Qui paye le Loup pour chercher les brebies égarées? (Ama, Myo)

suite: chasse à courre

Début deuxième ennéade de Verimios An 17 du XIe cycle
Pharembourg, en direction de la demeure du marchand Arsiiiinoé père
Midi

Dante a vécu cinq ans en Péninsule. Et, par chance, il n'avait jamais eu à vivre l'hivers en tant que tel. Et, comme qui dirait, il faut une première à tout. Le constat qu'il en tire, comme tout bon Estreventin capable de supporter des chaleurs inouïes… Il se les caille… C'est un froid humide en plus, qui lui transperce le corp et lui glace les os. Son corp s'adaptera, il le sait. Alors il ferme sa grande gueule et s'adapte. Il n'y a plus de nuits à la belle étoile, il y a des étapes définies avec des lieux de chutes chauffés.

En cet instant, c'est sur Pêche (ne me demandez pas qui a pu lui donner un nom pareil), une belle jument Arétane placide et au sabot sûr, au pelage d'un fauve clair et aux pattes droites et solides, moins rapide mais très endurante qu'il entre à Pharembourg. Sous sa capuche, le visage de l'étranger est entortillé dans son foulard, ne laissant voir que deux yeux dépareillés. Il est parfaitement dans les temps malgré son escale fortuite à Aretria.

Tranquillement, l'étranger se dirige vers la demeure des marchands Arsinoé. Il n'y a pas de gardes à la porte comme il y aurait en Estrevent. Laissant sa monture à l'entrée avec un sac d'avoine, le reître se dirige alors vers la porte d'entrée à laquelle il toque fermement.

Alors, qu'elle réaction pourra bien avoir le majordome devant cet individu si chaudement accoutré, au visage ne laissant voir que deux yeux dépareilllés et enfoncé dans sa cape doublée de fourrure rase? Il prend la peine de se découvrir le visage, révélant les cicatrices et la peau de miel sur des traits qui pourraient être agréables s'ils n'étaient pas durs. Une voix grave, étonnante, s'élève dans l'air glacial de ce matin de début d'hivers.

Bonjour, je demande audience auprès de votre maître, c'est Sire Sigismond Arsinoé qui m'envoie, il doit deja avoir annoncé ma venue.

Par la porte entrouverte, une douce odeur de viande en sauce s'évadait. Pour un nez curieux, les effluves de thym, sarriette et de laurier se mêlaient délicatement à celles acides de la tomate et de légumes racines. C'était sans compter sur les arômes herbacés et piquante de l'huile si caractéristique de la région. Si la chaleur et le soleil s'étaient enfuit du ciel, ils avaient regagné cette cuisine. En tout cas, la viande ca restait de la viande et ca donnait envie au visiteur même s'il le cacha admirablement bien, se contentant d'inspirer profondément la chaude odeur, narines évasées.

Le majordome, imperturbable devant l'homme étrange, finissait de le jauger. Et aussi imperturbable était le visiteur, n'offrant que l'énigme de son regard étrange pour toute réponse aux questions informulées.

- Et vous êtes, Monsieur ?

Dans l'entrée, deux ombres muettes et imposantes se mouvaient. Au fond de la maison, une clochette teinta comme celles des cieux, auprès de la Dame Blanche, tant les notes étaient claires. Ici et là, les locataires semblèrent se mettre en branle pour se retrouver dans un ailleurs. Les prunelles dépareillées notèrent ces mouvements, les cataloguant instinctivement pour plus tard.

Tandis que le majordome attendait une réponse, une voix âgée se fit entendre.



" Alfrredo, on ne chauffe pas encore piour les oiseaux. S'il a faim, donnez loui une sauciisse, qu'on en finiisse. "

Ce ton, cette façon de "iiiier"…. Sous les dehors imperturbables, Halewyn s'en taperait le front sur le cadrage de porte.

-Halewyn Redinem. On m'attends.

Dit il simplement en réponse au majordome. Bon, si Sigismond avait fait son boulot, il devrait être attendu. Mais ca, inutile de lui dire à lui. Ce n'était pas au majordome qu'il devait rendre des comptes. Malgré tout, le mercenaire esquissa un léger sourire qui rehaussa le coin de sa grande bouche.  

La porte s'ouvrit un peu plus pour laisser entrer l'étranger qui sengouffra dans l’espace libéré.
" Si Monsieur Redinem, veut bien attendre ici, je vais prévenir Monsieur et Monsieur. " Dans une demi révérence le majordome prit congés, laissant Halewyn dans l'entrée. Comme toute ses consœurs dans ses contrées où le soleil était brûlant venant l'été, elle était sombre. Il n'y avait pas énormément de meubles si ce n'est un coffre en bois adroitement ouvragé. C’était intéressant, se dit l’homme en se débarrassant de sa cape pour l’accrocher sur la patère. Chaudement vêtu, ses quatre filles aux hanches. Il essuya ensuite consciencieusement les bottes.

