Au fait...(PV Artiön)

Appuyé contre un arbre pas si loin de l'Estel, Aegden avait fermé les yeux. Il ne s'en était rendu compte que récemment, la cité était calme malgré les divers bruits de la vie courante. Non pas calme, silencieuse.

Pour un elfe appréciant le silence, il le trouvait désormais presque angoissant, ce "calme". Parce qu'il évoquait plus qu'une simple vie paisible. Il savait que d'autres percevaient autre chose. Une chose qu'il n'avait pu, lui, percevoir que brutalement. Il n'était pas le seul a y être plus ou moins sourd mais ça l'attristait. En revenant de Thaar, il avait même espéré un déclic qui n'avait finalement pas eu lieu. Pourquoi n'entendait il pas ? C'était une question qui revenait souvent et il avait fini par prendre l'habitude de s'approcher de l'Estel quand il se la posait.

Comme si ça changerait quoi que ce soit...

L'elfe se redressa soudain en se rendant compte que le fil de ses pensées étaient un peu trop moroses à son propre goût.
Il soupira en se relevant et entrepris de rentrer à la caserne. Il ne se serait pas éloigné bien longtemps au final.

Et puis sur le chemin du retour c'est le palais du trône blanc qui attira son attention. La veille, le roi avait prononcé un discours qui l'avait laissé perplexe. Cependant il n'avait eut le temps de poser des questions a son ami. Il n'avais même pas pris le temps d'observer les réactions des autres leandrins en fait. Il avait tourné les talons à peine l'Aran avait-il fini sa dernière phrase.

Il pencha la tête sur le côté, l'air de réfléchir et puis se décida. Ça faisait un moment qu'il n'avait parlé au grand elfe autrement que dans un contexte officiel. Sans doute était-ce l'occasion...

-Bonjour. Est-ce que l'Aran est disponible ? Demanda-t- il simplement à un des gardes en faction.

Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.

Le tintement du métal contre le métal, puis un souffle lourd échappé de tes poumons. La douleur brûlant tes pectoraux engorgés alors qu’ils étaient débarrassés d’un poids qu’ils n’auraient pas pu supporter une seconde de plus. C’était ta thérapie. Ton moment à toi. Le moment de te recentrer et de réfléchir à la suite, l’esprit vivifié par la douleur du corps – en digne militaire.

Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer

Tes avant-bras se tendent, puis se plient chaque fois avec un peu plus de difficulté. Tu passes outre. Tu te satisfais chaque fois un peu plus d’avoir réussi à plier le bras. Tu te satisfais un peu plus chaque fois que tes biceps viennent à bout du geste. Tu souris finalement – s’il on peut tours appeler cette expression serrée par l’effort un sourire – lorsque tes bras finissent par céder. Les poids que tu soulevais retrouvent le sol. Tes muscles profitent d’une délicieuse minute de repos. Puis tu empoignes des masses plus lourdes encore pour reprendre la même manœuvre.

Entre cet exercice et ton règne, la différence était finalement bien ténue. Deux tours de force. Deux démonstrations de constance et de résilience. Un poids toujours plus lourd, que devait soulever un corps toujours plus proche de l’épuisement. Un poids toujours plus lourd, forçant le corps à se renforcer à chaque répétition.

Soulever la question de Naélis risquait de te voir forcé d’engager les épaules dans un mouvement de bras…

- Artiön ? la voix de ton épouse te parvient aux oreilles entre deux lourdes expirations Le Mainyth est venu te voir.

À ces heures de la journée, Kaëlistravaë et Elorëa étaient les seules barrières entre le reste du monde et toi. Et paradoxalement, c’était probablement à ces heures de la journée que tu étais le moins accessible. Vieil elfe mais jeune père, les moments passés avec ta femme et à ta fille occupaient finalement presque tout ce qu’il te restait du peu de temps libre que te laissaient tes devoirs cumulés d’Aran, de soldat et de mage.
Alors tu t’étais résolu à ce qu’à l’occasion, tes moments à toi ne le soient plus entièrement.

- Fais le… un râle d’effort coupe les deux parts de ta phrase entrer.

Les paumes fermement agrippées sur les barres de ta station, les jambes lourdement lestées, c’est alors que tu te soulèves à la force de la poitrine que tu accueilles ton ami. Pas de grandes salutations, pas de formalités, tu te contentes d’un hochement de tête contrit quand tes bras sont au bout de leur extension. Tu es ici pour suer, et tu ne comptes pas t’arrêter pour parler.

