Personne n’est jamais réellement libre [Uthred]

Julas, VIe ennéades du mois de Bàrkios, An XVII, Cycle XI
Thaar, Principauté Vaanie

L’hybride plia doucement le bout de parchemin qu’elle venait de lire avant de le mettre dans la bourse de sa ceinture. «Autre chose que je devrais savoir? » demanda-t-elle à l’aubergiste bedonnant. Ce dernier se redressa avant de se passer les doigts sur son menton fraichement rasé. «Non, tout ce que l’on sait de la milice c’est qu’il a brulé plusieurs maisons il y a peu de temps, laissant de nombreuses familles à la rue. Du moins, ça, c’est l’histoire de la milice… » Miriel soupira avant de croiser les bras sur sa poitrine menue. Son regard glacial aurait pu le tuer sur place si elle l’avait voulu. Toujours le même topo avec ce contact, il vous dit la version officielle et après il essayait de vous tirer une pièce supplémentaire pour les informations des raclures de la cité! «Tu oublies que tu m’en dois une pour tout ce que t’as vendu quand j’étais au Puy… » L’aubergiste déglutit et cette réplique sembla lui délier la langue; «  Ce type s’appelle Uthred, et à ce qu’il parait il a une bande de mécréants avec lui. On parle d’une centaine d’hommes!» Bon d’accord, avec ce dernier, il fallait toujours démêler le vrai du faux… Que voulez-vous c’était ça avoir une commère comme contact! «À ce qu’il parait, lui et sa bande de mercenaires se cachent dans une palmeraie non loin de la sortie de la ville. Si j’étais toi je commencerais par-là!» Miriel hocha rapidement la tête avant de se diriger vers la sortie; «Oh et Miriel? » L’hybride s’arrêta net avant de faire volte-face vers l’aubergiste qui avait un air beaucoup plus sombre, presque inquiet; «Essaie de nous revenir en un seul morceau cette fois… Rappelle-toi de ce qui t’attend… » L’hybride se retourna sans exprimer la moindre réaction. La dernière chose dont elle avait besoin avant d’aller en mission.


Sans un mot, Miriel sortit de l’auberge délabrée avant de se mettre en marche vers la sortie de la ville, tentant de démêler le vrai du faux. Déjà un contrat de la milice Thaari pouvait porter à confusion, mais la prime était trop belle pour passer à côté… Qui plus est, elle avait besoin d’argent. Une nouvelle vie s’offrait à elle, mais malheureusement ce n’était pas quelques choses de gratuites… La traversée de la ville se fit relativement bien, évitant les étals des marchands et les bandes de mercenaires qui semblaient patrouiller la ville… Il fallait dire que la ville des plaisirs amenait toujours son lot de problème, et c’était ainsi l’endroit parfait pour tout mercenaire. Il y avait toujours du travail. Le paysage changeait doucement au fur et à mesure que l’hybride avançait. Ses longs cheveux blancs virevolvoltaient au vent, tandis que le soleil disparaissait lentement à l’horizon. Au bout d’une heure, elle arriva à ladite palmeraie, sans attendre, elle se mit à courir pour atteindre la protection d’un bosquet touffu. Mieux valait ne pas rester à découvert, surtout si le mécréant était entouré d’une centaine de mercenaires…  Ses oreilles pointues se redressèrent alors qu’elle entend un sifflement; quelqu’un approchait. Sans un bruit, elle se dirigea vers ce dernier, à l’abri dans le feuillage, puis c’est là qu’elle le vit. Un homme maigre à faire peur. Ses yeux cernés et ses épaules amaigries ne laissaient rien au hasard, soit c’était un esclave, soit il avait eu moment assez rude…


L’hybride attrapa rapidement la pauvre âme avant de l’attirer dans un coin tranquille de la Palmeraie. «Si tu gueules je t’avertis je vais te donner une raison de le faire. Je veux que causer. » Le gringalet hocha doucement la tête, signe qu’il n’offrirait aucune résistance, de toute façon le pauvre était tellement maigre qu’il n’avait aucune chance contre la demie-drow, aussi  menue soit-elle. «C’est lequel Uthred? » L’esclave soupira avant de dire; «Facile c’est le grand Wandrais. Trouve le plus gros de la bande et c’est lui. » Miriel hocha la tête avant d’attacher celui qui semblait être esclave à un arbre, elle mit un bâillon. Le gringalet pourrait aisément se détacher, cela lui donnerait amplement le temps d’aller cueillir le soi-disant Wandrais pour le ramener à Thaar. L’hybride s’avança à as feutré alors que l’obscurité s’emparait doucement de la Palmeraie. Elle laisserait la noirceur de la nuit l’aider pour son travail, après tout le garde avait mentionné que quiconque le ramenait vivant la prime augmenterait…  Elle s’arrêta net lorsqu’elle vit une lueur, puis se camoufla dans les bosquets, continuant son avancée, elle s’arrêta alors qu’elle tomba sur le groupe d’homme. Son regard cendré observa la scène qui se dévoilait devant elles… Un groupe d’homme parlait ensemble en souriant tandis que d’autres semblaient sur le point de trépasser. C’était une drôle de scène, qui lui rappelait un peu trop de douloureux souvenirs qu’elle tentait d’enfouir ou plus loin de sa mémoire. Elle passa doucement sa main sur son coup, sentant du bout des doigts la cicatrice de son collier d’esclave avant de replacer rapidement son bracelet de cuir qui cachait une autre marque un peu moins discrète. Ce n’était pas le moment d’être sentimentale, elle avait un travail à faire. Son regard s’arrêta soudainement sur un des hommes. C’était lui.

Thaar, Julas, 6e ennéade de Barkios
An 17, Cycle XI

L'ouest s'embrasait des couleurs du feu alors que les esprits de la nuit enfermaient l'astre du jour dans leur monde. Petit à petit, les frères et soeurs d'Uthred retrouvaient leurs forces et chacun se risquaient à déambuler à l'air libre en dehors de la cave où le groupe s'entassait. Accompagné de Caspian, l'Ours était parti en quête de nourriture, laissant à Eiki et Moamar le soin d'assurer la sécurité du groupe d'esclaves en compagnie des autres anciens gladiateurs qui les avaient suivis depuis leur ludus de Sol Dorn.

Les deux wandrais revenaient les bras chargés de sacs gonflés de fruits et de légumes. Ils avaient même réussi à mettre la main sur deux porcs bien gras qu'ils avaient dérobés dans la réserve d'une auberge richement décorée. L'infiltration et le vol aurait valu une histoire a elle seule, mais elle ne sera pas narrée cette fois. Déjouant milice et cuisiniers en colère dans leur fuite, les deux compagnons avaient réussis à perdre leurs poursuivants dans les venelles populeuses de la Cité des Plaisirs, à grand renforts de courses et de sauts. Les cîmes des palmiers parfaitement alignés se découpaient dans les lueurs mordorés du crépuscule et déjà la voix tonitruante d'Eiki retentissait. Il avait promis d'apprendre les rudiments du combat à ceux et celles qui les avaient suivis dans leur fuite.

Pénétrant dans l'ombre des palmiers, un bruissement retentit sur leurs droites et les deux wandrais laissèrent choir leur sac et sur le sol. Les cochons étaient solidement ficelés autour de leurs torses massifs, pour ne pas trop souffrir de la poussière et du sable. Caspian dégaina son épée et Uthred se saisit de son arme également avant d'avancer en pliant légèrement les genoux, comme deux prédateurs en chasse. Ils jaillirent de derrière un buisson pour tomber sur un des leurs frères, ligoté contre un tronc, la bouche baillonnée. Uthred reconnut un de ses jeunes frères qui était sous la surveillance de Moamar et Eiki. Il fit glisser le baillon contre les joues creusées de son frère tandis que Caspian tranchaiat les liens d'un coup vif.

Que t'est-il arrivé mon frère ?
Une femme aux cheveux blancs. Elle te cherche, Uthred.

Les sourcils du wandrais se fronçèrent lorsqu'il entendit l'information. Le jeune homme se crispa, craigna la colère de celui qu'il avait désigné, avec ses semblables, comme son capitaine. Il secoua la tête en levant les mains que Caspain venait de libérer.

Je ... C'est pas ma faute. Je lui ai dit que tu étais le plus grand ... Je savais que tu étais pas là ... Elle te trouvera pas ...
Eiki ...

S'il n'avait pas été aussi concerné par le fait qu'une chasseresse était à sa recherche et se trouvait dans la plameraie, il aurait pu rire de la situation. De tous ses frères, s'il y en avait bien un qui se ferait une joie de démembrer consciencieusement un chasseur d'esclave, c'était bien Eiki. Et il le ferait en riant aux éclats et en cognant sa chope avec celle de ses frères. Souriant à cette pensée, il posa sa large main sur l'épaule de son jeune frère, le rassurant d'un hochement de tête.

Dis-moi par où elle est partie.

