[Papincourt] En route, vers Thaar! | Dante, Louise & Deejah

La première chose que vous verrez est Thaar vue du bateau. Donc cela sera le port. Vous vous rendrez compte que l'odeur est particulière... Quand à la seconde...

Il regarde le quatuor qui va découvrir la chaleur printanière Thaarie, et ils trouvent qu'il fait chaud ici.

Il faudra vous trouver des vêtements adaptés au climat. Vous me trouvez frileux, vous saurez bientôt pourquoi. Ensuite, tout déprendra de vos valeurs et de votre esprit d'aventure... Mais vous logerez au manoir de Dusko Rutsi. Je vous avertis tout de suite, nous nous ressemblons beaucoup. Ce qui fait qu'il m'a accordé l'usufruit de ses installations contre certains services de doublure représentative lors d'événement mondains plus ou moins ennuyeux. Donc, il est fort probable, même certain, que vous entendiez son nom et que j'y réponde.

Et, passant à autre chose, il leur raconte le soleil sur l'océan. Il leur raconte les soieries et la Parfumerie aux milles odeurs. Les trois Claudes... Herboristes. Les femmes... Les arènes. La bouffe... La bonne bouffe...

Et au son de sa voix grave qui emplit l'air de récits dignes des milles et une nuit, ils arrivent en vue du Vol D'Or. 5 voyageurs dont un adolescent d'apparence modeste, avec 5 chevaux d'exceptions.  Déjà, Melkor piaffe et s'énerve à la vue de ce gros truc. Descendant, Dante lui donne quelques graines de pavot pour le calmer, pour aider à l'embarquement. L'étalon, reconnaissant les graines, les engloutit sans protester.

Ce n'est pas mon habitude, mais l'expérience m'a enseigné la prudence lors de l'embarquement des animaux. Sachez que les stalles sont très étroites. C'est normal. Les soins des animaux nous incombent. Désirez vous quelque graines pour les vôtres?

Une fois tout le monde prêt, Dante appelle le navire en Oliyan. Sa vois grave et rauque traversant l'air sans forcer.

OHÉ VOL D'OR!!! PERMISSION DE MONTER À BORD?

L’embarquement des marchandises était pratiquement terminé, de celles destinées aux marchands de Thaar, venant de fournisseurs de la Péninsule, pour le reste, des provisions pour le voyage, pour l’équipage, moi et Ballast et pour les passagers que nous attendions. Sans compter que nous avions aménagé un espace apte à recevoir des chevaux, paillage et tout ce qu’il convenait pour leur voyage. Bien que faire voyager des chevaux n’était jamais chose simple, surtout pour ces pauvres bêtes. C’était ce que j’avais appris au fil du temps, bien que pour ma part, je m’efforçais de me tenir à distance de ces grands animaux, surtout qu’ils devenaient nerveux sur un sol bien moins stable que le plancher des vaches.

Autant dire que leur chargement allait prendre du temps, surtout qu’il s’agissait de bêtes de valeurs et pas juste des animaux destinés à nourrir l’équipage et ses voyageurs. A cet effet, le Vol d’or se trouvait aux abords des docks, proche des grues de levage. Nous allions en avoir besoin pour les descendre en cale.
Il ne manquait plus que nos invités de marque, pensée qui amena un sourire sur mon visage, alors que j’aidais les autres à préparer le départ. Ouais, je n’étais pas là pour me tourner les pouces, apprentie mage ou pas, il me fallait mettre la main à la pâte comme tous les autres. Ce qui ma foi, n’était pas du tout pour me déranger. Et depuis le temps que je naviguai avec mon maître, je connaissais désormais toutes les ficelles du métier.

Quand le cri d’un homme retentit à quai, dont la voix dépassa celle du Bosco qui donnait ses ordres, je fus la première à abandonner les vergues du grand mat pour me laisser glisser jusqu’au pont grâce à une écoute, et bondir ensuite par-dessus la passerelle pour atteindre les quais et rejoindre monsieur mystère. Tiens aujourd’hui encore, il avait une toute autre apparence.

Mais peut-être que cela était uniquement dû au fait qu’il était en grande compagnie ?