- Alors Aegden, tu fais une descente contrôlée pour immédiatement remonter tu voulais me parler ?

Aegden avait haussé un sourcil, il ne s’était évidemment pas offusqué du salut sommaire de son ami, mais il avait été surpris de le trouver ainsi. Ce n’était pas vraiment le contexte qu’il avait imaginé lorsqu’il avait pris le chemin du trône blanc. Artiön ne cesserait visiblement jamais de sans cesse se pousser à bout....

-Quand j’ai demandé si tu étais disponible, c’était pour éviter de te déranger dans un moment comme ça… Il grimaça une demi-seconde avant de reprendre un air plus neutre. Enfin bref. Je voulais te parler, oui.

Il fixa un instant le grand elfe. Ces tatouages…Étaient-ce réellement l’œuvre des noss ? Artiön avait-il vraiment laissé les Ornedhels marquer ainsi sa peau ? Sans s’en rendre compte, ses doigts vinrent effleurer le tracé des cicatrices sur sa joue. Et puis la main retrouva sa place et l’elfe sembla sortir de sa brève torpeur.

-Tu as dû lire mes lettres et mon rapport donc tu sais probablement ce qui s’est passé de mon côté ces derniers temps, mais j’étais simplement curieux de savoir ce qui en était du tient. Le soldat eut un vague sourire quoique presque triste. J’ai écouté ton discours hier, tu sais. Il marqua un bref silence. Mais ce n’est pas vraiment pareil que te poser directement la question. Termina-t-il en haussant les épaules.

Il ne voulait pas te déranger… c’est qu’en réalité, dernièrement, il devenait de toute façon difficile de faire autrement. C’est que si le rythme que tu imposais aux elfes leur semblait infernal, le rythme que toi tu devais tenir pour le leur imposer l’était encore plus. Malgré tout tu restais étrangement tranquille. L’enchaînement des déconvenues de la dernière expédition en Aduram, puis de ton passage chez les Noss avait fait cela. Après une telle remise en perspective, difficile pour toi de perdre contenance comme cela aurait pu être le cas avant, quand le pire te semblait toujours à venir, et que tu avais peur que les armes pour le combattre te manquent.

Ta poitrine se soulève dans un effort final en même temps que se soulèvent les épaules du lancier. Tes pieds tombent lourdement au sol en même temps que retombent ses épaules. Tu te baisses pour délier les poids attachés à tes chevilles, et enfin, ton attention se reporte plus entièrement sur Aegden. Tu as deux minutes de repos pour en dire le maximum avant de devoir passer au prochain exercice.

- Ces temps-ci je n’ai pas vraiment de moments plus tranquilles que ça malheureusement. tu t’étires les épaules en continuant ton discours Mais si ça peut te rassurer tu ne me déranges pas le moins du monde. tu te laisses tomber sur l’ersatz de siège le plus proche J’espère juste que ça ne te gêne pas toi.

Tu soupires, relançant ton train de pensée dans un sens plus approprié à la discussion qui semble se lancer. Fort est à douter que sur l’instant, une potentielle intervention de vos armées à Naélis soit la préoccupation d’Aegden.

- Si tu veux tout savoir, le mois dernier, m’assurer que l’expédition en Aduram et toutes les déconvenues qui ont pu en découler ne fasse pas trop de remous chez les nôtres m’a beaucoup coûté en énergie. le coudes sur le genou et le menton sur le poing tu continues Alors avant de craquer, j’ai décidé de prendre quelques temps de retraite auprès de ma famille à Daranovar, tu souris doucement sauf qu’au bout de la route notre convoi a été interrompu par des Ornedhels. tes mains se rejoignent devant tes yeux baissés J’ai plus ou moins été pris de force.

Tu aurais pu dire non. Sauf que c’était un risque que tu ne voulais pas prendre, pas après ce qu’il leur était arrivé à eux. Et puis… en réalité, ta curiosité avait trop été piquée à vif pour que tu refuses.

