Sort de ma tête! [Uthred]

4ème ennéade de Barkiòs,
5ème jour
An 17

Précédemment

Suite à sa rencontre brutale avec Uthred et leur séparation tout aussi violente, plusieurs jours passèrent sans que Sorsha ne donne le moindre signe de vie au Wandrais et son entourage. En fait, la sauvageonne fit tout son possible pour ne pas penser à lui. Le rêve avait laissé une étrange impression à la sauvageonne, le genre qu’elle ne comprenait pas et donc qu’elle n’aimait pas. Tant pis si cela voulait dire qu’elle n’allait jamais retourner dans les Wandres. Sorsha n’acceptait tout simplement pas qu’un homme puisse la distraire à ce point. Éventuellement, elle ne sortit même plus de sa chambre, car une tache sombre subsistait là où Uthred avait tué l’ivrogne et le fait de la voir suffisait à éveiller les souvenirs. Toutefois, la Wandraise tolérant encore moins le fait de rester enfermée finit par s’avouer vaincue. Elle devait le revoir.

Un matin, peu ravie par ce constat d’échec, Sorsha prit le temps d’assembler différentes herbes dans son panier tressé. Elle avait l’excuse parfaite. Peu avant l’assaut, la jeune femme avait proposé de revenir voir les malades avec des herbes. C’était donc pour eux qu’elle faisait cela et non pas pour cette brute. Cela adoucissait son humeur, mais juste un peu. Depuis la nuit fatidique, Sorsha était encore plus revêche qu’à l’habitude, perdant patience au moindre accrochage. Le seul moyen de remédier à la situation était d’affronter la source du problème même si elle n’avait aucunement envie de lui parler ou même de le regarder.

Armée de son panier et de son couteau, Sorsha fit le chemin jusqu’à la plantation où elle supposait encore retrouver Uthred et ses frères. Plus elle approchait, plus son cœur battait vite dans sa poitrine. Voilà autre chose à laquelle elle ne s’attendait pas du tout. Jamais ça ne lui arrivait. Elle était confuse et cela exacerba sa mauvaise humeur. Ses yeux lançaient presque des éclairs lorsque Sorsha arriva à destination, le cœur menaçant de sortir de sa poitrine et l’estomac en vrac.

Les matinées étaient douces dans cette contrée. Les Esprits étaient cléments avec ce pays et offraient des températures chaudes dès les premières lueurs du soleil. Petit à petit, les anciens esclaves, qui avaient suivis Uthred dans son voyage, reprenaient goût à la vie. La liberté avait aussi cet effet-là sur les hommes. Le wandrais avait profité des premières heures du jour pour aller se laver dans le petit point d'eau qu'il y avait en bordure de la palmeraie, à l'opposé de la ville. Là, dans un écrin de verdure, un petit étang abreuvait quelques plantes basses et offrait un coin d'eau fraîche pour se désaltérer. La chevelure d'Uthred avait poussé, quittant la coupe stricte qu'on lui avait imposé au ludus, pour retrouver, petit à petit, une longueur plus en accord avec les standards de son peuple. Il pouvait dorénavant les attacher sur le sommet de son crâne en une petite queue qui retombait légèrement en arrière. Il lui faudrait probablement encore quelques ennéades pour pouvoir revenir à la mode wandraise, mais c'était un début.

Il se baigna, frottant son la sueur et la poussière qui collait sur son corps musculeux. Evacuant les quelques tensions accumulées dans son corps par les exercices de la veille. Larciner tous les jours, repérer les endroits à piller, esquiver les patrouilles et garder du temps pour manier les armes pouvaient rendre courbatu le plus puissant des guerriers. Avec Eiki, il était tombé sur une étrange réserve, remplie de parfums, de pierreries et de savons huileux - probablement une réserve de parfumerie. Même si cela ne se mangeait pas, se sentir propre était aussi une étape importante pour tout être cherchant la liberté. Il se badigeonna de cette huile aux accents boisées et frotta sa peau, sa barbe et ses cheveux avant de plonger tout entier sous l'eau, se rinçant d'un coup et se réveillant un peu plus en sentant l'eau fraîche l'envelopper.

Il sortit de son bain, quelques bulles de mousse coulant encore sur le tatouage qui couvrait son dos large et s'ébroua comme une bête sauvage. Il tordit ses cheveux entre ses mains pour évacuer le surplus d'eau et passa ses doigts dans ses cheveux pour les démêler légèrement. Il s'exposa au soleil quelques minutes avant d'enfiler une braie ample comme unique vêtement. Il pesta en remarquant que celle-ci n'était pas la sienne. Vu comme il flottait dedans, c'était à coup sûr celle d'Eiki, qu'il avait laissé traîner à côté de la couche d'Uthred, comme trop souvent. Il dut tenir le vêtement à la taille pour ne pas se retrouver avec celui-ci sur les chevilles dès qu'il faisait trois pas.

Ainsi, à demi-vêtu, il reprit la route de la cave où se terrait ses compagnons, en pestant contre le colosse wandrais. Il avançait d'un pas décidé, dépassant une rangée de palmiers pour tomber, à quelques mètres de lui, sur une petite silhouette qu'il connaissait bien. Le vision lui fit bondir le coeur en dehors de la poitrine, et ce fut une véritable bouffée d'oxygène qui gonfla son torse et l'emplit de chaleur. Dans une sensation qu'il avait du mal à s'expliquer, il sentit comme une volée de paipllon qui se bouscula dans ses entrailles.

Sorsha ?

Sa main se décrispa autour de la braie qui commença à glisser avant qu'il ne la rattrape in-extremis avant de trop en montrer à la wandraise, dévoilant malgré tout quelques centimètres sous son nombril. Il remonta le vêtement, confus et le maintint, fermement cette fois.

Vad gör du där ?
Qu'est-ce que tu fais là ?

Il n'avait plus eu de signe de vie de la guérisseuse depuis les violents évènements qui avaient eu lieu au bordel. Le meurtre de cet immonde ivrogne de ses propres mains, qui lui avait valu la colère de la tenancière autant que de Sorsha. Il s'était depuis convaincu de ne jamais la revoir, regrettant son emportement amèrement pendant des jours entiers. Et pourtant, elle était revenue.

D’abord, elle entendit son nom prononcé par une voix qu’elle reconnut aussitôt. Sorsha tourna la tête par simple réflexe. Puis elle le vit, Uthred, à moitié nu dans une ridicule braie beaucoup trop grande pour lui et qui ne tenait à rien. S’il la lâchait, elle lui tomberait aux chevilles et il n’avait pas intérêt à ce que ça arrive. Déjà, cette vision fut si choquante que Sorsha en échappa son panier. Elle ne voulait pas le voir et pourtant les chances étaient grandes pour que ça arrive en venant à la plantation. Elle avait plutôt espéré tomber sur Eiki, l’idiot qui a peur de son ombre malgré des mains capables d’ouvrir des noix de coco sans outil ou encore Moamar, mais il fallut que le premier à croiser sa route soit le dernier qu’elle souhaitait voir. Et nu, en plus, ou presque. Disons que la différence ne tenait qu’à un bout de tissus retenu par une main. La main… Les mains… Son regard se posa furtivement dessus juste assez longtemps pour qu’Uthred le remarque peut-être. Sorsha se pencha prestement, ramassa son panier et continua son chemin d’un pas pressé en direction de l’abri sans se rendre compte qu’elle avait perdu une partie de son contenu en l’échappant. Peu importe, elle était beaucoup plus concernée par son cœur qui allait probablement s’arrêter s’il ne se calmait pas bien vite, les aléas de son estomac qui menaçait de rendre le contenu de son petit déjeuner et maintenant cette désagréable chaleur qui montait à ses joues comme si elle faisait de la fièvre. Elle était en train de rougir. Sorsha pouvait regarder un homme mourir sans sourciller, mais voir Uthred comme ça, apparemment, c’était trop. Réaliser l’effet qu’il avait sur elle était encore pire. Lorsqu’elle franchit le seuil de la cabane, elle était rouge comme une pivoine et furieuse, vraiment furieuse. Elle pointa du doigt la première personne qu’elle vit et ordonna.

« Toi, faire bouillir eau, tout de suite! »

Sorsha n’était pas du genre à fuir devant les situations difficiles, mais ce n’était pas l’envie qui manquait...

La rencontre en fit perdre son panier à Sorsha. Lui avait-il fait peur ? Quelques fioles et bandages s'éparpillèrent sur le sol avant que la wandraise ne le fusille du regard. Ses yuex azurées le détaillèrent de haut en bas et de bas en haut, s'attardant un instant sur les mains du wandrais qui récupéraient tout juste les braies qui dégringolaient sur ses cuisses.