Un peu plus loin dans la demeure, le visiteur pu entendre ces quelques mots : " On peut diirre qu'il sait arrriiver au bon moment. On a prresque attendu."

Halewyn n’en crut pas ses oreilles... fit comme s’il n’avait rien entendu

Le majordome revient et accompagne son hôte jusqu'à la table de la salle à manger. A un bout, le chef de maison, Monsieur Arsinoé Père lui même, préside la table. Un autre de ces gus qui aiment tout mener et dont le rejeton débile issu de ses reins fécond ne pourra s'émanciper que quand il aura passé l'arme à gauche. Autour de lui, il y a quatre hommes, dont son fils assurément, assit à sa gauche. L’estreventin se demande alors pourquoi les femmes étaient si peu considérées pour qu’il n’y en ait pas de représentante à cet instant précis. Alors s’arrête t’il en bout de table et reste debout pour se soumettre à l’examen du patriarche.  Mis à part le vieil homme, tous sont debout et attendent, les mains croisées au devant d'eux. Soit il a à faire à un gus tyrannique, soit il a à faire à un homme à la santé sur le déclin.  Un sixième couvert est en train d'être mis par une servante affairée.

" Bonjiour Monsiieur Rrediinem. J'espèrre que vious savez priier. Nous n'avons pas encorre commencé à manger. Mais, je vous prrie, prrenez place. Il ne faudrrait pas que cela rrefrroidiisse. " A ces mots, le père montre la place vacante. Sur l’ordre, l’étranger va à la place assignée. Le vieux entame alors un bénédicté pour la Dame Dieu. Il la remercie pour le repas, et lui demande à nourrir les plus pauvres qui attendent dans les premiers froids hivernaux. Enfin, il la remercie  qu'il soit entouré par sa famille.

Dans l'attitude de prière typique, qui sait ce que ce grand dadais peut bien envoyer comme prière… Mais on se doute.

Bien qu'il eut finit, les hommes laissèrent encore quelques minutes de recueillement avant de s'assoir, ensemble. Suivant les coutumes locales, le reître suit le mouvement. C'est à ce moment précis qu'entre la servante avec une soupière fumante à l'odeur alléchante. Cérémonieusement, elle sert le chef. Puis, les hommes en fonction de leur importance dans la famille. Halewyn capte parfaitement le message derrière, mais il s'en fout. Il n'est pas là pour ça.  

Sans un mot, Halewyn suit naturellement  le protocole imposé par l’employeur. El l'a bien formé à ce niveau. Discrètement il surveille la soubrette qui sert la pitance. Et la gratifie d’un regard droit dans les yeux quand elle le sert. Un léger  sourire poli aux lèvres. -Merci mademoiselle. Avant de se taire de nouveau, attendant qu’on daigne l’autoriser à parler. Les mains dignement posées sur les genoux, attendant que l’employeur et sa famille commencent à manger, attendant avec une patience infinie que le patriarche commencent à mener les négociations. Il a tout son temps, eux ont besoin de lui et l'inverse n'est pas.

Comme prévue, la viande fut bien servie en sauce avec quelques petits légumes mais surtout des boulettes de pâte tendre. Elles avaient également le bon goût de pomper la sauce et de se gorger des chaudes flaveurs et l'Estreventin sut apprécier le met à sa juste valeur, gardant la plus belle étiquette.
Négociations qui ne viennent finalement qu'après le plat principal. Les sujets avaient été vastes, allant du temps en mer, du temps ici, du temps là bas à Thaar et du temps qu'il ferait demain. Poli et courtois, l'employé en devenir ne répondait que quand on lui adressait la parole directement. Le mercenaire, sous ses airs timides, analysait cependant tout ce qui se passait. Nul doute que son hôte en faisait de même sous l'excuse du repas de midi.  

Et vint la salade, pour rafraichir le palais, et le fromage. Halewyn lui en est gré d'une certaine façon… De la putain de salade, lui répondre évitera à avoir à avaler ça… Mais, au fait, où, en hivers, dans ce putain de pays glacial pouvait pousser ce genre de truc? Ca doit coûter la peau du cul et il dine avec ça… Il voulait l'impressionner?  Le vieil homme va directement au but, lui évitant d'avoir à se mettre ce gazon sous la dent.