Le gringalet tendit son doigt tremblant vers le nord, et les deux wandrais otèrent les animaux qu'ils avaient noués autour de leur corps et les posèrent dans les bras malingres du jeune homme, avant de suivre la piste. Ils avançèrent à pas feutrés, découvrant dans les ombres la silhouette impressionante d'Eiki qui continuait de donner ses instructions à ses maigres compagnons qu'il était déterminé à transformer en guerrier redoutable. Caspian tapa l'épaule d'Uthred en indiquant une futaie sur leur droite, d'où on pouvait apercevoir une chevelure blanche. Ils avançèrent lentement, profitant des éclats de voix de leur camarade qui comptait et des changements de positions des élèves soldats pour faire leurs pas. Ils bondirent comme des tigres et débarquèrent dans le dos de l'inconnue aux cheveux de neige. Caspian se pencha au-dessus d'elle en levant sa lame, grognant comme le Loup qui lui avait valu son surnom dans les arènes du Bae'd. Uthred légèrement en retrait était prêt à frapper horizontalement, tenant sa hache proche de sa hanche.

Je te laisse une seule cahnce de me dire ce que tu fais là, femme !

L’hybride observa silencieusement l’armoire à glace qui se trouvait devant elle. Comment allait-elle s’attaquer à ce dernier?!? Il était massif! Un vrai géant! Qui plus est, il semblait entrainer les nombreuses autres personnes qui se trouvaient à ses côtés. Décidément, cela ne serait définitivement pas une partie de plaisir… Elle ne pouvait pas l’attaquer de plein front, certes elle ne laissait pas sa place en combat, mais elle savait utilisait sa force à un bon moment. Puis soudainement, elle entendit un léger bruit derrière elle, ses oreilles pointues se dressèrent, tandis que la mercenaire faisait volte-face. Elle n’eut pas le temps de finir son mouvement, qu’elle se fit projeter au sol. À peine eut-elle le temps d’ouvrir les yeux qu’elle aperçut un homme se tenant au-dessus d’elle, brandissant une lame un peu trop près de sa gorge en grognant. Non, mais? C’était quoi ce regroupement de bizarre? Des esclaves et un gars un peu trop excité? Les grands yeux cendrés de l’hybride observèrent silencieusement son nouvel attaquant, observant le moindre changement d’expression tandis que son air à elle, semblait presque des plus innocents. C’était probablement le seul avantage à avoir l’air d’une gamine…  Puis soudainement une voix rauque vint briser les grognements du loup qui se dressait devant elle;


« Je te laisse une seule chance de me dire ce que tu fais là, femme ! »


Du coin de l’œil, Miriel aperçut un autre homme non loin d’elle. Sa hache à la main, prête à s’abattre sur elle à la moindre menace.  Son regard se retourna vers l’homme au-dessus d’elle avant qu’elle ne se décide finalement à répondre; «Cela me semble simple. Je recherche quelqu’un… » L’hybride ne perdit pas une seule seconde, et lança son attaque. Ses longs doigts fins s’emparèrent rapidement du poignet du grand brun pour retenir quelconque attaque pendant que son tibia entrait en violent contact avec les parties intimes de son assaillant. Certes, c’était un coup bas… Mais s’attaquer à son adversaire alors qu’elle avait le dos tourné l’était tout autant… L’homme poussa un différent grognement en reculant de quelques pas pendant que Miriel se donnait un élan pour se remettre rapidement sur ses pieds. Profitant de sa vitesse et de son agilité pour éviter un possible coup de hache. Profitant de son momentum, Miriel agrippa rapidement deux de ses dagues qui trônaient fièrement sur sa cuisse et les lança. Les deux lames se fichèrent dans les arbres tout près de ses adversaires, question de les saisir sur place. Question de leur montrer qu’il ne faisait pas affaire à n’importe qui. L’hybride dégaina rapidement son épée, tenant le pommeau fermement de sa main droite en alternant son regard sur ses adversaires. «Je n’ai pas manqué mes cibles, si j’étais vous je me laisserai tranquille et resterai en dehors de mes affaires…»


Elle entendit une nouvelle fois le rire gras du géant qu’elle devait capturer tandis que le son des épées qui s’entrechoquait couvrait le vacarme qu’eux-mêmes avaient fait. Miriel se savait dans une mauvaise posture, s’il appelait à l’aide, elle se retrouvait seule face à une bonne cinquantaine de personnes. Elle avait beau être une bonne combattante, mais jamais elle ne sortirait vivante d’un tel combat. Comme une louve devant sa proie, la mercenaire fit quelques pas vers le côté tentant de tâter le terrain pour une possible fuite. «Alors vous attendez quoi? » un sourire en coin, l’hybride se permit de continuer; «Vous me laissez prendre ce que je veux ou vous allez essayer de m’arrêter? » Sa main se resserra un peu plus sur son épée, tandis que tous ses sens étaient à l’affut. Peu importe quels seraient leurs prochains mouvements, elle n’allait définitivement pas se laisser faire…

[Les dés ont décidés des actions décrites dans ce post]

Cela me semble simple. Je recherche quelqu’un…

La chasseresse rua et envoya un coup fantastique dans l'entrejambe de Caspian qui hurla de douleur avant de reculer en crispant les mâchoires tandis que des larmes naissaient au coin de ses yeux. Le coup de hache d'Uthred fut esquiver avec souplesse par l'inconnue aux cheveux blancs qui virevolta dans les airs avant d'envoyer deux dagues dans la direction des wandrais. Les lames se plantèrent dans les troncs en vibrant sous l'impact. Caspian se tenait les parties intimes en tentant de rester sur ses pieds, Uthred se mit en garde pour faire face à la jeune femme qui avait dégainé sa lame effilée.

Je n’ai pas manqué mes cibles, si j’étais vous je me laisserai tranquille et resterai en dehors de mes affaires…

Plus loin, le rire d'Eiki retentit et Uthred le vit se précipiter vers eux, alors que les anciens esclaves faisaient tinter leurs armes en poursuivant l'entraînement. Elle observait les deux wandrais avec fureur, prête au combat, prenant une pose guerrière. Elle était en garde, farouche, ne lâchant pas du regard Uthred et son pauvre ami qui grognait pour d'autres raisons qu'auparavant. Elle fit quelques pas sur le côté, cherchant une ouverture, mais Uthred l'imita, poussant doucement de l'épaule Caspian qui tentait de retrouver son souffle.

Alors vous attendez quoi ? Vous me laissez prendre ce que je veux ou vous allez essayer de m’arrêter ?

Elle paraissait hypnotisé par Caspian et sa souffrance. Peut-être trop.

Kuolla !
Meurs !

Eiki avait bondi en abattant son marteau à travers la végétation, sans autre avertissement que son cri de mort. Le coup vola à travers les feuillages et cueillit l'inconnue sans qu'elle s'y attende. BONK. Le bruit sourd du marteau contre l'arrière du crâne de la chasseresse fut sourd et net. Aucun craquement ne vint accompagner le coup, laissant la vie sauve à l'inconnue qui aurait pu voir sa cervelle éclabousser les alentours. Elle en serait quitte pour un sacré mal de crâne. Son corps heurta le sol lourdement et le colosse apparut, hilare face à ses camarades.

Sainko sen?
Je l'ai eu ?
Voi kyllä !
Ah oui !

Eiki se pencha au-dessus du corps écroulé, un sourire rayonnant sur le visage.

Tapoin hänet luulen.
Je l'ai tué je crois.

Uthred s'accroupit et plaça deux doigts sous le nez de la chasseresse. Il sentit un faible filet d'air glisser contre le gras de son index.

Ei, hän on elossa. Sidottu siellä.
Non, elle est vivante. Ligote-là.
Hän maksaa minulle.
Elle va me le payer.
Meidän on tiedettävä kuka sen lähettää. Voit tappaa hänet myöhemmin, Kaspian.
Il faut qu'on sache qui l'envoie. Tu pourras la tuer après, Caspian.

Eiki la chargea sur son épaule et ils emmenèrent la chasseresse vers la cave où se cachait le groupe et ligotèrent la jeune femme inconsciente. Caspian se posta face à elle, le regard sombre derrière ses longs cheveux bruns qui pendaient sur son front. De quoi surprendre lorsqu'elle ouvrirait les yeux.

Uthred en avait assez d'attendre qu'elle décide d'émerger de son sommeil forcé et il chargea Moamar d'aller chercher de l'eau dans le puits qui était adjacent à la casemate. Le Zurtaan revint et tendit le seau au wandrais qui fit un pas en avant et envoya l'eau en plein visage de la jeune femme qui sursauta en prenant une grande inspiration.

Debout !

La hargne envers la chasseresse était monté à la tête du wandrais au fur et à mesure que le temps passait. Il n'avait pas la patience d'attendre les réponses à ses questions.

Soit tu réponds à mes questions, soit je te ferai encore plus mal. Qui es-tu ? Qui cherches-tu ? Et pour qui tu travailles ?

Les visages de Caspian et Uthred étaient côte à côte, face au regard incertain de la femme aux cheveux blancs, observant fixement, les sourcils froncés, son visage enfantin.