Elle ramassa son panier sans répondre à la question d'Uthred qui la regarda passer en furie devant lui, le dépassant d'un pas volontaire. Elle aurait pu lui marcher dessus s'il n'avait pas fait un pas de côté. Il l'observa s'éloigner avant de tourner son regard contri vers les quelques babioles qui s'étaient étalé dans le sable. Il tourna de nouveau la tête vers Sorsha de nouveau, qui s'éloignait de lui à grandes enjambées. Au vu de sa réaction, elle ne se retournerait pas s'il l'appelait.

Il se saisit des fioles et rouleaux de bandage, mais sentit au même moment son pantalon descendre. Il rattrapa encore une fois le vêtement et en fit tomber une fiole. Une bordée d'insultes fusa, alors que du coin de l'oeil, la petite silhouette brune s'éloignait à toutes jambes. Il saisi le tout en maintenant le haut du pantalon fermement, dévoilant à qui passait dans son dos, ses fesses, que les Esprits Farceurs pourrissent. Il se précipita à la suite, les jambes arqués dans une course ridicule pour rattraper la jeune femme en furie qui franchissait l'ouverture de la casemate. Elle donnait déjà ses ordres à un jeune homme au teint pâle.

Toi, faire bouillir eau, tout de suite !

Uthred entra à son tour dans l'ombre de la petite baraque et tendit son butin vers la wandraise.

Du tappade det
Tu as fait tomber ça.

Il fronça les sourcils avant d'ajouter, tenant toujours maladroitement les braies qui dévoilaient la naissance de ses aines.

Fortfarande ledsen för vad som hände hos dig. Jag borde inte ha det.
Encore désolé pour ce qui s'est passé chez toi. Je n'aurai pas du.

Sorsha tendit en sa direction le panier pour qu’il puisse y déposer ce qu’elle avait fait tomber. Visiblement, elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour ne pas le regarder, mais c’était difficile vu qu’il était tout près et qu’il prenait beaucoup de place. Elle pouvait même sentir le parfum dont il s’était badigeonné le corps. Ce n’était pas désagréable et ça faisait changement de la sueur et de la crasse. Cela dit, ça n’aidait pas à faire disparaître son inconfort, bien au contraire.

« Kom inte nära. Jag är här för de sjuka, som lovat. »
Ne t’approche pas. Je suis là pour les malades, comme promis.

Elle parlait avec froideur, mettant toute son énergie à éloigner Uthred. Sorsha ne voulait pas qu’il remarque son malaise grandissant et le seul moyen qu’elle connaissait pour garder les gens à distance, c’était d’être bête et méchante. En général, ça réussissait plutôt bien, surtout si elle ponctuait sa phrase d’un regard menaçant. Malheureusement, cette fois c’était impossible, car regarder Uthred était exactement ce qu’elle tentait d’éviter le plus possible.

Le pauvre jeune homme sur lequel elle avait aboyé ses ordres sentit clairement la tension dans l’air et il ne protesta pas. Rapidement, un chaudron rempli d’eau fut posé sur le feu, mais il faudra un peu de temps avant qu’il ne commence à bouillir. Ignorant la présence du Wandrais, elle s’agenouilla en lui tournant le dos et commença à préparer ses choses avec des gestes brusques. Venir ici était une mauvaise idée. Elle était venue ici dans le but d’affronter Uthred qui a visiblement laissé forte impression sur elle bien qu’elle ne comprenne pas exactement quoi encore, mais elle n’arrivait même pas à le regarder...

Sorsha tendit le panier vers lui lui adresser un regard, trop occupé à déployer ses ustensiles autour d'elle.

Kom inte nära. Jag är här för de sjuka, som lovat.

Toujours fâchée, toujours sauvage. Elle avait tant fait pour lui et ses frères et ils l'avaient remerciés en tuant un homme devant elle, sur l'encadrure de sa porte, dans l'établissement qui l'hébergeait. Le souvenir de la grand-mère furibarde qui débarquait les yeux froncés, sa voix usée par les années " de service" qui le haranguait pour lui rappeler sa bêtise, le ton glacé de la wandraise qui l'avait renvoyé à la porte. Il se souvenait de tout, et surtout de pourquoi les femmes lui en voulaient autant. Il dit à la jeune femme, bas, alors qu'on venait déposer le chaudron d'eau qu'elle avait demandé sur le feu.

Ja ... Tack igen.
Oui ... Merci encore.

Sorsha était à genoux, tournant le dos à Uthred et son pantalon trois fois trop large, quelques gouttes s'accrochant encore au relief de ses muscles volumineux. Ressentant ce sentiment dont il n'avait pas l'habitude, le wandrais tentait de trouver l'occasion d'attirer le regard de la guérisseuse vers lui. Il tendit une main vers Sorsha, avant de se raviser.

Jag hoppas att du inte har ett problem på grund av mig.
J'espère que tu n'as pas eu de problème à cause de moi.

Soudain, il se remémora qu'au milieu des dizaines d'objets en vrac qu'il avait volé avec ses frères, l'un d'eux l'avait fait penser à la petite wandraise. Il baissa les yeux vers elle, avant de la dépasser et de s'enfoncer dans les ténèbres de la cave, une main toujours crispé sur le tissu des braies, même si on pouvait deviner la naissance de ses fesses sous le tatouage monumental qui décorait son dos.

Sorsha ne répondit pas. Elle n’avait pas eu de problèmes à proprement parler, mais la tension avait perduré pendant quelques jours dans le bordel. Ce n’était pas la première fois qu’un client y mourrait, mais il y avait une sacrée différence entre un homme emporté par une attaque et un homme tué le crâne fracassé contre le montant d’une porte. Ce n’est pas tout le monde qui pouvait supporter une telle violence et le fait que Sorsha ait à peine sourcillé soulevait des questions. Ici, on ne connaissait pas grand-chose des Wandres et la jeune femme contribuait malgré elle à nourrir le mystère de ses habitants.

Uthred finit enfin par s’éloigner. Sorsha leva les yeux juste à temps pour voir la silhouette disparaître par l’ouverture sombre percée dans le mur. Le tatouage était impressionnant, mais elle détourna rapidement le regard. L’eau commençait à frémir et des volutes de vapeur s’élevaient maintenant du chaudron. Elle se tourna vers le jeune homme qui l’avait aidé.

« Va dire aux autres que je suis là. Y’aura de la tisane pour tout le monde. »

La guérisseuse ne savait pas s’il elle allait revenir après ça. Uthred représentait peut-être sa seule chance de rentrer, mais sa présence la rendait hautement inconfortable et elle n’aimait pas ça. Elle pensait trop à lui. Il devait sortir de sa tête. Personne ne l’avait jamais autant agacé par le passé et, visiblement, l’ignorer ne suffisait pas.

Uthred descendit les marches quatre à quatre, tenant toujours ces maudites chausses dix fois trop grandes qui dévoilait ses fesses. Il se saisit d'une cordes qu'il passa autour de sa taille et serra vivement. Il fit deux noeuds, s'assurant que cette fois-ci, il n'aurait plus à veiller à ce que son intimité ne se dévoile au grand jour à chaque pas, puis se pencha sur sa couche.

Il se saisit d'un petit coffret en bois qu'il ouvrit. Autre vestige de cet étrange entrepôt de parfumeur, il sortit un petit collier doré, au bout duquel pendait deux grosses perles aux reflets bleutés. Un tryskèle venait s'enrouler autour des deux grosses billes de nacre et la chaînes venait s'attacher au même endroit. En voyant ce petit bijour, Uthred avait pensé à Sorsha. Il avait perçu une légère pointe d'accent des clans des mers, à l'ouest du territoire wandrais. Ces clans de pêcheurs étaient connus pour leurs bijoux et leurs accessoires ornés de perles bleues, alors peut-être qu'elle accepterait ce présent en guise remerciement et de paiement pour tout ce qu'elle avait fait pour lui et ses compagnons, et puis, un peu pour se faire pardonner son accès de folie.

Il remonta les marches tandis que Sorsha versait l'eau bouillante dans une théière à fond plat d'où s'échappait des odeurs de cannelle. La wandraise continuait d'effectuer ses gestes avec une froideur presque malaisante, même pour les anciens esclaves qui commençaient à l'entourer. Uthred savait que cet état était de son fait, que si elle était aussi rude et distante, c'était à cause de lui et de sa colère. Il prit une grande inspiration, cachant son embarras avant de se poster devant elle, toujours torse nu et la peau huileuse, mais les braies solidement ficelés à sa taille cette fois. Une première victoire sur les farces que les Esprits lui jouaient depuis le début de cette matinée.

Sorsha ! Jag vill att du ska ta detta som en betalning och ett tack för allt du har gjort för mig och mina. Och för ... jag borde inte ha dödat den här mannen i ditt ... hus.
Sorsha ! Je veux que tu prennes ça, en guise de paiement et de remerciement pour tout ce que tu as fait pour moi et les miens. Et parce que ... je n'aurai pas du tuer cet homme dans ta ... maison.

