Puissant l'on né, puissant l'on devient [Mara]

1er jour de la 2ème ennéade de Karfias, second mois de l’Hiver.
18ème année du XIème cycle.
Au palais de la Princesse Marchande Maralina.

Il était temps. Voilà une ennéade que Salfaryl Braamylson, nommé le Sombre, avait fait de moi son héritier officiel. Voilà une ennéade que moi, Marzaban, du clan Ambreroc, j’étais devenu le maître des Mille-Caves, et le souverain des Durgazdawi. J’avais, bien évidemment, rassemblé tous les Nains de la communauté, pour faire valoir ce changement. Avec ce transfert, cet héritage, Salfaryl me donna les clés de tout ce qui appartenait de prêt à ou de loin aux Mille-Caves. Je possédais les clés de la loge d’Onyx, et m’étais même déjà entretenu avec les neuf seigneurs de la Loge, masqués qu’ils étaient pour ne point se reconnaître entre eux. Ils avaient juré fidélité, et une fois cette entrevue réalisée, j’étais resté deux jours dans les bas-fonds de la loge, à lire les archives et les rapports de tous nos espions entre le Nord et le Sud. Puis, ce fut au tour de la trésorerie des Caves d’être inspectée.

J’avais ordonné un inventaire complet de nos possessions, et de nos richesses pécuniaires actives et passives, ainsi que de tous nos trésors entassés dans les profondeurs. L’on me répondit que tout était à jour, car scrupuleusement entretenus par les serviteurs du Sombre. Peu satisfait, j’avais pris la tête de toute ces opérations, passant exactement cinq jours, dix-huit heures et trente-huit minutes, à comptabiliser, inventorier et consigner dans des registres maintenus sous terre, la moindre possession, le moindre souverain, la moindre piécette en or, en argent ou en cuivre.

J’avais pu me rendre compte que les conséquences des Semailles, étaient plus grandes et profondes que ce que le Sombre avait laissé paraître. Oh, les Mille-Caves étaient toujours là, bien présentes, bien puissantes, décidées à vivre et à s’enrichir plus que jamais. Mes nombreux étaient les coffres qui demeuraient vides, vidés afin de satisfaire à l’amende demandée par le conseil de Thaar. Je ne doutais pas qu’ils parviendraient à se remplir bien assez tôt, mais il fallait faire face : les Semailles avaient entaché la réputation des Nains ici-bas. La nouvelle comme quoi Le Sombre s’était retiré dans les tréfonds des Caves, pour nommer son Emissaire à sa place, s’était répandue comme une traînée de poudre, et je devais profiter de cette trainée encore fraiche pour récolter les fruits de ces étincelles. L’on savait déjà que le Sombre n’était plus sur la scène politique ni économique de la région. Mais s’il m’avait transmis tous ses biens, toutes ses possessions, et toutes ses richesses, il n’en fut rien de son titre de Prince Marchand.

J’avais longtemps considéré la question. Rester dans l’ombre du conseil, pour nouer de nouveaux accords libres de toute tractation politique, serait une bonne idée à moyen terme, car ces accords signés permettraient de remplir toutes les caves des Mille-Caves de coffres remplis d’or et de pierres précieuses. Mais rester dans l’ombre, c’était perdre une voix, une puissance, et laisser le conseil qui, s’il le souhaitait, s’il le pouvait, essaierait d’accabler un peu plus encore les Nains du Sud.

La question était donc tranchée : je devais devenir Prince-Marchand de Thaar. Aussi avais-je envoyé à Maralina, Princesse Marchande d’'Uldal’Rhilz, une missive demandant audience, réclamant le poste de Prince-Marchand qui revenait aux Mille-Caves. Cette dernière m’accordait une audience.

Aussi m’étais-je présenté sous mon meilleur jour, afin de trancher avec l’image pervertie du Sombre, qui collait encore trop aux basques des Nains. Aussi, le palanquin qui m’avait conduit jusqu’ici, fut laissé dans le magnifique jardin d’entrée, là où un domestique m’avait sommé de m’arrêter afin de prévenir la Dame qui commerçait la chaire. Debout, sur mes jambes solides, j’ordonnais à mes gens de rester ici, voulant me présenter seul devant la Princesse-Marchande. Je regardais l’endroit, attendant le retour du serviteur. La demeure était magnifique, je devais le concevoir, bien que trop en-dehors du sol à mon goût.

Enfin, le serviteur revint, et me conduisit jusque dans les jardins de la demeure où se trouvait Maralina et ses enfants. Attendant sur le palier de cette magnifique véranda – ou serait-ce un patio -, droit comme un ‘i’, je regardais autour de moi. Je ne cherchais pas à faire un mauvais coup, mais je cherchais à me souvenir de tout, car l’agencement de cette demeure devait être connu, et je m’occuperais d’en faire un plan pour la Loge d’Onyx… Sait-on jamais.

