Quand elle s'invite | Ethirelon

Dans le soleil pâle, un volet venait de s’ouvrir au deuxième et dernier étage de l’Amphore de Zath’Ran. La main blanche qui venait de faire pivoter le battant, riva les attaches qui empêcheraient le vent de le rabattre. Puis elle resta là, pendante au bout d’un bras lourdement posé sur le rebord de la fenêtre.

Sous les yeux d’une jeune femme à la peau de marbre et aux cheveux d’encre, les porteurs d’eaux commençaient leur tournée sur la place cossue qui s’éveillait à peine. Le ciel débarrassé de la moindre race de nuage annonçait une journée cuisante comme seul l’Ithri’Vaan sait les conserver jusque dans les lointains retranchements de l'automne. Les pavés salis de sable et de poussière entouraient un bassin sans fioriture dans lequel se déversait une source clair au glougloutement régulier. Le doux bruissement avait toujours le don d’apaiser son auditoire.

J’étais arrivée la veille, sur le dos de Zayase. A force de temps et de patience, le pur-sang Zurthan avait fini par se faire à mon contact. Sa ligne racée et sa robe alezan brûlée m’avait valu le respect des gardes. Son équipement de premier choix portait toujours les quelques fantaisies de son ancienne propriétaire Uldal’Rhiz, ce qui n’avait pas du détromper les plus observateurs. Tant mieux.

Les escarcelles que l’aubergiste avaient montées à ma chambre étaient également bien lourde. La marque des coquettes en vadrouilles… Sauf qu’ici, elles représentaient la totalité de mes possessions, à deux rares exceptions près. Une nuit dans un lit à peu près correcte, une robe lavée de frais et un bain chaud, il n’en fallait pas plus que le réveil me paraisse moins dur qu’à l’ordinaire.

En bas, un réveilleur se mit à hurler devant la façade d’une maison de pierre blanche, au toit plat typiquement Vaani. Un cordonnier vue le panneau de bois qui pendait au niveau du rez-de-chaussée. Je le regardais pensivement jusqu’à ce que le volet s’ouvre et qu’une grosse voix lui certifie que sa mission était accomplie, le gratifiant d’un écu supplémentaire depuis la fenêtre du premier étage. Quelques souvenirs se superposèrent. D’autres lieux. D’autres temps. Un sourire me vint aux lèvres, sans tension ni appréhension.

Ici une jeune fille sortant de chez elle pour remplir une amphore d’eau. Là un homme tirant une charrette. Une odeur de poussière, de céréale chaude et de fruit trop mûr flottait depuis le sol.

Mais déjà les murmures se rappelaient à moi.

Nous avions du travail aujourd’hui.

……

C’est en fin de matinée que je me présentait à une demeure autrement plus impressionnante que l’auberge dans laquelle j’avais passée la nuit. En amazone sur la selle cirée de Zayase, ma silhouette était enveloppée d’un sari du même bleu que mes yeux, brodé d’argent. Un jupon blanc et une brassière de coton léger étaient les seuls autres éléments de ma tenue et laissaient mon ventre largement apparaître. De fines pantoufles de cuir retourné m’éviteraient de salir mes pieds et quelques bijoux complétaient la tenue d’un raffinement aussi calculé que sa richesse. Lavée, parfumée d’une délicate odeur de muscade et de jasmin, les yeux cernés d’un noir aussi profond que celui de la chevelure lâche qui me frôlait les épaules, je m’adressais aux garde sans descendre de l’étalon qui me servait de monture.

- Je me nomme Cérès Khayr Ad'din, représentante du propriétaire Arsal Ekmeth Bil’hamal d’Uldal’Rhiz. En son nom et pour le plus grand bénéfice de votre maître, je demande audience à son Altesse le très haut et influent Ethirëlon Nas'olen, Grand Prince de Baaz’Hima, Aimé d'Arcamenel et d'Isten, Maître des vins et des épices.