Il tendit le collier vers la wandraise, espérant secrètement que cette fois, il aurait droit à un mot voir, même mieux, un regard de sa compatriote. Les deux perles brillèrent en se balançant au bout de la chaîne qui pendaient au creu de la large main de l'Ours.

Sorsha arrêta tout lorsqu’elle vit les perles se balancer doucement à quelques centimètres à peine de son visage, leur délicate teinte bleutée accrochant le regard. Dans son clan, on faisait des colliers entiers avec ces perles et les femmes s’en paraient avec fierté. Il n’était pas comme ceux qu’elle a déjà possédés, mais ces perles venaient sans aucun doute des eaux glacées du nord, là où elle s’était si souvent baignée. Ces eaux sont capricieuses et dangereuses. Y plonger pour recueillir les perles demandait autant de courage que d’habileté. Où les avait-il trouvés? Depuis qu’elle vivait ici, Sorsha n’en avait jamais vu et pourtant, elle avait cherché. Parmi les étals des marchés, il y avait des merveilles, dont des colliers de perles, mais aucun fait avec les perles du nord. Du moins, ils ne sont pas à la vue du commun des mortels.

La jeune femme tendit la main et avec une infini délicatesse qui tranchait de sa précédente brusquerie, elle prit le collier. Sa vue faisait naître une profonde mélancolie en elle. Elle s’ennuyait de son village même si à bien des égards sa vie était beaucoup plus facile ici. Elle voulait revoir les côtes déchirées du nord et les plages de galets où venaient s’échouer les vagues. Elle voulait entendre les hurlements des loups à la tombée de la nuit et admirer le ciel et les étoiles qui y brillaient. Elle voulait s’asseoir devant un grand feu et entendre les chants dédiés aux ancêtres avant de manger cette énorme carcasse de cerf qu’on aura fait griller pendant des heures. Plus que tout, elle voulait revoir son frère Jolf. Même s’ils n’étaient pas très proches, il restait son frère et le simple fait de savoir s’il est encore en vie lui ferait tellement plaisir.

Elle sentit sa gorge se serrer. Elle ne voulait pas pleurer, mais l’émotion était forte. Sorsha ramena les perles contre sa poitrine et pencha la tête de sorte que ses cheveux cachaient entièrement son visage. Elle ne dit rien pendant un moment. On entendait seulement le souffle de sa respiration. Puis Sorsha releva la tête et pour la première fois depuis son arrivée, regarda Uthred dans les yeux. Elle ne semblait pas avoir pleuré, mais son regard était brillant et triste.

« Jag vill åka hem. »
Je veux rentrer à la maison.

La wandraise se saisit du bijou sans regarder Uthred. Elle fut comme hypnotisée par les reflets azurés du nacre. La chaîne glissa des mains d'Uthred alors qu'elle entraînait le collier plus près d'elle, le contemplant sans un mot, la tête baissée, les yeux rivés sur les perles et l'or. Elle resta ainsi un bref instant, postrée, laissant Uthred dans le doute. Peut-être qu'elle n'appréciait pas ce cadeau, peut-être qu'il avait fait fausse route et c'était imaginé bêtement qu'avec ces deux billes bleues il pourrait renouer un dialogue qu'il avait définitivement rompu en même temps que la boîte crânienne de l'ivrogne.

Sorsha plaqua les perles sur son coeur, gardant le visage vers le sol, empêchant le wandrais de voir son regard et de savoir si elle le pardonnait, ou si, au moins, elle acceptait ce présent, en l'honneur de tout ce qu'elle avait fait pour lui. Il s'accroupit, n'entendant rien d'autre que la respiration de la guérisseuse qui paraissait chargé de chagrin. Les Esprits, encore une fois, l'avait conduit sur une mauvaise route et il l'avait rendu triste, là où il pensait la rendre joyeuse. La bouche d'Uthred se tordit en une moue désolé alors que ses sourcils se levaient, troublé par la réaction inattendue de la jeune femme.

Enfin, elle leva ses grands yeux vers Uthred, le regardant pour la première fois depuis leurs retrouvailles. Ses yeux brillaient de larmes qui n'avaient pas coulées mais qui chatouillaient ses papuières. Elle souffla alors.

Jag vill åka hem.

Un sourire doux se dessina sur le visage du wandrais, son regard planté dans celui de Sorsha. Il répondit doucement.

Jag vet ... Jag också.
Je sais ... Moi aussi.

Il voulait la prendre dans ses bras, la réconforter, la rassurer, mais il savait que la wandraise n'était pas vraiment du genre à se laisser aller au contact physique. Il avait fallu qu'elle soit au bord de l'épuisement et incapable de marcher pour qu'il puisse la tenir contre lui et l'aider à rentrer chez elle. Même à cet instant, c'est parce qu'elle n'avait plus la force de le repousser qu'ils avaient pu se tenir l'un contre l'autre. Leurs regards restèrent lié pendant une seconde et les mots d'Uthred sortirent tout seul, sans qu'il y récfléchisse un instant.

Kanske vill du gå tillbaka med mig? Även om vägen blir lång.
Peut-être veux-tu rentrer avec moi ? Même si la route sera longue.

Elle serait forcément longue, Uthred ne lâcherait pas son serment pour filer jusqu'aux montagnes du Sigolsheim sans mener à bien la mission qu'il s'était fixé. Pourtant, revoir les cîmes enneigées, les forêts de conifères, sentir le souffle du vent sur les rives d'un lac de montagne, entendre les vagues se briser sur les falaises qui tombaient à pic dans l'océan. Oui il reverrait sa terre natale ... Un jour.

Laisser sa maison derrière, se déraciner et s’exiler sur une terre lointaine, ce n’est jamais facile. C’est laissé derrière une part de notre identité. À un moment ou un autre, on fini par regretter, même si la vie là-bas était pénible, voire dangereuse. On oublie facilement les mauvais côtés au profit de ces petites choses qui nous rendaient heureux malgré tout. Sorsha n’était pas faite pour vivre ici. Elle a essayé, mais elle devait se rendre à l’évidence, ce monde lui était trop étranger. Aujourd’hui, elle trouvait enfin quelqu’un qui voulait faire le voyage avec elle, quelqu’un, comme elle, déraciné. Uthred aurait pu difficilement lui faire plus plaisir qu’en cet instant. Elle était si soulagée qu’elle sourit. Rares étaient ceux l’ayant déjà vu sourire, surtout pas d’une façon aussi sincère. Pendant un bref instant, la dureté de ses traits disparue, changeant radicalement son apparence.

« Ja... »
Oui…

Il pouvait se passer du temps avant qu’ils puissent vraiment quitter cet endroit, mais la possibilité était là. Sorsha était prête à la prendre et à attendre s’il fallait. Elle baissa à nouveau les yeux sur le collier, puis, peu à peu, commença à prendre contact avec la réalité. Son sourire s’effaça et pendant un moment, elle parut désorientée comme si elle ne savait plus quoi penser. Elle glissa le bijou dans le panier et se détourna d’Uthred.

« Gå klä dig... »
Va t’habiller…

Les mots furent à peine prononcés, comme si elle était gênée de les dire. C’était bien la première fois qu’elle demandait à quelqu’un de se couvrir, surtout un homme. Ce n’est pas comme si elle n’en avait jamais vu, mais visiblement, avec Uthred ce n’était pas la même chose. Afin de chasser le malaise qui semblait vouloir revenir, elle se concentra sur ses tâches, ignorant une fois de plus le Wandrais et commença la distribution de la tisane.

« Attention, c’est chaud... »

La wandraise sourit. Ses traits d'ordinaire si durs s'adoucirent alors qu'elle répondait simplement.

Ja...

Uthred la trouvait déjà jolie, même avec son masque froid, là, il la trouva belle. Cette beauté sauvage et franche des femmes de son peuple, la beauté de celle qui s'ignore, la plus pure, la plus simple. Une chaleur semblait monter le long de la gorge d'Uthred et gagnait ses joues. C'était comme si, pendant un instant, il n'y avait qu'elle, que les compagnons de l'Ours n'étaient plus autour d'eux, que la casemate et la palmeraie n'étaient que de lointains souvenirs brumeux. Une seconde où le coeur d'Uthred sembla battre un peu plus vite que d'habitude, juste en découvrant les lèvres charnues de Sorsha s'étirer légèrement dans ce sourire si beau et franc. Puis, les lèvres retombèrent et Sorsha remit son masque austère sur son doux visage. Elle baissa les yeux vers le collier qu'elle fourra dans son panier, avant de dire.

Gå klä dig...