Le domestique m’annonça, et lorsque dame Maralina tourna la tête vers moi, je baissais la mienne d’un angle de quarante-cinq degrés, et le buste, d’un angle de trente degrés, en signe de respect. Je me redressais, attendant qu’elle prenne la parole la première.

C’était une journée un peu fraîche, mais ensoleillé. Les jardins, auparavant si luxuriants, semblaient quelques-uns peu dénudé due à l’hiver rigoureux qui s’était installé en Ithri’Vaan, mais cela ne semblait pas affecter l’énergie des trois  enfants qui couraient, ou tentait de courir, dans le grand espace. Maralina observait tranquillement sa progéniture, Loghan et Lukas qui criaient et combattaient un monstre invisible, alors qu’Alvyna tentait de suivre ses deux frères aînés en rigolant. Soudainement, un serviteur arriva derrière la Princesse Marchande, interrompant la scène;


«Princesse, Marzaban Ambreroc est arrivé, il est présentement dans le hall. Dois-je le conduire dans le petit salon. »


«Non » répondit-elle sans le regarder  «mène-le directement à la véranda. Le moins il a vu, le mieux c’est. » Le serviteur acquiesça avant de tourner les talons. La Princesse de la chair ne connaissait pas encore le nouveau maître. Peut-être était-il venu jurer vengeance pour son implication dans les récents événements, une confrontation directe. Quoique cela n’aurait pas été des plus pratiques vu qu’il demandait son siège au conseil. Au bout de quelques minutes, ce fut Lukas qui prit l’initiative d’annoncer l’arrivée de leur invité; «Regarde Maman! Il est comme Royna!! » Maralina lui fit un sourire discret, avant de se retourner gracieusement vers le nain, et c’est à ce moment précis que le serviteur décida de reprendre un tant soit peu le contrôle de la situation; «Votre Altesse, voici Marzaban Ambreroc. » Ce dernier inclina respectueusement la tête avant de se redresser. Maralina lança un regard aux gouvernantes qui les accompagnaient, et les enfants comprirent rapidement qu’ils devaient quitter les jardins. Lukas se mit à trottiner avant de s’arrêter devant le nain, à peine plus grand que lui, avant de lui lancer un « Au revoir Monsieur! » beaucoup trop joyeux.  Il se dépêcha à rejoindre les autres alors que les portes du palais se refermèrent derrière ses enfants.


« Pardonnez les propos de mon fils, Marzaban. Disons qu’il est très rare d’avoir des nains dans le palais. Néanmoins, je vous souhaite la bienvenue dans le palais d’Uldal’Rhiz. » Elle invita ce dernier à s’asseoir du bout des doigts avant d’imiter  ce dernier en replaçant doucement la fourrure blanche comme la neige qui ornait ses épaules. Un contraste assez marquant avec ses longues boucles brunes. Des bijoux situés sur ses tempes retenaient lâchement quelques boucles.  Des serviteurs s’empressèrent de déposer un breuvage chaud devant l’invité avant de rajouter quelques bûches dans le petit foyer qui réchauffait un peu le patio, après tout, le temps était légèrement frais. La Princesse Marchande releva finalement les yeux vers le nouveau maître des mille caves avant de lui sourire. « Je dois vous avouer que votre demande m’a surprise. Je ne m’attendais pas à ce que vous veniez voir un ennemi de Salfaryl, car soyons honnête, j’étais loin d’être un de ses alliés. » Un sourire amusé, la Princesse se cala légèrement dans son fauteuil en regardant le nain. Un test? Oui définitivement, quelle carte allait-il jouer? Car soyons honnête, la relation entre Maralina et les jardiniers étaient inexistante, toute conversation avait été qu’un acte, une pathétique parodie pour cacher les intentions des uns comme des autres. «Mais néanmoins, j’apprécie votre visite, » … et votre culot pensa-t-elle. «Que puis-je faire pour vous aider Marzaban? »

Je devais avouer une chose : alors que j’attendais là, debout, sur cette dalle qui devait être du marbre, j’eu tout le loisir d’apprécier l’agencement de cette véranda. Bien que je sois bien plus à l’aise, et bien plus prompt à apprécier la froideur et la monotonie de la roche, qui devient, au fur et à mesure des coups de pioches des mineurs Nains, et des décorations des sculpteurs et des tailleurs, et de l’ajout des tapisseries provenant du Nord, et des créations sorties du cœur ardent d’une forge rougeoyante, un véritable trésor souterrain, cette véranda offrait une vue agréable sur les environs, qui devait être tout à fait intéressante, surtout en été. Nul doute sur la valeur pécuniaire de cet endroit, et sur le prix de revente que la Princesse-Marchande pourrait en tirer, surtout en tenant compte du prix du terrain en ces zones foncières, des matériaux observés jusqu’ici, de la vue, de la plus-value…

Je fus interrompu dans ma réflexion par les propos de ce jeune impoli qui, visiblement, trouvait drôle de voir un représentant d’un peuple qu’il n’avait dû rencontrer que dans ses contes pour enfants. Tel l’ambre impassible et le roc aussi froid que l’hiver du Nord, je ne fis que regarder la Princesse, n’offrant au bambin qu’un facies aussi fermé qu’une statue de pierre, sans aucune émotion.