" Bon. Diites moi tiout. Pouis-ce que vious saviez vious teniirr à table, pouirrquoi vious serriez plus éffiiciiant que mes hommes ? Quels sont vos… talents ? " Le père ne savait pas forcément s'il pouvait faire confiance dans le jugement  de la nature humaine de son fils. C'est qu'il était encore tout jeune et bien innocent.

Le mercenaire repose sa fourchette doucement à côté de sa salade, prend sa serviette de table et s'essuie la bouche délicatement avec celle-ci. Voir un homme comme lui agir de cette manière peut être déstabilisant, Halewyn en est conscient, comme il est conscient que le vieux richard devant lui ne se laissera pas avoir. Au fric qu'il a, pense le mercenaire, il aurait dû se payer des cours de diction à la place de gaspiller ca sur de la verdure.

La voix grave et posée de l'étranger lui répond, grave aux accents chantant d'outre-mer, dans la pièce. Sans forcer, il a assez de volume pour se faire bien entendre de tous, d'un ton aimable. D'ailleurs il ne crie pas, il murmure presque ce qui n'empêche pas Monsieur Arsinoé père de bien le comprendre.  Fixant le vieux marchand directement dans les yeux sans ciller, les mains aux grands doigts agiles replient la serviette sans qu'il n'ait besoin de regarder.

"Sire Arsinoé, père. Mes talents résident dans la discrétion. Je n'ai ni références, ni curriculum vitae à vous présenter malheureusement. Sans vouloir vous offenser cependant, permettez moi d'être franc et d'aller droit au but. " Il dépose le tissu à sa place initiale.

-En premier lieu, permettez moi de vous remercier pour ce bon repas…. Ensuite… La sœur des demoiselles de Termer s'inquiète. Il s'est passé beaucoup de temps. Les indices physiques ont été nettoyés depuis belle lurette, il ne reste que des témoins indirects. Et la mémoire est une faculté peu fiable… Il s'est passé… un mois? Quatre-vingt un jours approximativement sans avoir aucune nouvelles de ces demoiselles. Soyons franc, la piste est glaciale.

Un sourire relève le coin de la grande bouche mobile.

-Ma spécialité à moi, c'est de trouver mon chemin là où les autres l'ont perdu, de dénicher la piste et de la remonter… On m'a demandé de  trouver les damoiselles et de les ramener à leur famille...  Sans vouloir vous offenser, sire, combien d'hommes avez vous lancé sur leur traces?

Termine t'il en prenant une infime gorgée d'eau, les lèvres du chasseur ne font qu'effleurer le liquide tandis que sa glotte se soulève et s'abaisse.   [/b][/b]

Le vieux rectifia la coupe d'un fromage, légèrement agacé. Qui avait donc pu oublier une règle pourtant si simple. Talon, pointe, talon, pointe. Cet autre s'y était pri comme un pieds. Mais ce n'était pas pour autant qu'il n'écouta pas les arguments de l'étranger.

" Pour sûrre, vious n'êtes pas connu. " C'est qu'il avait tenté de se renseigner le vieux. Et même ses contacts à Thaar, ne faisait pas mention d'un quelconque Halewyn Redinem.

Par politesse,l'Estreventin prit un morceau du fromage présenté, prenant le temps de bien mastiquer l'aliment en observant son futur patron hypothétique

" Sii la piiste est froide, piourquoi être intéressé? C'est pour les beaux Yieux de ma fiille ? Comment ça elle vious plait ma fiille ? " Enfin, il avait lâché son assiette des yeux pour plonger son regard dans celui bicolore de l'étranger.

Le sourire d'Halewyn resta égal à lui-même mais il s'éclatait intérieurement. Le vieux était agacé c’était perceptible. Le marchand avait beau être maitre de lui-même, notre enfoiré de service savait très bien décoder ce genre d'émotions chez ses interlocuteurs, étant majoritairement la cause de telles irritations. Et, ca l'amusait, soyez en sûr. Aussi arborait il en cet instant un air calme et confiant, sans être pédant. Une chance que le marchand ne lisait pas les pensées cependant.  

- Sire, je n'ai pas vu votre fille, mais votre bru, oui. Elle m'a interpellé, certes. Son désespoir m'a touché, assurément, et le défi que représente devoir retrouver et réunir Dame Arsinoé et demoiselles ses sœurs me stimule grandement…

La Bête dresse l'oreille, courroucée. Il gronde….
Pourquoi il nous parle de sa fille ce connard? Viens pas me dire qu'il veut nous coller sa pétasse de fille à marier?
Non mais ils ont quoi à tous prendre leur femmes pour de la marchandise dans ce bled? Renchérit Dante, blasé à l'os.

