Au sein des ombres et des lumières [PV Ciryië]

Cela faisait un moment maintenant qu’ils voyageaient à dos du faïra. Environs 6 jours plus précisément. Ils n’étaient pas allé bien vite mais Eryndir n’avait pas l’air de s’en préoccuper. Le but n’étant pas de secouer sa compagne de route comme un prunier ,elle qui n’avait jamais monté de créature tel que Rilmaluinicë.

Ciryië avait semblé se calmer un peu au fil du temps et le Vethërill n’en avait été que plus satisfait. Il avait réussis, bien qu’il n’en avait bien sur pas douté, et c’est une routine agréable qui s’était installé entre les deux voyageurs. 

A chaque tombée de la nuit, ils s'arrêtaient et montaient un camps on ne pouvait plus sommaire. Le grand félin s’éloignait alors chasser tandis qu’Eryndir partageait ses provisions avec la petite elfe. En même temps il s’amusait à jouer avec les ombres crées par les flammes de leur feu de camps, comptant parfois des histoires et les illustrant, parfois créant juste des formes qu’il jugeait belles. Et puis ils repartaient le matin et ainsi de suite.

Il étaient repartit depuis quelques heures maintenant, Rilmaluinicë marchant au pas, les oreilles en avant comme s’il percevait quelque chose de nouveau. Les deux elfes aussi pouvaient percevoir quelque chose, bien que ce n'était sans doute pas la même chose : la trame s’agitait. Quelque chose ou quelqu’un utilisait de la magie non loin. En y prêtant attention, les deux voyageurs pouvaient même en dire plus : un autre elfe marchait dans les ombres quelque part autour d’eux.

Et pourtant ça ne semblait pas perturber le moins du monde le noss. En fait on aurait dit qu’il ne s’en rendait même pas compte, il levait la tête vers les frondaisons un plus éparses que d'autres endroits qu'ils avaient traversé jusque là.

Eryndir demeurait égal à lui-même tandis que sa jeune compagne de voyage s'était un peu apaisée au fil des jours. Elle se sentait toujours perdue et à fleur de peau mais le Noss faisait tout son possible pour lui changer les idées. Il lui racontait des histoires, jouait avec les ombres, plaisantait sans craindre que son humour ne fusse mal accueilli. Ce n'était pas qu'elle n'y était pas réceptive, elle n'était tout simplement pas d'humeur à y réagir tout à fait. Au mieux était-il parvenu à obtenir un sourire triste et reconnaissant.
Il était gentil... Devait-elle se dire que tous les elfes étaient ainsi ou que c'était simplement lui ? Les anedhels étaient bienveillants entre eux la plupart du temps, c'était vrai, mais Eryndir semblait réellement se donner du mal pour elle et son regard trahissait ce constat tandis qu'elle l'observait d'un œil curieux et intéressé malgré son humeur maussade. Même si c'était encore ténu et même si elle avait l'impression d'être infantilisée avec ces histoires du soir, il était parvenu à capter son attention d'une certaine façon.

Le voyage était un peu plus long que ce qu'il avait dit. C'était leur sixième jour de trajet là où il avait parlé de quatre ou cinq. Mais ce délai correspondait sans nul doute à ce que cela lui aurait pris s'il avait été seul. Or, Rilma devait supporter deux poids au lieu d'un seul dont un avec une jambe qui ne pouvait se plier pour suivre ses mouvements. Si le genou de la petite elfe allait un peu mieux, elle n'était pas encore en état de marcher plus de quelques pas sans avoir mal. L'hématome était toujours là qui se résorbait lentement. Eryndir la soignait bien mais ces choses-là prenaient du temps sans magie.
Ce jour-là, Ciryië sentit la trame s'agiter tout autour d'eux. Il y avait une présence qui n'avait rien à voir avec Anaëh ou ses chants. Il y avait autre chose. Alors, elle commença à se tourner vers le Noss, se demandant s'il l'avait perçu lui aussi.

-Eryn...

Mais elle s'interrompit avant même d'avoir terminé de prononcer son nom. Au regard de son compagnon de route, elle comprit... Il savait. Et cela ne l'inquiétait pas. Elle observa ensuite le Faïra et remarqua que lui non plus ne bronchait pas. Tout juste avait-il relevé la tête.
Mais alors qui était là ? Pourquoi se cachait-il ? Qu'observait-il dans l'ombre ?

La curiosité. Ce trait de caractère ne l'avait pas quitté en passant dans cette Grotte.

Alors, sans chercher à questionner davantage le Noss, sans demander à Rilma de s'arrêter et sans prononcer le moindre mot, Ciryië passa sa jambe valide du même côté que celui de la blessée et se laissa glisser jusqu'au sol. Mais au lieu d'atterrir sur la terre ferme, elle passa au travers et pénétra dans l'entre-deux monde. Là, elle rejoignit le parterre de feuilles mortes dans cet univers qui ne possédait ni couleur, ni vie. Dans un froid qui n'en était pas un, elle se tenait tout simplement là, debout, sa tête pivotant afin de parcourir les alentours, cherchant du regard celui, celle ou ceux qui les observait depuis tout à l'heure.