Elle me souhaite la bienvenue dans son palais. Pour nouvelle réponse, je baisse la tête d’un angle de vingt-neuf degrés avant de reprendre une posture aussi droite qu’une pierre levée. A son invitation, je réponds par quelques pas en direction du fauteuil qui m’attend, dans lequel je m’assois de la manière d’un militaire : les genoux touchent le fauteuil, je fléchis mes articulations de sortent que mon postérieur touche l’assise, décrivant un angle parfait de quatre-vingt-dix degrés, après quoi, je posais tout simplement mes avant-bras sur les accoudoirs recouverts d’une chaude fourrure.

Le cliquetis de mes bagues en or réhaussées de pierres précieuses se firent entendre, lorsque je croisais mes doigts sur mon ventre quelque peu proéminent, d’autant plus avec la position assise. L’or, d’ailleurs, se mariait parfaitement avec les fils d’or qui agrémentaient ma tenue faite de soie et réhaussée de velours, aux couleurs chatoyantes. Les bijoux d’oreilles qui pendaient allégrement jusqu’au seuil de mes épaules, gravées de runes typiques du monde des Nains, réfléchissaient quelques rayons du soleil, qui prenaient des auras bleutées et émeraudes, réfléchis qu’ils étaient par les pierres précieuses qui en furent ornées.

Maralina commence les hostilités, en parlant immédiatement de la tenue unique de cet évènement. L’on ne se serait point attendus de voir l’héritier de Salfaryl, et son successeur depuis plusieurs ennéades, rendre visite à celle qui fut un adversaire virulent du Sombre, après les évènements sombres que furent les Semailles de Sang. Evènements auxquels j’ai, évidemment, participé. Plus par fidélité que par intérêt, quand bien même ma haine pour les sombres soit toujours vivace. Fort heureusement, aucune preuve de mon implication n’a subsisté après cette nuit, faisant de moi un Nain blanc comme la neige… Si l’on ne regarde pas dans les couches les plus profondes.

- Je ne suis pas Salfaryl. Et les Mille-Caves ne sont plus Salfaryl non plus. Le ressentiment et les litiges qui vous liaient à lui peuvent toujours exister, pour peu qu’ils soient toujours dirigés vers l’auteur de ces sentiments. En affaire, tout n’est que mathématique. Les affaires deviennent compliquées lorsque les chiffres et les plans sont dépassés par les sentiments, et que le l’intuition remplace le pragmatisme. Une explication mathématique, peut-être même légèrement philosophique, pour lui faire comprendre que la tête des Mille-Caves avait belle et bien changée, et qu’aujourd’hui, ce n’était plus Salfaryl qui parlait pour les Mille-Caves. C’était moi. Je suis ici, car je réclame le siège qui me revient de droit, au conseil des Princes-Marchands de Thaar. Et je suis ici, car je ne souhaite pas m’élever sur les cendres des erreurs de mon prédécesseur. Erreurs toutes relatives, me dis-je en mon fort intérieur, car la menace de Krish devait être anéantie. Et il n’est pas plus authentique manière de le prouve, que de m’entretenir avec celle qui fut une des instigatrices de la punition des Mille-Caves, après les évènements tragiques qui secouèrent la ville. Ainsi, c’est en paix que je viens réclamer ce qui me revient, et c’est en paix que je me présente à vous.

Les choses étaient lancées.

Maralina écouta attentivement le nain réclamer sa place au conseil. Un siège qui lui revenait de droit? Oui… définitivement il ne manquait pas de culot. Le jeunot venait a peine de se lancer en affaire et il réclamé le beurre et l’argent du beurre… Par contre, le fait qu’il se présente devant elle, la Princesse de la chair, était assez déterminant. Au moins, il n’avait pas froid aux yeux. Baissant le regard, elle attrapa sa tasse et ses doigts se refermèrent doucement  sur cette dernière alors que le nain terminait sa dernière phrase. Nul n’aurait pu voir son agacement, et avec raison, investigatrice de la punition? À croire qu’il croyait qu’elle était seule au conseil! Si seulement c’était le cas, ils ne se retrouveraient pas dans la situation dans laquelle ils se trouvaient aujourd’hui. Accolée au mur, tentant tant bien que mal de survivre… La Princesse porta la tasse à ses lèvres, le plus tranquillement possible, en observant le nain pendant quelques secondes avant de reprendre la parole ; «Mais puisque vous venez en paix, parlons- nous franchement… Inutile de cacher les choses.  » C’était un moment risqué, mais un test qui pourrait s’avérer des plus révélateurs. Maralina posa la coupe sur la table blanche avant de reprendre la parole; « Soyons honnête, vous êtes ici en paix, mais vous me considérer quand même comme celle qui heurter les milles-caves. » Elle eut un léger sourire aux lèvres avant de se caler dans son fauteuil. « Je peux vous assurer Mazaban que si j’avais réellement voulu heurter les mille caves j’aurais touché plus que leurs porte-monnaie. Les affaires ne sont pas que mathématiques, il y a énormément d’interaction entre êtres, et hélas, on ne peut dire que tous les habitants de Miradelphia soient les plus logiques. Mais cela, vous l’apprendrez bien assez vite. » Après tous les Princes Marchands étaient tous des loups, certes certains avaient quelques intérêts communs, d’autres voulaient simplement s’élever d’eux même. Ne restait qu’à déterminer de quel type était son interlocuteur.


