Crépuscule d'une énième voie [La Noblegriffon]

Sujet: Crépuscule d'une énième voie [La Noblegriffon] Jeu 9 Jan 2020 - 11:50

4ème ennéade de Bàrkios de l’An 17:XI, non loin du petit hameau d’Inlul au sud de Qyriah

Thaar ne manquait certes pas d'attraits mais à trop s'y enfermer, Haldren finissait par y ressentir une sensation d'étouffement. Il lui fallait voir du pays, passer un peu de temps ailleurs que dans les venelles obscures au sein desquelles il commençait doucement à renouer avec ses anciens réseaux dans la pègre. Dix ans d'absence constituent à la fois peu et beaucoup, peu pour un drow millénaire mais beaucoup pour les humains avec qui il frayait. D'où l'importance de se tenir au courant des changements, des évolutions tant politiques qu'économiques et pour cela un voyage vers les différentes principautés qui s’érigeaient en micro-états dans la région paraissait un bon point de départ, alliant des séjours emplis de curiosités avec la possibilité d'y établir quelques relations d'affaires. Le commerce constituait la base de tout en Ithri'Vaan, dans le monde du commerce légal comme dans celui de l'illégal, et l'ancien chef de guilde savait à quel point connaître des revendeurs pouvant écouler du butin s'avérait précieux.

Un ronronnement impérieux se fit entendre à proximité de son tibia. Se tournant, le drow prit dans ses bras le chat au pelage noir comme la nuit et lui grattouilla vigoureusement la nuque, déclenchant un nouveau concert de ronronnements.

Mais oui tu es un joli chat. Mais oui. Mais oui.

Haldren se trouvait parfois un peu gaga lorsqu'il s'agissait des félins et ce n'est certainement pas Krish qui le désavouerait là-dessus, l'avatar d'Uriz ayant bien des années auparavant reçu en cadeau une magnifique panthère de la part de celui qui à l'époque cherchait à devenir son allié. Inutile de revenir sur cet épisode douloureux, disons juste que les deux drows ne s'étaient pas quittés dans les termes les plus courtois et cultivaient depuis une certaine rancœur. Le principal handicap toutefois d'une panthère comparé à un chat provient du manque relatif de discrétion lorsque l'on se ballade en ville, les milices locales ayant la fâcheuse habitude de se trouver quelque peu sur les nerfs face à un prédateur dont nul ne savait s'il vous regardait comme un tapis pour sa sieste ou comme un plat pour son dîner.

Au détour d'un virage apparut soudain à l'horizon une colonne de fumée. Incendie malencontreux ? Pillage ? Dragon en rut ? Le Brûlé en maraude ? Difficile à dire tant les causes des flammes pouvaient s'avérer multiples. Intrigué, Haldren s'arrêta et interrogea son compagnon à quatre pattes.

Qu'est-ce que tu en penses ? On va voir ?

Ronronnement, quémandage de nouvelles caresses.

Oui tu as raison, allons-y.

Et sifflotant un petit air grivois racontant les déboires d'un aubergiste dont les trois filles servaient un peu trop bien les clients, l'archimage reprit sa marche en direction de la colonne de fumée.

La Noblegriffon

Plusieurs lieues séparaient la jeune Inlul de la séculaire Qiryah et bien que le pays fut plat et le terrain dégagé, jamais un feu ordinaire n’aurait pu se voir depuis la venelle étroite de laquelle avait vu surgir le pèlerin ; les flammes qui ravageaient le petit domaine de Sissthylias ne l’était pas : elles avaient été convoquées par la pire des magies pour détruire sans laisser aucune trace et avant longtemps, même les os des daedhels qui, un temps, avaient fait vivre le rêve de la gardienne ne seraient plus qu’un souvenir de plus pour la torturer. La rumeur, bientôt, se répendrait dans la région, comme une tâche d’huile à la surface de l’Olyia. Bientôt, l’Estrévent apprendrait que Truan, sur ordre de Munbebi, avait mené des épées-louées jusqu’au cœur d’Inlul et qu’il avait fait tué jusqu’au dernier des Doebens qui s’y trouvaient, avant de convoquer les flammes d’Uriz lui-même pour brûler tout ce qui pouvait l’être, à commencer par ses propres mercenaires qui en avaient sans doute trop vu.