- Au final, j’aurai passé une grande partie de ma retraite auprès des Ornedhels, à essayer de comprendre leur manière de voir le monde, et de leur partager la mienne. tu te relèves avec lourdeur Mais je dois bien avouer avoir eu de la chance. Les Lirfelû avec qui j’ai passé ces quelques ennéades sont le clan de mes ancêtres, et en tant que tel m’ont probablement accordé plus de crédit que ne l’auraient fait d’autres. Eux auront d’ailleurs été assez humbles pour reconnaître qu’en tant Aran mon pouvoir était grand. tu te saisis à nouveau d’une haltère de poing Ce n’est pas souvent que tu entendras des Ornedhels avouer que les Cités ont un rôle important dans leur propre style de vie.

Tu t’assieds à nouveau, tend le dos droit, et passe l’haltère derrière ton crâne. À nouveau commence un travail de tension – détente.

- Ils ne demandaient qu’à me voir devenir un meilleur Aran. Parce qu’après tout, qu’ils le veuillent ou non, d’une certaine manière, je suis aussi leur Roi. ta main libre fait mine de monter vers ta tête avant d’immédiatement retourner s’accrocher à ton assise Je suis convaincu qu’ils étaient sincères. Les marques sur mon crâne sont censées être le symbole de cette reconnaissance. tu souffles longuement Disons que tout cet enchaînement de circonstances aura remis pas mal de choses en perspective.

-Ils t’ont attaqué et tu les as suivis quand même ?! Aegden ne comprenait pas, il eut un léger mouvement de recul. As-tu perdu la raison ? Malgré sa perplexité, la voix du soldat était tout de même restée relativement calme.  

Avec l'Aran entre leur main, les noss avaient eut toute les occasions du monde d'essayer d'atteindre ces cités qu'ils haïssaient tant.

-Les Ornedhels ne reconnaissent rien tant que ça ne vient pas d’eux. Il darda ses prunelles dans celle de son ami. Quand bien même n’était-il pas le plus chaleureux des elfes, il y avait une amertume relativement nouvelle dans sa manière de réagir. Je comprends que ça soit tentant. Et peux être que tu as effectivement réussis à gagner leur respect le temps de ton séjour, mais crois-moi, dès qu’ils en auront l’occasion ils retourneront cette chance contre toi. Et contre le reste des cités, parce que tu les représente.

Pendant longtemps il aurait acquiescé à la vision du roi, même en y ajoutant une légère teinte de méfiance. Pendant longtemps il n’avait jamais considéré les Ornedhels autrement qu’une partie différente et étrange du peuple elfe, qui ne mordait que lorsque l’on mordait. Pendant longtemps il avait tendu la main.

Trop de fois il avait été déçu, trop de fois cette main avait été mordue sans raison et peu à peu la méfiance était devenue peur...

-Aucun citadin ne sera jamais assez bien pour eux. Pas même toi Artiön. Quoi qu’ils en disent. On pourrait essayer tout ce qu’on veut pour comprendre leurs visions du monde, eux ils sont incapables de comprendre la notre. Il eut l'air profondément déçu. Ils ne veulent pas la comprendre plutôt...  

Les masses que tu utilises sont lourdes, mais d’entre elles et le discours d’Aegden, tu pouvais garantir l’acier être de loin le moins pesant. L’avis actuel du Mainyth, tu le sais être partagé par de nombreux autres. Tu ne pouvais finalement que t’attrister de voir un elfe que tu savais avoir été plus mesuré dans ses positions glisser en direction de cet extrême. Seulement tu ne pouvais ni lui en vouloir, ni complètement lui donner tort. Après ce qu’il avait vécu aux mains des Noss à cause de « simples » divergences de points de vue, il devenait difficile d’argumenter face à lui contre son expérience… mais son expérience n’était pas la tienne. C’était là tout le grand problème des Noss.

- Le souci des Noss… tes sourcils se froncent et ta mâchoire se serre devant l’effort c’est que l’entité « les Noss » n’existe pas. ton haltère change de main pour reprendre la même chose Contrairement à nous, Citadins, qui malgré les différends existant entre les Protectorats avons un mode de vie et des coutumes communes, d’un clan à l’autre, la perception du monde peut être radicalement différente. tu souffles Tu te souviens probablement des Iarin’Dath, que le nom d’I Hall suffisait à rendre complètement fous ? Et bien au même moment, pour certains clans d’Holimion, Tari est presque plus importante qu’I Ëmel.

Même au sein d’un Protectorat… les Lirfelû et Lantaluîme étaient d’honorables combattants, qui à l’occasion échangeaient même des denrées avec vous Citadins. À l’opposé les Tava’Meär étaient le cauchemars des patrouilles de la milice, et n’étaient source de peu de dégâts que bien parce que les forces que vous représentiez les intimidaient assez pour qu’ils comprennent avoir trop à y perdre.