- Bien le bonjour m’sieurs dames, lançais-je joyeusement, avant de jauger particulièrement la dame, n’accordant qu’une attention passagère à ses compagnons de voyage. Des hommes d’armes, sauf le plus jeune sans doute.

- Vous n’avez pas eu trop de mal à trouver le Vol d’or ?

C’était un peu la blague que j’aimais à faire quand des passagers devaient retrouver le navire à quai. Il se démarquait nettement des autres par sa coque en bois clair et ses voiles d’un ocre doré. Sans oublier le pavillon du renard bondissant qui permettait de nous identifier au premier coup d’œil.

Je fus bientôt rejointe par le Bosco et deux des hommes d’équipages qui avaient tiré la large passerelle, pour permettre l’embarquement du bétail, des chevaux en l’occurrence.

- Messieurs dames. Il les salua d’un bref signe de tête, ne s’embarrassant pas de plus de manière. Le capitaine se fera un plaisir de vous accueillir à bord.  Mes hommes vont vous aider à faire embarquer vos montures, si vous le permettez. Une fois à bord, ils seront hissés dans les cales du Vol d’or. Est-ce que vos chevaux ont déjà voyagé en mer ?

Pour ma part, je lançais à ces derniers un regard mêlé d’admiration et de méfiance tout à la fois, me gardant de trop les approcher.

Pas mal la rouquine, pense Dante tandis qu'il regarde Deejarah venir les acceuillir. avec entrain, la grosse tête de Melkor nonchalamment posée sur son épaule.

Mes compagnons de voyages ne comprennent pas l'oliyan. Prend il la peine de préciser en olyian toujours, avant d'écouter les consignes de Bosco. J'espère que cette lacune sera partiellement remédiée durant le voyage. Les deux adultes sont particulièrement adeptes de jeux de dés. Ils seront de bonne compagnie, ils ne se laissent pas plumer facilement.

Son léger sourire de matou sur le visage, il continue en Péninsulaire.

Mon cheval a voyagé une fois en mer. C'est l'embarquement le plus fastidieux, il n'aime pas se sentir contraint, mais je lui ai donné de quoi tolérer cette ignominie. Il arrivera très bien à la première étape qui est celle de la passerelle. Nous irons en premier, pour vous montrer comment faire.  Ensuite, pour la grue, malgré ce qu'il a ingurgité, je vous conseille simplement de l'entraver le moins possible. Je vais l'accompagner le long de la descente, n'ayez crainte, j'ai l'habitude de faire la traversée à mes chevaux.


En réponse au hennissement des autres chevaux, Melkor ne fait que souffler bruyamment des naseaux. Il semble étrangement zen, la tête moins haute que d'habitude.  D'ailleurs, sans rechigner, il emboite le pas à son humain qui ne le lâche pas d'une semelle. Il s'énerve bien un peu quand les deux cordes sont passées, mais Dante grimpe avec lui, un peu plus haut avant d'entortiller ses jambes autour de la corde pour se laisser pendre la tête en bas, tout prêt des oreilles du cheval soudainement nerveux, qu'il se met à malaxer en un massage, tout en lui parlant calmement en sa langue natale... En fait, il lui chante même une chanson...

Il ne le lâche qu'une fois dans la cale et Melkor bien installé dans sa stalle. Alors seulement retentit un hennissement de courroux. Un unique.

-Ca va. Je ne te lâche pas. Je reste. J'ouvrirai ta stalle un peu tout à l'heure. Seulement si tu reste dedans.

Dit Dante en continuant de donne de l'attention au seul cheval claustrophobe de Fernel.

Melkor ? Je regardai les chevaux à tour de rôle, repérant finalement l’intrus (celui donc qui devait se nommer Melkor), enfin c’est surtout parce que la dame venait de se tourner vers lui. Ah et puis au passage, je réalisai que j’avais oublié les présentations. Arun certes, on le connaissait déjà un peu mais la dame de Fernel, pas encore.  Oh donc, c’était pour elle qu’il avait concouru la veille au tournoi. Je me surpris à sourire, en remarquant combien la dame était jolie.

