Passer de Main en Main | Calemirhel

Tu avances d’un pas leste dans les rues d’Alëandir, contente de ta journée qui, si elle n’a pas été spécialement productive, tu as même pris du retard sur certaines choses, mais au moins tu as beaucoup appris et, du moins tu oses l’espérer : tu as été utile. Et c’est tout ce que tu demandes. C’est aussi pour ça que tu ne t’en veux pas trop d’avoir pris du retard, parce que tu as le doux sentiment d’avoir réussi à réconforter Aegden et aider les autres fait partie de tes prérogatives. En plus de ça c’était aussi l’objectif de cette balade. Tu profites de ce moment de répit, personne ne profite de ton passage pour te demander quoi que ce soit, pour laisser ton regard vagabonder sur les gens, les bâtiments, les animaux et… tu t’arrêtes au milieu de la rue et sans vraiment savoir pourquoi, à ce moment précis, Pôdcalen te manque. Puis tu reprends ton chemin, un fin sourire sur les lèvres, tu n’aurais pas pensé qu’il te manque ce tentapatte qui fait tout le temps des siennes et pourtant… tu te demandes si tu lui manques. Peut-être, tu n’en es pas certaine, après tout, les gens à embêter ce n’est pas ce qui manque et il trouverait bien quelqu’un d’autre.

Cependant une fois que tu seras rentrée tu sais que tu ne pourras pas le laisser faire ses facéties habituelles alors tu pries pour qu’Eryvïnn soit rentré avant toi, pour qu’il puisse s’occuper de ce petit monstre vert à ta place. Une fois devant la porte de ta maison, qui n’a rien d’exceptionnel, qui ressemble à la majorité des autres habitations de la capitale ; tu pourrais sans doute demander quelque chose de plus spacieux, de plus riche peut-être, mais vous n’en avez pas besoin et puis après plus de huit-cent ans passés dans cette maison tu ne sais pas si tu arriverais à t’habituer à une nouvelle demeure. De plus, l’arbre qui a poussé dans ton salon durant le Voile et qui traverse le toit la rend d’autant plus unique pour toi. Si l’arbre en question n’a rien de bien particulier, tu pourrais en trouver bien d’autres comme lui dans la ville et encore davantage dans la Prime Œuvre, c’est un peu ton Estel à toi.

Quand tu rentres tu poses ton sceptre contre le mur le temps de retirer tes bottes et gants, tu ranges les premières sous une table et les seconds dessus puis tu récupères ton sceptre et la sensation de la pierre nue sur la plante de tes pieds te fait frissonner. Tu ne sais pas pourquoi mais ça t’as toujours fait cet effet et vu qu’il n’est pas désagréable tu ne t’es jamais posé la question. Tu vas rejoindre ton bureau, ta journée n’est pas encore terminée, tu as encore du travail, des missives à écrire et en passant par le salon tu remercies I Mîngely en voyant que Pôdcalen n’est pas dans l’arbre au centre. Lorsqu’il ne se balade pas dans les branches de l’arbre en question c’est en général parce qu’il n’est pas dans la maison alors tu accélères afin de profiter de son absence pour travailler en paix. Il rentrera sûrement avec Eryvïnn.

Il faut frapper plusieurs fois sur ta porte pour que tu relèves brusquement la tête, les oreilles dressées. Tu te lèves de ta chaise, tu attrapes ton sceptre en faën ornë et tu te diriges vers l’entrée, curieuse de savoir de qui il s’agit. La personne de l’autre côté frappe à nouveau et, perdue dans tes pensées, ça suffit à te faire sursauter.

« Oui, j’arrive! » Pour mêler le geste à la parole tu accélères et enfin, tu ouvres la porte pour voir Hûlion. « Bonsoir, comment puis-je t’aider? » Tes yeux passent de l’ancien militaire à l’elfe qui l’accompagne qui a l’air assez jeune. « Comment puis-je vous aider? » Te corriges-tu finalement.

Tu hoches la tête aux salutation d’Hûlion et tu te demandes s’il est aussi formel à cause de la présence de l’autre elfe puis lorsqu’il te la présente ton visage se tourne vers elle et ton visage arbore une expression contrie. Tu hoches à nouveau la tête, tu ne doutes pas qu’elle a beaucoup à réapprendre, et peut-être même à apprendre tout court au vu de son âge.

« Bien sûr. » Tu te mets de profil pour laisser libérer le passage à l’intérieur de ta maison. « Je vous en prie, entrez. » Devant l’hésitation du Guide tu hausses un sourcil. « Je ne veux pas te retenir, si tu es demandé autre part... »

Hûlion s’incline et, après les aurevoirs de circonstance, s’éclipse. Tu attends donc que ta nouvelle protégée entre pour fermer la porte et te diriger à ses côtés vers le salon.

