Prise de poste [Lomion]

Panahos, Karfïas,
première ennéade, deuxième mois d'hiver
An 18 du XIe Cycle
début d’après-midi
Académie d’Aleandir

Obrielle marchait dans les couloirs de l’académie en s’efforçant d’avoir l’air posée. Elle s’était enfin décidée à arranger sa tenue avant d’aller voir le doyen. Ses longs cheveux roux habituellement laissés au vent, étaient tressée en une longue natte qui reposait sur son épaule droite. Elle l’avait attaché à l’aide d’une barrette blanche. Sa tunique violette était quant à elle ornée d’une broche en forme d’oiseau. Elle portait cependant toujours le même type de pantalon clair qui lui permettait confort et liberté de mouvement. Obrielle respira profondément, posant un pied après l’autre avec grande attention. Même si elle avait été choisie comme Grande Enchanteresse et que l’existence de la marre noire lui avait était révélée quelques ennéades auparavant, elle n’avait pas encore réellement pris ses fonctions. Son rendez-vous avec le doyen avait pour but de lui donner ses nouvelles missions. L’elfe espérait secrètement se voir rattachée à l’équipe réduite en charge de la surveillance de l’artefact. Elle mourrait d’en vie d’en apprendre plus à son sujet. Avoir à sa portée un objet de recherche si unique serait la plus belle des possibilité pour Obrielle. Elle avait entendu dire qu’il s’agissait d’un portail qui menait à une sombre créature. Mais était-ce la seule possibilité ou bien les prémices d’un tout nouveau mode de déplacement s’offrait aux elfes ? Des tas d’hypothèse germait dans l’esprit de la magicienne et elle se retrouva sans même s’en rendre compte devant la porte du bureau du doyen. Elle prit une dernière grande goulée d’air pour se donner du courage avant de frapper à la porte.

Le bois résonna sans autre signes annonciateurs. Le Doyen leva les yeux de l’ambre, dont les marbrures intérieures illuminaient la pièce d’un prisme de couleur. Il s’arracha à ces hypnotiques iridescences et fixa le battant encore fermé derrière lequel attendait, il le devina, la toute jeune Grande-Enchanteresse.

« – Entre, Heri Obrielle. »

Lómion referma certains des grimoires dont il avait abandonné la lecture et forma une modeste pile de parchemins sur son côté. De son, bureau, il tira un manuscrit que l’on avait copié pour lui des archives, où le nom de la nouvelle membre du Chapitre apparaissait en entête.

Ils étaient peu, les Ingolmo nommés à un si jeune âge. Mais si l’on en croyait ses pairs et anciens professeurs, Obrielle avait tout pour occuper avec talent ce poste depuis trop longtemps vacant.

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Mira d'Or:

L’invitation à entrer résonna derrière les battants de bois. Obrielle ne se souvenait pas être déjà venue dans le bureau du doyen. C’est avec appréhension qu’elle ouvrit la porte et pénétra dans la pièce. Son regard papillonna un moment pour s’imprégner de l’endroit avant de se poser sur l’archimage. Le poids des années dans son regard la fit se sentir comme une adolescente en face de lui. L’aéromancienne avait pourtant plus de 700 ans, mais ce n’était sûrement même pas la moitié de l’âge du doyen. Elle allait devoir s’habituer à côtoyer des elfes beaucoup plus âgés qu’elle maintenant qu’une place au chapitre blanc lui avait été confié. Obrielle s’inclina légèrement en signe de respect devant le doyen.

« Bonjour, Heru Lomion. »

Heureusement pour la taledhelle la présence de son interlocuteur l’impressionnait suffisamment pour enrayer les multiples questions qu’elle brûlait de poser dans le désordre et sans interruption. Elle sortit tout de même de sa poche son carnet pour les y consigner et pouvoir les poser au moment opportun.

Derrières deux yeux flamboyants d’améthyste transparaissait une nature pétillante que rien ne semblait pouvoir ternir. Des courtes oreilles, à peine cachées par une crinière roussée nattée, s’agitaient, témoins d’un émoi touchant, presque candide, de la Taledhelle qui prenait la mesure de ses nouvelles responsabilités. Ce bureau était une pièce d’histoire ; peu savaient réprimer leur admiration en se souvenant que Caranthir l’occupa.