L’hybride était prête à attaquer. Elle glissa doucement son pied sous le sol, tentant de déterminer les possibilités qui s’offrirent à elle. Ses yeux cendrés ne lâchaient pas ses adversaires qui imitaient parfaitement ses pas. Face à face, l’affrontement s’annonçait déjà des plus difficile… Elle ne faisait pas face à la racaille de Thaar, mais a des soldats bien entrainés… Mais qui étaient ces mercenaires? Et surtout que faisait-il dans la principauté? Surprenant qu’ils essaient de faire leurs places dans le nid de serpent qu’était l’Ithri’Vaan. Son souffle s’accéléra légèrement , tandis que sa main se resserrait une nouvelle fois sur le pommeau de son épée. Qui allait donner le premier coup? Soudainement, l’hybride entendit un cri de mort derrière elle. Miriel n’eut pas le temps de se retourner qu’elle ressenti l’impact derrière son crâne. Pas un son ne traversa ses lèvres, pas un cri de douleur, que le son de l’impact de son corps contre le sol.


Puis tout devint –encore une fois – noir.


C’est le froid qu’elle ressentit en premier. Un soudain  jet d’eau au visage qui la sortit de son sommeil. Son corps inerte sur le sol poussiéreux. L’hybride tenta d’ouvrir les yeux, mais le moindre mouvement lui  faisait un mal de chien. Elle poussa un léger gémissement avant d’entendre une voix qu’elle ne connaissait que trop bien.


«Debout !»


Miriel ouvrit doucement les yeux, en expirant difficilement. Ils étaient là, les deux. L’observant avec fureur. Leurs visages assombris ne laissaient rien au hasard, il n’était pas là pour parler du beau temps…


«Soit tu réponds à mes questions, soit je te ferai encore plus mal. Qui es-tu ? Qui cherches-tu ? Et pour qui tu travailles ?»


Miriel se redressa du mieux  qu’elle pouvait, sourire aux lèvres. Elle se laissa choir contre une des parois de la caverne avant de regarder tour à tour les deux hommes qui se trouvaient devant elle. «Me faire encore plus mal?» L’hybride expira doucement en regardant l’homme qui venait de lui adresser la parole; «Dois-je te rappeler que tu ne m’as absolument rien fait? Tu as laissé des sbires le faire…» Elle savait pertinemment que le provoquer ne mènerait à rien, qu’au contraire, cela ne ferait qu’attiser la colère des hommes devant elle,  mais elle avait la rage au cœur. Miriel savait qu’elle avait commis un très grand impair et elle aimait mieux mourir que de finir une nouvelle fois comme esclave. «Mon nom n’a pas d’importance, je suis mercenaire, je prends les contrats qui passent. La milice de Thaar recherche un certain Uthred.» Miriel tenta de bouger doucement ses poignets fermement attachés dans son dos, tout en continuant son récit, tentant de distraire ses agresseurs. Miriel arrêta soudainement de sourire, le visage beaucoup plus sérieux; «Vous n’avez pas honte de protéger quelqu’un comme lui? Un homme qui n’a rien à faire des autres et qui brûle sans vergogne les maisons des innocents? Vous devriez avoir honte! » Voyant que ses liens étaient beaucoup trop serrés, l’hybride se déplaça une nouvelle fois pour se mettre à genou, glissant doucement sa main dans sa botte pour attraper la petite lame d’urgence qui était toujours camouflée. Apparemment ils n’avaient pas cherché plus loin que leur bout du nez. Miriel redressa la tête, défiant toujours le grand barbu qui lui avait adressé la parole; «Mais vas-y! Qu’est-ce que t’attends pour me faire mal? » Le sourire moqueur revint finalement éclairer son visage; « Peu importe ce que t’as en tête, j’ai probablement enduré pire alors vas-y montre…» La petite lame s’enfonçait peu à peu dans la corde de ses liens… Encore quelques petites secondes, et l’hybride seraient libres de ses mouvements…

Mon nom n’a pas d’importance, je suis mercenaire, je prends les contrats qui passent. La milice de Thaar recherche un certain Uthred.

Les yeux de Kahrusen ne lâchèrent pas ceux de l'inconnue. Ainsi donc, après les chasseurs de Sol Dorn, c'était désormais la milice de Thaar qui était à sa recherche. À peine quelques ennéades dans la ville et il était déjà recherché par les autorités, alors qu'il n'avait même pas pu libérer de nouveaux frères de leurs chaînes. Elle tourna le regard vers Caspian, poursuivant sur un ton sec.

Vous n’avez pas honte de protéger quelqu’un comme lui ? Un homme qui n’a rien à faire des autres et qui brûle sans vergogne les maisons des innocents ? Vous devriez avoir honte !

Le wandrais écarta ses cheveux longs de devant ses yeux avant de tourner la tête vers Uthred, un sourire s'étirant sur son visage barbu. Trouver le nom de son frère de clan associé à la mention "qui n'a rien à faire des autres" sonnait tellement faux à son oreille, qu'il aurait volontiers éclaté de rire.

Hän puhuu tontusta, Piikivi
Elle parle de l'elfe, Silex
Ja minä.
Et de moi.
Et sytynyt.
Tu n'as pas mis le feu.
Tiedän.
Je sais.

La jeune parvint à se mettre sur les genoux et poursuivit ses invectives, visiblement peu impressionné par sa situation précaire.

Mais vas-y ! Qu’est-ce que t’attends pour me faire mal ? Peu importe ce que t’as en tête, j’ai probablement enduré pire alors vas-y montre…

Ces mots résonnèrent avec amertume contre les tympans du wandrais. Si elle avait enduré "pire", c'est qu'elle avait, elle aussi, connu le pire. L'esclavage. C'était probablement là qu'elle avait acquis cette détermination. Il pouvait reconnaître ce genre de regard qui défiait la mort, celui qu'il avait eu face à ses geôliers pendant des années. Le genre de regard qu'un être savourant sa liberté, depuis longtemps et qui se retrouvait de nouveau enchaîné, avait. Uthred se tenait debout, quelques pas derrière Caspian qui restait à portée de la prisonnière.

Tu te trompes sur moi. Je n'ai pas déclenché d'incendie.

Caspian sourit avant d'ajouter.

Et je n'ai pas honte de protéger mon frère, car il est l'inverse de ce que tu décris. Tous les gens que tu as vu en arrivant, c'est grâce à Uthred s'ils ne sont plus sur le marché aux esclaves de Sol Dorn.

Les yeux de Caspian s'attardait sur le visage juvénile de la jeune femme aux cheveux de neige. Si elle n'était pas une prédatrice dont ils étaient les proies, et si elle n'avait pas frappé le wandrais là où cela faisait mal, il aurait pu la trouver jolie. Soudain, une marque sur son cou attira son regard. Cela lui évoquait les stigmates que leurs frères et soeurs portaient sur leurs peaux. Il tourna le regard vers Uthred.

Katso hänen kaulaansa. Orjamerkki
Regarde son cou. Une marque d'esclave.

Uthred hocha la tête, ayant remarqué une marque sur le bras de la jeune femme pendant qu'elle était évanouie.

«Tu te trompes sur moi. Je n'ai pas déclenché d'incendie.»


La confusion sembla prendre possession du visage de l’hybride.Si au moins elle venait de découvrir l’identité de Uthred, sa version des faits étaient plus que surprenante.  Mais quoi? Vraiment? Pourquoi la milice le recherchait-il autant alors?


«Et je n'ai pas honte de protéger mon frère, car il est l'inverse de ce que tu décris. Tous les gens que tu as vus en arrivant, c'est grâce à Uthred s'ils ne sont plus sur le marché aux esclaves de Sol Dorn.»


Miriel s’arrêta net, interdite. Cela expliquait beaucoup de choses. Uthred était en fait un héros? Elle qui croyait qu’il cultivait les esclaves, au contraire, il les entrainait, les protégeait, les encourageait à vaincre leurs maîtres, à briser leurs chaînes. L’hybride eut soudainement un frisson alors que son regard se porta au sol, pensive. Si ce qu’il racontait était vrai, alors l’homme devant elle était un héros! Et le fait que la milice de Thaar le recherchait aussi activement ne faisait que donner un peu plus de crédibilité au dénommé Uthred.  Miriel ferma doucement les yeux, tentant tant bien que mal de remettre ses idées en place, mais son mal ne crâne ne faisait que s’empirer.  Elle sentit une minuscule gouttelette d’eau  tomber doucement sur sa joue, elle la laissa tomber avant de remonter doucement le regard vers les deux hommes. Elle commença par le bras et c’est là qu’elle le vit. Deux marques bien visibles sur leur avant-bras.  Une tête-de-loup, là, gravée dans leurs chairs. L’hybride remonta finalement son regard vers Uthred, interdite. Bien que la paie soit plus qu’attirante, celait à l’encontre de tout ce qu’elle avait comme valeur. Elle eut un haut-le-cœur, se rappelant sa dernière rencontre avec le chasseur de prime à Ys. C’était à ce moment précis qu’elle s’était juré de ne jamais vendre un esclave, et c’était précisément ce qu’elle venait d’essayer de faire. Son regard cendré retourna au sol, pendant qu’elle serrait des dents. Comment allait-elle se sortir de cette situation? Elle s’en voulait déjà pour avoir écouté cette saleté d’aubergiste. Il allait en entendre parler ça c’était sûr! Du moins, il en entendrait parler si elle s’en sortait vivante… Elle sentit finalement la corde qui retenait ses poignets céder. Ne manquait plus que celle sur ses chevilles. Subtilement, elle passa la lame sous le nœud et recommença son manège en tentant d’avoir toute leur attention.