Uthred baissa les yeux vers sa tenue légère, ne comprenant pas ce qu'elle pouvait bien lui reprocher. Il avait passé tant de temps le torse nu dans son ludus ou dans les arènes qu'il ne voyait pas le pourquoi de cette demande. Déjà, la guérisseuse ne prêtait plus attention à lui et servait sa tisane aux quelques anciens esclaves qui les entouraient, chacun portant un petit bol de bois.

Attention, c’est chaud...

Uthred se redressa de toute sa hauteur et reprit les escaliers avant d'aller enfiler une tunique qui couvrirait son torse et son ventre dessiné. Si cela pouvait faire plaisir à la wandraise et lui offrir un nouveau sourire, il était prêt à le refaire. Eiki, dans l'ombre, se fendit d'un commentaire.  

Pidät hänestä.
Tu lui plais.
Hiljaa.
Tais-toi.
Voi, pidät siitäkin.
oh, elle te plaît aussi.
Eiki, hiljaa. Joka tapauksessa, et tiedä.
Eiki, tais-toi. De toutes façons, tu n'en sais rien.
Ei tarvitse tietää, näen sen.
Pas besoin de savoir, je le vois.

Uthred fronça les sourcils en regardant son colosse d'ami qui affichait un large sourire et jouer des sourcils, taquin. Il finit par rire de façon sonore avant de disparaître, retournant vaquer à ses occupations. Quel gros nigaud celui-là, avec ses allusions idiotes. Mais, peut-être qu'il avait raison. Elle lui avait souri. Non, c'était seulement à cause du cadeau et la nostalgie de leurs terres. Rien d'autre. Il ne fallait pas se faire d'illusions. Croire Eiki qui parlait de femmes avait autant de sens que si la mer remplaçait le ciel. Il chassa bien vite ces pensées totalement hors de propos pour remonter auprès de la guérisseuse, veillant d'un oeil sur elle et d'un autre sur le bon ordre de la file qui s'étiraient face à son chaudron. L'odeur de la tisane emplissait désormais l'air de la petite pièce et chatouillait les narines de l'Ours, peu habitué à ce genre d'odeur suave et sucrée.

Uthred se saisit alors d'un petit bol à son tour et attendit que chacun de ses compagnons soient servis avant de s'approcher à nouveau de la wandraise. Il s'accroupit face à elle et tendit son bras vers elle. Par le Grand Aigle et le Grand Ours, il avait la gorge et les lèvres sèches rien qu'à l'idée de lui parler. Et ces boyaux qui se toritllaient dans son ventre en se tenant proche d'elle. Couvrait-il une quelconque maladie ? Il devrait lui en parler, elle était guérisseuse et saurait sûrement quel remède il lui fallait.

Kan jag få några?
Je peux en avoir un peu ?

Il se pencha légèrement vers elle, chuchotant.

Jag måste prata med dig. Jag tror att jag är sjuk men vill inte oroa andra.
Il faut que je te parle. Je crois que je suis malade mais je ne veux pas inquiéter les autres.

Pour faire taire son malaise, Sorsha ne voyait pas d’autres solutions que d’ignorer autant que possible Uthred qui en était la source. Maintenant qu’il s’était habillé, cela fut un peu plus facile, mais elle savait qu’il n’était pas bien loin surveillant attentivement les opérations. Quand tous ses compagnons eurent leur ration, il s’approcha à son tour avec un bol que Sorsha s’empressa de remplir en espérant qu’il s’éloignera aussitôt. Malheureusement, le wandrais avait autre chose en tête et profita de sa proximité avec la jeune femme pour lui faire part de ses inquiétudes. Sorsha leva les yeux vers lui. Il n’avait pas le regard terne d’un homme malade, mais ça ne voulait pas dire que son malaise n’était pas réel.

« Ok... »

Uthred ne voulait pas inquiéter ses compagnons inutilement, alors les soins se feront à l’extérieur de l’abri, loin des oreilles indiscrètes. Être en tête à tête avec Uthred était de loin la dernière chose qu’elle voulait, mais l’idée qu’il puisse être malade faisait naître en elle une inquiétude qu’elle avait rarement eue pour une autre personne. La dernière fois, ce fut pour La Grise. Uthred mentionna la présence d’un point d’eau tout près. Ils y seront tranquilles. Sorsha s’agenouilla près de la source et se passa un peu d’eau sur le visage. Elle sentait à nouveau le feu sur ses joues, lui faisant croire qu’elle était peut-être malade aussi.

« Du kan sitta eller ligga, hur du än vill. »
Tu peux t’asseoir ou t’étendre, comme tu veux.

Elle attendit qu’il soit installé avant de venir près de lui. Sorsha sentait son propre cœur marteler sa poitrine et être à ses côtés de fit qu’empirer les choses. Cette faiblesse frustrait la Wandraise. Elle voulait détester Uthred d’en être la cause. Quelque part, c’était le cas, mais pas entièrement. Elle voulait le toucher autant que le frapper et la ligne était mince entre les deux. Une remarque de sa part et Sorsha lui écraserait son poing à la figure, mais elle ferait la même chose pour quiconque qui voudrait s’en prendre à lui. Elle hésita longuement avant de trouver le courage de tendre les mains vers lui. C’était pourtant quelque chose qu’elle avait fait souvent, mais Uthred lui faisait perdre ses moyens. Enfin, elle posa ses deux mains sur son torse et sentit aussitôt les coups de marteau de son cœur presque à l’unisson avec le sien. Elle ne s’attendait pas à ça et fut surprise par la fureur de ses battements. Troublée, elle ferma les yeux afin d’invoquer sa magie, mais Sorsha savait avant même de commencer qu’elle n’y arriverait pas.

La guérisseuse leva les yeux vers Uthred, après avoir versé la tisane dans son petit bol.

Ok...

Une réponse courte et discrète qu'elle avait soufflé au même niveau sonore que lui. Il jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule, s'assurant que personne n'avait écouté ou comprit ce qu'il s'était dit. Il s'écarta légèrement de la wandraise avant de se redresser et l'emmena vers le point d'eau où il s'était baigné quelques minutes plus tôt. Là, ils auraient tout le loisir de pouvoir évoquer le mal qui semblait ronger l'Ours de l'intérieur. Plus il s'approchait du petit étang, et plus le coeur s'emballait et ses entrailles se serraient. À mesure qu'ils disparaissaient tous les deux du regard des curieux, il sentait comme un picotement chaud qui remontait de sa poitrine pour enserrer sa gorge qui devenait de plus en plus sèche, malgré la tisane qui l'avait hydraté pendant un temps. Ils sortirent des buissons qui entouraient le point d'eau et Sorsha, la figure rougit par la chaleur ambiante, lui dit calmement.

Du kan sitta eller ligga, hur du än vill.

Uthred s'asseya, le dos posé contre la base d'un palmier et laissa Sorsha s'approcher de lui. Elle s'accroupit à ses côtés et il avait ses yeux rivés sur elle. Encore une fois, il eut la sensation de ne voir qu'elle, le reste du monde qui les entourait paraissait flou, lointain. Alors que les mains de la wandraise approchaient de sa peau, son coeur recommença à battre rapidement et il semblait accélérer au fur et à mesure de l'avancée des bras de Sorsha. Il tenta de décrire les symptômes, alors que les petites mains de la guérisseuse approchait dangereusement de son torse.

Jag känner som hetetappar och mitt hjärta rasar. Min mage vrider sig och det är som min hals torkar mycket snabbt.
J'ai comme des bouffées de chaleur et mon coeur s'emballe. Mon estomac se tord et c'est comme si ma gorge se déséchait très vite.

Les mains de Sorsha touchèrent sa peau et c'est comme si une décharge parcourait son corps. Un frisson partit des mains de la guérisseuse et remontèrent son torse et ses épaules pour venir hérisser les cheveux à l'arrière de son crâne avant de redescendre le long de son échine et lui picoter la peau jusqu'aux orteils. Une autre réaction assez inattendu se manifesta chez le wandrais. Son bas-ventre se mit à chauffer et petit à petit, il vit la toile de ses braies commencer à se tendre vers le haut. Il écarquilla les yeux devant cette réaction plus que troublante et les leva vers Sorsha qui avait fermé les yeux. Encore une fois, il ne put que constater sa beauté, sa férocité naturelle qui faisait rejaillir le charme simple de la guérisseuse. Sans vraiment s'en rendre compte, son cou se tendit vers elle, lentement, puis leurs lèvres se touchèrent.