« – Bonjour, Heri Obrielle. »

Vêtu du bleu aux étoiles éparses que lui avait offert Uinèn, les cheveux attachés simplement dans son dos, le Doyen offrait à ses visiteurs une sérénité nouvellement retrouvée qui cachait un trouble profond, que le temps allant faisait diffus. Le départ de sa Lucëya à la fin de l’an avait rouvert le vide qu’elle avait presque réussi à combler, l’espace de quelques ennéades, avait fissuré la confiance nouvelle que Lómion s’était bâtit. Cette absence se faisait d’autant plus cruelle qu’elle s’ajoutait à celle d’Estiam, néanmoins, il la savait inévitable.

« – Je t’en prie, prend place. »

L’Archimage se leva lui-même, désigna la place aux devants du bureau.

« – Comment te sens-tu ? »

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Mira d'Or:

Obrielle s’assit et fut dépourvu par la question posée. Était-ce une formalité de politesse à laquelle elle devait répondre platement ou une réelle question sur son état émotionnel ? État émotionnel qu’elle serait bien en mal de décrire. Elle ressentait une multitudes de choses en même temps et il était dur de les dissocier pour les nommer. La magicienne se dit finalement que le doyen n’aurait pas posé une question n’attendant pas une réponse pertinente, ou peut-être qu’à la différence d’Obrielle, il ne réfléchissait pas autant avant de parler. Les yeux violets de la Taledhelle se dirigèrent vers son inséparable carnet. Elle y avait griffonné tout ce qu’elle avait l’intention de dire pendant cette entrevue et c’était le moment de s’en inspirer. Malgré toutes ces pensées seules quelques secondes ne s’étaient écoulés entre la question de l’archimage et la réponse d’Obrielle :

« Je ne suis pas sûre de savoir, pour être honnête j’ai un peu peur de ne pas être à la hauteur. Pour ce qui est de l’aéromancie, j’ai une totale confiance en mes capacités, mais pour ce qui est de la prestance et du poids de devoir représenter l’académie … Je ne suis pas vraiment l’image que ce font les elfes d’un membre du chapitre. Mais je pense pouvoir le devenir, je partage avec vous mes craintes dans l’espoir que vous pourrez m’aider à les surmonter. Je ne pense pas que cacher mes faiblesses soit utile à l’académie. »

La magicienne ne savait plus si elle avait vraiment répondu à la question posée ou si elle s’était engouffré dans une ouverture pour dire ce qu’elle avait sur le cœur. Elle ne savait pas non plus comment allait réagir le doyen à sa tirade inattendu, mais elle fit un effort immense pour rester calme et garder son regard planter dans celui de son interlocuteur alors que ses yeux mourraient d’envie de fixer le sol. Elle soupçonnait aussi ses oreilles d’être rouges, chose sur laquelle elle n’avait malheureusement aucun contrôle.

Le silence s’allongea tandis que les oreilles de la toute jeune Ingolmo laissaient poindre un embarras ingénu.

« – Ne t’en fais pas. Je sais qu’il n’est pas chose aisée que de se voir confier de telles responsabilités mais tu seras capable des les assumer. Je n’en doute pas, et ceux qui t’ont recommandée pour ce poste n’en doutent pas plus que moi. Du reste… personne ne s’attend à ce que tu sois dès à présent parfaite ; tu apprendras beaucoup. »

Lómion se rassit. Il joignit ses mains sur le bureau. Ses yeux se perdirent dans le lointain passé où Caranthir l’avait lui-même rassuré ainsi. N’avait-il pas douté de lui-même, alors ? L’Heru Talmon l’avait toujours estimé.

« – Permet-moi de t’adresser un unique conseil. Reçois le savoir qui t’es offert avec humilité… Il viendra de là où tu t’y attendra le moins. »

N’était-ce pas les mots de Caranthir ? Le trait d’esprit, sans conteste, venait de lui, mais les mots étaient teintés de plusieurs siècles de sa propre expérience.

Traduction:

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Mira d'Or:

Les mots rassurant du doyen détendirent légèrement Obrielle. Elle hocha la tête, elle avait bien des défauts, mais pas celui de l’arrogance. On ne maîtrisait jamais une discipline comme la magie, c’était une voie d’apprentissage éternelle. Même avec une vie aussi longue que celle des plus vieux elfes connus, personne n’était parvenu à percer tout les mystères de la magie. C’était là que résidais toute ça beauté, la lenteur de la progression et la satisfaction de parvenir à un niveau plus élevé prévenait de la lassitude. La Taledhelle inspira, jeta un regard bref à son carnet et se décida finalement à aborder le sujet de sa présence dans le bureau de l’archimage.

« Pourriez-vous m’en dire plus sur ce que vous attendez de moi en tant que Grande Enchanteresse ? J’aurais besoin que vous me parliez aussi du chapitre blanc et de son déroulement. »

Elle prit une légère pause et renchérit avant de perdre le courage de formuler la demande qui lui rongait l’esprit depuis plusieurs jours.

