3e ennéade de Karfias 21e année du Onzième Cycle Début de matinée
Presque un mois de périple à travers l’Œuvre. Un mois entier pour quitter le Zagazorn, et traverser la forêt de long en large. Si tu devais te fier au calendrier, alors ce serait soi-disant ici que tu aurais vécu la plus grande part de ton existence. Pourtant l’Anaëh te semble si étrange. À la fois familière et lointaine. À portée de main, à portée de coeur, mais prête à se retirer à tout moment. Ou alors serait-ce plutôt toi qui refuse de t’y laisser plonger ? Tu ne sais pas vraiment quoi penser. Au lieu de cela, tu t’es contenté de faire de ta traversée une errance, au cours de laquelle tu as renoué avec la personne que tu as été avant les Ombres.
Ton amour pour ta famille n’a pas disparu. En retrouvant ton père, tu as pleuré à chaudes larmes pour une raison que lui ignorait totalement. La Vethërill n’avait aucune idée de ce qui t’était arrivé. Pour ce qu’ils en savaient tu n’avais jamais quitté l’Académie, et tu étais toujours un clerc, enseignant les fondamentaux et étudiant les complexités de l’un des Arts fétiches du clan. À eux qui n’avaient aucune idée de ce qui s’était passé, ton histoire paraissait plus extraordinaire encore, et ton périple – ou du moins ce que tu leur en avais dit – plus fantasque.
Le monde des Ombres. L’univers protéiforme, sans goûts, sans couleurs, sans Soleil ni Lune, sans air ni eau, et pourtant si plein de vie que tu avais de tes yeux vu, tu le leur avait conté avec attention. Ce à quoi ta magie s’était accroché dans cet univers, tu le leur avais montré. Et à tes aventures ils avaient opposé leurs légendes. Des légendes qu’il ne faisait pas bon raconter. Des histoires qui pour beaucoup devaient servir d’avertissement à ceux tentés par Le Grand Vide. Des contes auprès desquels peut-être viendrait s’ajouter le tien.
Tu avais été heureux de voir le clan. Mais ton appréhension pour la suite n’avait fait que grandir. Tu avais été heureux, certes, mais pour une étrange raison, ce bonheur te semblait comme vide, faux, lointain. À vrai dire, quasiment rien de ce que tu avais vécu dès le moment où tu avais posé le pied à l’orée de la forêt ne t’avait semblé réel. Tu existais comme flottant dans un rêve, comme incapable d’accepter cette réalité comme étant la tienne. Tu te refuses pourtant à te dérober aux responsabilités que tu as envers eux, mais surtout envers toi-même. La boule au ventre, tu franchis les portes d’Alëandir et traverses la Cité jusqu’à arriver à la pointe de la branche Est. Lentement, loin des murmures de la forêt profonde, tu as fini par te retrouver, t’ancrer un brin dans ce monde qui est le tien. Juste assez pour que la réalité de ce que tu étais en train de faire te frappe, et que tu te trouves forcé de rattraper un sanglot.
Mais tu ne cèdes pas, et c’est le sourire aux lèvres que tu t’annonces aux portes de l’Académie, et demandes à revoir ceux qui la dernière fois n’ont pas pu te faire leurs adieux.
Lómion Ineinior
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 1584 ans Taille : 2m01 Niveau Magique : Archimage.
L’acade avait les yeux fermés, concentré sur le complexe enchevêtrement de Flux qu’il entendait manier avec maestria. Il avait entamé son rituel plusieurs heures auparavant, et sa concentration avait déjà faillit flancher en une occasion. Mais, sans autre aide qu’un encouragement du Doyen, il s’était ressaisi et tissait désormais brillamment autour des Flux élémentaires que ses camarades avaient construits pour lui. Entre les deux elfes brillaient deux sceaux d’Air et de Terre entremêlés, qui s’agençaient et s’entrelaçaient entre les doigts éthérés de l’apprenti mysticiste. Lómion gardait ses yeux rivés sur le visage de l’étudiant, en quête d’un signe avant-coureur d’une panique subite ou d’une fatigue fulgurante qui le rattraperait soudainement. En même temps, il sentait avec acuité la Trame s’aligner dans les directions que son élève indiquait. Mais il semblait en parfaite maîtrise de son Art.