- Je ne me fais pas d’illusions. Les Ornedhels n’auront jamais totale allégeance qu’à La Mère, et sachant les traditions qui régissent le fonctionnement de certains de leurs Clans, ce ne sera jamais suffisant pour que notre fraternité soit vécue sous des signes d’harmonie et de tranquillité. Les Noss sont imprévisibles, inconstants et têtus. Une entente avec eux est un combat de tous les jours, mais c’est à mon sens un combat qui vaut la peine d’être livré.

Tes sourcils se lèvent quand tu te rends compte avoir interrompu tes gestes pour cette dernière diatribe, et forçant quelques instants de silence entre Aegden et toi, tu termines de pousser tes bras à vous, le visage laissant entendre qu’il n’était pas encore temps pour lui de te répondre.

- Chaque petite victoire compte. tu te lèves, et t’approche du combattant Et chaque bataille abandonnée avant d’être livrée est une défaite. tu poses tes mains sur les épaules d’Aegden, les yeux sévèrement plongés dans les siens Nous avons plus à perdre à ne pas essayer qu’à échouer Aegden.

Tes doigts se serrent sur ses épaules. Fort. Trop fort. Après plus d’une heure à pousser au bout de tes forces, tu as un peu plus de mal à les contenir qu’à ton habitude.

- C'est peut-être Naïf de ma part de penser cela. Mais je suis loin d'être un idiot. Et encore moins sans défenses. tu hoches la tête, appuyant l’ordre à venir comme s’il fut doux Là-dessus il faut que tu me fasses confiance.

-Tu restes mon ami en plus d’être mon protecteur et mon roi. Je te fais confiance Artiön, tu n’es ni un idiot ni un incapable sans défense et tu ne l'as jamais été à mes yeux.

Il marqua un bref silence. Il avait l’air bouleversé. Un rien semblait pourvoir faire chavirer l’agile lancier. Chaque victoire comptait… Il valait mieux tenter, quitte à échouer… Vraiment ?

-J’ai essayé… Et j’ai failli absolument tout perdre. Il secoua tristement la tête. J’ai laissé Lyo être mutilé par Faelwen. Parce que je pensais les Iarin Dath raisonnables. J’ai trahi les miens parce que je pensais que les druides nous aideraient. Il déglutit sans pour autant rompre le contact visuel que lui avait presque imposé l’immense elfe. J’ai cru que Lareless avait tués tous mes camarades, parce qu’on a juste continué notre chemin. J’ai cru devenir fou, à cause des voix qu’elle a provoqué… Un court instant ses yeux s'écarquillèrent, comme si le fait d’évoquer cet enfer le rendait à nouveau réel. Pourquoi ? Sa voix vacilla une seconde. Parce qu’on voulait sauver Alëandir. Elle était prête à nous torturer pour qu’on arrive pas à destination. Alors que je lui ait donné toutes les explications disponibles. Informations que je n’ai même pas donné aux Ardamiris.

Il avait donné plus à la druidesse qu’a ses frères.

-Qu’est-ce que j’aurais perdu de plus à me méfier d’eux ? Acheva-t-il avec le même ton las.

Lyorindel n'aurait peut-être pas manqué de perdre ses jambes. Oreleth n'aurait peut-être pas été obligé de raccrocher les armes pendant un temps au moins, Malgelir n'aurait pas vu sa magie se déchaîner comme elle l'avait fait...

Oui sans doute les Ornedhels étaient-ils aussi différents que pouvaient finalement l’être les citadins. Mais cela n’empéchait pas les similitudes dans leur comportement. Ça n’empéchait pas le fait qu’il était finalement impossible de savoir si l’ont en croisait un pétri de bonne intentions ou si cinq mètres plus tard l’on allait tomber dans un guet-apens qui vous marquerait des ennéades durant…

Il finit par baisser le regard vers le sol, bougeant son épaule pour faire comprendre à son interlocuteur qu’il lui faisait mal à le tenir comme ça.

- La vie Aegden.