Sorsha essayait de se concentrer et d’apaiser les battements sauvages de son cœur, mais c’était comme essayer d’attraper de la fumée à main nue. Elle n’avait aucune maîtrise sur la situation et ça l’effrayait. Elle se sentait vulnérable et faible. Quelqu’un pourrait profiter de son désarroi pour l’atteindre. Évidemment, Uthred était le grand responsable de tout ça. Lui venir en aide fut une erreur. Elle n’aurait jamais dû revenir. Sorsha a employé une bonne partie de sa vie à systématiquement repousser tous ceux qui tentaient d’entrer dans sa vie. D’abord La Grise, maintenant Uthred. Non, ça ne pouvait pas continuer ainsi. Même si ça signifiait qu’elle ne pourrait jamais rentrer dans les Wandres, elle pouvait faire ce sacrifice. C’est du moins ce qu’elle croyait…

Puis leurs lèvres se touchèrent…

La réaction de Sorsha fut immédiate et violente. Elle repoussa Uthred de toutes ses forces avant de bondir vers l’arrière. Son pied glissa sur le sol caillouteux et elle tomba, écorchant sérieusement son genou ainsi que sa main en voulant arrêter sa chute. En douleur, Sorsha attrapa son petit couteau, mais elle était dans un tel état de panique qu’elle s’échappa d’abord et il lui fallut quelques tentatives avant de finalement pointer la lame en direction d’Uthred. Elle d’ordinaire impassible, son visage était déformé par la colère et la peur. Évidemment, elle vit ce qui était en train de se passer avec le pantalon du wandrais et les choses commencèrent enfin à avoir du sens. Elle n’était pas ignorante, elle s’était juste interdit ce genre de chose lorsqu’elle passa de fille à femme. La magie n’avait pas rendu sa vie plus simple et en faisant ce choix, Sorsha croyait se protéger. Du coup, elle n’avait jamais expérimenté le désir et tout ce qu’il impliquait.

« Nej! »
Non!

Mais sa fermeté commençait à s’effriter. Ses blessures saignent beaucoup et lui faisaient mal. Sorsha grimaça et fini par s’asseoir sur le sol. Elle n’osait plus regarder Uthred. Elle ne voulait pas lui faire mal. Elle essayait simplement de se protéger.

« Jag aldrig... » Je n’ai jamais… Commença-t-elle avant de chercher ses mots. « Jag vet inte hur ... jag… » Je ne sais pas comment… Je… Elle soupira, clairement agacée par sa propre hésitation. « Jag menade inte ... att behaga någon. Är det inte rätt? Jag är en häxa för många människor. Jag kan tydligen se saker. Detta är inte fallet, men de tror på det. Min magi är användbar för dem, men det räcker med att jag gör fel sak, att jag säger fel sak och att de får mig att brinna levande. Kom ihåg vad Eiki sa när han såg mig. Han kanske tror att jag förtalade dig. Det är kanske fallet ... Hur vet vi om det är eller inte? »

Je ne pensais pas… plaire à quelqu’un. C’est ça, non? Je suis une sorcière pour beaucoup de personnes. Je peux voir des choses, apparemment. Ce n’est pas le cas, mais eux, ils le croient. Ma magie est utile pour eux, mais il suffit que je fasse la mauvaise chose, que je dise la mauvaise chose pour qu’on me fasse brûler vive. Souviens-toi de ce que Eiki a dit en me voyant. Il pourrait croire que je t’ai ensorcelée. Peut-être que c’est le cas… Comment savoir si c’est le cas ou non?

Lors que les lèvres du wandrais touchèrent celles de Sorsha, ce fut comme si son coeur explosait en une vague de chaleur qui réchauffa son corps avant de le faire frissonner en une fration de seconde. Pour la première fois, il sentit sa peau se couvrir de chair de poule de la tête au pied et pourtant, il ne ressentait aucune peur, aucune terreur, il allait plutôt mieux qu'avant le baiser furtif.

Et il fut furtif car Sorsha réagit comme elle l'avait toujours fait, à la connaissance d'Uthred, lors d'un contact physique, avec violence. Elle le repoussa contre le tronc du palmier et l'arrière de son crâne cogna le bois sec. La jeune femme fit un pas en arrière, mais aussi surprise que troublée, glissa sur les petites pierres qui entouraient le point d'eau et bascula vers le sol. Elle toucha le sol et se débattit comme si elle venait dans une mer glacée, s'écharppant les mains et les jamabes. Elle s'y reprit à plusieurs fois pour tirer la petite dague du fourreau de peau tanné qui était accroché à sa ceinture avant de pointer l'arme vers Uthred, un filet de sang coulant entre ses doigts. Elle, qui avait d'ordinaire le visage si fermé, si dur, portait, cette fois, un masque d'incompréhension, presque de peur. Elle s'écria.

Nej !
Tyvärr !
Désolé !

Uthred leva les mains et les sourcils, surpris lui-même de son audace et de son geste. La wandraise pouvait lui planter sa lame dans le torse à tout moment et il l'aurait mérité. Il savait son aversion pour les contacts depuis les premiers instants de leur rencontre, dans l'ombre du grenier thaari. Le visage de Sorsha se tordit de douleur et elle finit par s'asseoir aux côtés d'un Uthred aussi surpris que soulagé par ce tournant inattendu. Elle se confia à lui, ne lui adressant à nouveau plus un regard.

Jag aldrig...  Jag vet inte hur ... jag… Jag menade inte ... att behaga någon. Är det inte rätt? Jag är en häxa för många människor. Jag kan tydligen se saker. Detta är inte fallet, men de tror på det. Min magi är användbar för dem, men det räcker med att jag gör fel sak, att jag säger fel sak och att de får mig att brinna levande. Kom ihåg vad Eiki sa när han såg mig. Han kanske tror att jag förtalade dig. Det är kanske fallet ... Hur vet vi om det är eller inte?

Le coeur d'Uthred se mit à battre un peu plus vite. Elle aussi, alors, ressentait cette attraction. Il avait envie de passer son bras autour de sa compagne et de la serrer contre lui, pour la rassurer. Mais après sa première approche, qu'on pouvait qualifier d'impulsive, il n'osa rien faire de plus que de parler.

Jag tror inte att det är en besvärjelse. Jag ... Jag är inte van vid det heller men ... men om det är en sjukdom ... Du är orsaken ... När jag såg dig hjärta rusade ... Sedan jag dödade den här mannen och att du jagade mig har jag bara ångrat min gest och ... och tänker på dig ... Du är vacker, Sorsha. Du hjälpte mig, du hjälpte mina kamrater utan att fråga något i gengäld. Du är ... Ja, jag gillar dig. Du är en vacker person. Och oroa dig inte för Eiki. Han är vidskeplig men han är trevlig.
Je ne crois pas que c'est un sort. Je ... Je n'ai pas l'habitude de ça non plus mais ...mais si c'est une maladie ... Tu es la cause ... Quand je t'ai vu mon coeur a acceléré ... Depuis que j'ai tué cet hhomme et que tu m'as chassé je n'ai fait que regretter mon geste et ... et penser à toi ... Tu es belle, Sorsha. Tu m'as aidé, tu as aidé mes compagnons, sans demander quoique ce soit en retour. Tu es ... Oui, tu me plais. Tu es une belle personne. Et ne t'en fais pas pour Eiki. Il est superstitieux mais il est gentil au fond.

Il ne savait pas quoi faire. Il brûlait d'envie de l'embrasser à nouveau, de la serrer contre lui mais il ne voulait pas l'effrayer. Les plaies sur ses mains et ses genoux continuaient de saigner et s'il en avait le pouvoir, il aurait aimé pouvoir les refermer. Au fil de son discours, il réalisait qu'il voulait la garder près de lui, la protéger, l'enlacer. Est-ce que c'était ça, tomber amoureux ? Plus que ça, est-ce que son camarade wandrais, qui se targuait de connaître si bien les femmes, avait raison ? Cette question, si elle trouvait une réponse affirmative, serait probablement pénible à supporter. Uthred entendait déjà le rire d'Eiki dans sa tête et sa grosse voix lui rappelait qu'il avait eu raison. Pendant des jours entiers ... Il arracha un bout de manche de sa tunique et la plongea dans l'eau toute proche avant de la tendre vers Sorsha. Il lui dit avec douceur, un sourire accroché aux lèvres dont il avait du mal à se défaire.

Här. För ditt knä.
Tiens. Pour ton genou.

Elle leva les yeux vers lui et lui tendit sa main blessé. Le wandrais prit alors sa main délicatement et passa le linge humide sur la plaie, nettoyant le sang qui empoissait sa main. Il posa son regard sur le visage de la wandraise, lui souriant avec douceur. Elle venait de l'autoriser à la toucher et le contact de leur peau fit de nouveau naître un sentiment de chaleur agréable au fond de sa poitrine.