« Enchanté de te rencontrer, Ellaïn, je m’appelle Calemirhel. »

Tu arrives au salon avec l’arbre en son centre et tu lui désignes une table et surtout une des chaises.

« Est-ce que tu veux bien m’attendre quelques secondes ? J’ai une lettre à signer et à envoyer et je suis à toi. » Tu te diriges rapidement vers ton bureau pour terminer ton travail avant de revenir dans le salon. Tu siffles pour que le silm'aiwë descende de sa branche et tu lui remets ton message puis il s’envole. « C’est bon. »

Tu t’approches d’Ellaïn et tu t’assoies en face d’elle.

« Alors qu’as-tu appris au contact d’Hûlion? » Puis tu te relèves en venant de penser à quelque chose. « Tu veux boire ou manger quelque chose? »

Derrière toi, Pôdcalen s’immisce entre les branches de l’arbre derrière toi et descends lentement, les yeux rivés sur l’étrangère aux cheveux roux.

La jeune elfe pénétra dans la demeure, non sans lever son museau et observer avec curiosité la taille, l'ameublement et les décorations des lieux. Hûlion sera resté formel jusqu'au bout, pas un au revoir chargé d'émotions ni même un regard par dessus son épaule en s'en allant. Il a toujours su garder cet équilibre, entre proximité et distance, avec sa protégée, et sûrement avec tout le monde en réalité pensa-t-elle. Lorsque Calemirhel se présenta, Ellaïn lui répondit son un ton similaire.

- Enchantée de même.

Difficile de savoir à quoi la vie sous ce toi allait ressembler, Calemirhel semblait être faite d'un tout autre bois qu'Hûlion. A peine la porte fermée que sa nouvelle protectrice s'éclipse l'espace d'un instant afin de terminer une affaire personnelle, laissant ainsi Ellaïn seule. En y repensant, elle n'avais pas vraiment eu l'occasion d'avoir un moment de solitude depuis son arrivée en Anaëh, hormis ses nuits bien sûr, aussi court fut-il. Mais contrairement à tout ce qu'elle a pu connaître, ici la solitude n'était pas synonyme de silence. Cette maison avait quelque chose de différent, son salon en particulier. Un arbre. Jusqu'à présent, les murmures se taisaient lorsqu'elle entrait dans une bâtisse, mais ce n'était pas le cas dans cette demeure. A mesure que les secondes passaient, Ellaïn était d'autant plus captivée par cet arbre dont elle essayait vainement d'en comprendre le message. C'était comme chercher à reconnaître les notes d'une mélodie jouée par un instrument méconnu et sans non plus avoir de connaissances en solfège. Elle restait simplement là, assise sans un bruit, le regard rivé sur cet arbre, oreilles dressées. Le retour de Calemirhel la sorti de sa torpeur. Celle-ci s'installa sur la chaise d'en face et lui demandait où en était son apprentissage.

- Nous avons étudier le panthéon elfique, l'essentiel tout du moins, puis la culture plus... civile, le fonctionement des citées d'Anaëh, le fait de... ne... pas posséder les choses. Nous avons également visité l'académie d'Alëandir, à laquelle il est probable que je sois conviée à m'y rendre de nouveau, quand je serais prête à me "confronter" aux spirites.

Il était vrai que la journée s'approchait de sa fin et qu'Ellaïn se rapprochait de sa faim. Elle qui avait beaucoup marché ces derniers jours et qui clairement ne pensait pas toujours à s'alimenter comme elle le devrait.

- Juste de l'eau avec... ce que vous mangez d'habitude, ne vous démenez pas trop, je ne suis pas difficile.

Alors qu'elle terminait sa phrase, Ellaïn finit par remarquer la présence du tentapatte qui se mouvait lentement. Il l'a fixait tandis qu'elle le fixait aussi, s'adonnant comme un duel de regards motivé par une curiosité réciproque. Quel étrange créature, à la fois si paisible et pourtant si intrigant. Était-il un de ces prédateurs qui s'approchait sans un bruit avant de bondir sur sa proie ?

- Euhm... est-ce qu'il est dangereux ?

Elle montrait dans sa direction, pointant du doigt discrètement. Les citées elfiques paraissaient beaucoup trop inoffensives pour être vraies, comparées aux coupe gorges qu'étaient le Puy ou Thaar, il valait mieux qu'elle soit certaine du danger que pouvait représenter cet animal. L'espace d'un instant, elle se demanda même s'il n'allait pas simplement essayer de lui parler, après tout, entre le désordre qui régnait dans son esprit, ses cauchemars et maintenant les voix des arbres, cela lui demandait beaucoup d'énergie pour ne pas complètement perdre le tête.