Quand il repéra une faiblesse dans son construct, le jeune taledhel le consolida adroitement puis repris son œuvre. Appréciateur, Lómion acquiesça pour lui-même. Ils approchaient de la fin du rituel, sans que l’aîné n’y ai décelé de défauts majeurs.
Des bruits de pas empressés et étouffés par la porte résonnèrent depuis le couloir et s’interrompirent devant la pièce où le cours avait lieu. Deux coups furent frappés sur le montant de bois avant qu’il ne s’ouvre brusquement.
« – Heru Assaila ! – Je… »
Déconcentré, l’acade relâcha la délicate pression qu’il s’efforçait de maintenir sur les Flux. Le construct, instable tant qu’il n’était pas finalisé, se délita et les sceaux, comme libérés d’une tension qui les contraignait à suivre une volonté étrangère à leurs aspirations spontanées, explosèrent.
L’Ambre s’interposa.
Lómion sépara les deux invocations élémentaires et reprit le contrôle de leurs constructs. Agitant les deux mains, il calma les oscillations furieuses qui agitaient la Trame et contraignit les Flux à rejoindre l’ordre qu’il voulait leur imposer. Les éléments disparurent sous le regard dépité du jeune elfe.
« – Ce n’est pas grave, Liwenlë. Tu t’en es très bien sorti, alors accepte mes félicitations. A l’avenir, cependant, nos répèterons ces séances à l’extérieur… là où nous ne pourrons pas être dérangés. »
L’Archimage lui adressa un clin d’œil et le laissa reprendre ses esprits. Il se tourna vers la messagère qui avait fait irruption et qui se tenait deux pas derrière le battant, visiblement penaude.
« – La prochaine fois, Heri… – Heru Assairon, écoute ! On m’envoie te dire que… Heru Ithìliur demande à te voir. Il est dans les jardins. – HeruIthìliur ? Tu es sûre ? »
Sans attendre son acquiescement, Lómion s’engouffra dans le couloir et le remonta en courant. Il dévala les volées d’escalier et parvint à l’extérieur.
L’air plus dur, le regard témoignant d’une plus grande maturité, mais la même crinière rousse et les traits mêlant si élégamment ceux du sang des Telperiën, mêlés avec les attributs issus de son ascendance ornedhelle… Ithìliur était vivant, un sourire tendrement espiègle sur ses lèvres. Le Doyen se précipita sur lui et prit ce visage qu’il avait tant souhaité enlacé. Ses joues ruisselèrent de larmes et il posa le front contre celui du mage des ombres.
« – Ithìliur, je… comment ? »
Ses mains glissèrent, effleurèrent les oreilles du Taledhel rescapé des ombres, s’attendant presque à sentir sous ses doigts un saphir accroché au lobe de l’oreille du Clerc, et le serra finalement tout contre lui. Non, ce miracle là était impossible. Mais – la Mère soit infiniment célébrée – revoir Ithìliur le comblait assez pour qu’à la peine se substitue un soulagement qui lui tira de nombreux sanglots.
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Ithìliur Telperiën
Elfe
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 458 ans Taille : 2m06 Niveau Magique : Arcaniste.
Assis sur une branche basse de l’un des arbres des jardins, tu observes l’Académie vivre autour de toi comme elle l’a toujours fait. Les étudiants s’essayant au coin d’un couloir à répéter en cachette un sortilège qu’ils sont encore incapables de même produire sans la supervision de leurs professeurs. Les clercs discutant avec plus d’entrain que de raison de quelque nouvelle avancée dans leurs recherches. Les professeurs guidant leurs apprentis, jeunes et moins jeunes d’un bâtiment à l’autre. Une joyeuse cacophonie semblant presque ignorer les malheurs du monde d’en bas de la Tour d’Ivoire.
Tu souris, les larmes non loin des yeux, te laissant aller aux réminiscences de la partie de ta vie passée ici. Aussi ridicule que cela puisse paraître, entre les murs de l’Académie tu as connu des moments parmi les plus difficiles, mais aussi parmi les plus beaux de ton existence. Les gens de l’Académie sont quelque part – malgré son passé compliqué – à ta mère ce qu’est la Vetherill à ton père. En cela ils sont comme ta seconde famille, une seconde famille au sein de laquelle avec le temps tu avais noué de forts liens.