En lui tendant sa main blessée, Sorsha lui donnait l’autorisation de la toucher. Le contact était doux. Uthred faisait attention pour ne pas lui faire mal, mais c’était quand même un peu douloureux. Elle regarda ses gestes avec attention et restait très tendue. Tout ça, c’était tellement étrange, déroutant. Elle avait l’impression de se tenir sur le bord d’une très haute falaise. Elle avait le vertige sans même risquer de tomber. Elle l’avait écouté aussi. Il ne pensait pas que c’était un sort, mais comment pouvait-il en être certain ? Il a aussi dit qu’elle était une bonne personne, car elle a accepté de l’aider sans rien demander en retour. On ne lui avait jamais dit qu’elle était quelqu’un de bien… Sorsha avait aidé ces gens simplement parce qu’elle le pouvait et qu’ils en avaient besoin. Quelque chose les avait mis sur sa route, elle ne pouvait pas simplement les ignorer. Certes, la misère ne l’affectait pas comme on pouvait s’y attendre. Elle n’avait pas pitié d’eux et ne verserait aucune larme si l’un d’eux venait à mourir. La vie est cruelle, la mort est une libération. Elle leur donnait tout simplement une chance.

« Du är en bra person. Eller är du galen. Hjälp dessa människor med bara kraften i dina nävar ... Jag var inte riktigt arg när du dödade den här mannen. Jag blev imponerad. Jag sa att du skulle gå eftersom du inte kunde stanna. Eftersom det imponerade mig, tänkte jag att jag inte borde se dig igen. Det blev farligt, men jag hade lovat att komma tillbaka ... Jag hade sagt mitt ord. Jag drömde om dig den kvällen... »

Tu es quelqu’un de bien. Ou tu es quelqu’un de fou. Aider ces gens avec rien d’autre que la force de tes poings... Je n’étais pas vraiment fâchée quand tu as tué cet homme. J’ai été impressionnée. Je t’ai dis de partir, car tu ne pouvais pas rester. Parce que ça m’a impressionné, j’ai cru que je ne devrai pas te revoir. Ça devenait dangereux, mais j’avais promis de revenir... J’avais donné ma parole. J’ai rêvé à toi cette nuit-là…

La plaie sur sa main était maintenant nettoyée. Elle prendra certainement quelques jours à guérir. Sorsha allait y appliquer des plantes plus tard et peut-être utiliser sa propre magie lorsqu’elle sera à nouveau calme et détendue. Maintenant, il restait son genou. Elle pouvait prendre le bout de tissus et s’en occuper elle-même. Ou encore… Sorsha n’était même pas certaine de ce qu’elle était en train de faire. Elle attrapa le tissu de sa jupe et la remonta doucement jusqu’à dévoiler son genou blessé. Son cœur battait aussi rapidement que tout à l’heure et elle était prête à bondir au moindre faux pas, mais quelque chose était en train de changer.

Il faisait glisser le tissu sur la paume de Sorsha, crispant ses traits lorsque la wandraise grimaçait légèrement. Il avait l'impression de ressentir la douleur de la jeune femme à chaque fois qu'il lui faisait mal. Il s'appliquait, faisant de son mieux pour agir avec douceur, alors qu'elle lui parlait.

Du är en bra person. Eller är du galen. Hjälp dessa människor med bara kraften i dina nävar ... Jag var inte riktigt arg när du dödade den här mannen. Jag blev imponerad. Jag sa att du skulle gå eftersom du inte kunde stanna. Eftersom det imponerade mig, tänkte jag att jag inte borde se dig igen. Det blev farligt, men jag hade lovat att komma tillbaka ... Jag hade sagt mitt ord. Jag drömde om dig den kvällen...

Il releva le regard vers celui de la guérisseuse, entre la surprise et la joie. Elle avait rêvé de lui. Elle aussi, avait pensé à lui, même dans le Royaume des songes. Un sourire, plus franc que précédemment, étira les lèvres du wandrais, son coeur cognait plus fort, résonnant dans ses oreilles lorsque Sorsha releva le bas de sa robe pour découvrir son genou. Un feu brûlant s'alluma dans son ventre et sur ses joues, lui picotant le nez et le bas ventre qui s'était pourtant calmer entre temps. Il ne connaissait pas tous les sentiments qu'on pouvait éprouver, mais il savait que celui-ci était du désir charnel. Il chassa ses pensées, ne souhaitant en aucun cas brusquer Sorsha, ni l'apeurer.

Uthred plongea le linge dans l'eau, nettoyant le sang qui l'avait déjà imbibé en prenant une grande inspiration pour calmer ses ardeurs. Il passa sa main derrière le mollet de la wandraise et la remonta jusqu'au creu du genou, avant de glisser le tissu de nouveau propre, sur la plaie où s'était logé de petits cailloux. L'écorchure était profonde et le sang ruisselait sur la peau douce de Sorsha. Il tenta de se concentrer sur sa tâche en poursuivant la discussion, comme si de rien était.

Kanske är jag galen, ja. Men om jag inte hjälper dem, vem kommer ? Du hjälper också andra. Du har livets andar och du drar nytta av dem de som korsar din väg.
Peut-être que je suis fou, oui. Mais si je ne les aide pas, qui le fera ? Toi aussi, tu aides les autres. Tu as le don des Esprits de la vie et tu en fait profité ceux qui croisent ta route.

Le rouge lui montait aux joues lentement et ses entrailles recommençaient à danser la gigue dans son ventre. Il avait envie de l'embrasser à nouveau, de sentir sa peau contre la sienne et ses jambes autour de sa taille. Cesser de parler pour la serrer contre lui, mais il devait se retenir. Elle était comme un animal sauvage, qu'il fallait approcher lentement, avec respect et déférence. Il devinait la naissance de sa cuisse, à la fois si proche et si loin, tentant de ne pas fixer son regard dessus, même s'il avait envie de la découvrir et de la caresser et l'embrasser. Il déglutit, résistant à ses pulsions, et tenta de poursuivre la conversation.

Och så ... Vad gjorde jag i din dröm? Kanske har andarna gett dig en vision om framtiden.
Et donc ... Qu'est-ce que je faisais dans ton rêve ? Peut-être que les Esprits t'ont transmis une vision du futur.

Sans qu'il y prenne garde, la main à l'arrière de la jambe de Sorsha avait légèrement glissé sur la cuisse de la jeune femme et il ne nettoyait plus la plaie. Il la regardait, simplement, sentant son coeur sur le point d'exploser tant elle semblait plus belle encore qu'avant, le souffle du wandrais devenant presque difficile tant ça cognait fort dans sa poitrine.

« Ibland önskar jag att jag inte hade den här gåvan. Han har ofta orsakat mig problem ... Men jag vet också att han räddade mitt liv. »
Parfois, je souhaiterai ne pas avoir ce don. Il m’a souvent causé des problèmes… Mais je sais aussi qu’il m’a sauvé la vie.

La main d’Uthred qui se posa sur son mollet fit naître de petits frissons qui hérissèrent tous les poils de son corps. Elle avait rêvé à cette main, celle-là même qui s’était posée sur son épaule et l’avait empêché de tomber. Sorsha suivait les gestes d’Uthred avec attention. Chaque caresse, même légère, se répercutait dans tout son corps, comme les rides à la surface d’un lac où l’on vient de jeter un caillou. Elle essaya de focaliser son attention sur la blessure qui n’était pas particulièrement jolie à regarder, mais Sorsha surprenait ses pensées à dévier. Et son regard aussi. D’abord la main puis l’avant-bras d’Uthred. Puis un peu plus haut, son bras et la courbe de son épaule. Il était musclé, fort. Elle se surprit à vouloir toucher, elle qui n’avait aucune idée quoi faire avec ses mains. Non, elle ne pouvait pas. Elle ne devait pas. Sorsha serra les poings. Elle avait la bouche sèche et des papillons dans le ventre. Elle sentit aussi cette chaleur se répandre dans ses entrailles et plus bas encore. Elle déglutit péniblement. De son côté, Uthred continuait la conversation. Soit ses malaises avaient passé, soit il essayait tant bien que mal de les ignorer.

« Jag drömde om dina händer. » J’ai rêvé de tes mains. Elle leva les yeux pour le regarder l’instant de quelques secondes à peine avant de détourner la tête. Le simple fait de croiser son regard amplifiait toutes les sensations qui se bousculaient déjà dans son corps. Il ne nettoyait plus la plaie maintenant. Sa main chaude et calleuse avait glissé sur sa cuisse. Quoi faire maintenant? Elle aurait aimé le savoir. Devait-elle le repousser — ce qu’une part d’elle souhaitait encore — ou le laisser faire? Si elle le laissait faire… Sorsha n’eut aucun mal à imaginer cette main glisser un peu plus sur sa cuisse et ailleurs. Peut-être qu’elle savait instinctivement ce qu’elle voulait, que son corps connaissait la danse sans l’avoir dansé. Il suffisait de l’écouter, mais ça voulait aussi dire se laisser aller et ça, la Wandraise n’était pas certaine. Pourtant, elle finit par tendre la main tout doucement comme si elle s’apprêtait à toucher un animal sauvage et la posa sur celle d’Uthred qui était sur sa cuisse. Elle n’essaya pas de le repousser. Elle était juste posée là. Le simple geste la fit tellement rougir...