Ses jambes se croisèrent au niveau de ses chevilles et elle continuait de regarder avec attention l'animal quelques longues secondes avant de tourner son visage face à Calemirhel, intriguée par ce qu'elle lui ramenait à manger.

Tu hoches la tête. Rien d’étonnant à ce que ce soit la première chose qui lui fut appris. C’était l’un des premiers sujets que tu enseignais aux enfants, une fois que ces derniers aient terminés leurs apprentissages de la langue évidemment. Ce qui a l’air d’être le cas d’Ellaïn. Puis la suite de son discours te rappel qu’il faudra aussi lui apprendre ce que tu n’enseignais pas en classe.

« Je vous qu’Hûlion a fait un travail exemplaire. »

Puis tu te lèves, tu lui proposes à boire et à manger et une fois sa réponse obtenue tu te rends compte que tu ne sais même pas ce que tu pourrais faire.

« Il va falloir que j’aille voir l’intendant... » tu penses plus à voix haute qu’autre chose avant de tourner le dos à ton invitée pour aller dans la cuisine adjacente. Tu commences par faire bouillir de l’eau et une fois que c’est fait tu places une loreas dans deux tasses et tu verses l’eau bouillante dedans. Tu tournes la tête en direction du salon en entendant Ellaïn t’appeler. Prenant les deux tasses tu te dépêches de la rejoindre. Ton regard suit le siens et tu souris en discernant Pôdcalen dans les branches. « Non il n’est pas dangereux. Sauf si tu es un insecte… ou une lettre. »

Tu franchis la distance qui te sépares de l’entrée de la cuisine jusqu’à la table pour poser les tasses.

« Je sais que tu m’as demandé de l’eau mais quitte à te faire découvrir les cités, autant commencer par une infusion. » Puis tu te rappelles d’une des propriétés de la loreas. « Est-ce que tu as du sang humain ou nain? »

Un animal qui donc chassait les insectes, pratique, pour qui était visiblement près à lui offrir quelques lettres en sacrifice. Calemirhel revenait avec un plateau et des boissons chaudes à l'odeur agréable.

- Je ne vais m'en plaindre, c'est de l'eau après tout. répondit-elle en souriant. Après avoir ajouté un Merci., Ellaïn pris la tasse et la leva jusqu'au niveau de sa mâchoire pour en sentir les arômes, puis, avant qu'elle n'eut le temps de la porter à ses lèvres, une question lui sembla comme sortie de nulle part.

- Du sang humain ou nain...? "j'en ai sur les mains, mais je ne pense pas que ce soit ce à quoi elle souhaite en venir." Pas que je sache non. Elle connais encore mal ses origines, mais d'aussi loin qu'elle se souvienne, il n'a jamais été fait mention de quoi que soit qui s'en repprocherait. Puis un détail lui revint. Il lui semblait bien que le fait d'être une elfe "pure" avait tendance à faire grimper le prix de sa personne lors des enchères aux esclaves. J'en déduis que cette infusion est toxique pour les non-elfes ? Ce qui ne la surprendrait qu'à moitié.

Il existait une solution simple pour en avoir le coeur net. Après avoir soufflé doucement sur la surface de la boisson, elle en pris une petite quantité du bout des lèvres afin d'y goûter. Le parfum était surprenant, à la fois délicat et sauvage, un infime frisson lui parcouru le haut du corps tandis que le brevage humecta l'intérieur de sa bouche. Il était bon.

Ce qui lui brûlait les lèvres depuis un moment, ce n'était pas la boisson chaude, mais une question, qui parru tout aussi mal adroite que profonde.

- Vous croyez que j'ai de la famille ici...? J'aimerai... enfin... les voir, je suppose.

Ce n’est pas vraiment de l’eau. Enfin si, s’en est, mais pas que, cela dit ça ne vaut pas vraiment le coup de la rectifier, du moins pas là-dessus, alors tu te contentes d’hocher la tête. Tu recommences pour répondre à sa seconde question.