Quant à Yann, il se contenta d’hocher la tête aux présentation. Le Bosco n’était guère bavard. Il répondit en toute simplicité :

- On fera ce qu’il faudra. Et le voyage devrait nous prendre deux énéades, un peu moins si les vents nous sont favorables.

Yann m’adressa alors un léger sourire, avant de se tourner vers les deux hommes pour leur lancer des ordres, afin de préparer l’embarquement des bestiaux. Moi je me tournai vers la dame de Fernel qui avait précisé qu’elle n’avait encore jamais voyagé sur un navire. Je fis une petite moue, mi figue mi raisin.

- Hum moi c'est Deejarah, enchantée de vous connaître, ma dame. Oh alors si c'est votre premier voyage en mer, je vous souhaite de ne pas souffrir du mal de mer. Mais vous verrez, on s’habitue vite au tangage !

Enfin je disais ça parce que moi, j’avais l’impression d’avoir toujours vécu sur l’eau. Quant aux chevaux, ce n’est pas moi qui m’en occuperai. Ca c’était plus le truc de Bancroche. Quant au problème de langue, je me tournai vers Arun en lui souriant.

- On peut parler en langue commune si vous préférez, Oliyan, Péninsulaire, peu importe. Les marins peuvent toutes les comprendre. Quant aux jeux, ma foi, j’avoue que j’aime bien aussi. Nous aurons le temps pendant ces prochains jours.

Oui Hormis les tâches à bord bien sûr.

Quant à Melkor, Arun précisa que son cheval avait déjà voyagé en mer, et il tint à ce sujet à harnacher lui-même l’animal une fois qu’il l’eut guidé sur la passerelle. Ma foi, sans doute était-ce mieux pour la pauvre bête. Les autres avaient l’air bien plus stressés surtout après avoir été guidés à franchir la passerelle, mais à partir du moment où les hommes leurs mirent des capuches en jute sur la tête, les empêchant de voir ce qui se passait autour d’eux, excepté le cheval de la dame, ils se tinrent plus ou moins immobiles, le temps de les descendre en cale. Le tout fut fait à grand renfort d’ordres et de cris pour manœuvrer doucement le bras de palan, et laisser glisser les bêtes tout en douceur à travers les écoutilles grandes ouvertes jusqu’au niveau des cales.

Une fois qu’ils purent poser leurs sabots sur le sol très légèrement tanguant du navire, les marins leur laissèrent le temps de s’habituer au tangage, ce qui créa chez les animaux un peu de nervosité, avant de leur retirer harnachements, et capuchon de jute.

Bancroche avant de se retirer leur conseilla, une fois que les hommes eurent rejoint leurs bêtes.

- pensez à bien fermer la porte de leur stalle, faudrait pas qu’ils cavalent partout, surtout si la mer est agitée.

Il leur fit un signe de tête et les laissa, s'éloignant de sa démarche claudicante. Pour ma part, j’avais observé la manœuvre à distance respectable, après avoir suivi le mouvement sur la passerelle et laissant tout ce monde s’installer tranquillement. Une fois tout le monde à bord, le capitaine abandonna sa cabine pour venir saluer les passagers, ce qu’il fit avec déférence et plus d’éducation que n’en avaient les autres.

- Ma Dame, messires, soyez les bienvenues à bord du Vol d’Or. Puis-je vous inviter dans ma cabine ? Nous pourrons régler les questions de frais et de voyage, ou si vous avez tout autre question….

Le capitaine les invita poliment à le suivre.

- Deejah, souhaite-tu nous accompagner ?

Je les regardai en hésitant, je n’étais pas sûre de vouloir participer à la conversation pleine de formalité et de politesse qui s’engageait, bien que je savais que le capitaine ne manquerait pas de leur offrir un verre de vin ou de rhum pour faire bon accueil. Je finis par secouer la tête.

- Je vais attendre Ballast, il n’est pas encore arrivé.