Qu'il était difficile de se concentrer sur la conversation qu'il essayait d'entretenir avec Sorsha, alors qu'elle était si proche de lui, l'autorisant silencieusement à toucher sa peau soyeuse, à respirer son parfum. Elle parait avec douceur, presqu'en chuchotant.

Ibland önskar jag att jag inte hade den här gåvan. Han har ofta orsakat mig problem ... Men jag vet också att han räddade mitt liv.

Il respirait profondément, tentant de masquer aux yeux de la wandraise le désir et l'excitation animale qui montait en lui. Leurs regards se heurtèrent et il baissa les yeux vers la plaie, s'appliquant à la nettoyer sans lui faire mal, s'interrogeant sur le rêve de Sorsha.

Jag drömde om dina händer.

Ses gestes s'arrêtèrent et son regard se redressa vers celui de Sorsha. La main de la wandraise se posa sur la sienne qui avait glissé sur le bas de la cuisse. Elle ne l'ôta pas comme il le crut de prime abord. Elle posa sa main sur la sienne, lentement, sans dire un mot. Le galbe de la jambe de la wandraise était déjà visible sous les plis de la robe légère de lin et cette main semblait être une invitation à le confirmer d'une caresse. Uthred sentait son coeur battre dans ses tempes et la chaleur envahir son corps. Il réussit à articuler malgré tout.

Mina händer...
Mes mains...

Ses yeux bleu glacial étaient rivés dans ceux de la wandraise, tandis qu'il remontait doucement la cuisse de Sorsha, la laissant arrêter le mouvement de la sienne, dès qu'elle le jugerait être aller trop loin. Il se pencha en avant, sa respiration se faisant un peu plus courte et vive. Les doigts glissaient lentement sur la peau de la wandraise tandis qu'il approchait le visage de celui de Sorsha. Une goutte de sueur perla sur son front et se mit à rouler le long de son oreille pour se perdre dans sa barbe. Il avait déjà prit une femme, mais il ne l'avait jamais désiré. Pas comme ça, pas avec celle qui obsédait ses pensées depuis leur première rencontre, pas avec le coeur qui martelait sa poitrine tellement fort qu'il aurait pu en jaillir, pas avec une femme qui faisait s'évanouir le reste du monde lorsqu'elle était avec lui. Son cerveau était embué de désir et sa main rejoignait le haut de la cuisse en relevant lentement la robe de la wandraise. Les lèvres d'Uthred effleurèrent celle de Sorsha, leurs souffles se mêlèrent, puis, alors que ses doigts atteignaient l'aine, s'appliquant à ne négliger de leurs caresses aucun centimètre de peau, leurs lèvres se rencontrèrent. Vraiment. Naturellement. Ardemment.

Ses mains, sa main, celle-là même qui continuait sa lente remontée le long de sa cuisse, plus haut encore, laissant sur son épiderme la trace brûlante de son toucher. Uthred avait franchi en quelques minutes plus de barrières et d’interdits imposés par Sorsha que bien des gens par le passé. Elle plongeait dans l’inconnu, guidé par un homme qu’elle connaissait peu, mais qui a envahi ses pensées et ses rêves sans ménagement. Elle avait été si fâché en se réveillant le matin suivant, la peau moite par les souvenirs trop vifs de ses songes. Elle l’aurait tué si la raison ne l’avait pas emporté à ce moment-là. Un homme pouvait-il être justement tenu responsable des rêves d’une autre personne? Seuls les Esprits ont ce pouvoir. Ainsi, soit ils s’étaient moqués d’elle, soit ils lui avaient envoyé un signe. Dans un cas comme dans l’autre, les sensations élaborées par son imagination cette nuit-là n’avaient rien à voir avec la réalité. Tout était si intense, merveilleux, terrifiant et pourtant si désirable. Sorsha commençait à comprendre pourquoi les gens recherchaient autant la proximité physique des autres. Elle découvrait à peine, mais l’aperçu était aussi révélateur que tentant.

Dans l’immédiat, Uthred menait la danse, mais Sorsha ne voulait pas rester immobile et ne pas avoir un semblant de contrôle. Leurs lèvres s’étaient retrouvées pour un autre baiser. Cette fois, elle ne le repoussa pas. Ils étaient attirés l’un à l’autre par des forces qui les dépassaient. Elle commença à mimer ses mouvements, découvrant — et appréciant — ce nouveau pouvoir qu’elle semblait posséder, celui de la séduction. Sorsha ne sera jamais de celles qui cumulent les conquêtes comme autant de trophées que l’on cumule et dont on vante la combativité pour prouver sa supériorité, mais toutes les femmes aiment se sentir désirer. Savoir qu’elle pouvait mettre un homme à genou sans lui enfoncer préalablement une lame dans l’estomac était une nouveauté particulièrement intrigante. Sa seconde main se posa sur le torse du Wandrais. Un peu plus tôt, elle y avait senti son cœur qui martelait violemment dans sa poitrine. Il ne s’était guère apaisé depuis et semblait maintenant vouloir sortir de sa prison. Il n’allait pas mourir maintenant, non? Ça serait un vrai inconvénient et elle ne saurait pas trop quoi donner comme explication aux autres par la suite. Si c’était comme elle, il n’était pas à la limite du trépas. Non, au pire, Sorsha avait le souffle court comme si elle venait de faire un gros effort physique. Elle avait du mal à tenir le baiser. Embrasser et respirer en même temps devait demander de la pratique qu’elle n’avait pas. La jeune femme ne savait toujours pas quoi faire de sa main, mais elle n’eut pas trop à y penser. Tout naturellement, elle commença à glisser sur la musculature du wandrais. Impossible de ne pas apprécier la force qu’il dégageait. Elle avait vu des hommes solidement bâtis dans sa vie, mais aucun ne lui avait fait l’effet d’Uthred. Qu’est-ce qu’il avait de différent des autres? Rien, sauf une chose, mais une chose très importante : il ne l’avait pas réclamé comme si elle n’avait pas le droit de refuser et qu’elle lui appartenait d’office. Ça faisait de lui un homme brave, un qui méritait d’avoir ce que personne d’autre n’avait eu avant et qu’aucun autre ne pourrait jamais réclamer.

Sa main continuait, presque guidé par celle de Sorsha, à effleurer sa peau, atteignant les courbes de son entrejambe alors qu'il sentait le corps de la jeune femme frissonaer sous ses doigts. Leurs lèvres se rencontrèrent en un vrai baiser cette fois, se caressant et se goûtant avec une ferveur qui déclenchait un puissant incendie dans tout le corps d'Uthred. Elles se quittèrent un instant pour que les souffles se cognent avant de se rejoindre à nouveau, plus vigoureusement à mesure que le désir montaient en lui, en eux. Sa main sentit bientôt la chaleur qui émanait de l'entrejambe de la wandraise, elle aussi se consummait du même feu charnel qui les embrasait en cet instant.

Il sentit une main, fine et délicate se crisper légèrement sur son torse et cette tunique qu'elle lui avait sommé d'enfiler. Leurs souffles et leurs coeurs semblaient s'être mis à l'unisson, alors qu'il glissait la main aventureuse jusqu'au ventre de la guérisseuse aux yeux sauvages. Petit à petit, il découvrait le corps de la wandraise et sa peau douce et pâle. Interrompant ses baisers pendant un instant, qui sembla durer une éternité tant il se sentit loin d'elle, il passa une main sur le col et ôta la tunique d'un geste, faisant sauter une ou deux coutures au passage et revint se coller contre Sorsha. Le feu gagnait tout son corps et son bas-ventre était le coeur du brasier, alors qu'il se glissait lentement entre les jambes de la wandraise. Il rejoignit les lèvres charnues et rougies de sa compagne, alors que ses mains retrouvaient les douces cuisses de la jeune femme. Lentement, il souleva la robe de lin, qui glissa sur la peau blanche. Il la retroussa jusqu'à la naissance des fesses, puis passa une main dans le dos de la jeune femme pour les lui soulever en collant leur peau l'une contre l'autre. Ainsi soulevé à quelques centimètres du sol, la robe fut libéré et continuant sa course folle, dévoilant à chaque instant un peu plus de ce corps vertueux et enivrant qui avait hanté les pensées du wandrais pendant plusieurs jours. Au fil des baisers, les lèvres s'entr'ouvrirent, laissant parfois une langue caresser l'autre tendrement.