« En effet, la loreas est toxique pour les humains et les nains. »

Ce que tu ne sais pas, cependant, c’est si un humain ayant du sang elfe court un quelconque danger en buvant une infusion ou non. Dans tous les cas tu as préféré poser la question à Ellaïn, n’ayant nullement envie de le découvrir maintenant. Alors tu l’accompagnes en buvant une gorgée, tendue, prête à intervenir au cas-où elle se serait trompée et tu regrettes d’avoir laissé ton sceptre dans l’entrée, devant la porte avec tes bottes et tes gants. Cependant il sembles que tu n’en a pas besoin et pour fêter ça tu bois une seconde gorgée ; cette seconde gorgée t’arraches un frisson, le gout acidulé en étant le principal responsable, car celle-ci tu la savoures réellement. Puis tu t’arrêtes alors que tu allais boire une nouvelle gorgée, il faut dire que tu as beaucoup de mal à résister à la tentation, et tu luttes contre l’envie de continuer à boire mais tu te résignes à déposer ta tasse. Du moins pour le moment.

« Je n’en sais rien mais on peut toujours chercher. Si tu te souviens d’un prénom ou d’un nom de famille ça aiderait grandement. Je ne peux rien te promettre mais je peux toujours demander aux prêtres d’Alëandir et écrire aux arbitres des autres cités si nécessaire. Dans le pire des cas je peux toujours contacter au Pergaën. »

Tu espères ne pas avoir à en arriver-là mais il vaut mieux se préparer au pire.

Tu ne sais pas si ça tu trouveras quoi que ce soit avec ce nom, tu l’espères, mais en tout cas ça rendra tes recherches bien plus aisées et c’est déjà beaucoup. En tout cas ça ne peut qu’aider.

« Je chercherais demain, quelqu’un doit bien le connaître, ce nom. »

Puis tu te rends compte qu’elle a déjà terminé sa tasse et tu hausses un sourcil. Si tu savais qu’elle n’en avait jamais bu tu te dirais que c’est simplement de l’habitude, et encore, mais là… tu fais attention à elle pour voir si l’infusion, et ses effets, n’ont pas d’effets trop indésirables.

« Il seront sûrement très heureux de savoir que tu es de retour. » Dis-tu, certaine de toi, tu la suis du regard alors qu’elle observe l’arbre. « Dans tous les cas tout le monde t’aidera. »

C’est quelque chose que tu as toujours apprécié, que ce soit dans les cités ou les clans. Sa question te sort de ta réflexion et tu la regardes un moment et tu ris.

« Non mais on devrait peut-être, il est sortis de terre durant le Voile et pourtant... » les bras croisés tu lances aussi un coup d’œil à l’arbre, un sourire aux lèvres. « J’avoue que je n’ai pas vraiment d’id... »

Tu t’arrêtes au milieu de ta phrase, ayant à nouveau suivit son regard, tu remarques l’ennemi juré des lettres qui te sont adressées et tu ris à nouveau.

« Oh, lui? Oui, il s’appelle Pôdcalen. » On peut dire que ton époux et toi n’avez pas des masses d’imagination, sans doute y’a-t-il mieux comme prénom que Patte Verte pour un ce lémurien ; maintenant que tu y penses c’est peut-être pour ça que vous n’avez pas donné de nom à l’arbre qui se dresse au centre de votre maison : de peur de lui donner un nom qui manque tout autant d’imagination ou qu’il soit ridicule. « Tu aimes les animaux? »

Elle se pencha vers le tentapatte et souria tout en répondant avec une pointe d'humour.

- Je les aimes bien, quand ils n'essaient pas de me tuer.

Ô comme le simple fait de le dire lui faisait penser à toute cette faune, aussi exotique que dangereuse, surtout dangereuse, qu'elle avait pu apercevoir au gré de ses performances dans les arènes du Puy et Vaanies. Elle avait également le souvenirs de ses histoires qui se racontaient chez les esclaves à propos de toutes sortent de créatures horribles. La plus marquante pour elle est probablement celle qui concerne ces petits insectes volants, pénétrant la peau de ses victimes pour y pondre ses oeufs, dévorant sa chair ensuite de l'intérieur. Rien que d'y repenser suffit à la faire frissonner, hérissant brièvement un à un les poils de son dos, puis ceux des bras, alors qu'un effroi éphémère parcouru le long de sa colonne. En règle générale, elle n'avais pas peur de ce qu'elle pouvait combattre, mais face à un essaim, ou tout autre ennemi contre lequel une épée est inefficace, ce n'était plus la même chose. Heureusement, ces derniers ne peuplaient pas les arènes.
Ce Pôdcalen avait l'air des plus charmant à côté.

- Il semblerait que nous soyons amené à cohabiter pendant un temps.

Ellaïn se redresse, se tournant vers la Bienveillante Main, interloquée par ce qu'elle avait dit juste avant.

- L'arbre a... poussé dans la maison ? Ou bien la maison est-elle venue après ?