«Vous voulez dire que tous ces gens ne sont pas vos esclaves? Que vous tenez réellement de les sauver? »


À son grand soulagement, les liens sur ses chevilles céda rapidement, de ses doigts fins, elle libéra une de ses chevilles, puis l’autre avant de ranger doucement la petite lame dans sa botte, mieux valait être prudente… L’hybride se leva alors doucement sur ses pieds, avant d’amener ses poignets devant elle, montrant délibérément aux deux hommes qu’elle était à nouveau libre comme le vent, même si mon mal de crâne n’aidait en rien la situation. Elle lança les restants de la corde au grand brun qui l’attrapa d’une main experte. « Ma protectrice me disait toujours qu’à l’instant où un esclave décide qu’il ne sera plus esclave, ses chaînes tomberaient. » Son regard s’alterna du grand brun au dénommé Uthred, avant de continuer; « Faut croire que l’on a plus de choses en commun que j’ai cru au début. » Miriel soupira, avant d’enlever le bout de tissus sur son avant-bras gauche dévoilant un cercle orné d’une fourche, insigne de son géniteur Puysard. « Si vous voulez me tuer, allez-y… Mais ne me renvoyez pas au Puy… C’est tout ce que je vous demande… »  Elle avait beau être affranchie de son deuxième maître, mais son tout premier, Alak Quel’Tarn, la recherchait toujours avant autant d’insistance. À croire que retrouver sa progéniture était réellement important…

Vous voulez dire que tous ces gens ne sont pas vos esclaves ? Que vous venez réellement de les sauver ?

Un sourire amusé étira les lèvres du wandrais. La jeune femme paraissait si surprise. Il ne comprenait pas pourquoi son affirmation lui paraissait aussi incongrue. Il secoua la tête avant de corriger la chasseresse.

Ces gens sont mes frères et mes soeurs. Ce ne sont que les premiers.

Elle se redressa et laissa glisser les liens qui la maintenaient prisonnière. Elle lança les cordes vers Caspian, qui les attrapa au vol en regardant Uthred. La jeune femme prit de nouveau la parole.

Ma protectrice me disait toujours qu’à l’instant où un esclave décide qu’il ne sera plus esclave, ses chaînes tomberaient. Faut croire que l’on a plus de choses en commun que j’ai cru au début. Si vous voulez me tuer, allez-y… Mais ne me renvoyez pas au Puy… C’est tout ce que je vous demande…

Elle releva un petit morceau de tissu qui cachait une marque gravé dans sa chair au fer rouge. Caspian et lui connaissait cette sensation d'être marqué au fer rouge comme une bête. Elle n'avait pas chercher à fuir ou à poursuivre sur la voie de la violence. Uthred leva une main vers elle.

Ta protectrice était sage. J'ai fait le serment de briser les chaînes de ceux qui les portent. Je ne tuerai pas.

Il posa la main sur l'épaule de Caspian qui avait perdu la colère qui habitait son visage. Uthred s'amusa de la situation de son frère.

Je crois que tu dois quelques excuses à mon frère. Ce sera ta seule rançon. Je ne tue pas une soeur. Je n'emprisonne pas une soeur.

Il montra la marque des Loups de Givre sur son bras, soulignant son intention de ne pas faire de mal à la jeune femme.

Je crois que nous sommes partis d'un mauvais pied. On t'a menti sur moi. Si tu le souhaites, tu peux nous rejoindre. Nous acceptons tous ceux qui sont prêts à combattre pour que chacun ait droit à la liberté.

C’était à la fois surprenant et impressionnant. Ses années au Puy lui avaient appris qu’il n’y avait que dans les profondeurs du Vatna, que peu de gens s’entraidaient.  Elle avait eu de la chance. De la chance d’avoir été élevée par une protectrice si aimante, qui lui avait donné toutes les chances de réussir. Et puis, il y avait eu Grayle. Grayle, cet esclave qui avait abandonné tout espoir, et à qui elle avait réussi à redonner un semblant d’espoir. Et elle avait commis l’impensable, elle l’avait laissé derrière à la première occasion. Elle s’en voulait pour ça et ses nombreux voyages partout en péninsule et en Ithri’Vaan n’était qu’une façon de se faire pardonner la grande erreur qu’elle avait commise. Comment se pardonner alors que l’on avait laissé la personne à qui l’on tenait le plus derrière? Uthred, lui, avait fait ce qu’elle avait été incapable de faire. Donner une chance de vivre libres à plusieurs personnes. Donner une chance de se battre pour ce qu’il croyait réellement. Était-ce là sa chance de rattraper ses erreurs? Peut-être que les dieux lui montraient son salut. Une façon d’expier ses péchés…


«Ta protectrice était sage. J'ai fait le serment de briser les chaînes de ceux qui les portent. Je ne tuerai pas.»



Royna… Elle tenta de rester impassible, mais une vague tristesse sembla apparaître sur le visage de l’hybride. Une vague qui ne dura qu’une seconde. Elle avait tenté d’enfuir Royna au plus profond de son esprit. Apprendre sa mort avait été insupportable. Elle avait été trop tard… Miriel reprit soudainement son visage impassible, tentant tant bien que mal de contrôler ce trop-plein d’émotion. Au moins, elle aurait la vie sauve, à croire que le destin faisait drôlement les choses.


«Je crois que tu dois quelques excuses à mon frère. Ce sera ta seule rançon. Je ne tue pas une sœur. Je n'emprisonne pas une sœur.»


L’hybride haussa soudainement un sourcil, avant de tourner le regard vers le grand brun. Des excuses? Après tout, c’était lui qui lui avait sauté dessus. Le coup aurait été mérité, si elle l’avait voulu, les deux hommes auraient la gorge tranchée à ce moment précis… Néanmoins, si c’est tout ce que cela lui prenait pour se faire pardonner de son erreur, c’était la moindre des choses. La jeune hybride hocha doucement la tête, avant de faire quelques pas vers le grand brun. Elle s’arrêta tout près de ce dernier, plongeant son regard cendré dans celui du géant. Puis un léger sourire en coin apparut; «Oh ça va! C’est un géant. Il peut en prendre!  Ce n’est pas une gamine qui pourrait l’arrêter. »Dit-elle en plaisantant. Son visage devint un peu plus sérieux avant de continuer; «Néanmoins, j’espère que vous accepterez mes excuses tous les deux », continua-t-elle en tournant la tête vers Uthred. «J’ai été induit dans l’erreur, je croyais mes sources sures, mais il faut croire qu’il y a plusieurs versions de la vérité. Bien que mes intentions étaient bonnes, je me suis fait prendre au piège. Ni l’un…  » Miriel se retourna vers Caspian. « Ni l’autre méritait les actions que j’ai commises. Et pour cela je m’excuse du fond du cœur. » Elle mit soudainement sa main sur son cœur, tentant un ultime geste pour montrer qu’elle était sincère. S’il y a bien une chose que l’hybride détestait étaient les mensonges…


«Je crois que nous sommes partis d'un mauvais pied. On t'a menti sur moi. Si tu le souhaites, tu peux nous rejoindre. Nous acceptons tous ceux qui sont prêts à combattre pour que chacun ait droit à la liberté.»


Miriel se retourna vers le dénommé Uthred, pensant à l’offre qu’il venait de mettre sur la table. Se joindre à lui pour la liberté? N’était-ce pas cette même valeur pour laquelle elle se battait? Elle acquiesça, approuvant par le fait même les paroles du wandrais. «En effet, nous sommes définitivement partis du mauvais pied. » S’approchant de l’ancien esclave, elle s’arrêta près de ce dernier en tendant le bras,  prête  à le saluer; «On m’appelle Miriel et si vous avez besoin d’aide, vous pouvez compter sur moi. »  Le visage sérieux, l’hybride réalisa précisément ce pour laquelle elle venait de joindre. Une cause beaucoup plus grande qu’elle aurait pu imaginer.  Tournant la tête vers le brun pour ensuite vers Uthred, elle hésita un moment, avant de lancer; «Et vous c’est quoi votre histoire? »

La jeune femme se tourna vers Caspian avec un petit sourire aux coins des lèvres.

Oh ça va! C’est un géant. Il peut en prendre! Ce n’est pas une gamine qui pourrait l’arrêter. Néanmoins, j’espère que vous accepterez mes excuses tous les deux. J’ai été induit dans l’erreur, je croyais mes sources sures, mais il faut croire qu’il y a plusieurs versions de la vérité. Bien que mes intentions étaient bonnes, je me suis fait prendre au piège. Ni l’un, ni l’autre méritait les actions que j’ai commises. Et pour cela je m’excuse du fond du cœur.

Elle paraissait sincère, posant la main sur la poitrine et baissant la tête pour souligner les excuses qu'elle avait proféré. Caspian tourna son regard vers Uthred, qui leva un sourcil, amusé. Il haussa les épaules, laissant son frère accepter les excuses de la petite créature.

Tu es pardonné ... Femme.

Uthred l'invita ensuite à rejoindre sa compagnie si elle le désirait. Une ancienne esclave, vive et experte en traque, voilà qui serait à coup sûr un atout pour sa Compagnie.

En effet, nous sommes définitivement partis du mauvais pied. On m’appelle Miriel et si vous avez besoin d’aide, vous pouvez compter sur moi. Et vous c’est quoi votre histoire ?

