répèterons pas ! A ceux à qui cela ne convient pas, vous pouvez dès maintenant vous en aller et oublier votre paye. Pour les autres, nous partons dans une heure."
Son discours terminé l'officier fait disperser le public tandis que les corps sont détachés. Jetés comme des déchets dans une fausse creusée à quelques dizaines de mètres du camp, les malfrats sont alors brûlés et leurs restes enterrés sans sépulture. Le groupe d'expédition reprend ensuite sa marche vers la frontière, très peu des mercenaires ayant finalement choisi d'abandonner leur contrat et la solde qui va avec.