C’est pour cette raison que tu appréhendes. Tu sais ce que représentait l’Académie pour toi, mais tu ne le sens plus. Cette part de ton existence te paraît loin, si loin, plus loin encore que ne l’était celle vécue parmi les Ornedhels. Car si les souvenirs de ton clan te reviennent comme ceux d’une autre personne, au moins tu arrives à comprendre qui est cette personne. Elle est paradoxalement assez loin de toi pour que tu puisses la considérer un ancien toi. Et elle est assez loin pour te revenir quand tu lui tends la main. Les souvenirs de l’Académie sont les tiens. Tu les vis comme étant les tiens, seulement contrairement à celui qui se souvient du clan, celui que tu es et fûs en même temps t’échappe. Juste assez proche pour être familier, mais trop loin pour que tu l’acceptes… Tu espères, donc. Tu espères que si l’endroit t’est étrange, au moins les visages sachent t’émouvoir sans que l’émotion ne te paraisse une dague dans le coeur.
Tu finis par descendre de ton perchoir, et debout droit devant les grandes portes de l’établissement, tu recommences à regarder passer le temps, et le monde qui le suit. Au sein de cette quasi fiction, tu reconnais certains personnages, et d’autres te marquent même en tant que faces auxquelles tu t’étais attaché par le passé. Un sourire finit par t’être arraché, et finalement il arrive, celui qui t’a vu partir pour ne peut-être jamais revenir.
Le Doyen de l’Académie ne te laisse pas le temps de réagir. Pantois, tu accueilles son étreinte, et timidement tu finis par la lui rendre. Tu ne sais que penser de ses pleurs. Tu te contentes de pleurer avec lui, sans être capable de mettre des mots sur ce que tu ressens. Tu sais au moins être heureux d’être là, ici et maintenant, avec lui.
- Je te l’ai dit que j’étais vivant.
Les mots sont assénés comme une évidence, et puis les mémoires du moment te reviennent, et encore une fois, tu es frappé par ce qu’avait été la réalité de la situation pour toi, et ce à quoi elle a pu ressembler pour lui. Et ta crise de sanglots reprends de plus belle.
- C’est une longue histoire. l’étreinte se relâche, et après avoir essuyé tes larmes, et arrangé ton chapeau, tu te saisis du grimoire à ta hanche J’en ai dessiné autant que j’ai pu dès que j’ai pu.
Des pages et des pages de croquis et de dessins, certains presque abstraits, d’autres présentant un niveau de détail extrême. Des paysages en nuances de gris, de nombreux autoportraits, des portraits des monstres que tu as affronté, et de celle avec qui tu les as affronté. L’équivalent d’une vie d’errance se trouvait juste là, pendant à ta hanche.
Tu retires ta main de l’ouvrage, et la pose sur ta clef à la place, puis tu recules de quelques pas. Tu secoues la tête pour te rendre contenance, et puis tu reprends, d’une voix un peu plus assurée, plus proche de ton ton éternellement défiant d’avant la chute dans le Puits.
- J’ai fini par percer un passage.
Une main sur ta clef, l’autre comme ouvrant un loquet invisible, tu déchires la muraille entre les mondes pour en arracher la créature à la forme vaguement batracienne que tu appelles maintenant un fidèle compagnon. Ton regard va à « l’animal » puis à Lómion, puis l’animal va à Lómion, et obéissant à ton désir de faire démonstration de ton affection au mysticiste, vient poser sa tête contre le flanc du mage.
Lómion Ineinior
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 1584 ans Taille : 2m01 Niveau Magique : Archimage.
Deux années à espérer le rencontrer de nouveau, deux années à s’interdire de perdre l’espoir de le revoir, mais à s’empêcher d’imaginer les retrouvailles, de peur qu’elles n’adviennent jamais. Un cycle de saisons entier à élaborer de nouveaux plans, à échafauder de nouvelles théories sur le Puits Noir et sur la dimension qu’il ouvrait, pour que leurs recherches d’un secours au voyageur des Ombres en perdition ne trouvent une finalité dans les Jardins, deux elfes enlacés dans leurs pleurs.