Le ton, le phrasé. Tout, jusqu’à la teinte de ma peau, juraient que j’appartenais aux riches castes de l’univers des cités dorées qui poussaient de ce côté de l’Olienne. Seuls certains accents pouvaient encore me trahir à une oreille attentive, mais rien qu’une ascendance mixte ne saurait expliquer.

HRP:

L’air semblait doux ce matin. Je ne sais vraiment pourquoi, le soleil n’était pas encore au plus haut dans le ciel que j’étais déjà levé et apprêté comme si aujourd’hui allait être un jour oh combien important.

Pourtant rien. Il n’y avait absolument rien que j’avais prévu à l’horizon de cette journée. Seulement cette douce oisiveté à qui chacun devait selon moi aspirer. Allongé sur le rebord d’une des fontaines du jardin intérieur. Une jambe dans le vide, je fixais du coin de l’œil ma chrivine qui semblait fortement attiré par l’un des arbustes du parc miniature. Sans doute y avait-il un rongeur ou je ne savais quel bête dans les fourrés.

Je vis son poil se hérisser et ses ailes se déployer alors que se fit entendre le bruit d’une porte et des talons contre des pavés. Je ne savais pas pourquoi mais Pyk’sou semblait détester Nethkir….car bien entendu la personne qui venait d’arriver ne pouvait être un autre que mon garde du corps favori. Il était bien le seul qui pouvait se permettre d’entrer ici sans que je ne le demande.

-J’espère que tu m’apporte au moins de quoi te faire pardonner le dérangement. Baillais-je placidement.

Mais non, malheureusement, le drow à lunette n’était pas là pour simplement passer du bon temps vu la tête qu’il affichait. Il eut une sorte de silence étrange alors qu’arrivé en face de moi, il eut l’air d’attendre que je me relève, ce que je ne fit pas.

-Une femme demande à vous voir mon prince…Finit-il par expliquer. Elle dit s’appeler Cérès Khayr Ad’din, représentante d’un certain Arsal Ekmeth Bil’hamal…D’Ulda’Rhiz.

-Je ne la connais pas…C’est sans doute une pauvre fille désespérée. Je fit un geste de la main comme pour en chasser ne serait-ce que l’idée. Pourquoi tu m’embête avec ça ?

J’eut une brusque impression de déjà vu qui froissa mon visage angélique. Cela me rappelait bien trop l’étrange arrivée d’Aerianna.

-Elle n’avait pas l’air pauvre. Elle est à cheval et bien habillée qui plus est.Je le vis remonter ses lunettes sur son nez aquilin, signe qu’il cherchait à me convaincre sans attiser les braises d’une colère qu’il redoutait à n'en point douter. Peut-être devriez vous lui laisser le bénéfice du doute ? Cela ne serait pas bénéfique pour vous de renvoyer une riche marchande sur les marches de…

-C’est bon. Le coupais-je brusquement. Va lui dire que je la reçois et fait l’installer dans le salon ouvert.

Je me redressais avant de me lever en soupirant tandis qu’après s’être brièvement incliné, il tournait les talons. Visiblement mes plans pour cette journée allaient être compromis.

--

C’est ainsi que devant la jeune femme, après que l'un des gardes dérouté soit partit à l'intérieur du palais, apparut quelques dizaines de minutes plus tard un drow à l’allure élégante. Son visage parsemé de lignes blanches qui ne faisaient sens aux yeux de son maître était encadrés par d’étranges lunettes rondes derrière lesquelles se trouvaient des yeux particulièrement clair pour un sombre.

-Mon prince vous fait l'honneur de bien vouloir vous recevoir Madame. Si vous voulez bien me suivre.

Un esclave s'approcha de la dame. Il avait l'air de vouloir l'aider à descendre de sa monture.

Faire attendre. Voilà le plus grand plaisir des gens de la haute société.

C'était le cas en Péninsule, comme à Naelis, et dans chaque cité Vaani que j'avais eu l'honneur de parcourir. Plus la personne était importante, plus le temps pour que ses serviteurs arrivent de la porte à leur petite personne était long. Plus les invités inattendus attendaient. Dans ces cas là, mieux valait tomber sur un gentillhomme qui offrait des croissant et un verre de vin en attendant sa réponse. Sinon, il n'y avait plus qu'à prendre son mal en patience.