Presque tous les hommes peuvent supporter l’adversité, mais si vous voulez supporter l’adversité, il fallait leur donner le pouvoir. Cela ne servait a rien de provoquer le nouveau maître des milles-caves. La principauté avait besoin de quelques choses d’autres si elle voulait passer au travers des prochains mois, et Maralina en était bien consciente. Se redressant doucement dans le fauteuil, les yeux de la Princesse d’Uldal’Rhiz semblèrent briller d’une lueur de défi, et elle reprit encore une fois la parole; « Si les intentions des jardiniers étaient bonnes, la façon de faire ne l’était point. Ils ont exposé encore plus Thaar et l’ont mis dans le radar de nos ennemis. Beaucoup de gens croient que nous nous en sommes bien sorti, puisque Naélis semble être la cible de nos ennemis. Mais vous, qu’en pensez-vous? » Oh oui, c’était bel et bien un test. Qu'il soit un marchand distingué était une chose, faire de la politique en est une autre. Marzaban semblait être quelqu’un de très calculateur, si c’était le cas il savait déjà ce qui se tramait à l’horizon et il avait déjà compris ce que Maralina lui demandait…

Ma diatribe terminée, je reposais mes mains contre mes cuisses, en croisant les doigts ensemble, dans une position neutre dédiée à l’attention et à l’écoute. Voyant que la Princesse Marchande prenait de plus en plus de secondes avant de répondre à son tour, je décroisais mes mains, approchait mes bras de la tasse en porcelaine qui contenait un breuvage chaud, et m’en saisis, une main prenant la poignée et une autre se posant contre la tasse. Je la prends, et déguste une gorgée de ce breuvage, avant de reposer ladite tasse.

Puis, elle prit la parole. Ainsi donc, nous devions nous dire les choses honnêtement, sans détours ni circonvolutions propres au langage politique, que d’aucun nommerait hermétique, bannissant langue de bois et sens cachés. Sans doute n’y aurait-il jamais plus honnête discussion ou plus sincère moment dans toute ma carrière politique, qu’en cet instant, sur cette véranda, éloignée de la salle du conseil de Thaar.

Ainsi, pense-t-elle être la seule instigatrice de la punition des Mille-Caves à mes yeux. Elle n’a pas tout à fait tort, mais pas raison non plus. Je suis bel et bien conscient du nombre de Prince-Marchands qui siègent aux côtés de Maralina, et je suis conscient que chacun d’entre eux, à leur manière, auront votés et désirés cette punition, sans doute même plus que Maralina elle-même. Elle pause son récit, mais le reprend immédiatement après. Ainsi, les Drows seraient « nos ennemis », dorénavant, et les « jardiniers » auraient bien agis en pensées, mais point en actes. Puis, elle me demande ma pensée…

Je ne saurais expliquer par quelles formules mathématiques, ni par quel procédé déductif, j’en suis venu à penser que cette rencontre, désirée par moi-même, aura été murement réfléchie par Maralina plus avant, et qu’au final, je la teste autant qu’elle me test. Nous sommes deux entités puissantes, politisées et économiques, se faisant face, l’un tentant de faire sa place, l’autre, s’assurant une ascendance nimbée de sincérité.

- Eh bien, parlons-nous franchement. Vous êtes une Princesse-Marchande, mais non, je ne vous considère pas comme l’instigatrice principale de la punition des miens, pour la simple raison que, comme vous l’avez dit, je devine en vous une volonté plus secrète, qui ne se serait point démontrée par un aspect financier, comme vous le sous-entendez. De même, vous ne connaissez pas toutes les intentions des « jardiniers », comme vous vous plaisez à nous nommer, et vous ne savez rien, ou si peu, du pourquoi des décisions qui furent prises contre l’empire Drow sur les terres de Thaar. Mais ne remuons point le passé, nous sommes là pour l’avenir.

Je pause volontairement mon récit, attendu que la réponse suivante devait être mesurée, que dis-je soupesée, calculée, préméditée.