« – En deux ans, j’ai eu largement le temps de te penser mort. »
Leur étreinte se desserra et les sanglots se turent lentement. L’exclamation étouffée d’une Laurënis, fraichement arrivée et également sous le choc, leur parvint dans le dos du Doyen.
« – Je serai ravi de l’entendre et d’écouter tout ce que tu as appris… »
Le dernier mot du mysticiste s’étouffa dans un esclaffement noyé dans un sanglot. Sur son visage s’épanouit néanmoins un sourire franc alors que ses larmes s’échouèrent sur les poignets de sa robe.
Ithìliur attrapa sa clé noire aux fous reflets d’or et mobilisa l’éther pour illustrer ses dires. Comme il l’avait annoncé, sa magie perça le tissu de matérialité de ce Plan et il tira, du tunnel qu’il avait ménagé entre les mondes, une créature faite d’Ombre. Faisant un pas un arrière, Lómion le laissa pourtant faire. Sans montrer l’agressivité des invocations qu’ils avaient détruites jusque-là, soit au-dessus du Mentië i fuinënna ou celles qui poursuivaient Ciryië, le batracien avança jusqu’à l’Archimage et déposa une marque d’affection sur sa jambe. Au contact glacial des chairs éthérées de l’Ombre, Lómion amorça un recul. Derrière lui, Laurënis s’exclama de nouveau.
« – Tu t’es fait un compagnon. »
La brèche était déjà refermée, sans qu’il ne semble en rester autre résidu que le crapaud d’Ithìliur. Le Doyen chercha le regard du mage des ombres, tentant d’y voir les lueurs annonciatrices d’une folie ou d’un Mal, mais n’y décela rien de plus que la lucidité exacerbée et la torpeur triste de ceux ayant voyagé trop longtemps loin de chez eux.
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Ithìliur Telperiën
Elfe
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 458 ans Taille : 2m06 Niveau Magique : Arcaniste.
Deux ans… juste deux ans. Tu n’avais jamais vraiment réfléchi au temps passé de l’autre côté du voile. Même après votre retour parmi les mortels, après le retour du cycle des jours et des nuits, le retour de la faim et du sommeil, le retour à la vie comme elle était censé être, tu avais laissé derrière toi l’idée du temps. Quelque part, depuis ton retour, le temps passait sans que tu ne le voies. Tu es elfes après tout. Un être immortel que le temps pourrait tout aussi bien ne pas marquer. De même pour T’sisra dont le Prime-Sang est finalement le même que le tien. Alors parce que le temps ne t’affecte plus depuis trop longtemps, tu t’étais presque attendu à retrouver le Doyen au lendemain de ta disparition. Ton Souffle pleure le temps passé loin des tiens, mais ton esprit confus ne saurait dire s’ils ont eu ou pas le temps de te manquer.
- Oui.
Tu souris, et observes l’étrange bête revenir vers toi. Un compagnon. C’était une belle façon de le voir. À vrai dire, tu n’y avais pas non plus pensé. En réalité, tu n’avais jusque-là jamais pensé la créature comme vivante. Les ombres l’étaient-elles ? Vivantes ? Peut-on parler de constructs immatériels, si proches de la Trame que les mysticistes peuvent littéralement s’en saisir comme vivants ?
- Je crois.
Tu fais un pas en arrière et laisses ton regard tomber au sol. Trouver les mots justes pour exprimer ce que tu as vécu n’est pas simple. Trouver les mots justes pour l’expliquer à l’un de tes professeurs au sein de l’Académie d’Alëandir l’est encore moins. Tes enseignements sont loin. Les hypothèses et théories que tu as si longtemps nourries sont loin. Là-bas tu n’en avais pas besoin. Au contraire, elles étaient un fardeau, parce que là-bas… là-bas tu n’avais pas le temps de réfléchir. Réfléchir c’était mourir. Se laisser porter était la seule solution. Seulement tu n’es plus « là-bas ». Tu as le temps maintenant, et tu as l’expérience de « là-bas ». Réfléchis Ithilìliur. Comment ? Comment expliquerais-tu ce que tu as vécu ?