Et attendre.

Sans m'éloigner de la porte, je laissais la bride sur le cou e Zayase qui avança de quelques pas pour brouter un bouquet d'herbe jaunie ombragé par les abords magnifiques du palais du prince. Inutile de descendre si je n'étais pas acceptée, monter à cheval était la partie la moins plaisante de l'équitation. Sans m'étirer, le maintien toujours régalien, je sortais de ma sacoche de selle le bréviaire d'Isten avec lequel j'approfondissais mon vocabulaire eldéen depuis l'ennéade précédente. Quelques minutes... Peut-être plus. Qu'en sais-je après tout ?

Puis la porte s'ouvrit à nouveau et je tournais l'oreille vers le nouveau venu, finissant la ligne qui me donnais du fil à retordre. Son ton. Son maintien. Ses mots. Un serviteur. Mais un serviteur important. Je refermais mon petit livre d'un coup sec. Le visage que je découvris alors était celui d'un drow portant d'improbables binocles.

Sans un mot, je rangeais le manuscrit dans la sacoche comprise dans le harnachement de mon cheval et laissais le serviteurs faire son office pour m'aider gracieusement à descendre sans que ma tenue n'en soit défaite. Une fois à terre et écartée d'un bras, je me fendais d'une révérence respectueuse pour l'homme qui allait surement me conduire à l'intérieur : ne jamais sous-estimer le pouvoir des serviteurs les plus proches du maître de maison. Une leçon que j'avais vu bien des nobles négligés.

- Je vous en remercie, Monsieur. " et tandis que nous avancions dans cette demeure ennemis, j'ajoutais d'un ton don la chaleur le débattait à la retenue convenable. " Puis-je connaitre votre nom ? "

Un renseignement. Une note. Un sauf-conduit peut-être ?

Dans tous les cas, je respectais scrupuleusement les consignes et m'installais sans impatience jusqu'à ce que le seigneur des lieux daigne me recevoir, observant avec intérêt les belles choses entreposés dans ce lieu de luxe... Mais me repaissant surtout des mélodies fluide d'un palais si vivant.

Le doeben eut un moment de silence. Il eut l’air de réfléchir avant de répondre à l’étrange invitée.

-Nethkir, madame.

Il n’avait pas l’air bien bavard le drow car le reste du chemin se fit en silence. Il semblait perdu dans ses pensées à vrai dire, et sur le trajet qui les menèrent jusqu’à un salon ouvert, nombreuses furent les fois où l’étrange femme put le voir relever ses lunettes sur son nez.

En réalité l’endroit dans lequel ils arrivèrent semblait plus tenir d’une terrasse qu’un salon. Une fois la porte passée, on pouvait constater qu’il n’y avait pas de toit et tout juste une rambarde cachée par une végétation étonnamment luxuriante. Çà et là de confortables coussins et divans entouraient une table basse sur lequel était posé narguilé et autres victuailles.

Docilement la femme s’installa lorsque le doeben lui indiqua poliment un divan et à nouveau le silence et l’attente.

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Lorsque j’arrivai dans le salon désigné plus tôt, je trouvais mon invitée déjà installée comme je m’y attendais.  Mes serviteur avaient visiblement déja fait leur travail et j'était satisfait. D'autres ne manqueraient d'ailleurs sans doute pas d'arriver.

A côté de la porte, mon garde en chef se tenait toujours aussi droit. Je me demandais bien ce qui devait lui passer par la tête comme toujours. Le doeben restait sur beaucoup de point une énigme pour moi.

Je devrais probablement lui demander une fois notre entretient terminé ce qu'il pensait de la dame mais pour le moment mon attention se porta sur l’inconnue.

-Tout d’abords en tant que prince et maître des lieux, je vous prie de pardonner mon retard. Une affaire urgente requérait mon attention. Un sourire que je savais irrésistible apparu sur mes lèvres. Mais maintenant je suis tout à vous.

Je m’installais en face d’elle, ne la quittant que peu du regard.

