Une bonne flambée et ça repart |Kerath|

Liss'na attendait. Comme un lion en cage, la sombre était assise à l'ombre d'une tente qu'elle avait aidé à monter lorsque l'état major s'était redéployé ici, au plus prés des combats. Les ordres avait été clair : pas d'utilisation de magie une fois dans la ville. Aussi, une mysticiste ne servait à rien. Enfin plus précisément, sa magie ne servait à rien, mais était bien trop précieuse pour qu'on l'envoie risquer sa vie.

Depuis la découverte des créatures noires et le suivi de leur déplacement, les ordres s'étaient affinés. Désormais son expertise était plus qu'espérée mais personne n'avait pu lui donner le feu vert pour étudier ou tenter de traquer l'une des créature. Leur abord était encore jugé trop dangereux.

Alors elle était là, en réserve, à attendre que quelque chose ne se produise qui requiert son attention. Mais la drow détestait rester inactive. Alors elle avait monté des tentes, des tables, des fortifications de fortune contre un adversaire qui avait déjà été chassé lors de l'installation des officiers. Cette attaque était décidemment aussi étrange que le siège qui l'avait précédé.

Puis les blessés avaient commencé à affluer. Liss'na n'était ni infirmière ni médecin, mais elle avait proposé son aide, car avait-on déjà signalé qu'elle ne détestait rien de plus que l'inactivité ? Cette activité ne l'intéressait en rien, mais quelle était l'alternative? Attendre. Au moins elle pouvait se dire qu'elle était utile à l'Eda vengeur, en attendant que ce soit son tour d'aller au frond avant que ce dernier ne se tarisse. Tout en faisant un bandage, elle espéra que ce serait le cas.

" La tension de la bande n'est pas correcte. Elle risque de se défaire au moindre mouvement. S'il vous plait, pourriez vous le refaire ? "  La magicienne leva une paire d'yeux indifférent de son travail pour détailler sa patiente. Une prêtresse de Kiran, évidemment. Aussitôt la bande quitta la peau, et la combattante l'appliqua à nouveau, plus serrée. " Est-ce mieux comme ca? Une mage de guerre qui soigne une prêtresse de Kiran. L'ironie est palpable.
- Merci. La guerre est souvent ironique. "
La blessure était elle-même caractéristique. ""Elementaliste?"
- Non. Et vous ?
- Non plus. Je parlais de la blessure. Je suis mysticiste. Ca m'évoque du gel. Ca se passe bien sur le front?"
La prêtresse eut un sourire en coin qui se dessinait sous son masque.
- Bien vu pour le gel. C'est une de ces créatures... Mysticiste... suivez moi."
La drow arqua un sourcil, mais on ne désobéissait pas aux prêtres. Qui plus était, ce développement inattendu avait le potentiel de la sortir de la routine, voire même de l'envoyer sur le terrain. On pouvait rêver.

Confiant son materiel au soigneur le plus proche, Liss'na emboita le pas à l'officiante de Kiran. Elles se faufilèrent entre les toiles de tentes à la recherche du Général en chef. Ce dernier n’était pas difficile à trouver : déjà parce qu’il était imposant, qu’il portait son armure rouge vif et surtout parce qu’il n’était pas loin. En effet Kerath, après avoir ordonné à Na’ri d’aller se faire soigner, était partis voir où en était Murrpau et si les prêtres avaient pu retirer tous les tendons que l’engeance avait introduis dans le ventre du félin. Ce dernier était encore couché sur le flanc, il se reposait en soufflant bruyamment alors que des membres de divers clergés s’occupaient de lui.
" Murrpau ! Pauvre bonhomme… " La prêtresse regardait le félin avec curiosité. " Kerath ? J'ai trouvé quelqu'un qui pourrait aider à répondre à nos interrogations sur la nature des créatures… D'un geste de la main, elle présenta la daëdhelle dont elle ne connaissait même pas le nom.

La mysticiste, elle, s'était mise au garde à vous, immobile, le regard fier et droit comme devait l'être tous les bons serviteurs du dieu des conflits devant celui qui était, jusqu'aux dernières nouvelles, leur Karliik Glenn. La relation que semblait entretenir l'imposant drow avec cette prêtresse ne la concernait pas.