Hernan hocha la tête et quitta le pont pour prendre la direction de sa cabine avec les passagers, me laissant un instant en tête à tête avec ceux de l’escorte de la dame qui n’étaient pas restés en bas avec les chevaux. Je leur adressai un sourire poli, un peu crispé avant de filer en direction du grand mât pour me hisser avec une belle aisance sur les bas haubans, jusqu’à la grand hune d’où je guetterai l’arrivée de Ballast.

Et on oublie Dante. Ce qui n'est pas pour lui déplaire. Il est le dernier remonté, après avoir simplement déverrouillé la stalle de Melkor, avant de l'attacher avec une simple cordelette pour ne pas qu'elle batte à tout vent et qu'un connard ne la reverrouille. L'animal teste le dispositif d'un museau dubitatif, avant de renâcler son approbation.

Alors remonte t'il juste à temps pour rejoindre les autres quand le capitaine arrive. La rouquine décline l'invitation, comme les trois autres mâles Péninsulaire, aussi emboite t'il le pas à la chatelaine... Il aurait plus envie de jouer dans els cordages. Ca fait des plombes qu'il n'a pas bougé comme il aurait aimé tout son saoul. Les entraînements dans la forêt c'est bien, mais les mâts, les voilures et les gréements d'un navire est un véritable terrain de jeu pour lui. Il fait contre mauvaise fortune bon coeur, il aura bien deux ennéades entières à pouvoir en profiter.

S'immiscant dans la cabine à la suite des deux autres, l'homme garde le silence, ses prunelles dépareillées analysant chaque élément du décor, avant de se poser sur le maître à bord. Il laisse Louise diriger, n'ayant aucune envie de marchander à sa place. Voyons voir comment ca va se passer.

Quelques instants à peine plus tard, le grand mage Ballast faisait son apparition sur les docks. Je dégringolai avec agilité de la hune, laissant les hommes entamer les manœuvres de départ, pour m’approcher de mon maître, à peine avait-il franchi la passerelle. Passerelle qui aussitôt fut retirée tandis que sur les docks, les matelots otaient les dernières amarres. Le Vol d’or allait enfin entamer son voyage vers Thaar.

- T’as failli rater le départ, lançais-je moqueuse à Ballast qui marmonna :
- Le Vol d’or ne serait jamais parti sans moi. Alors nos passagers ont-ils bien embarqué ?
- Oui, ils sont en ce moment dans la cabine du capitaine.
- Bien ! As-tu pensé à récupérer mes affaires ?
- Ouaip !!! répondis-je dans un sourire content.

Cette nuit je dormirai sans doute sur le pont, enfin comme à mon habitude tandis que Ballast lui, avait son coin réservé dans l’entrepont, même si d’ordinaire il dormait dans la couchette des officiers dans la cabine du capitaine. Mais quand une « dame » voyageait à bord, Hernan lui cédait sa cabine la plupart du temps, ce qui était de toute façon plutôt rare. Parce que de simples voyageuses elles dormaient avec les autres dans l’entrepont. Ouais même à bord d’un navire comme le Vol d’or, on respectait une certaine étiquette. ….

….
Dans la cabine, installés autour d’une table ronde, le capitaine sourit à la dame de Fernel sans paraître remarquer la tenue masculine.

- Je vous en prie. C’est un plaisir d’accueillir la dame de Fernel et sa suite à notre bord. Puis-je vous offrir quelque chose à boire ? J’ai ici un peu de rhum, le meilleur qui soit, mais peut-être est-il un peu tôt pour cela. Préfèreriez-vous un peu de café ? J’en ai encore un peu dans ma cafetière.

Le visage du capitaine se teinta d’une légère étincelle d’amusement à la question à demi-formulée de la dame.

- Dans ce cas, j’espère que vous apprécierez le voyage. Et ne vous inquiétez pas, nous arriverons sans trop d’encombre à Thaar. En tant que capitaine, je me porte garant de votre sécurité, ma dame. Moi et mes hommes d’équipage auront à cœur que ça se passe au mieux, pour vous et vos amis, dit-il avec un sourire pour Dante.

Il hocha la tête aux précisions de la dame et répondit avec grande politesse :

- Je comprends, surtout s’il s’agit là de votre premier voyage en mer. C’est pourquoi je m’en voudrai de vous imposer de partager les quartiers de mes hommes pour la nuit. Permettez-moi donc de vous céder ma cabine le temps que durera la traversée. Vous bénéficierez ainsi de tout le confort nécessaire.