-Que puis-je pour vous Dame Khayr Ad’din ?

Le salon:

Cela faisait si longtemps...

J'inspirais avec délice les parfums délicat et laissait trainer ma main sur les housses des coussins moelleux. Un peu plus et je m'y étalais de tout mon long jusqu'à y être ensevelie... Hélas, ce n'était pas vraiment le moment. Que faire alors ? Commencer le narguilé ou les victuailles sans mon hôte serait grossier. A défaut du plaisir des sens, il ne restait donc plus que la méditation. Les murmures chaotiques dans lesquels je pouvais me plonger à toute heure du jour ou de la nuit.

Jusqu'à ce qu'un homme de haute taille, à la démarche fringante et au port altier n'entre par la grande porte.

- Mais vous êtes tout pardonné, votre Altesse.

Quel sourire ! Papillonnant des cils, je me rengorgeais, les yeux rivés sur le splendide visage qui ne me perdait pas de vue. Qui n'aurait pas été flattée qu'un si bel homme lui porte une telle attention ? Qui n'aurait pas été séduite par un charme si magnétique ? ... Bon... J'en faisais peut-être un peu trop dans l'admiration coquette de jeune séductrice amateure... Mais quelques battements de cil ne pouvaient faire de mal.

De plus, même avec des traits floutés par ma vue paresseuse, l'homme, bien qu'un peu trop svelte à mon goût, arborait un visage fier d'une rare symétrie. Et ses yeux noirs... Un sourire appréciateur plus vrai que les autres passa sur mon visage en même temps qu'une pensée futile. C'était comme si le propriétaire des lieux s'était façonné pour être aussi luxueux et raffiné que tout le décorum qui nous entourait.

- Et bien je n'irai pas par quatre chemin. " commençais-je à son invitation, le visage ouvert et lumineux comme s'il s'agissait d'une discussion mondaine autour d'un verre lors d'une soirée de fête. " Étant donné la débâcle qui à lieu en ce moment dans les plus hautes sphères Vaanies, j'aimerai que votre Altesse reste en vie, indemne et que sa puissance rayonne suffisamment pour qu'il puisse dicter sa loi en faisant fi d'Elda comme des royaumes Pentiens. Oh, je n'ai pas la prétention de me penser seule à nourrir de telles préoccupations, mais l'audace est un trait que j'ai du mal à réprimer. Je suis donc ici pour vous retourner la question que vous avez eu la générosité de me poser, mon Prince : que puis-je pour vous ? " Le dos droit et le port noble, mes mains étaient toujours tranquillement posées sur mes genoux. Assise dans le salon d'un des hommes les plus puissants de cette partie du monde, mon air jovial était étrangement joyeux pour des propos si graves... Et le risque que je courais faisait battre mon cœur un peu plus fort.

Mes yeux se plissèrent légèrement tandis que cet éternel sourire en coin ne quittait pas mon visage. Flatteries. J’y était extrêmement sensible et persuadé qu’elle avait raison de rêver de me voir rayonner, ce que je faisais déjà soit dit en passant. Mais j’avais l’impression qu’il y avait autre chose derrière. Rares étaient les gens qui se jetaient à mes pieds aussi vite (je le déplorais).

Laissant un silence, je servis deux verres de l’alcool vaani disposé sur la table. Comme le voulait la coutume, je bus aussi dans le verre que je lui tendis, lui prouvant qu’il n’y avait pas de poison. Remarque c’était un geste plus machinal qu’autre chose étant donné que de toute façon c’était elle qui était venue me voir. Et puis mon sang faisait que je résistais mieux qu’elle à ce genre de choses…

-Hé bien, qu’êtes-vous donc prête à faire pour arriver à vos fins ? Fin que je qualifierais sans doute de bien agréable à entendre… Je me penchait légèrement en avant, comme m’apprêtant à lui faire une confidence. J'aime votre audace mais voyez-vous j'ai déjà la sensation de posséder tout ce dont j'ai besoin.