La gardienne, bien sûr, avait survécu et elle errait au hasard entre les braseros géants, le visage ravagé par le poids de ses fautes et de ses manquements. Elle était vêtue des riches étoffes dont l’avait affublée Sissthylias quelques heures auparavant et ses cheveux étaient soigneusement nattés pour ne pas traîner à même le sol. La manche de son moignon avait été noué et décoré avec des colifichets étranges. Quand le pèlerin s’aventura dans Inlul l’enflammée, il apportait avec lui ses énigmes et ses questions sans réponse et elle se figea, désarçonnée. Pendant plusieurs secondes, il n’y eut que les craquements infernaux des bûchers de ses protégés pour troubler leur silence, puis elle demanda de sa voix éraillée et déformée par le chagrin : « Qui est cet Haldren Umbarion dont je me souviens ? »

Le dragon en rut ou l'incendie accidentel paraissaient pouvoir être écartés des hypothèses pour la commission d'enquête sur la destruction d'Inlul. Sans devoir imposer un travail considérable à ses capacités cognitives, Haldren devina que la petite communauté semblait avoir rencontré ce que l'on appelait techniquement dans le jargon une "putain de razzia de ses morts !" dont le résultat consistait en l'éradication totale et définitive de la population locale. Totale ? Non, pas vraiment, il restait juste une curieuse créature errant au milieu des ruines, une sorte de courtisane manchot dont les cheveux ne devait plus avoir été coupés depuis quelques décennies. Quelle ne fut pas la surprise de l'archimage en entendant la gueuse l’interpeller, qui plus est en prononçant son nom elfique ? Cet étonnement entraîna sans doute l'honnêteté de la réponse.

Un couillon qui croit encore dans la bonté des Dieux.
Ne parles pas comme ça à une Gardienne !

Une lueur émeraude jaillit brutalement dans le regard de braise, comme si une âme tourmentée se tordait de rage en entendant le blasphème jaillir des lèvres de l'archimage. Cela ne dura qu'une courte seconde et le rouge revint alors que le drow reprenait le dessus après cet éclat, l'air désormais légèrement penaud d'avoir fait preuve d'une trop grande franchise envers le vaisseau terrestre d'une des rares divinités qu'il n'avait pas encore déçu, menacé, renié, blasphémé, ou tout simplement oublié. Plus que désabusé par les divinités, Haldren n'en demeurait pas moins pleinement conscient de leur existence et de leur capacité de nuisance, en particulier venant de la Voilée dont la bonté ne constituait pas la qualité première.

Euh désolé, pas d'offense. Vous savez ce qu'il s'est passé, ici ?

Question un peu conne, il s'en doutait car en général lorsque vous trouvez une survivante errant au milieu d'un village détruit, il s'agit du seul survivant qui connait donc l'histoire. Mais le choc de se retrouver face à l'une des rares personnes qu'il savait devoir réellement craindre amenait Haldren à tenter de nouer le contact. Franchement, après s'être pris des baffes en pleine poire de la part d'Uriz puis de Kÿria, il espérait éviter d'ajouter Tyra à cette peu glorieuse liste. Dès lors faire preuve d'un peu de compréhension lui paraissait une approche cohérente pour créer des bases pas trop malsaines.

Le Vaisseau de la Voilée

Le visage de la gardienne trahit sa confusion ; elle serra plusieurs fois le poing de dextre — le dernier qui lui restait — tandis que ses yeux aveugles s’agitaient dans plusieurs directions, comme si elle cherchait du regard ce qu’elle seule pouvait apercevoir. Il y avait ce que son corps percevait : des flammes, la mort et le pèlerin qui s’était égaré jusqu’à son charnier. Mais il y avait aussi ce que les dons de la Voilée lui suggéraient : un paradoxe, une improbabilité. Elle n’avait jamais été à ce point à la peine pour les réconcilier et c’était donc avec une surprenante candeur qu’elle avoua, moins à Halrden qu’à elle-même et à Elle : « Je ne comprends pas… » Elle se souvenait de Haldren Umbarion, mais il était comme un rêve qui ne s’était pas embarrassé d’un début. « Il est né vieux d’un cycle et il est mort jeune de quelques années seulement, » murmura-t-elle encore.