- Le Puits relie notre plan à celui des ombres. tes yeux cherchent frénétiquement une réponse dans le vide Le plan entier est comme une immense matrice sombre. Sans lumière ni couleurs. Mais où malgré tout, on voit tout clairement. Je ne saurais pas expliquer comment. Être là-bas, c’est… ça fait le même effet que dormir sous l’eau, pendant les premières secondes d’une apnée. C’est… c’est étrange. Mais on s’y fait.
Tu cherches rapidement du regard, et du coin de l’oeil trouves un banc. D’un geste tu appelles le Doyen à t’y suivre, et avec lui tu t’assieds, pour continuer ton histoire.
- En réalité, une fois passée l’étrangeté du début, tout devient vite très familier. Les paysages des ombres ne sont pas bien différents des nôtres. Ils sont juste… comme incomplets. Quelque part en plein façonnement. tu souris Et du coup, en arrivant là-bas, je me suis dit qu’effectivement, peut-être que les ombres sont vraiment la matrice dans laquelle les dieux façonnent notre monde avant de lui souffler la vie. Ce qui expliquerait en partie pourquoi tous les mille ans, pendant Le Voile, le monde change. C’est peut-être ce moment que les dieux ont pris pour mêler notre plan et celui des ombres, et terminer de former de nouvelles choses… tu soupires Mais ça… j’espère tenir jusqu’au prochain Voile pour voir si mon explication tient.
Tu te laisses glisser dans le fond de ton assise, et encore une fois ton regard se perd dans le lointain. Puis tu vas à ta hanche, et tu te saisis de ton grimoire. Tu l’ouvres, enfin, invitant le Doyen à en suivre les pages avec toi.
- Quand j’ai commencé à écrire, c’était surtout pour ne pas perdre l’esprit. De la même manière que notre plan perçoit les ombres comme une forme d’agression, les ombres nous reçoivent comme étrangers et dangereux. Alors une fois éloigné du Puits, j’ai commencé à être pris en chasse. La seule solution que j’aie trouvé pour survivre, ça a été d’utiliser ma magie pour devenir une ombre à mon tour, et de me fondre dans la nature. tu montres des dessins de scènes de chasses d’ombre sur d’autres ombres C’est moi, là. Pour survivre j’ai commencé à imiter celles qui me chassaient et à dévorer d’autres ombres. tu soupires, gêné Je ne vais pas mentir, c’était plutôt agréable… et c’est ce qui m’effrayait. Alors chaque fois que je quittais mon voile, j’écrivais, pour vérifier si je me rappelais encore de moi-même.
Tu tournes les pages, et tes écrits deviennent des dessins, qui eux-mêmes se font de plus en plus abstraits, et de plus en plus inquiétants, comme tracés d’une main désespérément enragée.
- Là c’était le moment où j’ai commencé à perdre pieds. Je n’arrivais plus à écrire. J’essayais de former des lettres, mais je ne savais plus comment faire. Alors j’ai commencé à dessiner à la place, mais au bout d’un moment je n’arrivais pas non plus à savoir si ce que je dessinais ressemblait à ce qui m’entoure ou pas. tu ris doucement Dans ma frustration j’ai arraché quelques pages d’ailleurs.
Et finalement il arrive. Ton premier portrait de T’sisra. Un dessin d’une immaculée précision, aux traits extrêmement fins au sein de tout ce chaos. Ce simple dessin, tu t’y étais accroché de toutes tes forces, car au moment où tu l’as fait, il représentait tout pour toi.
- Elle s’appelle T’sisra. Je l’ai rencontrée dans les ombres. Elle aussi elle s’y était perdue. une goutte finit par perler au coin de ton oeil On ne se comprenait pas, mais croiser quelqu’un d’autre au milieu du vide nous a tous les deux fait beaucoup de bien. On a eu de la chance. Je… plus j’y pense et plus j’ai du mal à croire qu’on ait tous les deux eu autant de chance. tu tournes des pages vous représentant tous les deux, luttant à travers le vide On s’est mutuellement aidés à tenir jusqu’à trouver une solution pour sortir. Du moins… c’est surtout elle qui a fait le travail de ce côté là. Moi je pouvais nous faire sortir, mais mon esprit n’était pas tout à fait là. Elle elle était sans pouvoirs face aux ombres, mais elle avait encore toute sa tête, alors elle m’a permis de ne pas perdre la mienne.