Je ne voyais pas où elle voulait en venir mais j'était curieux. Il suffisait parfois de légèrement incliner le plus banal des cailloux pour en révéler l'éclat et en faire une gemme des plus rares. J'espérais qu'elle était de ces dernières. Un gemme des plus rares à ajouter à ma collection.

Une goutte d'alcool sur les lèvres. Parfumé. Délicat. Depuis quand n'avais-je pas eu l'occasion de goûter un nectar aussi luxueux ? Le boire d'une traite aurait été me vendre mais par les mémoires de tous les ancêtres, ce que ce genre de petite mise à l'épreuve pouvait être mesquine !

- Et vous avez parfaitement raison, mon Prince. Vous possédez tout ce dont vous avez besoin. " acquiesçais-je cependant en faisant de mon mieux pour feindre l'indifférence envers le verre que je reposais. Perdant un peu de jovialité forcée pour un calme assuré, j'en profitait pour scruter ses iris noires, prenant le temps d’accommoder ma vision pour distinguer les traits exactes de son visage sans me préoccuper de l'intensité dérangeante que cela pouvait engendrer. " Mais je ne suis pas de celles qu'il est aisé de posséder... Et quel prince oserait affirmer qu'il a maintenant et pour toujours, tout ce qu'il désire ? "

D'Ydril à Oesgard, de Naelis à Esion, il y avait bien une constante en ce monde : l'avidité des hommes. Étant donné ce que j'avais expérimenté je pouvais affirmer que les drow n'étaient pas bien différents. Quant aux elfes, il étaient encore plus absolus que toutes les autres races réunies, quoi qu'ils en disent. Il n'y avait guère que les nains que je connaissais encore trop mal pour tenir de telles affirmations, mais je pouvais être certaine que mon hôte n'avait pas la moindre goûte de sang du petit peuple dans les veines. Alors quelle importance ?

Me redressant légèrement sur les coussins profonds du divan, je n'avais pas détourné le regard.

- La gloire. L'immortalité. La beauté. La richesse. Le talent. Vous avez déjà bien plus que ce que d'autre ne pourraient qu'effleurer en rêve. Je n'ai la prétention ni de connaitre, ni de juger les désirs d'un homme tel que vous. Je ne fais que vous indiquer une oreille attentive que vous pourrez appeler au moment opportun. " Des plis de mon sari, je tirais un carré de toile blanche plié en quatre pour le poser sur la table. Au creux du mouchoir, tracé au fusain, les coordonnées d'une volière Thaarie sise au-dessus des ruelles étroites du bazar ainsi qu'un mot 'Enchanteresse' " Je pourrais vous citer quelques une des mes interventions, mais les Altesses apprécient toutes un minimum de discrétion. Et puis que vous importe ce qui est fait, du moment que vos souhaits soient exaucés ? " Une agréable façon de répondre 'je suis prête à tout' tout en sous entendant que je pouvais aller plus loin encore.

Je fixais un instant le morceau de tissus qu’elle avait posé sur la table. Des coordonnées. Un endroit où la trouver visiblement. Voilà qui éclaircissait un mystère…

-Ah. Une mercenaire donc !

Mes prunelles virent retrouver les siennes. Elle avait raison sur un point : du moment que j’avais ce que je voulais peu importait vraiment le moyen. Mais cela je ne pouvais l’avouer à voix haute bien entendu.

-Imaginons, Fis-je, nonchalamment en calant de nouveau mon dos contre le dossier de mon siège. Ma jambe droite vint croiser sa jumelle gauche. Que j’ai effectivement quelque chose à demander. Ce qui n’est pas forcément le cas mais admettons. Je levais l’indexe de la main qui ne tenait pas ma coupe. Qu’aurais-je à proposer en échange d’une…’intervention’’, exactement ?

Rien n’était gratuit dans ce monde. Je n’était pas dupe au point de penser qu’elle ne travaillerais que pour mes beau yeux.

Réglé comme du papier à musique.

Pour l'instant la discussion se déroulait exactement comme prévue et j'étais prête à parier qu'elle atteindrait bientôt son terme.