Elle contemplait le-dit végétal sur toute sa hauteur, dressant une fois de plus les oreilles vers lui alors qu'elle percevait de nouveau cette forme de mélopée émaner de l'arbre. A la fois si lointaine, si sourde, et pourtant si claire, si proche. Elle n'en comprenait toujours pas le sens et n'osait pas en parler, elle était pour ainsi incapable de savoir si c'était normal ou non. Peut-être que tout les elfes l'entendaient aussi sans plus y prêter attention ? Pour elle qui venait du Puy, c'était intrigant et nouveau. Quoi qu'il en soit, ce mystère sera révélé en temps voulu, il ne constituait guère sa priorité en ce moment. Entre entendre un arbre chanter et le gémissement des esclaves de la cage voisine, le choix était vite fait.

Le poids d'une journée de marche à travers la capitale se faisait sentir. Hûlion lui avait rapidement fait une visite guidée d'Alëandir, de quoi retrouver son chemin entre les principales structures. Elle avait trimballé son peu d'affaires avec elle, hormis les ustensiles de voyage les plus encombrants qui avait été laissé avec la selle de son cheval. Il en était de même pour ses sabres drows, proprement couverts couvert d'un voile, accroché à la selle, à l'abri des regards. Elle n'avait gardé sur elle qu'une paire de dagues de facture humaine.

- Puisque nous en sommes à parler de cohabitation, pourriez-vous m'indiquer où sera mon gîte ?

La réponse te fait sourire. Si c’était sans doute le cas d’un nombre important de personnes, il était rare que cette opinion soit exprimée ainsi.

« Oh mais méfies-toi, ce n’est pas que Pôdcalen ne veut pas te tuer, c’est qu’il ne peut pas. »

L’animal, réagissant à son nom, bouges légèrement la tête pour te regarder de ses petits yeux jaunes et noirs, se demandant sûrement comment il pourrait bien te faire payer ce que tu venais de dire. Une de ses oreilles bouge légèrement et il rapporte son attention sur l’autre elfe, son courroux et ses envies destructrices désormais dirigée vers quelqu’un d’autre ; tu pousserais presque un soupire de soulagement. Puis, à l’instar du lémurien, ton regard tombe sur la jeune elfe de l’autre côté de la table et ta réponse préliminaire à sa question n’est qu’un hochement de tête. Mais avant que tu ne puisses poursuivre, la seconde question vient.

« Oui, bien sûr. Suis-moi. » Tu fais le tour de la table et te dirige vers l’escalier au fond de la pièce qui mène au second étage. Pôdcalen, quant à lui, grimpa rapidement à l’arbre pour attendre là-haut les occupants de la maison. « Pour répondre plus en détail à ta première question, le Voile a vu l’Estel comme sortir d’un songe et ce fut une renaissance pour la Prime Œuvre qui n’a pas hésité à se mêler davantage aux cités. »

Tu en restes-là, comme ce fut le cas à l’époque tu préfères rester discrète et ne pas en dire davantage alors que tu montes les escaliers. Au sommet de ces derniers vous pouvez voir le hwîndil qui vous attend patiemment dans les branches de l’arbre. Tu te demandes si Ellaïn l’a vu, l’animal étant difficile à percevoir grâce à son immobilisme qui rend son camouflage naturel d’autant plus efficace ; ce n’est que grâce à de longues années de pratiques que tu peux maintenant le repérer et, parfois, éviter qu’il ne te surprenne pour te voler tes lettres. L’escalier donne sur un couloir et après quelques pas deux portes se font faces tu t’arrêtes devant l’une d’elle, celle de droite avant de l’ouvrir.

« Voici ta chambre. » Tu poses ta main sur la poignée et après l’avoir abaissée tu la pousses doucement pour ouvrir ladite porte. « Si tu veux je t’aiderais à y transporter tes affaires. »

Tu poursuis sur quelques mètres pour arriver à une rotonde, au centre se tient l’arbre, entouré par une rambarde de bois. De l’autre côté se trouve un nouveau couloir mais tu ne t’y engages pas, tu te retournes, tournant le dos à l’arbre et Pôdcalen.