Liss'na évoquait quelque chose à Kerath. Pourtant, il ne l'avait vue nulle part lorsqu'il avait eu à discuter avec Xy'thloryth et sa clique. Non, si ce visage déterminé monté au sommet d'un corps robuste lui disait quelque chose, c'était pour une tout autre raison. Il l'avait vue à plusieurs reprise suivre sa fille de prés avec une fausse nonchalance qu'il connaissait fort bien : celle du drow préparé à accueillir comme il se devrait un éventuel coup fourré.
-  Maitre Liss'na Dhalmael, au rapport."

Le général attendit quelques instants, un genoux à terre avant de finalement se relever pour faire face à la prêtresse et à la magicienne, il desserra progressivement ses poings avant de finalement parler.

« Et en quoi tu peux nous aider? »

Lorsqu'on sert le C'nros depuis des siècles, aux ordres de Ditrown Da're et de Phord'ur pas toujours entièrement stables, on sait rester impassible et relier entre elles des brides d'informations parcellaires. Une brûlure de gel profonde mais bien dessinée, certainement magique mais difficilement attribuable ni à un nécromant ni à un élémentaliste, et ce d'autant plus sur une combattante, mais attribuée à une créature… Liss'na n'était pas spécialiste, mais elle ne connaissait rien capable de faire ca. Un dragon de glace peut-être? Non ce ne serait probablement pas aussi bien dessiné.

- La prêtresse ici présente pense avoir besoin d'un mysticiste, j'en suis une.
« Alors viens avec moi. » Et sans attendre de réponse il s’en alla vers le bordel où devait se trouver la créature enfermée.

Peut-être aurait-il fallu prévenir la Ditrown Da're. La mage attrapa le bras d'un soldat qui passait à proximité d'une poigne de fer, l'attira à elle et lui chuchota deux mots à l'oreille. L'instant d'après elle s'élançait pour rattraper le général.

Sur le chemin, la prêtresse avait informé la mysticiste de leurs découvertes, et répondu à ses questions du mieux qu'elle avait pu. "Le divan rouge" était tel que Na'ri l'avait laissé quelques heures plus tôt. Seul le vent qui faisait de temps à autre battre un volet mal attaché rompait le silence de mort qui accueillit les trois drow. D'ici, les clameur de la guerre paraissaient lointaines, effacées.

Personne ? Un sifflement attira leur attention. En face du bordel, une porte s'ouvrit pour laisser paraitre la silhouette d'un soldat drow qui les salua. Les cinq Eldéens qui étaient restaient en surveillance avaient aménagé l'endroit en poste de garde. L'un d'eux, sensible à la magie sans avoir pu devenir mage, surveillait les moindres changement dans la trame. Depuis le départ de la prêtresse, rien n'avait bougé. Depuis son arrivée, Liss'na ne quittait pas des yeux la maison de passe.

Laissant les hommes à leur surveillance, les Eldéens rouvrirent la porte du bordel pour pénétrer dans l'obscurité. La porte de la cuisine était toujours intacte et personne ne semblait avoir foulé le sol depuis le départ de Na'ri.
- La trame est perturbée. C'était mettre en mot une évidence. La mysticiste chercha dans sa mémoire un phénomène similaire ou s'approchant de ce qu'elle percevait maintenant.
- Je ne sais pas qui a lancé la rumeur du nœud magique, mais manifestement… il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il disait. C'est fascinant.
La prêtresse regarda interrogative la grande mage.
- Passons. La créature doit se sentir à son aise dans la cave de la maison. Mais dès qu'elle voudra bouger, je crains que le mur de pierre ne soit pas suffisant pour la retenir. Donc profitons en. Les soldats n'ont pas retrouver de mages la contrôlant, pourtant il me semble qu'elle ne soit pas vivante. Est ce que tu peux confirmer d'ici ?
La prêtresse regarda une nouvelle fois celle qu'elle avait déniché.
- Par contre Kerath, si tu veux vraiment voir la créature, je ne pense pas qu'une armure lourde soit le plus appropriée. Le métal devient plus froid plus vite que de la toile. Veux tu que je t'aide à te l'enlever ? Elle aurait pu y penser au camps, mais le général était pressé de se renseigner sur la créature. Peut être aurait ils dû prendre le temps de s'habillé plus chaudement, mais ils auraient dû revenir au camp. Finalement Viconia avait vu juste quand elle avait offert à la prêtresse un superbe manteau, les automnes étaient frais...
« Tu as raison mais ça ne sera pas nécessaire : j’ai des protections matelassées en dessous du métal. »
- Vous devriez pourtant, l'armure ne vous apportera aucune protection, mais vous ralentira. Elle même ne portait qu'une armure de cuir, et dans son dos une épée presqu'aussi grande qu'elle en plus d'une série de  couteaux.
« La créature passe à travers le métal ? »  Demanda-t-il en se tournant vers Na'ri.
"Je ne sais pas. Mais le metal absorbe le froid. Dans la maison, toute les parties métalliques étaient givrées. Après le froid est si intense qu'avec ou sans il n'y aura aucune différence. C'est comme tu veux. "
« Je serais peut-être plus agile sans mais je suis habitué à me battre avec et je n’ai pas envie que ma mémoire musculaire ne cause ma perte. »