Avec un entrain grandissant, tu contes au Doyen vos aventures. Vos affrontements avec les monstres fuligineux de l’autre monde. Vos cocasses découvertes, comme celle de la flamme sombre que l’Eldéenne devait encore avoir avec elle. Vos pleurs. Vos sourires. Les jours sans fin où vous aviez décidé d’abandonner, et les lendemains sans début où tout vous paraissait possible. Et puis finalement, votre sortie. La difficulté de votre retour à la normale. Le retour de la faim, del a soif, de la véritable douleur, celle qui traduit de vrais maux. Et ta folie. L’étrange mal-être de celui qui rentré chez lui n’avait plus envie que de détruire l’existence pour replonger dans le rien. Ce mal-être avec lequel elle avait lutté pour toi jusqu’à ce qu’il passe. Jusqu’à ce que tu retrouves tes esprits, et conclues par non pas un dessin au fusain gris, mais un portrait de vous peint avec soin. Un retour à la couleur.
Lómion Ineinior
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Ils s’assirent côte-à-côte, à la faveur de l’ombre des paisibles Frères épanouis entre les murs de l’Académie. Tout en contant ses découvertes sur les étrangetés d’un monde qu’il lui avait fallu appréhender, Ithìliur décomptait les pages noircies de son grimoire. Dans les traits de fusain, la réalité du monde auquel menait le Puits Noir se dévoilait au Doyen. Des lettres, puis des dessins et des formes qui donnaient à comprendre la substance de ce plan. Des mots et esquisses, témoins d’une longue errance. Des formes confuses en nuances de noir, parfois difficilement intelligibles, crayonnées pour ne pas perdre pied. Malgré tout, les traits semblaient se noyer de plus en plus dans le parchemin, se perdant comme s’ils avaient cessé de soutenir un quelconque propos et ne reflétait plus que la lente perdition d’un esprit qui sombre.
Puis apparu un portrait, qui cassa net cette dynamique. Un visage monochrome et pourtant presque palpable tant il avait de soin dans l’illustration. Au milieu des esquisses abstraites et de plus en plus confuse, cette face était l’aspérité à laquelle tout sembla se raccrocher, une pierre d’achoppement à la folie qui s’installait. T’sisra. Un nom auquel le Doyen accorda immédiatement de beaucoup de gratitude. Après plusieurs mois dans la solitude d’un désert hostile, non qu’à sa vie, mais à son existence même, il était aisé de concevoir à quel point trouver un Souffle amical avait pu se révéler salutaire.
Lómion écouta avidement les explications de l’ombromancien, sans chercher à l’interrompre, laissant un moment en suspens les questions que le récit soulevait. Nombres interrogations resteraient probablement sans réponse jusqu’à la potentialité – terrifiante – d’une nouvelle exploration. D’autres trouvèrent un éclaircissement dans la suite du discours. Parmi les restantes, une semblait néanmoins mériter d’être posée urgemment. D’autant plus lorsque le gris céda à la couleur et que les dessins griffonnés sur le grimoire commençait à arborer les teintes de leur plan, révélant la peau restée sombre de l’amie du Taledhel.
« – Ton amie… Est-ce une daedhelle ? Comment est-t-elle parvenue à te rejoindre ? »
Des mots chargés d’innocence et de douceur. Qui, en pareille situation, aurait refusée une main tendue, fut-elle sombre ? L’inquiétude, néanmoins, dominait.
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Ithìliur Telperiën
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- Elle enquêtait sur Nisétis. tu réponds avec une franche innocence Et elle s’est retrouvée aux prises avec une des sectes qui maintiennent en vie leurs cultes. l’un de tes sourcils se soulève D’ailleurs, si elle doit retourner à Thaar, elle risque d’avoir à nouveau affaire à eux. tu soupires J’espère qu’elle ne prendra pas le risque sans moi.