« J'aurais une requête, on m’a mise au courant pour l’artefact sous l’académie et je comprendrai qu’après ce qu’il s’est passé vous soyez réticent à engager de nouvelles recherches mais je ne peux m’empêcher de penser que comprendre son fonctionnement pourrait permettre une avancée sans précédent sur notre connaissance du monde et de la magie. C'est pourquoi je serais vraiment honorée de pouvoir participer à des recherches à son sujet s'il y en a de nouveau. »

C’est les yeux pétillant d’enthousiasme que la rousse elfe s’arrêta de parler. Cette fois-ci elle avait conscience d’en demander beaucoup, mais ne regrettai rien. L’étude de la marre noire valait bien quelques sacrifices dont celui de sa confortable réserve habituelle. Ses yeux aux couleurs de l’améthyste fixait le doyen, attendant sa réponse avec appréhension.

Les flocons tombaient, voilaient les hautes fenêtres qui perçaient le bureau de l’Archimage d’un rideau de blancheur, pour s’échouer en contrebas et y étouffer les bruits qui y régnaient en d’autres saisons. Lómion y égara une œillade avant de se reporter sur la Taledhelle.

L’impatience, que nourrissait la récence du titre qu’Obrielle portait désormais, était touchante. Le Doyen lui sourit, rassurant, alors qu’il lisait encore dans les gestes et la dérobade perpétuelle des regards de la jeune Enchanteresse, une candeur juvénile qui ne semblait vouloir s’apaiser franchement.

« – J’attend de toi que tu aies à cœur d’offrir à chacun de nos acades l’apprentissage qu’ils attendent de l’Académie et de mettre en œuvre les principes de notre institution. Tu t’en trouveras capable. »

Lómion tendit la main au dessus du bureau, sollicitant avec douceur qu’elle y place la sienne.

« – Le reste, tu l’apprendras vite. »

Le jour offrait une lumière qui peinait à éclairement toute la pièce mais en baignait le centre d’un éclat tamisé. L’atmosphère était chargée de l’odeur de l’encre et du parchemin, qui semblait en avoir jusqu’à imprégné les murs et l’allure du Doyen.

« – Quant à la Mare Noire… »

Lómion passa sa seconde main sur son front et l’enfonça dans ses mèches de jais.

« – Bien peu sont ceux au courant de son existence, et l’on sait encore peu de sa nature et de son fonctionnement. Ce que nous savons, cependant, c’est à quel point l’Artefact peut être un danger pour l’Œuvre. Tu auras désormais accès aux écrits de nos recherches, qui sont consignés dans le Relicarium… Mais peut-être souhaites-tu la voir ? »

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Mira d'Or:

Sujet: Re: Prise de poste [Lomion] Mar 19 Jan 2021 - 21:35

Quand Obrielle plaça sa main sur celle du doyen, elle ressentit un calme inédit. Elle, dont la personnalité, à l’image de sa chevelure, était flamboyante, en constante éruption, se sentit soudain posée. Elle était touchée par la confiance que lui témoignait l’archimage.
À la mention de la mare noire, son sang ne fit qu'un tour, mais elle ne perdit pas sa confiance fraîchement acquise. Au contraire, c'était la partie d'elle qui pouvait rester concentrée sans faillir pendant des heures de pratique ou recherche, la partie d'elle qui consacrait sa vie à un seul et unique domaine : l'aéromancie.

"Oui, j'aimerai beaucoup la voire"

La taledhelle savait que c'était un grand privilège mais elle savait aussi qu'elle ne trouverait rien de plus dans les écrits que tous ceux qui avaient cherché avant elle, si elle ne faisait que se représenter l'artefact. Il fallait qu'Obrielle le voit, qu'elle ressente ses vibrations. Par la fenêtre la mage vit les flocons de neige tournoyer en silence, comme si le vent lui faisait un signe.

Sujet: Re: Prise de poste [Lomion] Jeu 21 Jan 2021 - 19:23

Au creux de sa main, le tressaillement cessa, signe qu’un apaisement gagnait le cœur de la Taledhelle aux élans communicatifs.

Lómion acquiesça. Indiquant la fin de leur poignée d’une pression sur les doigts de la Grande Enchanteresse, il la lâcha et se leva. Il prît les devants d’Obrielle et quitta le bureau pour les couloirs de l’Académie, qu’il enchaîna, rompu à les parcourir en tous sens. Le Relicarium avait été aménagé sous les bibliothèques, au terme de quelques dernières volées d’escaliers et de pièces soubassées dans lesquelles s’affairaient plusieurs mages qui les saluèrent.