- Le fait que les Drows s’intéressent principalement au royaume de Naelis indique potentiellement plusieurs hypothèses, aux statistiques grandement similaires. Premièrement, il pourrait s’agir d’une tentative militarisée de couper toute communication terrestre entre la Péninsule et l’Ithri’Vaan, dans le but premier d’étouffer Thaar et les terres de la principauté. Krish ayant été reine des Drows, sans doute ceux-ci pourraient tenter de reprendre ce qui lui fut pris, bien que je n’y vois pas de réel intérêt, dans le sens où le Puy n’aura point besoin d’influence sur le conseil pour faire fortune ou alimenter leurs forges, étant donné que leurs territoires regorgent des matières premières, premièrement, et, deuxièmement, parce qu’encadrer ainsi Thaar leur assurerait la puissance nécessaire pour faire de nous tout ce qu’ils voudront, sans s’échiner à reprendre une place au conseil. Une autre hypothèse, cependant, pourrait demeurer intéressante. Je pause une nouvelle fois, réajustant mon assise tout en maintenant le buste droit, regardant Maralina dans les yeux. Les Drows sont menés par ce Kerath, un chef des armées aux ambitions que je devine bien plus religieuses que politiques. Ils clament vouloir exercer une vengeance divine, dirigée principalement contre les Elfes, et conquérir Naelis serait leur assurer un front bien proche des frontières Elfiques, et des lignes arrière sécurisées. Mais même cette raison prosaïque pourrait, à terme, reprendre un aspect similaire à ma première hypothèse : la conquête de l’Ithri’Vaan par l’asservissement, l’étouffement, et, au besoin, le sang. Mais, pour être tout à fait honnête, je ne pense pas que l’œuvre des Semailles y soit pour quoi que ce soit réellement, sinon un catalyseur d’une guerre qui, de toute manière, serait arrivée dans quelques années. Si je devais ainsi résumer ma pensée : Naelis est autant en danger que nous le sommes, car si eux doivent craindre l’épée, nous devons craindre la pensée du Puy.

Et je reprends une posture droite, froide, impassible, mais mon regard, lui, irradiait celui de Maralina. L’intensité de mes prunelles traduisait bien toute l’importance de mes réflexions, et quel adversaire je pouvais être, mais aussi, quel allier je pouvais représenter.

Maralina ne lâcha pas son invité du regard, un sourire aux lèvres elle observait attentivement son invité. Chaque mouvement semblait méticuleusement calculé et sa réponse fut des plus prédictibles. Non en effet, elle ne connaissait pas tous les détails de la rebellions des trois Princes déchus, et comment aurait-elle pu alors que ces derniers avaient totalement exclu ceux qui aurait pu être des possibles alliés? Mais Marzaban avait raison sur un point. Inutile de se concentrer sur le passé, mieux valait regarder l’avenir. Un avenir qui devenait de plus en plus obscur pour la principauté. Elle porta doucement la tasse à ses lèvres, écoutant sans interrompre son invité. Il semblait peser chaque mot, chaque hypothèse, si sa posture ne trahissait rien, son regard quant à lui semblait briller de la même lueur que celui de la Princesse d’Uldal’Rhiz.  À cet instant précis, les deux êtres  - pourtant si différent – avaient un point commun. Un point qui les rassemblait. L’inaction du conseil des dernières années n’avait pas aidé, mais la mort de Krish Al’Serat avait au moins eu un aspect positif sur ce dernier. Le Puy ne voyait plus ce qu’ils planifiaient – ou avait l’intention de faire, ce qui pourrait calmer les esprits encore terrorisés par la présence des drows. «Il semble, mon cher Marzaban que nous avons au moins un point en commun. » Maralina lui sourit, en baissant légèrement la tête. Les deux êtres étaient très calculateurs, si la Princesse de la Chair semblait plus ludique, que le nouveau maître des caves, au moins ils n’étaient pas aveugles.  « Il y a deux choses auxquelles je tiens le plus au monde; mes enfants, et la principauté. »


Elle leva doucement la main en écartant ses mains, révélant ses ongles parfaitement manucurés avant de continuer; «On m’a déjà comparé à une lionne alors que l’on s’attaquait à ma progéniture, mais malheureusement la personne qui a tenté de les attaquer n’est plus de ce monde pour le confirmer.  »  Elle releva les yeux pour rencontrer de nouveau le regard de Marzaban; mais celui –ci n’était plus amusé, beaucoup plus sérieux, sombre. La réputation de la Princesse d’Uldal’Rhiz n’était pas à refaire, la plupart des gens se souvenaient encore de sa sanglante ascension comme Princesse Marchande. Si certain croyait dur comme fer que cette dernière ne s’était que fait justice, d’autres avaient la certitude que la sa prédécesseur était tombé dans un piège des plus élaboré. Elle se pencha légèrement vers l’avant avant de continuer le plus sérieusement du monde;  «Il est temps de protéger ce que l’on aime, de bâtir un futur dont nous serons responsables. Vous savez aussi bien que moi ce qui se passe présentement, et vous avez déjà vu le danger qui plane à l’horizon. Peu importe la raison derrière leur prochaine victime, vous savez que nous allons écoper…  Alors je vous le demande, Marzaban, m’aiderez-vous à protéger ce qui vous est réellement important?  » La perche était tendue, restait à voir si le maître des caves la prendrait. Elle ne lui demandait pas de travailler éternellement avec elle, mais à ce moment précis, elle avait besoin de l’influence des mille caves. Si cette alliance pouvait durer, tant mieux, mais elle ne se faisait pas d’idée, tout semblait si fragile chez les Princes Marchands…

Ainsi, nous nous entendons sur une similitude de pensée. Qui l’aurait cru ? Pas moi, assurément. Tant de choses nous différencient, comme tant de choses différencient les Nains des autres races de ce monde. Il n’est pas mieux placé pour comprendre un Nain, qu’un autre Nain ! Et il n’est pas mieux placer pour faire affaire avec un Nain, qu’un autre Nain.