L’espace d’un instant, tu repenses à elle et tu souris. Tu as hâte de la retrouver et de l’entendre te raconter ses dernières découvertes. Et puis… voilà des mois déjà que tu hésites à lui offrir ce que pour elle, tu avais ramené de votre escapade à Thaar. Peut-être serait-il temps de… ton train de pensée s’arrête brusquement. Une daedhelle. Le mot ne te frappe que maintenant. Oui T’sisra est une daedhelle. Et les tiens n’ont que peu de sympathie pour les daedhels. Lómion ne fait pas exception à la règle.
- Ma compagne. Pas mon amie. tu rétorques finalement, sans arriver à retenir ton venin Ma compagne est une daedhelle. ton regard se fait soudainement défiant, et tu t’enfonces dans ton assise, sur la défensive Et elle est née au Puy d’Elda. Ça ne fait pas d’elle une furie pour autant.
D’entre T’sisra et toi, c’est d’ailleurs probablement toi le plus violent. Certainement ne l’aurais-tu pas été avant le grand plongeon, mais les ombres t’ont changé. Ta vie est-elle moins précieuse pour autant ? Tu ne le penses pas. Représentes-tu une menace pour le monde pour autant ? Oui. Tu es plus dangereux aujourd’hui que tu ne l’étais il y a deux ans. Mais pour autant, les tiens ne te craignent pas le moins du monde. Il leur suffit de regarder ton visage et ils te font confiance. Ils te parlent et t’accueillent à bras ouverts quand il te suffirait de bien peu, d’un simple accès de colère, d’une simple perte de contrôle, pour faire bien des dégâts. Mais ils te font confiance, parce que tu leur ressembles. Parce qu’on leur a appris qu’ils devaient avoir confiance en toi. Alors jusqu’à ce que tu aies brisé leur confiance, ils te l’accordaient.
T’sisra n’a jamais brisé la confiance d’aucun d’entre eux. Au contraire. T’sisra par plusieurs fois a été précieuse à ton peuple. Alors pourquoi fallait-il qu’à leurs yeux elle ne reste « qu’une daedhelle » ? Pourquoi fallait-il que ton propre peuple vous interdise le bonheur ?
Lómion Ineinior
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Sujet: Re: Fuligineux Fantôme [Pv Lomion] Dim 12 Nov 2023 - 21:05
Ithìliur se retourna, piqué au vif par une offense qui se voulait innocente. Il voulu répondre, démentir son recul face à la révélation de l’ombromancien, l’interroger pour lui faire admettre à son élève qu’il n’avait jamais laissé entendre que son amie était une furie. Mais ne l’avait-il pas pensé ? N’était-ce pas un concept si proche du mot « Daedhel » pour que, finalement, les deux ne soient pas confondus dans la bouche du Doyen ?
Lómion inclina la tête et son regard peignit de la compassion sur son visage. Ne savait-il pas lui-même ce que signifiait être le seul à voir un amour possible là où tous ne voient qu’une impasse ?
« – Oh, Ithìliur… »
Et pourtant, même si Uinèn et lui n’avaient pu se marier avec la bénédiction des mêmes prêtres, au moins avaient-ils pu s’en remettre aux mêmes dieux pour consacrer leur union. Même si les murs des Cités étaient hauts, au moins étaient-ils franchissables, bien plus que les déserts qui séparaient l’Œuvre du volcan d’Elda.
Il entoura la tête du jeune clerc d’un bras et joignit la sienne à l’étreinte.
« – Ithìliur, mon enfant… Tes épreuves ont été plus dures à supporter que je ne peux sans doute l’imaginer. Tu devrais prendre repos et conseil auprès des prêtres de la Voilée. Exu- mieux que moi auront les mots et le réconfort dont tu as besoin. Tu sais combien je brûlerai d’en entendre plus sur ton expérience du plan des Ombres et sur vos découvertes, mais je veux avant tout que tu te remettes pleinement. – Je... ça ira... je pense. J'ai juste besoin d'un peu temps. »
Leurs crânes se séparèrent. Lómion acquiesça gravement.
« – Prend le temps qu’il te faudra. Mon bureau t’es toujours ouvert, mon écoute t’es toujours acquise, Ithìliur. »