Cette énigme parvenait presque à l’arracher à la chaleur des flammes qui continuaient de dévorer tout ce qu’elle avait aidé à bâtir ces deux dernières années ; la question du pèlerin devait cependant la ramener à l’instant présent et, reportant son regard aveugle sur lui, elle fronça légèrement les sourcils. « Ils sont tous morts, répondit-elle avec lenteur. Ils ont payé de leur vie la voie qu’ils avaient choisi. » Un étrange rictus déforma le plis de ses lèvres blêmes. Il s’était passé bien des années depuis qu’elle avait ressenti semblable colère, mais cette dernière ne dura qu’un court instant. « Leurs Souffles sont avec Elle, désormais. »

Et c’était là la victoire de Sa gardienne : certes, les Doebens rassemblés par Sissthylias ne foulaient plus les terres d’Ithri’Vaan, mais leurs ennemis n’avaient pu réclamer que leur vie et rien d’autres. Ils échapperaient aux milles tourments auxquels ils auraient dû être promis. C’était là suffisante consolation. Il eut été mentir que d’affirmer que tout avait été vain.

Haldren se gratta pensivement la tête tout en écoutant la Gardienne se parler à elle-même. Parfois il devinait le sujet auquel elle faisait référence, à d'autres moments tout cela lui paraissait des plus obscurs. Il fallait admettre qu'après une décennie passée à se balader avec une déesse dans la caboche et à supporter ses phrases sibyllines auxquelles Baenfere ne comprenait rien (et n'essayait pas), et que même Umbarion peinait à suivre, Haldren se sentait mieux armé pour appréhender une discussion avec le Vaisseau de la Voilée. Pas au point de dire que la zigomarde parlait clairement... cela restait une histoire relevant du mystique et du divin, autant dire le royaume du non-dit, de la déception et du faux semblant.

Par contre les derniers mots de la Gardienne titillèrent au plus haut point la curiosité de l'archimage, au vu de ce que cela pouvait impliquer pour lui-même.

Vous voulez dire que des doebens ont échappé aux P'leik ? C'est donc possible ? Vous savez, je me sens un peu concerné car ce n'est pas le grand amour entre moi et Uriz, nous avons eu des débats houleux. Et puis je crois que Kÿria est déçue aussi, donc les Terres d’Émeraude sont mal barrées pour moi.

Attrapant le chat qui reniflait avec curiosité un cadavre roti, Haldren le caressa pour détendre la bestiole tout en continuant, l'air un peu tristounet.

J'ai le chic pour énerver les Dieux. Le pire, c'est que je ne le fais jamais exprès, c'est comme une sorte de don.

A croire qu'un MJ facétieux lors de la création du personnage aurait décidé arbitrairement de faire tirer un dé au personnage avec la capacité d'énerver une divinité en cas d'échec critique. C'était très amusant vu de près et cela ouvrait plein d'opportunités, mais potentiellement quelque peu compliqué à gérer sur le long terme. Alors vu que la déesse dont la Gardienne se trouvait devant lui ne semblait pas encore furax, autant se renseigner un peu.

Le Vaisseau de la Voilée

« Les P’leiks ? » répéta confusément la gardienne. Elle tourna abruptement sa tête sur le côté, comme pour mieux entendre quelques murmures étranges et c’était comme si le reste de la diatribe du daedhel glissait sur elle sans qu’elle y prêta la moindre attention. « Les P’leiks… soupira-t-elle finalement en reportant son attention sur son interlocuteur. Je me souviens. »

Numil. Elle se souvenait de Numil, bien sûr, mais il était encore tant qu’elle ignorait des sombres desseins de la Première. Depuis que cette dernière s’était soustraite à la Voilée, ils étaient nombreux ses secrets qu’elle parvenait à garder par-devers elle. Souvent, la gardienne s’était surprise à la jalouser, car s’il était vrai qu’elles étaient plus semblables toutes les deux que Son Vaisseau se l’avouerait jamais, il demeurait encore une différence fondamentale pour les dissocier. Numil était libre, désormais, quand elle subissait toujours Son joug et le subirait encore pour tant et tant de temps. Elle a sacrifié beaucoup, songea-t-elle en sachant très bien qu’Elle l’entendait, mais a obtenu tant en retour. La Voilée ne la contredit pas et un éphémère rictus déforma les lèvres de Sa gardienne, qui reporta ensuite son attention sur le pèlerin. D’un pas lent et mal assuré, elle entreprit de se rapprocher de lui, sans faire particulièrement attention aux flammes qui encore autour d’eux dévoraient les restes d’Inlul et de ses habitants.