…Je vous rassure, je ne suis aucunement intéressé à ce niveau. Je suis de tout coeur marié et heureux en ménage. Le fait aussi que je ne sois pas connu est le gage et la garantie de mon efficacité. Les prunelles bicolores soutinrent sans mal celles du vieux qui comprenait sûrement maintenant qu'il n'avait pas affaire à un vulgaire mercenaire de bas étage…Arsinoé père avait l'air intelligent, ou pas. Quand à mes talents…reprit la voix grave et égale. Comment ils seront utilisés... ou non...  dépend de vous.

Le spectacle qui se passe en cet instant précis est digne d'une comédie.  

" Comment ça elle ne vous plait pas ma fiille ? " Le vieux se lève de la table d'un bond, tenant  toujours son couteau à fromages. A sa gauche, comme à sa droite, les hommes de sa famille se lèvent aussi et lui prennent doucement les bras. Immobile à sa place, Halewyn ne lui retourne qu’un regard indéchiffrable, une lueur étrange dansant dans celui-ci. La Bête en sa tête logée, éclate d'un rire réjouit de rire tandis que, apparamment de glace face à l'humeur du père Arsinoé, il garde son sourire affable et professionnel, laissant les Péninsulaires démêler tout cela. Savourant la scène… Parce que c'est est toujours beau, le spectacle du chaos, et il sait l'apprécier à sa juste valeur.

" Père, il n'a pas la même culture que nous. Il n'a pas compriis que vous parliez de Dame Hespériis Arsiinoé. " Intervient pour la première fois Sigismon. " Messiir Halewyin, j'ai une sœur, mais elle est déjà mariiée. Ce n'était nullement une inviitation à faire partie de la famille. Un seul déjeuner, c'est un peu tôt par chez nous. Je ne sais pas ce qu'iil en est de vos coutumes mais, nous ne sommes pas des bêtes. Nous sommes ciiviiliisés et…"

Le sourcil surplombant  l’oeil vert se hausse enfin, laissant l'interprétation libre à qui veut.  Néanmoins l'étranger garde un silence digne, relevant à peine le menton. C'est le vieil Arsinoé qui rompt le premier l'atmosphère étrange de cette fin de repas.  

" C'est bon Siigiismon. Qu'il y aille. Qu'il trriouve les sœurs et qu'il les rramène à leur père. " Le patriarche se rassit et les hommes en font autant. En échos, le sourcil de l'étranger s'abaisse. " Alfrredo ! Monsieur s'en va. Donne lui le panier garrni et rajoute y un amuse bouche. Le Pèrre se charrgerra de payer le rreste à la livraison. " Dit il en haussant la voix.

Et enfin, il se tourne vers son invité. " Ce sera ma seule offrre piour le moment. C'est à prendrre ou à laisser. "

S'il savait… Enfin, on peut passer aux choses sérieuses... bien beau se marrer, mais elles ne se trouveront pas toutes seules, pense le mercenaire. C'est de sa voix égale, polie et froide, sans émotions apparentes, qu’il reprend la conversation comme si Arsinoé père n'avait même pas eu une saute d'humeur.  

… J’ai besoin de tout ce que les autres vous ont donné comme rapport. Du récit circonstancié de la soirée, des endroits où elles auraient été aperçues... le reste des informations, Dame Arsinoé me les a gentiment fournies... Je ferai moi-même le tri dans les documents.  Je suis à l’auberge du Pharembourgeois.

Sur ce, il se relève, soulagé d’éviter la salade. Ne lâchant pas le patriarche du regard, ne montrant aucune faiblesse. Halewyn  n'a ni le temps ni l’envie d’interroger qui que ce soit dans la piaule.

… Je dois tout savoir messire à ce sujet, même les hypothèses les plus farfelues. Même les secrets y étant plus ou moins reliés. Je pourrais revenir interroger des témoins aussi avant de partir sur les routes.

Tandis que le patriarche mâche consciencieusement son quignon de pain, le mercenaire fait une de ces profondes révérences dont il a le secret. Il y avait de ces choses qui n’ont pas été abordées mais ce n’est pas grave. S’il se trouvait mal payé dans le futur, il remédiera lui-même à la situation et se payera en litres de sang à défaut de souverains d'or... plus tard, avec les intérêts.  

En attendant les documents, permettez moi, messieurs, avec votre permission sire Arsinoé, de prendre congé et de vous remercier pour le succulent repas. Puisse Néera veillez sur vous. Pour toute réponse, la bouche toujours pleine, le vieil homme fait un geste élégant de la main. Il a déjà tout dit. Les ordres ont été donnés et il veut finir son repas en famille.

Aussi calmement qu'il y est entré, Dante quitte la demeure des Arsinoés.  

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