Il indiqua vers le château arrière*, le rideau qui séparait sa couchette du reste de la cabine.

- Vous pourrez coucher ici et je demanderai à Deejarah si ça ne l’ennuie pas d’occuper le second lit qu’il désigna vers l’entrée dans une niche aménagée dans la paroi et dont la couchette était dissimulée elle aussi par un rideau. Ainsi vous ne serez pas seule, à moins que…. Vous préfériez avoir à vos côtés, un de vos amis ? dit-il en lançant un regard interrogateur à Dante, d’un ton plein de réserve car la question était délicate.

- Pour les commodités, bien sûr vous ne serez pas obligé de vous rendre à la poulaine*, la cabine bénéficie d’une bouteille* Pour les repas, je vous les ferai servir ici, vous pourrez les partager à votre volonté avec vos amis, à vous de me dire vos préférences.

Le capitaine poussa ensuite dans leur direction, un grand carnet qui contenait la liste des passagers et les sommes versées pour leur passage, le tout suivi de leur signature. Il y ajouta la plume et l’encrier.

- Voici pour le dernier point qui concerne le règlement de votre passage. Les tarifs sont au jour, un souverain par jour par passager, deux pour le transport d'un cheval. Nous estimons le temps de traversée vers Thaar à deux énéades, ce qui vous fait une somme unitaire de cinquante quatre souverain ou pour vous et vos compagnons un montant total de deux cent soixante dix souverains. Bien sûr si le voyage dure moins de deux énéades le tarif reste identique, de même si le voyage dure plus longtemps que prévu. Est-ce que tout cela vous convient ?

Le tarif variait suivant le temps de traversée en fonction des vivres qu’il fallait y associer. Quant au double tarif pour les chevaux, il s'expliquait facilement par la difficulté de transporter de tels animaux.

Spoiler:

Il la laisse négocier, le regard analysant la déco, marchant tranquillement vers la fenêtre. Les mains dans le dos. A la mention de Nicholas, il se tourne vers Louise, un sourcil haussé. Seize ans... Putain, c'est le temps de courir la gueuse et les bordels, de se faire son idée. C'est ce que la majorité des gamins font. A seize ans, on est un homme fait. On est marié ou peu ne s'en faut. A seize ans, on ne s'offusque pas d'un sein à l'air ou d'une aine impudiquement dévoilée. Ou du sang versé, des entrailles...

Non mais comment ont ils réussit à être si influent en élevant leur enfants dans une ouate pareille? Encore une fois, la pourriture de la vie contamine  par osmose les générations.  Devant la fenêtre, immobile, plein d'une autorité tranquille, il reporte son attention sur le capitaine.

- Vous pourrez coucher ici et je demanderai à Deejarah si ça ne l’ennuie pas d’occuper le second lit. Ainsi vous ne serez pas seule, à moins que…. Vous préfériez avoir à vos côtés, un de vos amis ?

Au regard interrogateur du capitaine, lui répond le faciès imperturbable de l'assassin. Jusqu'à ce que la garce qui lui sert de soeur à cet instant précis n'enfonce le clou. Seul son entraînement lui permet de garder le flegme nécessaire pour ne pas revenir sur ses pas et lui flanquer la torgnole de sa vie.

- Capitaine, j’apprécie beaucoup votre sollicitude mais il se trouve que je préfère, en effet, avoir mon « ami » à mes côtés. Vous me comprenez, je présume.


Au clin d'oeil ne répond que la plus pure froideur de l'Estreventin avant qu'il ne se retourne vers le dehors, notant que les préparatif du départ sont en bonne voie.

Et bien, la petite. Si tu veux garder ta vertue bien en vue, c'est mal barré. Tant d'hypocrisie...
Elle aurait dû demander à Enguerrand.
Remarque, qu'est ce que tu pense qui se dit? elle a toujours voyagé Fernel/Papincourt habillée en homme avec toute son escorte et sans dame de compagnie pour lui servir de chaperon. Elle vaut quoi son honneur tu pense?
L'Honneur et la Vertue selon les apparences... Je me demande si elle a réfléchi.
Tu l'a déjà vue réfléchir depuis qu'on la connait?
Tu m'ennuis...

