À la rencontre de l'archimage (PV Lomion)

Bien des ennéades étaient passées depuis le mariage du roi Harald. Depuis lors, Nakor était rentré à Naélis, avait œuvré à la reconstruction de la cité, il avait ensuite reçu la visite des envoyés de la Princesse de Geresh et la puissante délégation naine. Tout avait été mis en place et à son image, le vieux fou ne pouvait pas rester en place très longtemps. Il restait une promesse à faire tenir au peuple elfe. Le roi elfe avait offert que son peuple vienne en aide au Royaume : les sylvains étaient capables d'aider à développer les capacités agraires de Naélis. Et ce ne serait pas négligeable ! Le roi régent souhaitait donner encore plus d'autonomie à la cité sous son actuelle protection. Ce fut ainsi par une belle nuit que l'archimage décolla de son palais sur son bon vieux et réconfortant tapis volant. Manipulé par la maitrise de l'élément air, le tapis supportait le poids de la barbe blanche et fendait les cieux. C'est ainsi que, assis en tailleurs, son bâton posé sur ses cuisses, il avançait vers Alëandir. La distance était telle qu'il débarquerait au-dessus de la cité mère des elfes en début de matinée. C'était un sacré travail que de diriger une cité entière, encore plus après une terrible bataille, de la destruction de masse et des déplacements de population. Tout rentrait très doucement dans l'ordre, sur un équilibre précaire mais qui devenait de plus en plus tangible.

"Voilà que le Soleil se lève ... pile à l'heure!"

Et Nakor gloussa seul sur son tapis volant. Il connaissait bien la position de la cité royale d'Alëandir et voyageait en ligne droite. Arrivant aux abords de la destination finale, il inclina légèrement sa trajectoire et s'approcha de plus en plus du sol. Le tapis fut ralenti magiquement puis se redressa pour se retrouver parallèle au sol. A quelques centimètres seulement de la terre ferme. Dans un mouvement qu'un vieillard ne pouvait normalement réaliser avec fluidité, Nakor se releva et descendit de son étoffe. Il la saisit et la rangea en plongeant sa main gauche dans sa lourde et longue manche droite. Le voilà donc ici, revenu chez les elfes. Des gardes s'approchèrent rapidement et ralentirent le pas. Il n'y avait pas beaucoup de créatures dans ce monde, aptes à faire ce qu'il venait de faire. Les sylvains connaissaient un peu ce vieil humain dérangé du cerveau et savaient que d'une manière ou d'une autre, il était accepté par la cour d'Alëandir. Ses bonnes manières étant à leur paroxysme, l'archimage s'inclina légèrement et parla dans un elfique à l'accent absolument parfait

"Je vous salue gardiens. Je suis Nakor, magicien et roi régent de la cité de Naélis. Je viens honorer un rendez-vous."

Les fiers soldats elfiques, dans leur beauté surréaliste, hésitèrent un bref instant avant de demander

"Avec qui avez-vous rendez-vous?"

Le vieillard, un brin amusé, se passa la main gauche le long de sa barbe, la main droite tenant son vieux bâton.

"Pour tout vous dire, c'est l'Aran lin qui m'a proposé l'aide du peuple sylvain mais je pense que c'est à l'académie de magie que mon rendez-vous serait le plus efficace."

Que diable racontait encore ce vieux fou? Avait-il rendez-vous ou n'avait-il pas rendez-vous? Avec le roi? Avec les membres de l'Académie. Avait-il perdu l'esprit? Avait-il seulement eu de l'esprit un jour? Les elfes furent un brin déstabilisés

"Vous disiez pourtant avoir rendez-vous.
- Et bien oui, c'est ce que j'ai dit. J'en suis maintenant sûr, j'ai rendez-vous avec le Doyen de l'Académie magique d'Alëandir. Pourriez-vous l'en informer?"

L'un des deux gardes, celui qui semblait le plus jeune des deux, ce qui, chez les elfes, ne voulait pas dire grand-chose, sembla esquisser un très léger sourire d'amusement avant de répondre.

"Veuillez nous suivre jusqu'aux portes de l'Académie. Nous verrons bien ce qu'il en est."

Nakor s'inclina avec un gentil sourire sur les lèvres et lança simplement

"Et bien je vous suis messieurs les gardes!"

Et il marcha encadré par les deux militaires, sans trop se demander si toute cette discussion avait eu le moindre sens. L'académie le recevrait-il? Il l'espérait. Dans son petit esprit étriqué de sorcier, les elfes capables d'œuvrer au mieux auprès du cœur de la nature étaient forcément des magiciens. Voilà pourquoi, plutôt que d'aller d'abord trouver le roi lui-même, il pensait directement se rendre à l'école de magie du monde elfe et discuter directement avec eux. Et voilà que sous les frondaisons toujours aussi belles de la cité, l'architecture de l'Académie de magie apparaissaient déjà au loin. La dernière fois qu'il avait mis les pieds ici, il y avait amicalement affronté le surprenant magicien Loethwil, colosse elfe au cœur d'or. Que de souvenirs ! Une fois sur le seuil de l'institut, le plus jeune resta avec le vieillard et l'autre partit à l'intérieur. Nakor gloussa un peu et lança au garde resté avec lui, avec un petit clin d'œil

"Pensez-vous qu'ils soient au courant de notre rendez-vous?"

Et il continua de rire sur place, en rebondissant sur ses deux pieds. Le garde n'osa rien répondre mais sembla produire des efforts pour garder son sérieux.