Les lèvres du wandrais s'étirèrent en entendant la réponse de Miriel. Ainsi donc, contrairement à l'ancienne esclave rencontrée quelques jours plus tôt, elle partageait la vision d'Uthred et était prête à s'engager à ses côtés. Il saisit une mangue et la lança vers Miriel, de quoi lui rendre quelques forces, elle était probablement affamée.

Caspian et moi étions gladiateurs à Sol Dorn. Tu as peut-être entendu parler du Bae'd. C'est de là que viennent ces marques. Nous avons fui la cité en profitant du siège des drows d'Elda. Dans notre fuite, nous avons libérés les frères et soeurs que tu as aperçu avec Eiki tout à l'heure. Depuis que nous sommes ici, nous nous appliquons à leur rendre leurs forces et à les entraîner. Bientôt nous pourrons tenter de libérer plus des nôtres.

Il désigna le bras de Miriel d'un mouvement de menton.

Et toi ? C'est une marque d'Elda non ? Je ne l'ai jamais vu en Ithri'Vaan.

Il tendit une gourde pleine d'eau à Miriel en l'invitant à s'asseoir sur le banc qui se trouvait face à lui.

«Tu es pardonné ... Femme.»


Ces simples paroles lui firent grincer des dents. Mais pour qui il se prenait le géant? Parce qu’une femme n’était pas assez bien pour lui? À croire, qu’elle aurait dû le tabasser plus fort!


«Caspian et moi étions gladiateurs à Sol Dorn. Tu as peut-être entendu parler du Bae'd. C'est de là que viennent ces marques. Nous avons fui la cité en profitant du siège des drows d'Elda. Dans notre fuite, nous avons libéré les frères et soeurs que tu as aperçus avec Eiki tout à l'heure. Depuis que nous sommes ici, nous nous appliquons à leur rendre leurs forces et à les entraîner. Bientôt nous pourrons tenter de libérer plus des nôtres.»


L’hybride s’essuya rapidement du dos de la main les goutelles d’eau qui lui coulèrent doucement sur le front, avant d’enlever doucement la pièce de tissus a son coup pour mieux essorer ses longs cheveux blancs complètement trempes. Elle savait très bien qu’elle venait de montrer une autre marque, beaucoup plus fraîche cette fois, mais qu’importe. Une fois un peu plus sec, l’hybride plia délicatement le morceau d’étoffe pour le poser sur une roche qui ornait le sol de la caverne. «Jamais entendu parler du Bae’d. Mais vous avez été chanceux de partir avant le siège. Ce qui se passe là-bas… c’est bien loin d’être joli. » Miriel attrapa d’une main libre la mangue que venait de lui lancer Uthred et le remercia d’un signe de tête. «Vous avez un plan pour libérer les autres? »


Miriel posa son regard cendré sur Uthred avant de tenter d’attraper l’une de ses dagues sur sa cuisse. Se rendant compte que les deux hommes l’avaient désarmée, elle se pencha d’un geste habile pour attraper la petite lame camouflé dans sa botte. Elle se redressa rapidement et croisa les regards amusés de ses hôtes. Elle haussa des épaules en épluchant d’une main experte la mangue. «Vaut mieux être paré à toute éventualité non? » Dit-elle léger sourire au coin des lèvres. Elle coupa une petite pièce de la mettre doucement a sa bouche, savourant sans rien dire la chaire sucrée du fruit. Décidément, les plus petites choses avaient souvent meilleur goût…  


«Et toi ? C'est une marque d'Elda non ? Je ne l'ai jamais vu en Ithri'Vaan.»


Son visage devint soudainement très froid. Les mauvais souvenirs revenaient rapidement la hanter.  Elle hocha rapidement la tête. La moindre des choses après toute cette aventure était d’être un minimum honnête… «Oui, celle d’un dénommé Alak quel’Tarn, un drow prima du Puy. » S’arrêtant un moment, se demandant si elle devait continuer, elle reprit rapidement son discours. «Mon géniteur… Il faut croire que le sang mêlé ne l’intéressait pas plus que cela… Tant qu’elle respecte les ordres et assouvit ses moindres envies, c’est tout ce qu’il lui demande. » Dit-elle en frissonnant, se rappelant des innombrables rencontres plus ou moins aimantes avec son géniteur. «Après une centaine d’années, ma protectrice, une naine nommée Royna, a réussit a me faire évader. » Elle haussa les épaules avant de continuer; «J’ai gouté à la liberté pendant une vingtaine d’années… et puis mon passé m’a rattrapé. » D’un doigt expert, elle bougea rapidement l’encolure de son armure de cuir, montrant une nouvelle marque, celle faite par un collier bien serré… Elle relâcha le cuir avant de retourner à la mangue. «Je suis resté quelques années au service de ce drow.  Je ne souhaite a personne ce qu’il m’a fait subir… même pas a mon pire ennemi…. » Elle frissonna, se remémorant les coups et la torture que Kahveka lui avait fait subir avant de continuer; « Étrangement, il m’a donné ma liberté au bout de quelques années. À croire que les quelques services rendus lui ont été utiles… Depuis ce temps, je tente de survivre, mais ça, vous savez ce que c’est. » Son air froid camouflait de bien tragiques événements, d’innombrables blessures physique et mentale, d’innombrables viols tous plus horrible les uns des autres… C’était ça le problème d’être une esclave au Puy, les drows assouvissent leurs passions brutales et sanglantes comme il l’entende et quand on est enchaîné, il n’y a pas de réelle façon d’y résister…

Jamais entendu parler du Bae’d. Mais vous avez été chanceux de partir avant le siège. Ce qui se passe là-bas… c’est bien loin d’être joli. Vous avez un plan pour libérer les autres ?

Il lança la mangue vers Miriel qui l'attrapa au vol avant de porter sa main à sa ceinture. les doigts tâtèrent le vide avant qu'elle ne plie le genou pour se saisir d'un petite lame d'appoint dans sa botte. Voilà donc comment les liens avaient cédés. Uthred nota qu'il faudrait revoir le concept de fouille avec Eiki. Le colosse, trop content de son coup magistral avait laissé passer cette arme. Miriel haussa les épaules avec un petit sourire.

Vaut mieux être paré à toute éventualité non ?

Le wandrais eut un petit sourire en coin, alors qu'elle commençait à éplucher la peau dure du fruit à la chair orange et juteuse.

Pour le moment, le plan est d'aider mes frères et soeurs a retrouver leurs forces et à leur apprendre à se défendre. Nous devons apprendre à connaître mieux la cité pour trouver une route de sortie et ensuite nous pourrons libérer d'autres esclaves.

Puis il aborda le sujet épineux du marquage au fer rouge sur le bras de la jeune femme. Son regard se fit plus sombre lorsqu'elle conta son histoire.

Oui, celle d’un dénommé Alak quel’Tarn, un drow prima du Puy. Mon géniteur… Il faut croire que le sang mêlé ne l’intéressait pas plus que cela… Tant qu’elle respecte les ordres et assouvit ses moindres envies, c’est tout ce qu’il lui demande. Après une centaine d’années, ma protectrice, une naine nommée Royna, a réussit a me faire évader. J’ai gouté à la liberté pendant une vingtaine d’années… et puis mon passé m’a rattrapé. Je suis resté quelques années au service de ce drow. Je ne souhaite a personne ce qu’il m’a fait subir… même pas a mon pire ennemi…. Étrangement, il m’a donné ma liberté au bout de quelques années. À croire que les quelques services rendus lui ont été utiles… Depuis ce temps, je tente de survivre, mais ça, vous savez ce que c’est.
Ton ... Ton père ?

Les mâchoires des deux wandrais battaient au rythme de la colère sourde qui montait en eux. Les sombres étaient encore pire que les autres. Jamais Uthred n'aurait pu imaginer qu'on puisse réduire en esclavage sa propre chair. Le poing de l'Ours s'écrasa sur la table en faisant tinter les objets qui reposaient dessus. Les traces de son collier d'asservissement lui avait creusé des sillons indélébiles dans la chair et tout cela venait de son géniteur. L'immonde salaud.

Alors tu peux comprendre mieux que quiconque les raisons de mon combat. Comment peut-on vivre en paix en acceptant ce genre de chose ?

Encore plus marqué par l'histoire qu'Uthred, Caspian se leva et s'approcha de la jeune femme, les larmes au bord des yeux. Il passa ses grands bras autour des frêles épaules de la sang-mêlée et la serra contre lui.

Je suis désolé, Miriel.

Uthred savait. Caspian avait perdu deux frères de sang et son père dans les affres du voyage depuis leurs montagnes natales. Il avait vu les esclavagistes humilier et tuer son sang, sous ses yeux, usant de torture et de coups, pour qu'il ne proteste plus sur son sort. Il plaçait les valeurs du sang bien au-delà de tout le reste, et l'histoire de Miriel avait du l'affecter bien plus qu'il ne voudrait bien l'admettre. Malgré sa férocité et sa hargne dans le combat, Caspian était le plus sensible des frères d'Uthred et là où l'Ours éprouvait de la colère le Loup éprouvait de la tristesse. Uthred se saisit de la ceinture de Miriel qui était accroché tout près et la tendit vers elle.