« Montre-moi la marque de sa créature, celle que vous appelez Natha, » lui intima-t-elle tandis qu’elle arrivait à son niveau. Il était bien plus grand qu’elle et la dominait sans surprise de plusieurs têtes, mais elle était Son Instrument. « Montre-moi ta chair ravagée par tes chaînes. »

Bon comme prévu l'humaine n'avait rien écouté, signe caractéristique d'une messagère du divin. Bien que n'ayant été qu'un vaisseau fort imparfait et pour une durée limitée, l'archimage savait à quel point les Gardiens ou les Avatars tendaient à ne prêter attention au monde qui les entourait que via de courtes séquences interrompues par de longs moments enfermés dans leur propre esprit. Cela pouvait rendre assez malaisé une conversation avec eux, tant ils rejetaient ce qui ne les intéressait pas sans aucune considération, pour se fixer souvent sur des points de détails dont l'importance échappait au commun des mortels. En l’occurrence, la manchote (Haldren trouvait ce mot très sympa) lui intima l'ordre de montrer sa P’obon d’Natha, la marque posée sur les nouveaux-nés drow pour les lier à leurs sombres divinités. Mais comme à son habitude, il rechigna face à une directive amenée aussi abruptement :

D'abord on dit "s'il te...
Fermes ta fichue bouche et pour une fois obéis sans discuter !

Cet éclat de colère de l'émeraude parut surprendre le rubis qui vacilla l'espace d'un instant. Rarement Umbarion avait fait preuve d'un tel agacement, lui qui conseillait et écoutait avec douceur alors que son double ténébreux exigeait et imposait. Pour le faire ainsi sortir de ses gonds, il fallait que l'elfe se sente véritablement furieux de voir le drow manquer du respect que l'on témoignait habituellement envers l'Esclave de la Voilée.

Pas la peine d'être agressif, bougonna Haldren a l'intention de lui-même. C'est bon, je vais la lui montrer.

Remontant sa manche droite, le drow tendit l'intérieur de son bras pour dévoiler à la Gardienne une entaille à mi-chemin du coude, dont la forme rappelait vaguement un éclair stylisé. D'autres traces de blessures parsemaient sa peau ténébreuse, mais cette cicatrice là demeurait aussi nette qu'un millénaire auparavant, comme si le temps lui-même avait décidé de ne pas la fondre peu à peu dans la chair d'ébène. Plus qu'une portée métaphysique, Haldren y voyait le symbole d'une société corrompue par la malfaisance d'un Dieu dément, d'où sa répugnance initiale à dévoiler cette part d'intimité qui le reliait encore à ses premières années en Elda.

Là voilà.

Le Vaisseau de la Voilée

La gardienne, indifférente aux états d’âmes du pèlerin, attendit patiemment qu’il prît une décision. Ses atermoiements étaient étranges et elle n’était pas certaine de les comprendre vraiment. La chose était rare pour elle, mais l’importait peu. Moins, en tout cas, que la marque qu’il s’était résolu à lui dévoiler. Ces cicatrices impies qui barraient les peaux sombres des tourmentés de Numil avaient obsédé Son Instrument ces dernières années et désormais qu’Inlul autour d’elle brûlait, celle du daedhel portait un bien étrange appel. Titubant presque respectueusement les trois pas qui la séparaient encore du pèlerin, elle tendit sa dextre vers la plaie béante… avant de figer son geste au dernier moment. Qu’espérait-elle au juste, à vouloir ainsi initier un nouveau cycle ? La Voilée demeurait silencieuse, avare comme par trop souvent de paroles quand Son Instrument en avait le plus besoin. Accepterait-Elle ce pèlerin par deux fois rejetés ? Elle songeait en tout cas, toujours immobile à quelques centimètres de sa peau sombre, qu’il pourrait, lui, répondre à Son appel.