Mes lèvres s'étaient pincées avec une désapprobation mêlée de cynisme lorsqu'il avait prononcer le mot mercenaire. Tellement vulgaire. Tellement loin de nos vérités... Mais tellement pratique pour endormir la méfiance.

- Cela dépendra de ce que Votre Altesse désire je suppose. " souriais-je plutôt en buvant quelques gorgées de plus. " Après tout, qui pourrait fixer le prix d'un souhait véritable ? Vous pourrez en parler avec le Vossula et son chien de guerre si le cœur vous en dit. Ou avec votre discrète Princesse de Geresh. " Mon verre retrouva sa place sur la table basse et je me redressais légèrement, faisant mine de me lever. " Mais si rien ne vous vient, je suis sans doute passer trop tôt. Je ne voulais pas vous importuner."

L’avais-je vexée ? Je me le demandais alors qu’elle afficha une moue pincée et qu’elle fit mine de se relever après un sourire qui me sembla faux.

Certaines de ses paroles retinrent soudainement mon attention et l’interrogation précédente s’envola bien vite de mon esprit. Je ne bougeais pas encore et penchait légèrement la tête sur le côté.

Tient donc, comme ça deux de mes confrères avaient récemment eut recours à des mercenaires...Ce n’était guère surprenant mais c’était le genre d’information à garder soigneusement. Surtout en ayant ladite mercenaire en face de soi.

-Ne m’avez-vous pas dit plus tôt que votre clientèle appréciait un peu de discrétion ? Cette fois je me relevais en l’imitant. Je suis sincèrement touché votre démarche, mais voyez-vous lorsque l’on occupe une place telle que la mienne, il faut savoir s’entourer de gens de confiance.

J’eut l’air faussement concerné. Il faudrait qu’elle prouve sa valeur si elle voulait que je prenne la peine de me souvenir d’elle à l’occasion. Des guildes de mercenaires et autres personne du genre, il y en avait des milliers à Thaar.

-L’Itrih’Vaan est un monde sans merci nous le savons tous deux.

Moins fin que je ne l'aurais pensé...

Les sous-entendus n'avaient pas l'air d'être son fort. Au lieu de se demandé comment j'étais au courant pour sa relation avec la princesse côtière ou ce qu'une femme seule pouvait faire qu'une petite armée de plusieurs centaines de chevaliers ne pouvait pas réaliser, il semblait tiquer sur le fait que je lui donne des noms... et même pas pour me faire cracher une quelconque information. Ou était-ce la déception de ne pas avoir été le premier à attirer mon attention ?

Dans les deux cas, peut-être que le Prince serait moins intéressant que prévu, mais tant de désinvolture était rafraichissant.

Mon sourire se fit plus franc alors que je retenais un éclat de rire cristallin. La confiance... Il y avait donc encore une personne pour croire qu'elle était autre chose que la panache des défunts, dans ce pays ? J'étais décidément tombé sur une licorne !

- Bien sûr, votre Altesse. Votre instinct doit être sûr pour dominer dans un tel pays. " Une révérence des plus nobles infléchit mon ton servile.

J'étais visiblement la seule a savoir c'est qu'il y avait bien pire que l'Ithri'Vaan... Avec respect, je me dirigeais vers l'homme qui m'avait mené jusqu'à ce salon, lui intimant à voix haute ma tristesse d'avoir fait perdre son temps à son maître et mon désir de ne pas l'importuner davantage.

- Oh, tant que j'y pense. Vous saviez que l'aconit distillé une fois ingéré est un poison mortel même pour les elfes ? Il n'a aucun goût mélangé à de l'alcool et n'agit pas avant plusieurs heures. Il suffit d'en avoir un peu en bouche au moment de trinquer et vous pouvez repartir par la porte d'entée sans être inquiété. Un fait intéressant que m'a apprit l'un des marchands de vin de votre bonne ville. Son nom m'échappe mais son enseigne représente une amphore frappée d'un souverain d'or. Mais je divague... Votre Altesse prenne soin de lui." m'inclinais-je une fois de plus, prête à suivre l'esclave ou le moindre ordre qui me serait donné.