« La pièce au fond à droite c’est ma chambre, celle à droite c’est celle d’Eryvïnn, mon époux. Cette pièce-là… » tu tournes sur ta gauche, donc à la droite d’Ellaïn pour montrer une porte comme les autres. « C’est mon bureau. Si tu as besoin de me laisser un message il vaut mieux que tu le laisses là, normalement Pôdcalen ne peut pas entrer. Et voilà, nous avons fait le tour de l’étage. »

Tu te tournes sur ta droite et tu fais quelques pas pour t’éloigner de l’arbre central et observer le rez-de-chaussée car il n’y a aucune pièce à cet endroit, l’étage s’arrête pour laisser place au vide et seul une autre balustrade t’en sépare. Tu poses les deux mains dessus, ça fait bien longtemps que tu ne t’es pas arrêté quelques instants pour surplomber le reste de votre maison ; probablement parce que tu la connais par cœur, tu n’as jamais essayé mais tu es prête à parier que tu pourrais t’y déplacer les yeux fermés. Tu te demandes si tu pourrais y vivre si tu étais aveugle… probablement, finis-tu par conclure, mais tu n’as pas vraiment hâte de le découvrir. Tu te retournes alors pour faire face à l’elfe à la couleur de cheveux qui te rappelle l’une des lubies du roi… tu n’es pas mécontente qu’il ait décidé d’abandonner cette phrase même si la méthode pour se débarrasser de cette couleur fut des plus extrêmes.

« J’ai cru comprendre que tu allais à l’Académie, tu veux devenir mage ? »

Tu hausses un sourcil, si tu sais très bien qu’on ne peut pas lire sur le visage d’une personne qu’elle pratique la magie, tu dois admettre que tu ne t’étais pas attendu à ce qu’Ellaïn en soit capable. Tu ne saurais dire pourquoi, c’était plus un ressentiment qu’autre chose et mettre des mots dessus t’étais difficile. Mais ça ne sert à rien d’y réfléchir maintenant, et tu doutes que ça servira à quoi que ce soit d’y réfléchir plus tard, après tout ce n’est pas vraiment ton problème mais plus celui de l’Académie. Toutefois la suite était de ton ressort. Tu écoutes, tes oreilles bougeant légèrement de temps à autre, au fil de ses hésitations et si tu es tentée de proposer des mots pour l’aider à formuler ce qui lui trotte dans la tête, tu te retiens ; c’est à elle de le faire, c’est son combat. Mais tu peux aider pour ce qui suit.

Si seulement la suite n’était pas si… affreuse. Tu comprends mieux pourquoi Hûlion a jugé bon de te l’amener même si tu te demandes s’il est au courant. Peut-être, tu lui demanderas à l’occasion. Quoi que, non, ce n’est pas à lui que tu le demanderas. Les bras croisés, tu la laisses poursuivre, sans vraiment trop comment réagir. Ton premier réflexe est de faire appel au clergé de Tari mais depuis l’assaut des daedhels tu préfères t’en tenir un peu éloigné, de peur que, d’une façon ou d’une autre, ils découvrent ce que tu avais presque fait. Tu sais très bien qu’à moins que tu ne le dise personne ne le saura jamais mais tu ne peux t’empêcher de te sentir mal à l’aise devant un prêtre de la Gardienne, tu n’oses imaginer ce que tu ressentirais en face d’un berceur. Cependant tu sais que tu dois faire quelque chose.

« Si tu pratiques en effet la… » le mots restes coincé dans ta gorge et il te faut déglutir pour l’en faire sortir. « Nécromancie, tu dois arrêter immédiatement. »

Malgré le sujet tu gardes ton éternelle voix douce et si son choix de mot, notamment à propos des sombres, t’ont fait frissonner, tu ne peux te résoudre à t’éloigner. Tu pries I Mîngely qu’il ne s’agisse pas d’une autre ruse de vos cousins, si c’était le cas elle était cruelle mais tu sais que ce ne serait pas ce qui les arrêteraient pour accomplir leur vengeance. Cependant cette fois c’est différent, ce n’est pas une daedhelle et si I Emël lui a permis de rentrer, d’arriver jusqu’ici, si son Œuvre l’a accepté, tu te dois de le faire aussi. Tu préfères être celle qui a laissé une ennemie marcher parmi vous que celle qui a renvoyé une sœur de l’Anaëh. Alors tu enlaces Ellaïn.

« C’est finis, tu leur a échappé, tu es rentrée, ils ne peuvent plus rien contre toi maintenant. » Tu murmures alors que tu la serres doucement contre toi. Tu pourrais ajouter qu’elle ne peut plus rien contre eux, si son envie de vengeance perdurait encore elle ne pourrait de toute façon rien y faire.

Tu hoches lentement la tête, les yeux fermés, un air approbateur sur le visage. C’était tout ce que tu voulais entendre, l’idée qu’on puisse utiliser l’énergie mise à disposition par I Emël pour des sorts de nécromancie t’arraches un frisson. Tu sais que c’est le cas, que ce ne sont malheureusement pas les nécromants qui manquent, notamment pour vos cousins qui en sont particulièrement friands, mais les daedhels comme les arïns peuvent bien faire ce qu’ils veulent, tant qu’ils le font loin des frondaisons d’Anaëh, tu t’en moques.