Et pourtant, Maralina fait montre d’une capacité insoupçonnée à cerner certaines de mes intentions, et, surtout, à manœuvrer autant sa communication verbale que non verbale, et à abattre ses cartes de telle sorte à orienter la discussion. L’espace d’un instant, je compris avec une grande aisance, pourquoi Salfaryl avait été tel qu’il fut, durant les tractations, et les séances du conseil. Ce conseil, d’ailleurs, n’était qu’un nid de vipères conspiratrices cherchant à cracher juste ce qu’il fallait de venins pour tirer leur épingle du jeu. Serait-ce par leur faute que le destin des terres Vaanies soit si sombre et incertain ? Sans doute aucun. Après tout, l’on est souvent son propre bourreau. Et je compris les manigances de Salfaryl, qui voulait protéger les siens, et son nom, sans compromettre ni les Mille-Caves, ni les Durgazdawi.

Les Nains, du Nord comme du Sud, sont passés maître dans la défense de leurs intérêts, et dans l’autarcie la plus complète. Croitre en secret, grandir derrière des murailles, vivre sous terre, tels sont nos atouts. Mais ces atouts peuvent perdurer plus longtemps que l’existence d’un individu, lorsque l’œuvre toute entière perdure grâce auxdits atouts. C’est le cas dans le lointain Nord, mais point ici. Ici, les Durgazdawi. sont une population parmi les autres. Nous sommes forts, puissants, ancrés, nombreux, persévérants, riches, mais nous ne sommes pas seuls. Et quoi qu’on en dise, rester terrer dans nos demeures souterraines, ne serait une bonne solution qu’à court terme. Certes, nous pourrions survivre, mais ceux de la surface pourraient détruire ce que les Mille-Caves auront mit 400 ans à construire. Nous avions agi contre Krish, le vipère sombre du Sud. Il nous fallait agir à nouveau, mais point seulement dans l’ombre dorénavant.

Mais, bien-sûr, je n’oublierais pas les enseignements actuels… Ainsi, déclencher la fureur de la Princesse-Marchande de la chaire, se ferait facilement en touchant la chaire de sa chaire… Mais ce serait aussi appuyer sur son principal levier, sa principale faiblesse… Il était bon de le savoir, pour plus tard, au cas-où…

- Inutile d’être devin, ni dans leurs petits papiers, pour deviner leurs intentions, et prédire leurs mouvements. Après ces derniers mots, je regarde longuement mon interlocutrice, mes prunelles plongeant dans les siennes, avec un sérieux emprunt de gravité. J’acquiesce, d’un signe de la tête, d’une bascule de 25° vers le bas, puis 25° vers le haut, deux fois. Je vous y aiderais. Mais, si vous me le permettez, j’aimerais ajouter une clause à notre entente. Vous pourrez me compter parmi vos alliés, aussi longtemps que cette entreprise le nécessitera, et cette alliance pourra être reconduite dans le futur, afin de nous assurer ledit futur de la plus brillante des manières. Je souhaite, cependant, et en retour, non seulement votre soutien pour l’obtention de ce siège qui revient aux Mille-Caves, mais aussi, l’assurance formelle, de vous à moi, de ne jamais intenter quoi que ce soit contre les miens, ni nos biens, ni nos affaires, maintenant que notre punition nous à lavée de toute accusation.

L’avenir devait être assuré, et si, pour l’instant, je pouvais m’assurer de l’innocuité de la princesse marchandant la chaire, alors, cette rencontre serait doublement intéressante.

Le nain n’était pas dupe. Il avait lui- même des demandes, lui-même avait des gens qui dépendaient de lui. Salfaryl avait bien choisi son remplaçant, il tenait réellement aux milles-caves et qui aurait pu le blâmer? Tant de richesse, tant de gens qui dépendaient de ce dernier. Maralina souffla doucement du nez avant de reprendre la parole; « Je suis énormément fidèle en affaire et très généreuse avec mes associés. Vous ne voulez pas que je m’attaque à vous? Je vous demande la même chose. Je ne m’attaquerais pas à vos affaires si vous ne touchez pas aux miennes. Je peux, au contraire m’avérez une solide alliée lorsque nécessaire. » Et c’était vrai. Combien d’employés fidèles avaient été récompensés pour leurs services? Ne suffisait de penser qu’aux Hadjaoui ou à Dante. Le respect mutuel se développe sur une base de confiance, et  Maralina était prête à donner la même chose à Marzaban, tant et aussi longtemps que ce dernier lui rend la pareille. La Princesse Marchande se redressa doucement avant de se redresser  en tendant la main, plongeant son regard azuré dans le sien. « Alors, avons-nous un marché? » Son air sérieux semblait contrasté avec son attitude jusqu'à maintenant. Mais cet entente était définitivement des plus capitale. Elle ne l'attaquerais pas tant et aussi longtemps que ce dernier faisait la même chose. Après tout, mieux valait garder ses ennemis à porter de main, n'est-ce pas? Ne suffisait qu’à conclure l’entente.