La suite lui fait grincer des dents. Il peut avoir l'air distrait comme ça, mais l'assassin est très attentif et il n'aime pas ce qu'il entend. Aussi se rapproche t'il du duo.

- Voici pour le dernier point qui concerne le règlement de votre passage. Les tarifs sont au jour, un souverain par jour par passager, deux pour le transport d'un cheval. Nous estimons le temps de traversée vers Thaar à deux énéades, ce qui vous fait une somme unitaire de cinquante quatre souverain ou pour vous et vos compagnons un montant total de deux cent soixante dix souverains. Bien sûr si le voyage dure moins de deux ennéades le tarif reste identique, de même si le voyage dure plus longtemps que prévu. Est-ce que tout cela vous convient ?

Louise demande alors son avis.

- Qu’en penses-tu ?

Il regarde alors les colonnes de chiffres. Et exprime son calcul mental.

1 souverain par tête, 2 souverains par cheval. Donc 3 souverains par jour multiplié par 5, ce qui donne 15 par jour, fois dix huit. Donc, ca donne bien un montant total de 270 souverains. Le calcul est exact... Mais...

Il marque une pause, relevant le regard pour fixer le capitaine directement dans les yeux.

Je pensais que ce point avait déjà été réglé avant l'embarquement. Il est dans vos habitude de négocier ca après que les chevaux soient installés dans la cale et que vous êtes en train de quitter le port? Ca me rend nerveux et je n'aime pas être nerveux... C'est malsain. Pardonnez ma franchise, mais elle se doit d'être exprimée.

Termine t'il d'un ton calme avec une pointe de froideur.

De plus, je ne connais aucun être humain normal qui mange pour plus de 20 couronnes par jour, a moins que vous pensiez que nous mangions les même choses délicates que les richissime? Pour ma part, l'ordinaire de l'équipage me suffira amplement... Mais reprenons. Supposons que mes compagnons de route puissent être capable d'ingurgiter leur 20 couronnes, tripler la mise pour le transport nous reviens quand même à 60 couronnes par tête par jour, vous entrez dans vos frais avec votre fret... Pour la dame, je l'accorde, un souverain par jour pour garder les envies inavouables loin. Très loin d'elle.

Il aligne ses propres chiffres sur une tablette de cire a coté du parchemin. L'art de la négociation.

Ce qui me semble déjà plus honnête. J'ai voyagé souvent. Un souverain complet par jour pour des invités autonomes et pas capricieux m'étonne. Je n'obstinerai pas le prix pour les chevaux, même si nous allons nous en occuper nous même. De toute façon ils n'écouteront que nous. Donc aucune charge de travail supplémentaire pour vous.... Mon calcul donne 241 souverains et 20 couronnes pour la traversée. Et si vous comptez sur moi pour rester oisif et ne rien faire, je suis parfaitement capable de travailler pour payer ma propre traversée. Je n'aime pas rien faire et je deviens irritable. Ce qui enlève un dix souverains supplémentaire.

Il écrit le chiffre en bas.

Mettons 232 souverains si nous arrondissons, 116 souverains maintenant et l'autre moitié quand mes compagnons et mon cheval seront à quai et qu'il ne restera plus que moi à bord. C'est mon offre.

Hernan se redressa pour s’emparer dans un placard d’une bouteille et de trois timbales qu’il posa sur la table. Il n’avait pas demandé au drôle de lascar taiseux qui accompagnait la dame, mais il supposait qu’il en prendrait un verre lui aussi. Il servit deux verres et attendit un signe du type pour le servir, avant d’entendre les requêtes de sa passagère. Elle s’inquiétait pour les hommes qui l’accompagnaient.