Laissant ces compagnons à leur discussion, la mage de guerre avait fait le tour du salon sans plus un mot, puis s'était immobilisée, concentrée sur la trame, à essayer d'en remonter les fils sans les déranger, son regard absent. Elle plissa vite les yeux, la mâchoire serrée. C'était comme tenter de naviguer dans une mer déchainée. Rien à voir avec les belles lignes d'un nœud en effet. Pratiquer la magie là dedans ressemblait à une erreur.

« Alors, elle est où cette créature ? »

" Dans la cave. Cette porte donne l'accès à la cuisine. Mais une trappe est ouverte, et c'est de là qu'elle nous a attaqué. Je ne sais pas comment elle a fait pour savoir exactement où nous étions. " La prêtresse montra la porte qui avait été scellée assez simplement : avec de la cire issues de la multitudes de bougies odorantes que conservait la tenancière. " Tu veux descendre ? Je vais aller chercher de quoi nous éclairer. "A ces mots, la prêtresse partit piller à nouveau la réserve des bougies aux formes étranges et suggestives quand ce n'était pas des bougies dont la cire pouvait aussi être utilisée comme l'huile de massage.
Quand elle revient, elle tendit une chandelle aux formes généreuses représentant la Sulfureuse.
" Prends celle ci, c'est celle qui sent le moins fort. "

Leur camarade n'avait pas bougé d'un pouce. Finalement, elle cligna des yeux et se tourna vers ses acolytes. Son regard se posa sur le visage de Kerath, puis la bougie qu'il avait en main, puis à nouveau Kerath. C'était bizarre, il n'aurait pas du lui rappeler sa fille ainsi. Qu'est ce… Cela n'avait aucune espèce d'importance.

Attendez. Cette... anomalie magique est puissante, vous ne voulez tout de même pas vous en approcher de prés sans protection adaptée? Je doute qu'une armure ne vous protège…. Ni une statuette d'Isten d'ailleurs. Malheureusement.

Elle se tut un instant avant de reprendre.

- C'est de la magie de l'ombre. Mais il n'y a pas de mage pour la maintenir. C'est autonome. Ca... affecte le monde. C'est une aberration. Je pourrais circonscrire l'effet probablement. Vous pourriez entrer sans risque. Mais je ne sais pas combien de temps je pourrais faire ca, ni si ça vous avancerait beaucoup.

Et la magicienne de poser un doigt sur les lèvres et de sourire. J'y pense… Je ne peux rien garantir. Mais peut-être serait-il possible de l'influencer.

- C'est potentiellement risqué. Ajouta-t-elle aussitôt en forme de dénégation de responsabilité.

« Aujourd’hui le Père nous regarde, rien à foutre des risques. » Il attrapa la bougie et se dirigea vers la cave. « Je vais descendre pour voir comment réagit la créature à ton rituel. »

Tu veux influencer la créature comment ? Déjà est ce que tu peux la mettre dans un coin de la pièce ? La prêtresse prit le bras du général. Attend encore un tout petit peu, s'il te plait.
"Il est toujours comme ca? murmura entre ses dents la magicienne.
S'il te plait, répond à la question... Oui ou non ?
" Je n'ai jamais fait ca." répondit-elle au tac au tac.
Combien de temps pour essayer ? Tu n'en auras pas beaucoup…
« Tu as trente secondes avant que je ne descende. »

La magicienne secoua la tête et sa voix s'éleva dans la petite pièce. Si au lieu de poser des questions ils l'avaient laissé faire. La mettre dans un coin? D'accord c'était faisable. Il y avait tant de façons de faire, mais elle verrait plus tard, le Karliik Glenn savait certainement ce qu'il faisait. sinon il ne serait pas devenu Karliik après tout.