Au nom de ta protectrice et pour que jamais plus personne ne vivent ce que tu as vécu. Rejoins-nous. Tu as autant de raisons que nous de lutter pour la liberté.

«Ton ... Ton père ?»

Elle confirma d’un rapide hochement de tête. Qu’aurait-elle plus dire de plus? C’était la pure, la stricte vérité. Combien de fois s’étaient fait battre, violer par son père? Elle tentait d’enfuir ses souvenirs au plus profonds d’elle-même… Mais elle savait pertinemment qu’elle ne pouvait rien changer, qu’une partie d’elle était morte pendant son enfance et ça, personne ne pourrait jamais réellement le lui rendre. Il y avait tellement d’événements qu’elle avait manqué… tellement de moment qui aurait pu la forger d’une autre façon. Elle avait tant de capacité, tant de potentiel… et la voilà qui devait ramper pour survivre. Survivre à une journée de plus dans ce monde merdique.

«Alors tu peux comprendre mieux que quiconque les raisons de mon combat. Comment peut-on vivre en paix en acceptant ce genre de chose ?»

Elle voyait bien que les deux hommes étaient en colère. Leurs regards disaient tout, leurs mâchoires crispées et leurs poings fermés ne faisaient que confirmer la chose.  Le poing d’Uthred s’abattit lourdement sur la table, faisant trembler les innombrables pièces sur cette dernière. Son regard s’arrêta soudainement sur la ceinture couverte d’armes. Nul doute, c’était bien la sienne! Elle pouvait même voir le minuscule trou qu’elle avait dû faire à l’aide de sa dague. Que voulez-vous? La perte de poids que lui avait donné le Puy était particulièrement difficile à rattraper. Elle mit la mangue sur la table, avant de glisser sa dague dans sa botte. Mais avant même qu’elle ne puisse atteindre sa ceinture. Deux énormes bras vinrent l’entourer, avant de l’écraser contre un torse. Miriel paniqua, s’apprêtant à remettre un coup à Caspian, mais elle sentit une larme s’écraser doucement sur sa joue. Elle s’arrêta net avant de remonter son regard vers le grand Caspian.

«Je suis désolé, Miriel.»

Miriel ne dit rien, absolument rien. Un évident malaise sur le visage. Les contacts humains n’étaient pas nécessairement quelques choses avec lequel elle était à l’aise. Elle, qui n’avait eu que deux relations amoureuses dans cette longue vie et soyons honnête, elles avaient été loin d’être les plus saines. Le moindre signe d’affection terrifiait l’hybride, mais ça, Caspian ne semblait pas s’en rendre compte. Elle leva doucement la main, pour tapoter l’un de ses bras tremblants. «Ce n’est pas de ta faute Caspian. Tu n’y es pour rien. Ça va aller je te jure. » Ce dernier la lâcha finalement, non sans essuyer ses larmes, et Miriel se retourna vers Uthred qui lui adressa de nouveau la parole;

«Au nom de ta protectrice et pour que jamais plus personne ne vit ce que tu as vécu. Rejoins-nous. Tu as autant de raisons que nous de lutter pour la liberté.»

Il lui tendit soudainement sa ceinture, l’hybride reprit soudainement sa ceinture, l’attachant d’une main experte sur ta taille avant de remettre ses poignards de lancer sur sa cuisse. Miriel se redressa soudainement, sourire aux lèvres. «Vous n’avez pas besoin de me le demander. Je suis déjà avec vous.» Un regard motivé, un mélange de bienveillance et de détermination. Quelle surprise de se retrouver d’homme qui pensait exactement de la même façon d’elle et qui ne s’apitoyait pas sur son sort. «On commence quand? » dit-elle en faisant tournoyer sa dernière lame avant de la rattraper. S’ils voulaient entraîner ces ex-esclaves, ils avaient besoin de beaucoup plus d’aide. Ce n’était pas la force brute qui ferait deux de bon guerrier, mais de dextérité et de rapidité. Miriel n’avait jamais affronté un géant tête première, elle connaissait ses faiblesses, mais elle savait très bien qu’elle pouvait compter sur son agilité et sa dextérité. Après tout, on n’avait pas besoin d’une arme pour mettre hors d’état de nuire quelqu’un… suffisait de demander a ce pauvre Caspian…«Ces gens là ne seront jamais comme vous. Quand on est maigre comme un balai ça sert à rien d'affronter un géant de face. Par contre, il y a beaucoup d'autre façon.» Elle reprit rapidement la mangue pour manger la dernière partie du fruit. Un léger sourire vint s'installer sur ses lèvres. Ça lui ferait un plaisir de le montrer...

Sous le regard amusé d'Uthred, Miriel tapota les gros bras de Caspian, bouleversé par son vécu terrible. Voir ce grand dadet aux muscles saillants se montrer aussi émotif avait quelque chose de cocasse, même en connaissant son parcours et ce qu'il avait perdu sur son chemin.

Uthred rendit alors les armes à la jeune femme aux cheveux de neiges et l'invita à se joindre à eux. Elle semblait comprendre leurs raisons, leurs engagements et une combattante de plus serait plus que bienvenue. Elle se saisit de la ceinture et la noua autour de sa taille d'un geste habile, vérifiant ses lames, comme tout soldat le fait avant le combat. Elle redressa son regard vers l'Ours en faisant tournoyer une de ses dagues entre ses doigts.

On commence quand ?

Le wandrais laissa échapper un petit rire, accueillant avec plaisir l'entrain de sa jeune camarade. Elle porta son regard vers la sortie avant d'ajouter.

Ces gens là ne seront jamais comme vous. Quand on est maigre comme un balai ça sert à rien d'affronter un géant de face. Par contre, il y a beaucoup d'autre façon.

Uthred hocha la tête, partageant l'analyse de l'hybride. Il se redressa et avança vers Miriel, la dominant de toute sa stature et de toute sa musculature.

Je sais. La plupart n'ont jamais tenu une arme de leur vie. Eiki a pour mission de leur apprendre à au moins pouvoir saisir une hampe correctement. Ne serait-ce que pour aller chasser. Ils doivent reprendre leurs forces, avant d'imaginer les faire combattre qui que ce soit. Voilà des jours que nous volons des vivres par-ci, par-là, il faut que nous trouvions mieux si on ne veut pas se faire remarquer.

Il se passa une main dans la barbe et leva un sourcil en baissant ses yeux vers la jeune femme.

Même si la milice de la ville est déjà à ma recherche ... Et si tu m'as trouvé c'est que nous sommes déjà repérés. Il va falloir être plus prudent dorénavant.

Son regard se fit légèrement soucieux. Tout s'était trop bien déroulé jusque maintenant, il allait devoir faire évoluer la situation. Bientôt, il devrait trouver un moyen de quitter cette ville en emportant avec lui le plus d'esclave possible. Il savait d'où partir, mais pas encore où aller, ni comment. Il devait gagner du temps.

Penses-tu pouvoir faire croire que ta mission est un succès ? Empocher ta récompense et nous faire gagner un peu de temps.

«Je sais. La plupart n'ont jamais tenu une arme de leur vie. Eiki a pour mission de leur apprendre à au moins pouvoir saisir une hampe correctement. Ne serait-ce que pour aller chasser. Ils doivent reprendre leurs forces, avant d'imaginer les faire combattre qui que ce soit. Voilà des jours que nous volons des vivres par-ci, par-là, il faut que nous trouvions mieux si on ne veut pas se faire remarquer.»

Miriel regarda le géant s’approcher d’elle. Peut-être que sa musculature impressionnante intimidait certaines personnes, mais l’hybride resta de glace devant ce spectacle. Non, mais il s’attendait à quoi? À ce qu’elle tremble de tous ses membres devant lui? Il pouvait bien rêver! Elle avait vu bien pire dans les profondeurs du Vatna. Quoi que, son regard se retourna vers Caspian qui semblait toujours retenir ses larmes, ça par contre, ça lui avait fait peur. Un géant qui venait l’étreindre comme cela… Elle n’avait eu aucune idée de comment répondre à cette marque d’affection et encore moins pourquoi elle avait trouvé cela légèrement réconfortant. Son regard de glace se retourna vers Uthred, et elle dut même relever légèrement la tête pour soutenir son regard. «Si vous avez besoin d’aide pour les former dans autre chose que la force brute, je peux aider. Mais bon… » Elle s’arrêta un moment, avant de mettre sa main derrière sa tête pour sentir une légère bosse qui commençait à se former; « Faut dire que parfois ça fonctionne bien aussi. » Elle avait toujours ce mal de crâne horrible. Mais que pouvait-elle faire à ce moment précis?  Un peu de repos et quelques jours de congés seront nécessaires, et disent qu’à ce moment précis, ce n’était pas nécessairement une option.


« Même si la milice de la ville est déjà à ma recherche ... Et si tu m'as trouvé, c'est que nous sommes déjà repérés. Il va falloir être plus prudent dorénavant. Penses-tu pouvoir faire croire que ta mission est un succès ? Empocher ta récompense et nous faire gagner un peu de temps.»