« Les professeurs de l’Académie se feront une joie de t’aider à changer. » Un changement qui ne sera pas facile, tu en es bien consciente, mais ô combien nécessaire. Et si elle refuse, ou n’y arrive pas mais tiens tout de même à user de ses pouvoirs, les servants de Tirith ne sont jamais bien loin. Cela étant dit tu préfères ne pas y penser, ça impliquerait que tu aies échoué. « Ça prendra du temps mais tu verras que ça vaut le coup et puis... »

Tes narines se retroussent légèrement tandis que tu fermes la bouche et ton visage se décompose, perdant sa douceur habituelle. Tu cours en direction des escaliers en espérant que l’odeur de brûlé ne vienne que de ce que tu as mis à cuir avant de l’oublier ; ça ne serait pas la première fois qu’une conversation, entre autres, te ferait perdre de la nourriture et alors que tu sors la casserole du poêle pour la poser sur la première surface à ta portée tu te rends comptes après l’avoir lâchée que tu l’as mise sur du bois. Pour faire taire le grésillement du bois à l’agonie sous la chaleur tu reprends la casserole pour la mettre sur une surface de pierre et tu pousses un long soupir. Tu te demandes comment tu aurais bien pu survivre sans Eryvïnn et qu’il serait peut-être temps de chercher quelqu’un pour faire la cuisine lorsque ton époux n’est pas là. Ou pour t’apprendre à cuisiner sans faire brûler votre maison mais tu te dis qu’un cuisinier serait quand même plus sûr. Tu tournes la tête pour observer les flammes et en voyant qu’il n’y a visiblement plus de danger tu pousses un nouveau soupir.

« Ellaïn? » Cette fois c’est vers la porte qui mène vers le salon que tu te tournes pour voir si elle t’as suivis. « Est-ce que tu sais cuisiner par hazard? »

Une chose était certaine, Calemirhel était épouvantée par la nécromancie. En dépit de ça, elle ne semblait pas voir Ellaïn comme le monstre sanguinaire qu'elle-même avait l'impression d'être. Il est vrai que cette magie qui était sienne était horrible de par sa nature, son simple usage impliquait la souffrance, que ce soit celle de sa victime ou de son l'utilisatrice, mais par ailleurs, elle se sentait puissante, inarrêtable. Ellaïn se dépêchait de chasser ce côté agréable, et tentateur, de ces souvenirs, elle essayait. Après tout, elle lui devait la vie à cet Art, et plus d'une fois. Elle aurait probablement finie dans cette fausse comme tout les autres si elle n'avait pas acquis cette faculté, cette horreur qui malgré tout s'était montrée des plus utile durant ce dernier siècle. Prenant en compte la réaction de sa tutrice, il valait mieux oublier d'y avoir recours désormais, elle n'aurait probablement plus le besoin d'utiliser cet Art de toute façon... L'envie, peut-être un peu plus, mais elle priait que ce jour ne vienne jamais.

Soudain, une odeur de brûlé envahi l'étage, la sortant de ses songes. Calemirhel descendis en catastrophe, suivie d'Ellaïn qui marchait, plus intriguée que paniquée. Il semblerait que le repas prévu pour ce soir venait d'être compromis... et voilà que la cuisinière en chef demandait à son invitée de prendre le relais.

- Heum... je crains que mes compétences culinaires ne se limitent aux viandes sèches et aux champignons qui poussent dans les cavernes, désolée. Il ne valait mieux pas lui dire qu'elle avait déjà dû manger d'autres esclaves. Je dois encore avoir quelques provisions de voyage si vous voulez... ça sera pas grandiose mais ça nourrit plutôt bien... Elle ne serviront plus de à priori, puisqu'Ellaïn n'envisageait pas de repartir de si tôt. Cela restait un repas des plus infortuné.

- N'y aurait-il pas de restaurateur disponible là dehors, en ville. Elle ne pouvait cacher son enthousiasme à l'idée d'arpenter Alëandir sous les lumières de la nuit tombante, et de pouvoir se repaitre d'un vrai repas elfique comme elle n'en a plus connu depuis longtemps.