Maintenant le corps à demi-nu de la jeune femme contre le sien, il pivota pour se retrouver assis sous elle, et alors que que la robe allait dévoiler sa poitrine ronde, il lui caressa le dos en lui offrant un baiser plus passionné que ceux qu'il lui avait donné jusqu'alors. Et le tissu glissa, glissa, dévoilant les seins de la jeune femme, les offrant aux caresses et au baiser d'Uthred qui n'était plus que flammes et braises au contact du corps de sa compagne. La robe tomba à leurs côtés, alors que les baisers reprenaient, le wandrais quittant les lèvres pour venir gouter la peau du cou de Sorsha, puis ses épaules. La toile de ses braies étaient prêtes à craquer sous le brasier qui le consumait, qui les consumait tous les deux. Une main remonta jusqu'à la crinière de la guérisseuse et elle sembla s'y perdre une seconde. Il sentait sa peau contre la sienne, son souffle contre son souffle, son coeur contre son coeur et leurs corps prêts à fusionner.

Il vint un moment où les choses commencèrent à sérieusement accélérer. Sorsha, qui ne s’était jamais dénudé devant un homme, sut que ce serait bientôt le cas. Uthred commença à soulever la jupe de sa robe avant de passer un bras dans son dos pour la soulever juste assez pour faire passer le tissu. Il ne restait plus qu’à l’enlever. Sorsha sentit à nouveau la panique l’envahir. Qu’allait-il penser en la voyant? Elle ne s’était jamais vraiment souciée de son apparence à part ses yeux. Là, il allait tout voir : sa peau blanche et ses cicatrices, les creux et les courbes de sa silhouette. Elle ne voulait pas ruiner le moment, mais entre les assauts sulfureux de la bouche d’Uthred et sa nudité imminente, elle commença à frissonner entre ses bras. Sorsha ne voulait pas que ça aille trop vite. Elle voulait prendre le temps d’assimiler les choses. Peut-être qu’Uthred était en train de perdre la tête. On lui avait déjà dit que les hommes devenaient des bêtes dans ces situations, qu’ils perdaient leur capacité à réfléchir normalement. Mais avant qu’elle puisse dire quelque chose, le vêtement fut complètement enlevé et tomba sur le sol. Elle laissa échapper malgré elle une petite exclamation de surprise. Elle ferma les yeux et inspira profondément alors que les lèvres d’Uthred trouvaient le chemin de son cou. Sorsha passa ses bras autour de ses épaules pour se maintenir fermement.

Le Wandrais avait peut-être retiré sa tunique, contrairement à Sorsha, il n’était pas complètement nu. Elle pouvait sentir qu’il était à l’étroit dans ses braies bien qu’elle ne pouvait qu’imaginer l’inconfort qu’il devait ressentir. C’était à son tour de faire quelque chose. Plus nerveuse qu’elle ne l’aurait voulu, elle repoussa doucement, mais fermement Uthred. Seul un faible sourire de sa part devait le rassurer qu’elle n’avait pas l’intention de prendre la fuite. Les joues rouges, elle commença à jouer avec la corde qui retenait les braies. Sorsha pensait avoir un peu de mal, mais à sa grande surprise, le nœud de détacha facilement et le tissu glissa. Elle n’avait pas réalisé qu’il portait encore le vêtement trop grand dans lequel elle l’avait vu à son arrivée. L’essentiel était encore caché, mais elle n’avait qu’à tirer un peu pour que tout soit dévoilé. Sorsha a déjà vu des hommes nus, de loin et sans le vouloir. Elle savait à quoi s’attendre, mais de voir d’aussi près, ce n’était définitivement pas la même chose. Mais Sorsha n’était pas une froussarde dans la vie. Elle refusait de laisser la peur l’arrêter même si c’était difficile. Elle tira sur le tissu, mais ne put s’empêcher de détourner les yeux au dernier moment. Uthred devra s’aider un peu pour que le vêtement soit complètement retiré. Et juste comme ça, ils étaient tous les deux nus. Il y eut un petit moment de flottement durant lequel Sorsha ramena lentement son regard sur son compagnon. Elle voulait le regarder comme elle se soumettait à son regard aussi. Depuis le début, elle avait évité de poser les yeux sur lui et elle regrettait un peu maintenant, car il était vraiment très beau, très bien bâti. Elle se mordit la lèvre et tendit les mains pour le toucher à nouveau, son torse, son ventre et d’elle même, Sorsha vint retrouver ses bras.

Adossé au palmier, Uthred se délectait du goût de la peau et des lèvres de Sorsha, désormais dans le plus simple appareil. Ses formes voluptueuses ne firent que décupler l'envie et le désir qu'éprouvait le wandrais pour la jeune femme. Les pensées se bousculaient dans le crâne de l'Ours, tantôt sauvage, tantôt tendre, il voulait prendre possession de ce corps qui s'offrait à lui par des caresses, des baisers, des étreintes et de longs soupirs excités.

D'une main, elle le repoussa légèrement en arrière, interrompant une nouvelle fois leur corps-à-corps et l'union de leur peau, pour glisser légèrement sur ses cuisses. Elle lui adressa un doux sourire qui ne fit qu'accélérer encore les battements de son coeur. Elle était belle, la plus belle femme qu'il avait rencontré, peut-être même encore plus belle maintenant qu'il la découvrait nue. Le grain de sa peau, les quelques cicatrices, témoins de la férocité de cette femme, les courbes et les formes qui définissaient sa féminité, ces petits frissons qu'elle ressentait et qui venait chatoullait les muscles saillants du wandrais, tout lui apparaissait parfait, désirable. Elle plaça la main sous le nombril d'Uthred et après quelques secondes, parvint à dénouer la corde qui enserrait sa taille et maintenait ces braies, bien trop larges, à leur place. La toile du vêtement était tendu à l'extrême, presque douloureusement pour Uthred et malgré le geste peu assuré de la wandraise, ce fut comme une libération. Le regard de la jeune femme se détourna, encore farouche face au spectacle de l'excitation d'homme si proche de la sienne. Elle se mordit la lèvre inférieure, en une moue qui donna la sensation au coeur d'Uthred d'exploser littéralement en une vague de chaleur intense, puis elle se rapprocha, osant poser ses mains sur les muscles saillants de son torse et combler l'espace qui séparait leur peau. à nouveau, leurs lèvres se rejoignirent tandis qu'il glissait les mains sous les fesses charnues de la jeune femme pour l'inviter à unir leurs corps, au-delà de ce qu'elle n'avait jamais connu.

Les lèvres du wandrais quittèrent à nouveau celles de Sorsha pour glisser le long de son cou, palpitant et frissonant, et vinrent goûter la poitrine de la jeune femme. Lentement, Uthred souleva le bassin de la wandraise d'une main. Elle était si légère, si douce, si parfaite. Puis, il sentit la moiteur et la chaleur de l'entrejambe de la jeune femme caressait la tension du sien, déclenchant un frisson qui fit trésaillir ses muscles sous la peau. Et enfin, doucement, prenant garde à ne pas la faire souffrir, il trouva son chemin en elle, laissant son corps enrober le sien. Une sensation humide et soyeuse enveloppa sa chair, durcit de de désir pour elle et alors qu'elle glissait sur lui, lentement, il sentit un petit voile lui barrer la route pendant une seconde, avant de se déchirer et lui ouvrir les portes de la virginité de la wandraise. Les yeux rivés dans le regard de sa compagne, Uthred chercha l'accord de Sorsha pour poursuivre sa course et s'enquérir de son état. Il ne souhaitait pas lui faire le moindre mal, il voulait s'enivrer de son corps tout entier mais sans qu'elle n'en souffre. Il déposa un tendre baiser sur les lèvres de sa belle, guidant son bassin lentement vers le bas, afin qu'ils s'unissent totalement.

Sorsha ne s’attendait pas nécessairement à ressentir de la douleur. Ça n’empêcha pas la nervosité de monter d’un cran lorsqu’il se pressa sur sa féminité, mais il n’était plus question de reculer. Il occupait présentement toutes ses pensées et était le centre de son univers. Malgré la gêne, elle ne le quitta pas des yeux un seul instant lorsqu’il trouva son chemin en elle. C’était la première fois qu’elle voyait vraiment la couleur de ses yeux. L’inconfort se manifesta rapidement. Son souffle s’accéléra et quand la douleur devint plus forte, Sorsha enfonça ses ongles dans les épaules du Wandrais. Ça ne dura qu’un bref instant avant de s’estomper tout aussi rapidement.

« Vänta lite. »
Attends un peu.

C’était les premiers mots qu’elle disait depuis un moment. Sa voix était rauque, son souffle rapide. Elle lui intima de ne pas bouger, le temps que son corps s’habitue à cette présence. C’était une sensation étrange que de sentir quelqu’un en soi n’est pas désagréable une fois la douleur passée. Après une bonne minute, Sorsha n’avait plus mal. Elle bougea d’elle-même un peu pour vérifier en soulevant légèrement le bassin, provoquant du même coup une vague de frissons non seulement chez elle, mais chez Uthred aussi.