Sans plus briser le silence, le Doyen introduisit l’aéromancienne dans la pièce où une margelle de pierre ceignait un puits noirâtre aux reflets d’huile. Il s’était fait, depuis plusieurs ennéades déjà, aux murmures apaisés de la Mare Noire, qui soufflaient dans la Trame ses flux étouffés par le sceau du Chapitre Blanc.

Lómion passa une main distraite dans ses cheveux de jais, en retira le lien qui les maintenaient et les relâcha négligemment sur ses épaules, récoltant au passage sur sa main l’humidité laissée par les flocons qui s’étaient déposés lors de leur bref passage par l’extérieur. Quelques gouttes perlaient sur le tissu de sa robe et venaient ajouter quelques étoiles cristallines à son bleu parsemé d’argent. Les yeux plongés dans les diaprures du portail, il s’égarait dans son construct et ses mystères.

« – I Mentië i fuinënna a été redécouvert à la fin de l’été lorsque spontanément, il s’est réactivé. Un cristal était manquant dans sa structure et rendait l’édifice particulièrement instable, c’est pourquoi une expédition a été dépêchée pour le retrouver. »

Le Doyen se retourna vers la mage.

« – Nous sommes loin d’en avoir percé les secrets. »

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Mira d'Or:

Sujet: Re: Prise de poste [Lomion] Ven 22 Jan 2021 - 17:17

C’est le cœur battant qu’Obrielle suivit le doyen au travers des couloirs de l’académie. En entrant dans la salle, elle fut estomaquée par l’aura de la mare. La magie qui s’en dégageait semblait vouloir parler à Obrielle, lui murmurer des secrets enfouis dans son sein depuis bien trop longtemps. L’aéromancienne parvint de justesse à détacher son attention de l’artefact pour la porter vers le doyen et ses paroles. Elle frémissait d’impatience à l’idée de tout ce qu’elle pouvait découvrir, de tout ce qui pouvait se cacher dans un objet si puissant. L’elfe s’approcha de la mare et ses murmures se firent de nouveau entêtant. C’est dans un état de semi-conscience qu’elle saisit son carnet et croqua l’artéfact. Elle s’approcha encore un peu plus et regarda l’intérieur du puit. Bien que le liquide soit d’un noir d’encre il lui semblait distinguer les contours de son reflet. Obrielle n’était pas novice en matière de magie et avait conscience qu’agir impulsivement n’était jamais une bonne idée dans ce domaine, mais l’attraction de la marre était forte, elle lui parlait, il lui semblait que si elle s’approchait un peu plus, les secrets seraient dévoilés. Dans un ultime effort, elle parvint à s’enfoncer son crayon dans le bras, la douleur qui suivit lui permit de reprendre contrôle de son esprit et de s’éloigner significativement de la mare sans toutefois sortir de la salle. Un léger filet de sang coulait sur son bras.

La surface d’I Mentië i fuinënna était une soie aux reflets d’huile dont la vicieuse douceur revêtait des dangers insoupçonnés. Les miroitements du portail promettaient tant de pièges que de fabuleuses découvertes. L’épanchement de leur curiosité ne se ferait pas sans courir de périls.

Le chant de la Mare était un enivrant refrain invitant à la réserve. Comme parcourue de vagues, la Trame pulsait d’un ronronnement étouffée, qui ne semblait vouloir qu’une faute de la part de ses gardiens pour pousser son rugissement de destruction. La jeune Heri Ingolmo s’approchait de l’Artefact aux puissants attraits. Nul érudit, fusse le plus sage, ne restait longtemps insensible à la curiosité de l’inconnu, promesse de profus savoirs.

« – Son ouverture, lors du rituel de stabilisation, a permis à une Ombre de se glisser de ce côté du portail… »

L’Archimage s’était détourné de la Taledhelle pour se reporter sur la Mare.

« – Notre sceau prévient les incidents et nos recherches sont menées dans la plus grande prudence. »

Obrielle était encore de celles dont la sagesse ne retient pas la fougueuse curiosité. Emportés par son croquis, ses pas la rapprochèrent du puits noir et, brusquement, elle s’en détourna. Le soudain revirement de la jeune elfe attira le regard de Doyen. Elle était encore jeune et son ardeur candide au savoir la rendait imprudente.

« – La Mare est un dangereux Artefact. Sois-en consciente. »

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Mira d'Or:

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