Si le danger est écarté, il n’empêche qu’aucune de vous deux ne sait cuisiner. Tu te demandes si Eryvïnn va rentrer ce soir ou s’il est de garde. Tu es pourtant certaine qu’il te l’a dit ce matin mais impossible de t’en souvenir. Tu pousses un soupir vaincu. Tu n’as pas envie de la forcer à manger à nouveau ses provisions de voyage, pour avoir goûté à des rations militaires pendant des années, et tu y as parfois encore droit via ton époux, tu sais que ça ne doit pas être des plus agréables ; en tout cas tu préfères l’éviter lorsque c’est possible.

« Pas la peine de t’embêter, on va sortir... » tu te demandes si Uru est chez elle ou si elle est tu ne sais trop où, peut-être dans l’une des salles de l’Académie à faire tu ne sais trop quoi ; tu écartes rapidement l’idée, tu te dis que commencer par montrer une citadine plus que probablement droguée à quelqu’un qui découvre les cités n’est pas exactement une excellente idée. Aller embêter le doyen serait une idée mais tu te dis qu’il a besoin de se reposer. C’est ta nouvelle protégée qui guide tes pensées pour faire apparaître un nom dans ton esprit, ce qui te sauve d’une potentielle catastrophe. « Si… je sais qui, d’ailleurs. » Un sourire passe sur tes lèvres et tu commences à saliver. « Tu vas avoir droit à la meilleur salade de ta vie. »

Probablement. Tu te dis qu’il y a tout de même peu de chance qu’au Puy elle ait goûté meilleur mais bon, sait-on jamais, peut-être que les daedhels sont des êtres avides de salade. L’idée te fait sourire puis tu t’en vas remettre tes bottes, même si tu pourrais te promener pieds nus tu préfères les porter, tu trouves ça plus confortable. Prenant ton sceptre dans une main, tu jettes un coup d’œil par une fenêtre et maintenant que la nuit est tombée, l’affranchie aura bien plus de facilité à admirer la ville sans la foule qui la parcourait, ou du moins avec un débit bien moindre. Tu passes par l'Harmalaica et tu laisses la Symphonie te guider à travers le sanctuaire, bien que tu n’en ai pas besoin, tu le connais par cœur et tu pourrais t’y diriger en étant aveugle et sourde. Tu t’arrêtes pour saluer les rares prêtres qui l’arpentent à cette heure tardive, que ce soit pour un exercice de foi nocturne ou pour accueillir des fidèles laïcs qui auraient besoin de discuter en pleine nuit. Tu traverses rapidement les bois sacrés en promettant à Ellaïn de satisfaire sa curiosité, si jamais curiosité il y avait, plus tard.

Vous arrivez enfin au Quartier des Fontaines et tu te diriges tout droit vers l’Amphithéâtre, tu entends des bribes incompréhensibles du spectacle qui y est donné depuis l’extérieur et tu te demandes si une seconde représentation aura lieux ce soir. De toute façon tu t’en rendra bien vite compte étant donné que vous n’allez pas loin, au Lai Póre. L’établissement était presque vide, la plupart de ses clients étant partis regarder la pièce qui se déroulait non loin et ce n’était pas plus mal.

« Bienvenu! » En t’entendant pousser la porte, un elfe faisant environ ta taille se détourner d’un couple et de leur enfant. « Si vous voulez bien patienter quelques instants… » il glisse quelques mots aux trois citadins avant de finalement venir vers vous. « Bienveillante Calemirhel, je ne t’attendais pas si tôt. »

« Il est difficile de se passer de toi une fois qu’on a été en ta compagnie. » Réponds-tu à son sourire affable. « Mais ne t’inquiètes pas, Elräruin, je n’ai pas oublié notre rendez-vous demain mais en attendant nous aimerions goûter à ta cuisine, si tu n’y vois pas d’inconvénient. »
« Mais pas du tout, vous êtes deux, je suppose. » Tu confirmes d’un hochement de tête et il vous mène jusqu’à une table placée contre un des murs de bois. « Je vous en pries. » Une fois avoir pris place il énonce quelques plats, tu notes qu’un certain nombre ne sont pas disponibles mais ce n’est pas étonnant au vu du nombre de personnes qui ont probablement mangé là ce soir. Tu prends un moment pour résumer à Ellaïn la composition des plats qui sont proposés. « Je vous écoutes. »

« Je vais prendre une malen a calen aes. » Tu ne mets pas longtemps à choisir. Il faut dire que tu es friande d’ananas et que, forcément, un plat qui l’utilise pour base ne peut pas être mauvais surtout si l’on rajoute de la pomme, de la dinde, quelques grains de maïs, de l’huile ainsi qu’un peu de jus de citron et de moutarde pour relever le tout. Les regards se tournent alors vers ta protégée, tu te tiens à sa disposition pour l’aider à choisir si besoin.