Les paroles de la Princesse-Marchandes entrèrent en mes oreilles, et furent mémorisées en mon cerveau, à l’encre indélébile, au marteau et au burin. Elle prétendait être une alliée fidèle, une partenaire utile, qui ferait la différence en temps voulus. Et l’intelligence voulait qu’elle retourne ma demande, en faisant de celle-ci la sienne à son tour. Et c’est ce qu’elle fit. Ainsi éclairé, et ainsi mandé, je mit deux ou trois secondes avant de réagir.

En effet, posséder Maralina dans mes petits papiers, était sans doute bien plus un gage de succès, et de protection, qu’un quelconque parjure, ou une mauvaise idée. De tous les Princes-Marchands, Maralina était sans doute celle qui était connue pour avoir bien souvent un ou deux coups d’avance, et de multiples visages… Mais je crois me souvenir – non j’en suis certain en réalité – d’avoir lu à plusieurs reprises, dans les rapports des espions de la Loge d’Onyx, des preuves plus ou moins tangibles des agissements de Maralina, mais aussi, des évolutions, des gains, des gages et des avantages qu’ont obtenus certains de ses plus proches collaborateurs, et de ses plus fidèles… Assistants ? Et une idée me vint.

- Un accord. Répondis-je en inclinant la tête de vingt pourcent vers le bas, avant de revenir en position neutre, puis à nouveau vers le bas. Un signe d’acquiescement en somme. Puis, je levais l’index droit, indiquant la poursuite de ma prise de parole. Puis-je me permettre ceci : vous parlez de confiance, et d’être une alliée aussi utile que fidèle, et je choisis de vous croire sur parole. Toutefois, je trouverais utile, productif et lucratif, d’entériner notre accord par une action concrète. Je baisse mon doigt, mon avant-bras reprenant sa place sur ma cuisse, ma posture, droite, tel un « i », ne bougeant pas d’un pouce. Seul changement notable, mes yeux se firent légèrement plus ronds, et non seulement à moitié clos comme à mon habitude, rendant mon regard nettement plus… Profond. Je suis actuellement sur le point d’ouvrir deux établissements dédiés aux jeux, principalement de hasard. Et ce, dans le but de diversifier mes activités, puisqu’il est communément admis, et mathématiquement reconnu, qu’une multitude de flux permet statistiquement d’ajuster conduites et projets, et de faire face à diverses déconvenues, si elles devaient arriver. L’un de ces établissements serait une pièce maîtresse, un véritable diamant. Mais l’autre, luxueux tout de même, se verrait nettement moins élitiste. Je vous propose quarante pourcent de ce deuxième établissement, en signe de bonne volonté.

L’effet escompté : la surprise. Les conséquences espérées : un accord menant à une confiance nouvelle, et un horizon calme, de ce côté de Thaar.

L’accord en soi ne fut pas une surprise. Marzaban savait ce qui se tramait, peut-être pas tout, mais avait une bien bonne idée. Il donnait l’impression d’être quelqu’un d’énormément logique, calculateur. Un peu comme la Princesse d’Uldal’Rhiz. La seule différence était peut-être l’attitude arrogante et sa constante soif de plaisir. Néanmoins, le nain ne s’arrêta pas là, allant même jusqu’à lui offrir une part dans ses nouveaux commerces. « Ma foi, votre générosité me touche et c’est avec plaisir que je commercerais avec vous. Je vais supposer que vous me ferez parvenir le contrat dans quelques jours? » C’était bien entendu du détail, mais on était marchand ou on ne l’était pas, les accords commerciaux étaient excessivement importants, mais il y avait quelque chose qui l’était encore plus…