Incertaine, l’hybride regarda silencieusement le mercenaire… Que pouvait-elle lui dire? Comment pouvait-elle assurer sa protection? Comment pourrait-elle s’assurer que toutes ces personnes puissent retourner leurs forces? Ils avaient besoin d’eau, de nourriture…  Son esprit tournait à toute allure pendant qu’elle supportait le regard du géant. Il y avait peut-être une façon. Qui plus est l’aubergiste avait des oreilles partout, c’est pour cela qu’elle avait réussi à les trouver si aisément, les autres mercenaires n’avaient pas tous cette chance et ce n’était pas une troupe entière qui irait à la chasse à l’homme… Non…ça, c’était une tâche  pour ceux qui faisaient cavalier seul. «Ils vont vouloir une preuve. Une preuve que je t’ai eu… Je ne peux pas tuer quelqu’un d’autre à ta place ou envoyer un autre devant la milice. » Murmura-t-elle non sans lâcher du regard le géant. «Mon informateur est une sacrée grande gueule… Je peux aller voir comment il a reçu cette information… Je ne te conseille pas de m’accompagner. Mais si tu veux une personne de confiance avec moi. » Elle se retourna vers Caspian. «Libre à toi de venir… On peut très bien enterrer les sources pour le moment, et je suis sûr qu’on peut brouiller toutes les pistes derrière nous. » Elle haussa les épaules; «Pour le moment, les gens cherchent un Uthred qui aurait brûlé une maison, pas un révolutionnaire qui tente de libérer des esclaves…» Il y avait surement une façon d’étouffer l’affaire sans avoir à ne condamner personne.

Miriel se frottait l'arrière du crâne en proposant son aide, une aide bienvenue.

Si vous avez besoin d’aide pour les former dans autre chose que la force brute, je peux aider. Mais bon… Faut dire que parfois ça fonctionne bien aussi.

Uthred hocha la tête, avant de se soucier de comment éloigner la milice de la ville. Il avait eu de la chance d'être tombé sur Miriel et d'avoir pu, malgré un départ plus que tendu, découvrir son histoire et partager leurs visions communes. Encore un signe fort que les Esprits le soutenait dans son entreprise en placant sur sa route, quelqu'un qui pourrait l'aider à honorer son serment. La réponse de la jeune femme tomba sous le sens.

Ils vont vouloir une preuve. Une preuve que je t’ai eu… Je ne peux pas tuer quelqu’un d’autre à ta place ou envoyer un autre devant la milice. Mon informateur est une sacrée grande gueule… Je peux aller voir comment il a reçu cette information… Je ne te conseille pas de m’accompagner. Mais si tu veux une personne de confiance avec moi.

Elle poursuivit en regardant Caspian qui avait essuyait les quelques larmes qui avaient coulés sur ses joues dévorées par la barbe noire.

Libre à toi de venir… On peut très bien enterrer les sources pour le moment, et je suis sûr qu’on peut brouiller toutes les pistes derrière nous. Pour le moment, les gens cherchent un Uthred qui aurait brûlé une maison, pas un révolutionnaire qui tente de libérer des esclaves…

Le Loup se tourna vers son frère, donnant son accord d'un hochement de tête. Uthred se dirigea alors vers le fond de la pièce et se saisit de son casque à cornes, rare vestige de ses années de gladiateur. En empoignant l'acier, les souvenirs des combats sanglants et des cris des Doeben rendus euphoriques par les combats lui revint en mémoire. Il observa le heaume qui avait fait reconnaître sa silhouette à chaque spectateur lorsqu'il pénétrait sur le sable et faisait se lever les foules. Ce même casque qu'il portait lors de sa rencontre avec Silex et qui lui valait aujourd'hui d'être recherché par la garde. Il revint vers Miriel et le lui tendit.

Tiens ! Prends ça. C'est ce que je portais le jour de l'incendie. J'espère que ce sera suffisant.

Il se saisit d'un couteau et s'entailla la paume de la main avant de serrer le poing au-dessus du heaume cornu. Le sang du wandrais coula sur l'acier et colora le gris du métal de carmin. Il passa ensuite un morceau de tissu autour de sa main et couvrit la plaie en jetant un regard vers son frère.

Varmista, että hän ei petä meitä.
Assure toi qu'elle ne nous trahit pas.
Luuletko hänen olevan?
Tu penses qu'elle le fera ?
Nro Mutta hänen piti ajaa meidät ulos.
Non. Mais elle devait nous chasser.
Uskon häntä.
Je la crois.
Et koskaan tiedä. Ole varovainen.
On ne sait jamais. Sois prudent.
Kuten aina.
Comme toujours.

Uthred se tourna enfin vers Miriel, le visage légèrement fermé.

Caspian va t'accompagner. Il me dira comment tout s'est passé avec ton informateur. Tu peux lui faire confiance. Je vais essayer de me faire discret pendant quelques jours. Nous nous reverrons bientôt, ma soeur.

Uthred les laissa quitter la pièce, toujours soucieux de cet avis de recherche le concernant. Il fallait que cela cesse. Quitte à supprimer l'informateur de Miriel très bientôt. Il attendrait le rapport de Caspian avant de décider.

«Tiens ! Prends ça. C'est ce que je portais le jour de l'incendie. J'espère que ce sera suffisant.»

Miriel prit doucement l’énorme casque de ses minuscules mains, avant de lever son grand regard cendré vers le géant. Ce dernier saisit une lame, et s’entailla rapidement la main avant de laisser son sang coulé sur le casque. Les gouttelettes rougeâtres tombèrent doucement sur le casque, laissant des traînées glauques dans son sillage. Est-ce que cela ferait réellement l’affaire ? Cela restait à voir… Les gardes de Thaar n’étaient certes pas reconnues pour leur flair, peut-être qu’il y avait réellement une chance après tout... L’hybride observa silencieusement le casque, alors que les deux hommes se mirent à parler derrière elle. Ce n’était pas le moment de les interrompre, et elle avait une très bonne idée de ce qu’ils pouvaient se dire. Mais que pouvait-elle réellement y faire? Elle n’avait qu’une parole, mais les deux hommes ne la connaissaient pas assez pour le savoir...


«Caspian va t'accompagner. Il me dira comment tout s'est passé avec ton informateur. Tu peux lui faire confiance. Je vais essayer de me faire discret pendant quelques jours. Nous nous reverrons bientôt, ma soeur.»


« Très bien » murmura-t-elle avant de se retourner vers Caspian. « Allons-y. Je crois que tu connais mieux le chemin que moi hors de cette oasis. » L’hybride jeta un dernier coup d’œil à Uthred avant de lui faire un signe de tête. Elle l’aimait bien ce type, certes lui et ses copains l’avaient mis KO, mais au moins ils avaient un but, un but qu’elle même avait travaillé pour atteindre. N’avait-elle pas convaincu Grayle de s’accrocher à la vie dans les tréfonds du Vatna? Caspian ouvrit donc la marche, longeant les allées de palmiers qui menaient jusqu’à la route qui s’engouffrait sous les murailles jaunies par la chaleur. Ils s’infiltrèrent dans la ville derrière une carriole brinquebalante, remplie tentures de soies aux couleurs chamarrées. Le wandrais attendit d’avoir fait quelques mètres dans la ville avant de se tourner vers la petite hybride et de lui dire, avec un accent sigol très marqué.  


«  Et maintenant, on va où ?»


Et c’est alors que l’hybride prit la relève, lui faisant un discret signe des doigts de le suivre, ils s’engouffrèrent dans quelques ruelles, marchant en silence pendant de longues minutes, évitant les étals des marchands ainsi que les ivrognes qui tibutait tant bien que mal sur le pavé. Ils arrivèrent finalement devant une des casernes de la milice de Thaar. Miriel s’arrêta devant en soupirant. Qu’es qu’elle pouvait détester cet endroit ! Elle se retourna doucement vers le géant, levant les yeux vers ce dernier, avant de finalement prendre la parole ; « Quoi qu’il arrive, surtout ne t’énerve pas...» Caspian posa son regard sur la jeune femme aux cheveux de neige et hocha la tête. Il ne trahirait pas Uthred et honorerait la mission que son frère lui avait confiée. Il était autant là pour veiller à ce que Miriel joue son rôle qu’à récolter des informations sur ce qu’avait récolté la milice thaari au sujet de la foule d’esclaves qui avaient suivi Uthred dans son pari fou. Il attacha ses cheveux en une queue de cheval haute, avant d’entrer dans le bâtiment à la suite de Miriel. Cela ne prit pas de temps avant que les charmants gardes ne reconnaissent l’hybride


«Hey! R’gardez les gars! C’est la p’tite blonde! » Deux miliciens s’approchèrent rapidement de l’hybride, un sourire mauvais aux lèvres. « Surprenant! T’as pas trop d’bleu! » dit l’un tandis que l’autre mit rapidement son bras autour des frêles épaules de l’hybride pour l’attirer à lui, la retenant contre son torse. « Ouais t’as encore ta belle p’tite geule! Faut croire que sa te sers plus que tu l’penses! » Miriel repoussa abruptement le garde, se reculant de quelques pas en tentant de conserver son calme. «Je l’ai eu.» Dit-elle d’un ton froid.  