Elle chanta. C'était un son pur et léger qui semblait se répercuter étrangement dans la pièce, et qui parcourut la toile déchainée. Ses yeux se refermèrent. D'habitude, elle n'avait pas besoin de s'isoler, mais elle devait faire à la fois vite et bien. Il n'était pas question de faire exploser un mage déjà au dessus du précipice creusé par son propre art, il s'agissait de maitriser une bête inconnue et sauvage.

Méthodiquement, la maitre tendit ses filets, puis, une fois qu'elle fut prête et pas avant, quoiqu'en disait le drow pressé, et après avoir pris une profonde inspiration, et s'attendant à tout, serra la proie. Pendant ce temps, Kerath comptait, silencieux avant de se retourner vers les soldats en faction au bordel.

« Donnez-moi deux torches, allumez-les et préparez-en un tas, que quelqu’un les lance allumée quand j’en donnerais l’ordre. » Il attendit qu’un soldat sorte un briquet et allume les torches avant de se mettre contre la porte. « Quand j’aurais refermé la porte derrière moi, placez une troisième torche allumée dans une attache. » Il montra l’attache en question, elle se trouvait juste avant la porte et enfin il s'employa à desceller la porte.

" Kerath… Les animaux sauvages deviennent agressifs quand ils sont acculés. Il l'est déjà via la magie de… Via la magie. Alors rajouter énormément de flammes. Je ne sais pas trop. A moins que tu cherches à la tuer. De plus, il y a surement de l'alcool en bas. Je ne comprends plus... Tu ne veux plus descendre ? "
La prêtresse était perplexe. " Hors de question à ce que tu y ailles tout seul ! " Puis elle marqua une pause " Quoique….

Pendant ce temps, à deux pas, la magicienne chantait.

Il ouvrit ensuite la porte et avant d'entrer et de fermer la porte il regarda la pièce pour voir si la créature s'y trouvait. Il fit ensuite un pas dans la cuisine avant de se retourner vers la prêtresse.

« Tu viens ou pas? » Il n'attendrait pas longtemps, il avait déjà la main sur la porte, prêt à la refermer. La sombre fit un mouvement de négation de la tête, mais s'élança à la suite de général. Jusqu'à ce qu'elle se prenne le panneau de la porte qui commençait déjà à se refermer.

La cuisine était exactement dans le même état que dans laquelle elle l'avait quitté. L'épée était toujours au sol, la trappe était toujours ouverte, le four toujours aussi éteint et le fond de l'air était toujours froid. Glacial même. Bien plus qu'à leur premier passage. La prêtresse pria tout les dieux de le laisser encore vivant un peu plus longtemps au moment d'ouvrir la porte et de passer à son tour. Comme la première fois, elle se dirigea vers le four qu'elle tenta de rallumer.

Dans l'embrasure de la trappe, l'escalier disparaissait au bout de quatre ou cinq marches dans l'obscurité totale. Se tenant sur ses gardes, le général approcha de la cave, un pas après l’autre, scrutant l’obscurité à la recherche du moindre mouvement sans parvenir à percevoir une once de plus de l'escalier. Il savait que le monstre n’allait pas tarder à se montrer, il adressa une rapide prière muette à Uriz et il fut tenté de faire de même pour Teiweon mais n’en fit rien. Pour le moment il ne savait pas si ces créatures étaient effectivement Ses messagers. Une fois arrivé devant la cave, un remous léger fit frémir l'obscurité qu'il surplombait. Si l'air lui-même pouvait se contracter, c'est sûrement le spectacle qu'il aurait offert.  Voulant prendre le moins de risque possible, Kerath lança la torche directement sur la distorsion et il se prépara à bondir en arrière.

Inconsciente des faits, Na'ri continuait à battre le briquet. A travers la porte de bois, elle entendait le chant de la mysticiste.