Tes mains se crispent encore un peu plus sur les épaules de ton ami, pour qui la situation finit par devenir insupportable. Il fait mine de se dégager, et tu comprends finalement, ton visage s’adoucissant en même temps que ta poigne. Tes mains ensuite remontent jusqu’à son cou, et se posent paumes contre ses joues. Tes pouces appuyant contre ses pommettes comme pour maintenir son regard vers toi, et tes index et majeurs lui massant l’arrière du calme pour l’aider à se calmer.

- Aurais-tu réagi plus vivement au comportement de Faelwen qu’elle aurait été justifiée dans ses craintes et aurait pu commettre bien pire. le disque d’or cerclant tes pupilles s’illumine quelque peu, la pulse d’Aegden se faisant plus distincte à tes sens Aurais-tu choisi de ne rien confier à Lareless que vous n’auriez pas été épargnés par son champ de mort. Et d’autres auraient probablement suivi, jusqu’à ce que l’on finisse par comprendre et qu’une véritable guerre ne se mette à couver.

Aegden ne le comprenait pas, parce que lui avait vécu le cœur des choses, sans véritable recul sur ce qui lui arrivait. De ton côté, toi qui orchestrait une part des communications et t’étais chargé d’assurer la discrétion de l’opération… tu avais eu plus de temps pour réfléchir aux potentielles implications de leurs gestes, comme à celles des gestes qu’ils t’ont décrit de ceux qu’ils ont pu rencontrer.

- Il y a des choses sur lesquelles nous ne pouvons pas demander aux Ornedhels de tomber d’accord avec nous. Ils sont bien trop ancrés dans des traditions bien trop vieilles pour ça. tu soupires Mais au moins, lorsque des elfes font comme toi, et font un geste en leur direction, alors ils sont capables d’être un peu moins absolus.

Tes mains quittent leur place, l’une pour se poser contre ta hanche, l’autre pour tapoter l’épaule du Commandant.

- Le simple fait que tu aies pris le temps de parler, et d’essayer au moins de montrer aux druides que nos intentions sont aussi louables que les leurs a certainement eu plus de conséquences que tu ne l’imagines. tu souris doucement Déjà sans ça, les Lirfelû n’auraient jamais su, et sans eux vous ne seriez peut-être jamais arrivés jusqu’en Aduram. Ensuite, la druidesse n’aurait eu aucun remord à avoir, vous auriez disparu de la même manière que ces pauvres Ardamiris, d’autres seraient allés à votre recherche, auraient disparu de la même manière, et quand au prix d’on-ne-sait combien de vies, les circonstances de ces morts auraient été découvertes, alors la confiance de la face Taledhelle entière de notre peuple en les hérauts serait morte. Et là pour toute l’autorité que j’ai, je n’aurais pas pu empêcher à une guerre fratricide innommable de débuter.

Tu recules un peu, et croises les bras sous ta poitrine. Tu baisses un instant la tête avant de la relever vers ton ami.

- Et puis remonte en arrière et repense à Faelwen. Ils n’auront peut-être pas duré bien longtemps, mais elle aura au moins essayé de faire quelques efforts pour en apprendre un peu sur nous. tu soupires, repensant à la corvée que ç’avait été ne serait-ce que de supporter ses incessantes accusations Et maintenant la petite Ungwë, même si elle ne le comprend pas est – je le pense – au moins capable de voir ce que nous défendons. tu lèves un peu le menton, tes yeux se plissant légèrement Et après être entré en Aduram avec vous, même si elle refuse de l’avouer, c’est une preuve de plus de l’importance de notre rôle en Anaëh.

De petites victoires. De petites victoires dont les fruits étaient bien discrets.

Le jeune elfe eut un mouvement de recul, se crispant comme si les mains d’Artiön étaient des fers chauffés à blanc. Artiön ne s’en doutait visiblement pas mais le soudain contact de ses mains sur son visage lui était particulièrement désagréable. Non seulement ça ne le calmait pas mais ça le mettait bien plus mal à l'aise.

Cependant il ne dit rien, se contentant d'afficher un air à mis chemin entre l'angoisse et la gène. Il voulait bien écouter ce que son ami avait à dire mais d’abord…Il posa sa propre main sur le poignet du roi et ce dernier comprit visiblement puisque qu’il se contenta finalement de lui tapoter l’épaule.