-Hein ?

Ciryië avait fait mine de l’appeler et alors il avait baissé la tête vers elle. C’était déja trop tard elle avait glissé puis disparu. Ni une ni deux Eryndir fit comprendre au Faïra de s'arrêter alors qu’il posait lui aussi pied à terre.

Observant autour de lui, il pu constater qu’elle s’était bel et bien fondu dans les ombres. Il marmonna quelque chose entre ses dents avant de sortir son amulette et il ne lui fallut pas bien longtemps pour se faufiler dans l’entre-deux à son tour.

-héééé. Fit-il à la petite elfe. T’en vas pas comme ça enfin ! Tu tient a peine debout en plus. Reviens, en plus si je laisse Rilma tout seul les autres vont...Oh.

Avant qu’il ne continue à écouler des flot de paroles, une flèche était venue se planter à ses pieds. Etant donné la proximité de la flèche, il était évident que celle-ci avait atteint sa cible qui n’était, pour l’instant au moins ni le noss si sa compagne de route. Un mouvement flou sur leur gauche leur indiqua d’ailleurs la présence toute proche de l’individu.

Eryndir fidèle à lui même se contenta de ramasser la flèche et de sourire comme un idiot en la levant bien haut après l'avoir examiné. A bien y regarder la flèche semblait unique en son genre.. Elle était peinte de divers motifs ésotériques, bien qu’il était difficile d’en déterminer la couleur là où ils se trouvaient.

-Héhé raté ! T'étais pas censée être la meilleure chasseuse du clan, après moi bien sur ?

-En tout cas, toi, tu fait la meilleure cible qui soit. Tu n’as toujours pas appris à te taire ?

Une voix étrange s’éleva alors des frondaisons. Elle n’était pas jolie comme pouvait l’être nombre de voix féminine anedhelle, elle était profonde et grave mais elle avait quelque chose d'apaisant, presque surnaturel. 

A quelques mètres une silhouette se détacha enfin de l’arbre dans lequel elle était et une archère apparu devant eux. Fine, et d’une taille moyenne pour une noss, des tatouages ornaient l’ensemble de sa peau visible. Ses yeux et ses joues étaient eux aussi cerné de peinture corporelle. Dans ses mains un arc et à sa hanche un carquois remplie de flèche probablement aux mêmes couleurs que celle dans la main du Vethërill fanfaron.

Elle lança un regard interrogateur envers la petite elfe qui accompagnait son camarade. Elle ne l’avait jamais vue,elle. Qu'avait donc encore trafiqué son idiot de frère de clan ?

Alors Eryndir connaissait celle qui les épiait. Peut-être étaient-ils arrivés. Elle les regarda se chamailler gentiment sans un mot puis croisa le regard de la Noss. Et ce qu'elle y vit la dérangea. Pourquoi prenait-elle cet air ? On aurait dit qu'elle se posait mille questions et qu'elle désapprouvait. Bien avant de retrouver son Souffle, Ciryië savait déjà ce que c'était que de se sentir étrangère et... de ne pas être à sa place. Elle avait un peu ce sentiment, ici aussi. Et puisqu'on se contentait de la regarder sans lui adresser la parole, elle chercha à se soustraire à ce regard sans s'expliquer. Elle pivota et fit un pas pour sortir de l'ombre, retrouvant la brise, le froid, la neige et les chants d'Anaëh. Mais aussi un félin géant qui s'était subitement retrouvé tout seul.
La petite elfe eut un mouvement de recul en voyant Rilma. Elle ne s'était pas encore habituée à cette créature, aussi gentille avait-elle été avec elle depuis leur rencontre. Dans son esprit craintif, cela restait un grand carnivore et elle un petit amas de viande fraîche.

-Je n'ai pas beaucoup grandie depuis l'époque où je me disais que je n'aurai plus peur de rien à l'âge adulte.

Sa taille n'avait pas beaucoup évoluée depuis ces trente-cinq ans. Elle avait dû augmenter de seulement un tiers alors qu'elle aurait dû doubler. Elle se souvenait de l'impressionnante carrure de son frère et de la silhouette si fine et si élancée de sa mère que cela donnait l'impression qu'elle était plus grande encore. Elle aurait probablement dû être comme eux... Et ne pas avoir besoin de plier sa nuque en deux pour pouvoir les regarder dans les yeux. Les Noss semblaient être un tout petit peu plus petits. Mais s'ils la toisaient comme l'amie d'Eryndir, elle ne se sentirait pas plus à sa place. Elle n'était même pas certaine de la raison pour laquelle elle avait accepté de le suivre jusque dans son clan. Il avait l'air de savoir ce qu'il faisait mais il avait oublié de l'en informer au passage...
Ciryië tendit un bras afin de s'appuyer contre le tronc d'un arbre et soulager sa jambe. Elle n'avait pourtant pas beaucoup marché mais son genou devait malgré tout supporter son poids, aussi faible était-il. Même si elle avait voulu fuir le faïra, elle en aurait été bien incapable, autrement que par les ombres où se trouvaient les deux Noss.