La flamme du briquet prit enfin. La flamme de la torche approcha de la trappe. L'ombre qui emplissait la cave se retira brusquement, reculant comme un animal blessé qui saute en arrière. Une tâche d'encre qui file dans les recoins les plus sombre de la pièce d'en bas. Dans la pièce d'à coté, la mysticiste sentit le mouvement. Impossible de déterminer s'il s'agissait d'une fuite ou d'une attaque, le filet était prêt… Serrant le poing, elle exerça sa volonté, et termina le sortilège. Elle avait beau être Maitre, elle ignorait si elle était réellement capable de contraindre une telle entité.  La lumière passa un instant au travers, traçant son chemin sans se préoccuper du noir. Le bas de l'escalier apparut sans peine, la torche continuant à flamber sur le sol de pierre. Le froid qui montait de la cave était tel qu'il givrait le visage de celui qui se tenait au dessus. En dessous de la quatrième, chaque marche de bois était entièrement gelée et couverte de glace.

Lorsque la flamme prit Kerath se retourna, les oreilles dressées, il poussa un soupir de soulagement en se rendant compte qu'il s'agissait de Na'ri et pas d'un second monstre.

« Je croyais que tu ne voulais pas venir. Restes vers la porte et ouvre la quand je te le dirais. » Il se tourna ensuite vers les escaliers, scrutant la torche et ce qui pourrait s’en approcher.

Sous l'emprise de la mystisciste, la créature remuait, ruait et renaclait comme le sort d'un maître particulièrement hargneux et déterminé à ne pas se laisser bloquer. Pire. Il se battait avec ce qui semblait être l'énergie du désespoir, si bien que la mage du relâcher son emprise, la laissant bouger lentement au bout de quelques secondes.

La sombre regarda le feu commençait à prendre dans le four. Na'ri rajouta le plus de petit bois qu'elle pu sans étouffer pour autant les flammes. Puis elle se dirigea vers la porte.

Une sorte de tentacule étrange, parodie grotesque d'une patte féline, s'extirpa de la trappe pour agripper le sol. La bête tentait de sortir avec difficulté, comme si elle était retenue en bas par un boulet de plomb. Kerath lança sa deuxième torche sur la créature. La patte d'encre tenta de retraiter mais ses mouvements difficile laissèrent le temps au drow de voir sa consistance vacillé. De noir d'encre, elle devint à moitié translucide et le froid qui s'en dégageait se dissipa. Puis elle disparu sous le sol, se rétractant à l'ombre de la trappe. La torche flambait au sol sur le parquet de la cuisine, noircissant les lattes savamment brossées et lustrées. Ce changement d’état poussa le général à descendre pour frapper le monstre de son épée.

" ça sert à rien ! Remonte ! " Paniquée, la prêtresse quitta son poste et se dirigea vers le daëdhel. Elle avait envie de le prendre par le bras mais se doutait que toute tentative de ce genre se conclurait au moins par un méchant hématome.
« Reste devant cette porte! » Il avait crié en se retournant, pointant la porte en question du doigt avant de tourner le dos à la prêtresse pour ramasser la seconde torche et de descendre les marches en dégainant son arme.
" Laisse moi y aller, si c'est vraiment nécessaire ! " Elle se baissa pour ramasser son épée. Dans sa paume, la poignée était glaciale. A choisir, elle préférait mourir aujourd'hui d'une créature plutôt qu'empalée devant le camp sud.
« Na’ri reste vers cette putain de porte ! C’est un ordre. » Il ne s’était pas arrêté pour parler et descendit sur la seconde marche. Lentement, sans quitter des yeux le dos de son aimé, la medecin reculait vers le four. Elle y rajouta des bûches à la va vite, puis elle reprit sa position.

Dans la salle d'à coté, la mysticiste commençait à suer. Ses oreilles s'étaient dressées aux discussions véhémentes de ses étonnants compagnons. Elle avait demandé de l'action, il fallait toujours se méfier de la manière dont les dieux récompensaient leurs serviteurs. Refusant de se laisser déconcentrer par d'aussi triviales questions que "mais que font-ils donc", elle reporta toute son attention sur son sortilège qui en avait bien besoin. Ce bidule était fascinant et si puissant…
Elle espéra que le non mage s'en rendait compte.

La cave était glaciale. Non. Pas seulement glaciale. Frigorifique. Rien qu'en descendant les marches, le général pouvait sentir chaque cheveux sur sa nuque se dresser. Dès la première marche, il put voir un appendice informe se diriger vers son pied, mais il pouvait aller plus vite... Pour l'instant.