« Mais si vous voulez bien me suivre, nous avons du travail à faire. » La Vaanie se leva avant de conduire le nain à une grande porte vitrée qui donnait sur la terrasse sur laquelle ils se trouvaient. Un esclave, voyant sa maîtresse arriver, ouvrit rapidement la grande porte, laissant entrer les deux marchands avant de refermer la porte derrière lui. Le bureau de la Princesse Marchande était immense, et d’un blanc immaculé. Le marbre reflétait quelques dorures qui donnait une légère luminosité à la pièce. Un bureau entouré de quelques fauteuils confortable dominait la pièce, et un peu plus loin, en face d’une énorme cheminée ou un feu crépitait, se trouvait quelques divans, canapé ainsi qu’une table. Maralina s’approcha invita doucement son invité à prendre place devant la cheminée, avant de s’arrêter devant une étagère, rempli de parchemin soigneusement rangé. Elle sembla chercher quelques choses du regard, avant d’en attraper un et alla s’asseoir à coté de son invité. Elle enleva rapidement l’attache, avant de dérouler la carte de l’ithri’Vaan, leur donnant ainsi une meilleure vue d’ensemble. Elle déposa une sculpture sur un des bouts du parchemin afin d’éviter qu’il ne se roule et reprit finalement la parole; « Lors du procès, les Princes Marchands qui furent invités au mariage de Krish Al’Serat nous ont fait parvenir un message des drows. Ces derniers voulaient libre passage sur Hanning afin de prendre Naélis. Apparemment l’une de leur triumvirs, Viconia fut retrouvée morte près de la ville et évidemment, ils nous ont blamés pour cet incident. » Elle fronça doucement les yeux, tentant de se rappeler ce que lui avait dit Dante lors de ses multiples voyages a Sol’Dorn, avant de reprendre la parole; « J’ai déployé de nombreux espions a Sol’Dorn, qui ont surveillé la moindre action des drows depuis qu’ils ont commencé leur avancé, il m’a mentionné que cette dernière avait failli perdre la vie en utilisant sa magie, alors elle a démissionné avant de s’enfuir à Esion. Tandis que l’autre triumvir a apparemment prit la direction des Septs-Monts. J’ai l’impression que les deux soit liés d’une façon ou d’une autre, mais je n’ai jamais réussi à prouver quoi que ce soit. » Peut-être que l’incident n’avait rien à voir avec la guerre, mais elle préférait révéler toutes les informations qu’elle avait acquis pendant ces années d’espionnage. Maralina soupira, avant de se retourner vers Marzaban. Son expression avait énormément changé, elle n’était plus moqueuse, ou joueuse, non, elle affichait une attitude des plus sérieuse alors qu’elle étalait ses pensées devant son nouvel associé.

La Princesse-Marchande d'Uldal'Rhiz accepta ma proposition, bien évidemment. Il faut dire qu’elle était apportée sur un plateau d’argent, entourée de napperons de soie, sous une cloche de verre, avec des couverts en diamants. Nul doute que, au cœur de la cité de Thaar, un établissement de jeux de hasard, même doté d’un luxe à peine supérieur au luxe moyen de cette ville, attirerait tout le monde, simple badaud, joueur invétéré, touriste, marchand… Et ferait, assurément, un chiffre d’affaire conséquent. Lui offrir quarante pourcents de cette affaire, était sans aucun doute un cadeau plus que généreux. Sans doute fallait-il cela pour instaurer un début de confiance, mais aussi, pour effacer définitivement les Semailles de l’esprit de la princesse.

L’espace d’un bref instant, mon regard s’était perdu dans le vide. Je calculais la portée de cette offre. L’achat du bâtiment, ses modifications, ses améliorations, l’investissement immobilier, me coûtait déjà plusieurs dizaines de milliers de souverains. Lui offrir une telle part était donc un beau cadeau. Mais je ne doutais point qu’elle comprendrait que le cadeau nécessiterait, plus tard, un investissement de sa part. Mais le contrat arriverait bien assez tôt.

- Le contrat sera rédigé en triple exemplaire, d’ici quelques jours. L’un sera pour vous, l’autre pour moi, le dernier, gardé dans le bureau qui se trouvera au dernier étage de l’établissement, et que nous partagerons. Elle me propose de la suivre maintenant. Je sens que la suite de cette discussion, devra être… privée. Je vous suis.

Le bureau de la Princesse était, encore une fois, doté d’un luxe qui tapais à l’œil. J’aimais particulièrement l’utilisation du marbre blanc, relevé par quelques discrètes dorures qui rendaient à ce lieu, une impression solaire ô combien douce pour mes yeux habitués aux profondeurs de la roche. Toutefois, cela me faisait sembler à ma propre cave : creusée dans la roche, faite de salles carrées, rectangulaires et rondes, elle était entièrement couverte de marbre blanc, sauf pour ma cave personnelle, faite d’un marbre rosé qui rendait magiquement bien avec mes bouteilles et liqueurs, notamment les vins rouges.

Je regardais la carte d’Ithri’Vaan. Debout devant cette carte, je réajustais mon étoffe de soie sur mon cou, et mon manteau de velours et de fourrure, pour m’asseoir de manière confortable. Puis, alors que la Princesse avait terminé de rechercher le vélin qu’elle désirait, elle prit à son tour sa place devant moi, et plaça le vélin qu’elle cala à l’aide d’une petite statuette.

J’écoutais avec attention ses propos. A mesure que son attitude devenait de plus en plus sérieuse, de plus en plus profonde, de plus en plus… Sombre, je devenais, moi aussi, de plus en plus présent, et de plus en plus concentré.