L’effet fut immédiat. Aegden eut l’impression d’a nouveau pouvoir respirer. Ce n’était pas la faute du mage et il ne lui en voulait pas. Il aurait réagi de la même manière peut importe l’elfe qui aurait posé sa main sur ses cicatrices. Même Neassa-Laella avait pu constater au moins une fois – certes, dans une moindre mesure- ce type d’appréhension. Le premier guérisseur auquel il se souvenait vaguement avoir parlé peu après la débâcle drow lui avait expliqué qu’il fallait en règle générale quelques mois pour qu’après une blessure et un choc, ce genre de comportement réflexe disparaisse. Sauf que ça faisait presque 10 ans maintenant. Il passa machinalement sa main sur la cicatrice dans son cou, comme chassant une douleur imaginaire et soupira.

-J’ai l’impression d’avoir passé des ennéades à avancer à l’aveugle. Un instant il fixa ses mains, paumes ouvertes devant lui avant de relever la tête vers son ami, sans se rendre compte que pour lui son geste n’avait probablement pas de sens. Sans aucun moyen de savoir où aller… Ses doigts se refermèrent et ses mains retrouvèrent leur place naturelle. 

Il se sentait perdu, comme s’il n’était plus capable de discerner les bons choix des mauvais. Comment pouvait-il protéger les siens s’il était aussi aveugle ? Comment faire lorsqu'on ne pouvait plus faire la différence entre victoire et défaite?

-Comment tu fais Artiön ? enchaîna-t-il après un silence.

A nouveau il fixa les prunelles étranges de son ami. Était-ce là aussi le fait des noss ? Aegden avait peut-être l’air moins bouleversé mais toujours empli d’une trop grande lassitude. 

-Pour être toujours certain de faire le bon choix je veux dire. Les cité abandonnées, le conseil pour Faelwen, Thaar, tes noss à Daranovar. Tout ça, ça semble tellement... déraisonnable. Mais tu continues et quelque part ça fonctionne…Au moins un peux...

Chaque petite victoire comptait...

Peut-être ne devrais-tu pas. Peut-être serait-il temps maintenant de montrer à celui qui te fait face l’importance que tu accordes à ses mots, et d’enfin t’asseoir face à lui pour ne plus rien faire d’autre que l’entendre et lui répondre. Ou peut-être pas. Si Aegden te faisait réellement confiance, alors il saurait le poids qu’ont ses mots même si tu ne les accueilles pas immobile et face à face. Si Aegden te comprenait moitié autant que tu le pensais te comprendre, alors il savait que ce n’est que pour être mieux capable d’encaisser et supporter des déclarations comme celles-ci que tu fais ce que tu fais.

Tu recules jusqu’à un râtelier sur lequel était posée une barre à hauteur de tes épaules, passes sous la barre avec tout le naturel du monde, l’apposant par la même occasion contre ton dos, et la saisissant de tes mains. Tu te redresses, séparant les quatre quintaux de métal de leur promontoire, et prends un pas de recul. Déraisonnable… peu de choses sont déraisonnables dès lorsqu’on se sait capable d’en assumer les conséquences.

- J’ai juste assez confiance en mon peuple, tu te baisses lentement, mettant tes jambes à l’épreuve en moi-même, tu te redresses et souffles et surtout en I Mîngely, tu plies les genoux à nouveau pour me permettre de prendre des risques. tu inspires fortement, avant de reprendre de la hauteur Si c’est le bon choix je n’en sais jamais trop rien. tu te baisses plus bas encore que les deux premières fois Je sais juste que c’est celui qui me paraît le bon. tu te redresses avec grande difficulté Et que… tu fais un pas en avant, et rends le poids au râtelier pour l’instant si La Très Sage permet que je sois suivi, c’est qu’il y a quelque chose à en tirer.

Tu forces ta respiration à garder un rythme régulier, et t’empêche de céder à l’envie d’engouffrer plus d’air que de nécessaire.

- Si la vie m’a appris quelque chose, c’est que l’on n’obtient rien… tu souffles sans aller chercher dans nos retranchements.

Tu te replaces à nouveau sous la barre de fer, place à nouveau tes mains de part et d’autre de tes épaules, empoigne à nouveau le métal, et bande tes muscles en préparation à l’effort.

- Et tant que l’on est assez fort pour y faire face, tu déloges à nouveau les quatre quintaux on en tire au pire une leçon. tu te baisses et te relèves sans ponctuer le mouvement de paroles, attendant d’avoir les jambes tendues pour terminer Le tout est de ne pas se montrer stupide… tes dents se serrent sur ta descente ou trop arrogant.