La flamme de la torche passa sous le sol, réveillant une masse informe de quelques centimètre d'épaisseur grouillant le long du plafond sur toute une moitié de la cave, celle au-dessus de laquelle ne se trouvait pas le four. . A peine la lumière tomba-t-elle sur la créature amorphe que sa chair visqueuse se contorsionna pour reculer. La tentacule qui s'était tendue vers le pied du général faisait marche arrière. Sans un son. Sans un souffle. Ses mouvements de repli semblaient de plus en plus chaotiques. De temps à autre, l'étrange matière faisait un bon à une vitesse folle en une fraction de seconde avant de reprendre sa pénible retraite.

Brandissant son épée, le général visa le morceau encore à demi translucide qui était à demi mêlée au reste de la masse. La pointe de l'arme racla le plafond en un son désagréable, passa à travers l'amas de boue noire et à travers le point translucide sans aucune différence pour en ressortir comme si de rien était. Enfin si on omettait le fait que le métal était si froid que la lame en était devenu cassante. La créature continuait à reculer. Voyant le métal passer tout de même à travers, Kerath rangea son arme et, brandissant toujours sa seconde torche, il se baissa pour ramasser la première et raviver le feu de l’une avec l’autre.

« Na’ri, va chercher des torches et allume-les ! » Il continuait à fixer la créature, la laissant se replier dans le coin le plus sombre du plafond et commencer à disparaitre derrière les tonneau à bière alignés contre le mur. Lui ne bougeait pas.

La prêtresse passa la tête par l'entrebâillement de la porte pour s'adresser aux soldats.
" Rapportez tout les braséros que vous trouverez. S'il vous plait. Il a aussi besoin de toutes les torches que vous trouverez… Mais n'en allumez qu'une. Je m'occuperai des autres. " A ces mots, deux soldats disparurent pour investiguer dans la maison tandis que le plus jeune allumait une torche et la tendait à la sombre.

- Et on peut rentrer du coup ? demanda t'il, curieux de ce qu'ils gardaient.
- [color=#00cc66] Non, un seul me suffit. Tapez trois coups quand vous aurez les braseros allumés. Et…[color] Na'ri allait oublier quelque chose d'important. Protégez la mage. Celle qui chante. Elle avait appris à force d'experience que mieux valait être précis. Prévenez nous au moindre signe de fatigue. Elle se saisit alors de son flambeau et deux autres torches. C'est que normalement dans une maison, on ne s'éclaire pas à la torche mais plus à l'aide de lampes à huile ou de bougies.

Le soldat s'approcha de la mage du C'nros, qui, droite comme un I, points serrés, yeux clos comme perdue dans son monde à elle, chantait un air à la fois beau et incompréhensible, dont la calme harmonie devenait de temps à autre aussi vive qu'une tempête. Il avait une question qu'il avait oublié de poser : quel genre de signe de fatigue justifierait d'appeler la prêtresse de Kiran? Le jeune Eldéen se sentit investit d'une grande responsabilité. Le colosse lança la torche au centre de la zone délimitée par le plafond chauffée par le four juste au-dessus et il garda l’autre bien en main.

« Na’ri amène moi des torches allumées. »

La médecin avait fait un très joli bouquet de ses trois torches et les tenait maintenant à deux mains par devant elle, allumées. Lorsqu'elle descendit prudemment les escaliers, on aurait dit une jeune drow intimidée à sa première cérémonie religieuse. Une fois en bas, penchant la tête, la sombre chercha des yeux la créature. En vain.

Prends celle du milieu. chuchota t'elle à l'adresse de Kerath. Il se mit de profil, attrapa la torche du milieu et approcha du monstre qui se terrait dans le peu d'ombres qui restaient encore.

Du côté de la mage, la bataille faisait rage avec force et la sueur commençait à couler le long de ses tempes. Les mouvements chaotiques de la créatures reprenaient de la vitesse de plus en plus souvent et par moment, la trame se remettait à fluctuer autour d'elle. Pourtant que pouvait-elle faire d'autre… Peu à peu, Liss'na reconnaissait dans le comportement de la magie un animal. Une chose vivante et féroce et qui lui donnait l'impression de lutter contre la mysticiste avec l'énergie du désespoir. Par les dieux, si elle lâchait, elle aurait peut-être la mort du nouveau Karliik Glenn sur la conscience, et surtout sur son dossier. S'il survivait, ce serait probablement pire.