«Nooon! Tu nous mens. Comment une p’tite puce comme toi aurait réussir a tabassé un gladiateur » ricana l’un tandis que l’autre s’esclavait comme si son compère avait dit la plaisanterie du siècle. Miriel ne perdit pas de temps avant de prendre le casque d’Uthred de son sac pour le mettre devant le visage de l’abruti - garde. Ce dernier s’arrêta net, regardant le casque avec ses yeux exorbités. « Non, mais tu l’as vraiment eu ? » Miriel fit un rapide signe de tête avant de continuer ; « Son corps est sur une plage à quelques heures d’ici. Trop gros pour que je puisse le rapporter. Je veux ma récompense maintenant. »  


« Et les autres esclaves ? »


L’hybride haussa des épaules avant de continuer ; « Je sais pas, il était tout seul. Je l’ai suivi pendant plusieurs jours, et il n’était avec personne d’autre. Peu importe ce qui s’est passé, il était clairement plus là. »


« Et c’est qui lui ? » demanda l’un des gardes en observant Caspian d’un air méfiant. Miriel se redressa avant de se mettre rapidement devant Caspian; «Il m’a ramené. Marcher dans le désert ce n’est pas l’idée du siècle. Je lui ai promis de donner une partie de ma récompense. » Les deux gardes regardèrent en esquivant un sourire mauvais. « Une récompense ? Mais quelle récompense ?  Tu sais exactement ce que l’on va te donner... » L’un des gardes s’approcha de l’hybride, avant de mettre ses doigts sous son menton, la forçant à le regarder dans les yeux. « Le seul fait que l’on ne t’enferme pas dans une cage est ta récompense... Comment tu vaux déjà ? Ah oui… » Il approcha son visage de Miriel, semblant humer son parfum, un sourire mesquin aux lèvres ; « Quatre fois ton prix... Je suis sûre qu’entre temps on pourrait avoir du plaisir toi et moi... » L’hybride lui jeta un regard dégouté avant de serrer les dents. Ses poings se refermèrent brusquement, alors que sa respiration s’accélérait. Il n’allait tout de même pas lui faire encore le coup ce connard ? À chaque fois qu’elle ramenait une prise, elle se faisait menacer, et ne pouvait jamais réclamer son dû... C’était toujours la même rengaine... Menace après menace... à croire que tous les hommes étaient des parias dans cette ville de paumé!  


Caspian s’était contenté d’être silencieux jusque-là, ne voulant pas trahir son identité. Miriel semblait suivre le plan qu’elle avait conclu avec Uthred. Cependant, les miliciens, eux, refusaient de remplir leur part du contrat et se comportaient avec dédain, en échangeant des regards lubriques qui détaillaient le corps de la jeune femme. L’un d’eux s’approcha de l’hybride et lui prit le menton en lui susurrant des mots que Caspian comprenait mal, même si le ton et l’oeil du vaanie suffisaient à lui en faire comprendre la teneur. Le wandrais fit un pas en avant et saisit le poignet du milicien, offrant un regard sombre au gaillard. Il serra sa poigne pour couper l’afflux sanguin dans la main qu’il tenait et gronda.

«Paye et ne la touche pas.»

Le wandrais continuait de serrer ses doigts autour du bras du malheureux qui voyait ses doigts s’engourdir et libérer de son étreinte le menton de la jeune femme. L’autre main de Caspian était posée sur le pommeau de l’épée qui battait contre son flanc et il était prêt à s’en servir si le milicien se sentait d’humeur à négocier avec lui. Et le Loup Sigol n’était pas un négociateur très patient.


Et pendant ce temps le milicien hurlait des obscénités au géant, lui ordonnant de le lâcher. L’hybride s’avança rapidement vers le loup avant de lui saisir à son tour son poignet. « Lâche le Caspian... » Son regard cendré en était presque suppliant. Savait-il ce qu’il risquait de lui faire par après? C’était son gagne-pain, elle ne pouvait se permettre de le perdre aussi...


Le wandrais lâcha sa prise dès que Miriel tourna son regard vers lui. Il observait toujours le milicien d’un air égal, ni énervé, ni inquiet, sûr de sa puissance et de son fait. Il laissa le milicien secouait sa main pour y retrouver des sensations et resta au côté de l’hybride. Serein, il s’adressa une nouvelle fois à l’importun garde de la cité.


«Ne touche plus jamais ma sœur …» alors qu’un petit grognement résonnait depuis le fond de la gorge du wandrais, tel le canidé menaçant qui avait fait son surnom dans les arènes de Sol’Dorn.


Miriel observa la scène avec horreur alors que l’autre garde avait rapidement dégainé son épée, alors qu’un air mauvais ornait son visage ; « Ta sœur ? »  L’autre garde fit quelques pas de reculons, tenant son poignet endolori en jetant un regard mauvais. «Je vais la toucher si ça me tente à ta sœur ! Tu vas même pouvoir la regarder gueuler maintenant ! » L’autre garde dégaina rapidement son épée, prêt à se battre et bloquant par le fait même la sortie. Décidément, cette journée ne s’annonçait aucunement bien. Miriel ne perdit pas de temps et dégaina à son tour, le regard rivé sur ses adversaires. Puis murmurant à Caspian ; « On les mets hors d’état de nuire, rapidement. Si les autres gardes arrivent, on est dans la merde… Il faut juste libérer la porte pour pouvoir s’enfuir. Après tu me suis sans poser de question… » Le combat s’annonçait court, mais ardu… Mais il devait à tout prix traverser cette porte rapidement…

Caspian grognait en toisant d'un air crispé le milicien qui avait posé la main sur Miriel et qui, dorénavant, beuglait d'une voix de crécelle, dans un mélange de colère et de peur.

Je vais la toucher si ça me tente à ta sœur ! Tu vas même pouvoir la regarder gueuler maintenant !

Le second garde de la cité dégaina, bientôt imité par Caspian qui intensifia son grognement sourd. Miriel, elle aussi armée, se rapprocha un peu plus de Caspian pour lui glisser.

On les met hors d’état de nuire, rapidement. Si les autres gardes arrivent, on est dans la merde… Il faut juste libérer la porte pour pouvoir s’enfuir. Après tu me suis sans poser de question…

Le wandrais hocha la tête avant d'avancer d'un pas, le regard toujours fixé sur celui des deux hommes qui s'était permis ses gestes et regards déplacés. Le lieu était exigu, un combat serait dangereux, même pour lui, gladiteur émérite, il leur fallait fuir, vite. Le garde fit un pas en avant et au même moment, Caspian déploya sa jambe pour lui coller le plat du pied en plein milieu du torse avec violence. Sous le choc, le milicien bascula en arrière, tentant de se rattraper au bord de la table non loin, en vain. Il s'étala sur le sol alors que le wandrais criait à la jeune femme.

Sors ! Maintenant !

Le second garde se ruait déjà vers eux, lorsque Miriel ouvrit la porte. Le wandrais recula et franchit la porte à sa suite avant de la reclaquer derrière eux. Il fit quelques pas en arrière, gardant la porte dans son champ de vision. Il lança par dessus son épaule.

Je te suis !

Puis il emboîta le pas de l'hybride lorsqu'elle se mit à courir dans la rue.

«Sors ! Maintenant !»


Elle ne se fit pas prier. Sans attendre, l’hybride sortit du bâtiment et se  retourna pour voir où en était Caspian. Cela ne prit que quelques secondes avant que ce dernier ne la suive. Avait-il mis le deuxième garde KO? Peu importe, ils devaient partir, là, tout de suite... L'hybride lança un regard indescriptible au Wandrais, qui ne fit que rétorquer;


«Je te suis !»


Et ils courbèrent, pendant de longues minutes, se frayant un chemin à travers les étales et les Thaari qui vivaient paisiblement. « Poussez-vous! » cria l’hybride, forçant les habitants à leur céder le passage. Elle avait une très bonne idée d’où aller. Après tout cet aubergiste l’avait presque toujours aidé. Leur course dura de longues minutes, et ils arrivèrent finalement à l’auberge. Avec une agilité exceptionnelle, l’hybride grimpa rapidement une clôture,  avant de s’engouffrer dans le garde-manger de l’auberge. Elle ouvrit rapidement la porte avant de céder le passage à Caspian. Lorsque ce dernier fut à l’intérieur, elle s’y engouffra à son tour.

Miriel referma rapidement la porte derrière elle. S’y accotant le dos contre ce dernier en fermant les yeux, tentant de retrouver son souffle après cette course effrénée. Quel merdier! Quel foutu merdier! Elle venait de perdre son gagne-pain… Comment essayer de ravoir une quelconque pièce des gardes Thaari maintenant? Cela prendrait quelques heures avant que ces salauds de garde n’envoient des avis de recherches aux quatre coins de la ville. Et si quelqu’un l’attrapait. C’était de retour au Puy avec les chaînes aux pieds… Son poing tapa durement sur la porte en bois massif alors qu’elle siffla une injure. C’était foutu, elle devait définitivement partir de la ville… Miriel se retourna pour mettre le front contre le bois avant d’expirer doucement. Tentant tant bien que mal de se calmer. « Je te l’avais dit de ne pas réagir… » murmura-t-elle… Elle se retourna vers le Wandrais qui se trouvait au milieu de la pièce. « Ils vont se mettre à ma recherche, et s’il me trouve… » Son poing se resserra alors que son regard cendré trahissait sa peur. « Ils vont me renvoyer au Puy… »