« Il est trop tôt, » souffla-t-elle finalement en retirant lentement son bras. Ce dernier retomba lourdement le long de son corps et elle poussa un profond soupir. « Leurs corps sont brûlants encore, se justifia-t-elle encore. Mais le Guerrier n’a aucun droits sur eux. »

Avec lenteur et sans se soucier plus avant du daedhel, elle entreprit avec une lenteur affectée de s’approcher de l’Olyia qui suivait son courant à quelques dizaines de mètres de là. Quand elle fut assez proche pour percevoir le doux clapotis du fleuve, elle se figea à nouveau avant de tendre sa dextre devant elle. « Toi qui était le Premier et le Préféré parmi les Siens, murmura-t-elle à l’adresse de l’eau calme, les porteras-tu jusqu’à Elle, comme tu as porté jadis la nouvelle de la tanière du Guerrier ? »

D’abord, il n’y eut que le silence pour lui répondre ; derrière elle, le pèlerin devait s’étonner de cette bien piètre démonstration de pouvoir. Quelque chose, pourtant, finit par répondre à son appel et des gerbes d’eau froide vinrent bientôt s’enrouler autour de son bras, qu’elle redirigea vers les bâtiments enflammés. Avant longtemps, c’était comme si le fleuve lui-même prêtait son concours à cette femme étrange pour laver Inlul des affronts qui lui avaient été faits… jusqu’à effacer, en réalité, jusqu’à la dernière trace de son existence ; le tout dans un improbable et impressionnant spectacle hydrotechnique.

Trop tôt ? Trop tôt pour quoi ? J'ai l'impression d'entendre Kÿria, marmonna mentalement Baenfere à l'adresse de son colocataire d'esprit, ça doit être une tare souvent répandue parmi les divinités de parler à demi-mots. L’Aînée n'avait pas agit différemment avec lui, ce qui rendait fou le drow adepte des explications directes. Autant il s'en fichait lorsqu'il s'agissait d'un quidam lambda dont l'opinion pouvait demeurer un mystère sans grand dommage, autant cette méconnaissance des volontés divines pouvait s'avérer source de graves complications comme Haldren le savait mieux que personne. Apprends la patience, elle s'expliquera en temps voulus, répondit posément Umbarion qui ne semblait guère affecté par le comportement de l'humaine et acceptait cela comme une simple particularité culturelle.

Sans plus s'intéresser à eux, la Gardienne entreprit d'éteindre les feux qui ravageaient encore Inlul dans une démonstration aquatique assez stylée qui rappelait quelque peu les démonstrations du fougueux Dun Eyr avec de la décoction de pisse de mangouste...

...non vous ne pouvez pas comprendre, vous êtes trop jeunes pour cela...

...bref Haldren admira la maîtrise des eaux alors que le fleuve prêtait sa force à la Gardienne, comme un animal réagissant docilement aux ordres du dompteur. Cette petite communauté ravagée par des soudards disparaissait ainsi sous l'eau purificatrice qui éteignait les flammes et brisait les pans de murs encore intacts comme si la Gardienne souhaitait noyer jusqu'à la mémoire du lieu. Haldren attendit respectueusement qu'elle en eut fini, conscient qu'il s'agissait d'un acte aussi difficile que nécessaire. Ce ne fut qu'une fois les eaux apaisées et le fleuve retourné paisiblement dans son lit qu'il reprit la parole.

Voulez-vous que l'on rattrape et châtie ceux qui ont fait cela ?

Le Vaisseau de la voilée

Châtier ?

Elle esquissa un terrible sourire, déformé tant par la longue cicatrice qui barrait son visage que par la tristesse qui lui nouait le ventre et lui broyait le cœur.

« Non, souffla-t-elle avec une douceur étrange. Non, je ne le désire pas. » La gardienne baissa la tête, ferma les yeux et tendit l’oreille pour recueillir des murmures qu’elle était la seule à pouvoir entendre. Après quelques secondes, elle eut un spasme qui ressemblait à un rire étouffé. « Le Prisonnier n’a plus de chants pour moi, avoua-t-elle enfin à son interlocuteur. Ce soir, Il a entonné mon requiem et j’ai versé mes dernières larmes. »

Elle tendit son bras droit devant elle, en direction de l’Oliya ; à nouveau, la surface calme du fleuve se troubla, le courant s’enroula sur lui-même jusqu’à ce qu’un petit tourbillon se formât, avant qu’un fin filet d’eau ne répondît à son appel. Quelques secondes plus tard, elle s’appuyait lourdement sur un long bâton de glace.

« La route est longue jusqu’à Thaar, déclara-t-elle en commençant à claudiquer. M’accompagneras-tu ? »

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» Katalina Noblegriffon | MAJ

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