Dans la moitié de cave toujours envahie par le monstre, des piles de tonneau de bière étaient entassés le long du mur du fond et des étagères étaient chargées de bouteilles, de pots et de sacs en tout genre sur les côté et au milieu. Un tonneau de noix était lui aussi poussé là. De l'autre côté la torche jetée au sol brûlait faiblement entre d'autres étagères. Et peu à peu, aussi vite qu'elle le pouvait dans sa lute mystique, l'étrange créature d'encre roulait et coulait derrière les tonneaux, laissant émerger de temps à autre de son corps informe, une silhouette féline, équine ou une gueule pleine de dents.

Admirative la prêtresse regarda l'ombre.
- C'est tout et rien en même temps… Kerath, elle est acculée, elle peut nous attaquer.
« Elle peut essayer. Remontes, fait descendre une torche via le monte-charge et ordonne à des soldats de faire de nouvelles torches. »

Un des problèmes de Kerath était qu'il était tétu. Par là, on voulait dire "impossible à faire changer d'avis". Il avait défoncé une porte à coup de tête un jour. Ca aurait pu être une métaphore. La drow s'empressa de remonter pour aller chercher d'autres torches le plus rapidement possible. En franchissant la porte de la cuisine, elle fut accueillie par deux soldats portant un lourd brasero. "Parfait, mettez ca dans le monte charge et faites le descendre, voulez-vous. Les guerriers se regardèrent un instant mais ne discutèrent pas les paroles sacrées de la prêtresse. Les autres, faites de nouvelles torches! Vite! Utilisez ce que vous avez sous la main! Quelqu'un tira sur sa manche soudainement.
- Excusez-moi, Yalthrin... Mais... si la mage sue à grosse goutte et vacille un peu, c'est un signe de fatigue?"

Deux torches improvisées à partir d'un rideau et de pieds de chaise en main, la prêtresse couru dans la cuisine.
- Kerath! Il faut faire vite!"

Maintenant que la cave était éclairée et la créature acculée, Kerath continua de s’approcher de la créature, une torche brandie devant lui et l’autre gardée en retrait. La créature continuait à se ratatinée dans l'ombre et l'ambiance glacée devenait un froid de moins en moins surnaturel... Quatre pas à franchir avant de pouvoir toucher la chose avec sa torche.

Il brandit sa seconde torche devant lui. Trois pas...

Et dans la trame, une laisse qui rompt. Une chaine qui casse, une voix qui se rompt.

En une fraction de seconde, la créature se rue en avant. Un félin monstrueux au corps couverts de gueules obscures et hérissé d'appendices dépourvus de formes claires sauta depuis l'arrière des tonneaux. Depuis cet interstice infime dans lequel entrait à peine une feuille de papier. D'un bon silencieux, il se rua vers le drow, tentant de passer sous les torches pour traverser ses jambes au moment ou ce dernier se baissait dans l'espoir d'esquiver la créature.

Celle-ci reçue les deux torches dans le dos. Loin de les engloutir la masse noire s'évapora à leur contact sur deux bonnes dizaines de centimètres et quelques appendices s'effacèrent à leur tour... Mais le reste de la créature traversa le drow. Des pieds au ventre, puisqu'il s'était baissé par réflexe, une douleur intense répercuta jusqu'à la moelle de ses os qui serait suivit en quelques minutes d'une hypothermie générale. Il ne pouvait mesurer à quel point il était chanceux d'avoir affaiblit d'abord la bête car d'autres n'avaient pas survécus à un coup aussi frontal. Le sang ne perlerait pas, mais sa peau était brûlée et ses muscles raidis par le froid. Son sang circulait mal et il s'il réussissait par miracle à ne pas être tétanisé, chaque mouvement lui coutait.

Arrivé derrière lui, la créature portait les traces profondes des coups de torche et l'obscurité dont elle était composée semblait moins opaque. La trame fluctuait à nouveau autour d'elle mais le froid qu'elle répandait n'était pas plus perceptible que celui qu'aurait répandu une pierre froide au touché. Son corps noir vacillait et changeait continuellement tandis qu'elle se préparait à sauter sur l'escalier, visiblement pour sortir de la pièce. Le colosse repoussait comme il le pouvait ses instincts, sa partie animale qui tentait de prendre le contrôle, et si Kerath se battait contre cette partie de lui-même, c’était parce qu’il savait qu’abandonner serait du suicide. Il se répétait que le Père les regardait et que s’Il le faisait, d’autres divinités le faisaient peut-être également. En l’honneur de Kiel il resserra ses doigts autour des torches. La première glissa de ses doigts qui n’avaient presque pas bougés, la seconde cependant resta dans sa main puis il tenta de se retourner comme il le pouvait pour lancer sa torche dans le dos du monstre dans l’espoir qu’elle le traverse pour bloquer son chemin dans les escaliers.

Le morceau de bois traversa la créature de part en part, glissa sur une marche gelée et roula au sol de l'autre côté des escaliers. La créature vacilla de plus belle. La matière même dont elle était faite commençait à partir en lambeaux de fumée. D'un nouveau bond, elle sauta au milieu de la cuisine et s'immobilisa en perdant le peu de forme nette qui lui restait. S'éloignant du four, elle s'effondra dans l'ombre sous la table non loin du monte charge... Pour en ressortir un quart de seconde plus tard sans raison apparente. Comme folle, la forme grouillante se déplaça vers la porte mais s'arrêta avant d'en atteindre les interstices et se jeta finalement sur la forme de vie la plus proche.
L'avantage du matériel militaire était dans sa fiabilité. On ne s'en rendait pas compte jusqu'à ce que l'on ait entre les mains, du matériel bricolé comme une torche. Peut être parce que le tissu n'était pas assez serré autour du pied de chaise ou que le nœud du ruban avait été mal fait. Mais peut importe, Na'ri était accroupie en train de faire en sorte d'avoir une torche allumée à peu près cohérente quand elle aperçu la créature sortir de sa cave. Alors quand celle ci se rua vers la porte, elle fut accueilli par le rideau enflammé. D'un geste brusque, la sombre l'avait déroulé, ignorant un temps les flammes qui lui léchaient les doigts pour voir la créature éparpillée en volutes sous l'effet de la chaleur.

Dans la cave, une odeur lourde emplissait rapidement l'air. La torche qui venait d'être balancée avait bouté le feu à une tonnelet de rhum et les flammes dansaient de plus en plus haut.

"SAGAR ! " Lâchant le tissus, la prêtresse se précipita dans la cave. C'est alors qu'elle vit le général. Derrière lui, les flammes lui donnaient une prestance héroïque digne de son surnom si seulement il ne rampait avec une telle lenteur. Inquiète, elle dégringola l'escalier en mettant sa main valide dans son sac.
-" Tu l'as eu ! Tu l'as eu. Il est tant de remonter. Où as tu mal ?" Cachant autant que possible sa main blessée, la sombre se glissa sous l'aisselle de son amant avec mille précautions.

Dans le salon, Liss'na avait la nausée. Elle fit un pas, chaque battement de son cœur tambourinait dans son crane comme un prêtre de Zhak'bar haranguant les troupes. Un imbécile tenta de la soutenir. Avec une force surprenante, la mage de guerre le repoussa pour s'avancer vers la porte de la cuisine. Deux soldats s'y avancèrent également en portant un brasero. Elle ne les observa qu'un instant, fronça les sourcils et leur montra la porte tout sans s'arrêter.
- "Lâchez ce machin... et allez les sortir de là ! " Les hommes hésitèrent.  "Ils l'ont eu. EXECUTION."

Un pas, puis un autre. Une marche puis une autre. C'est vers le milieu de l'escalier que les soldats retrouvèrent le couple, l'un contre l'autre, serré par l'étroitesse du passage.
L'ascension était ardue. Plus d'une fois, elle avait failli glisser. Plus d'une fois, il s'arrêta pour reprendre son souffle. Elle ne cessait de l'encourager. Il ne cessait de grogner. Ensemble, ils posèrent le pied au sommet. Ensemble, ils y étaient arrivés.

Les soldats purent enfin les prendre en charge, eux et le feu de la cave. Ils s'agitèrent, s'organisèrent. Pour une fois qu'il n'y avait presque pas à beugler des ordres…

Le général fut allongé le temps que les secours n'arrivent, la tête posée sur les cuisses de la prêtresse. Alors qu'elle gardait une main dans son dos, elle passa les doigts dans la chevelure neigeuse qu'elle caressa. Petit à petit, elle tissa un sort. Avec plus d'énergie que prévue et surtout plus de difficulté, elle s'assura que le sang puisse correctement circulé, au moins dans le circuit principal. Elle s'apprêtait à faire un autre sort quand elle s'écroula.