- Vous inquiétez pas, mes hommes leur ficheront la paix. A vrai dire c’est plutôt moi qui vais vous demander de vous tenir à distance des manœuvres. Ca peut être assez dangereux sur un pont quand les hommes s’activent. Il ne faut pas se mettre dans leurs pieds. Quant à la hum pudeur de votre jeune homme, ma foi, je ne peux empêcher ses oreilles de traîner. Le mieux, encore une fois c’est qu’il évite l’équipage. Mais ça ne sera pas simple étant donné que nous allons voyager ensemble pendant deux énéades.

Pour le reste, il s’inquiétait surtout de protéger la pudeur de la dame, c’est pourquoi il lui proposa de lui céder sa cabine avec en sus, la compagnie de Deejarah. Nul ne l’ennuierait avec les deux femmes ici. Mais elle refusa et préféra partager la cabine avec l’autre olibrius qui n’avait pas ouvert la bouche depuis qu’il les avait suivis dans la cabine. Hernan ne savait que trop penser de cet homme.

- A votre guise !

Puis il lui donna le détail des tarifs, en poussant vers elle le carnet des passagers. C’était l’ultime point à régler avant qu’il ne sorte donner les ordres au bosco, en espérant que Ballast serait de retour.
Ce n’est qu’à ce moment que l’homme à sa gauche, prit enfin la parole, et bien sûr pour discuter des prix.

- En effet, je croyais que Deejarah vous avait déjà parlé des tarifs ?

Le capitaine afficha un air surpris, léger froncement de sourcil. Après tout c’était à travers elle qu’ils avaient demandé à voyager à bord, et la jeune femme connaissait parfaitement le fonctionnement du navire, y compris ses tarifs qui étaient ma foi fort simple, 1 souverain par jour par voyageur, 2 de plus, si le passager voyageait avec sa monture.

- Et sachez qu’il n’est effectivement pas dans mes habitudes de négocier mes tarifs, ils ont été établis depuis longtemps, avec peut-être parfois des exceptions en temps de guerre ou pour d’autres cas particuliers mais….nous ne sommes pas en temps de guerre, et je ne pensais pas que votre cas demanderait un traitement particulier.

Hernan inspira légèrement, avant de répliquer face à ce pingre dont Deejarah lui avait pourtant dit qu’il s’agissait d’un seigneur qui ne semblait pas manquer à ses engagements.

- Vous savez combien d’hommes il faut pour faire naviguer un navire de ce tonnage ? Vous vous comprendrez donc qu’ils ne bossent pas gratuitement. Vous avez déjà voyagé en mer ? Donc, vous connaissez en outre les risques qu’impose ce genre de voyage. Alors le tarif ne se limite pas à ce que vous pourrez manger ou ne pas manger, dit-il en lançant un coup d’œil à la jeune femme. Ca implique le transport d’un supplément de nourriture, de bestiaux pour celles qui ne se conservent pas plus de quelques jours, ça implique les frais de réparation et d’entretien du navire, ça implique les soins que nous devrons donner à l’équipage ou à vous-mêmes, sans parler de la prise de risque que mes hommes prendront pour ce voyage. Mais je ne vous apprends rien n’est-ce pas ?

Quant à ce qui paraissait plus honnête à cet homme, Hernan ne dit rien mais son expression se para d’un masque de froideur. Il se garda d’une quelconque remarque au sujet de son honnêteté qui n’était en rien comparable à sa pingrerie et laissa l’autre sortir ses chiffres.

- Dans ce cas, si vous gardez à charge le soin des chevaux et que vous aiderez à l’entretien du pont et de l’entrepont, car sachez que je ne confie le gréement qu’à des hommes en qui j’ai entièrement confiance.

Autant dire que ce n’était pas le cas pour ce type.

- je veux bien revoir, exceptionnellement le tarif de votre traversée à la baisse. Ce sera 120 souverains tout de suite, et 120 dès que nous serons dans le port de Thaar. Comptez la différence pour avoir le privilège de profiter d’une cabine tout confort. A présent si vous voulez bien signer que je puisse donner l’ordre de lever l’ancre.

D'accord, dit Dante en signant son nom en bas.

Et pour les droits de passages sur les gréements, je suis prêt à vous payer cinq souverains dès maintenant. Je ne parle pas de hisser les voiles, d'affaler la grande vergue ou de recoudre les toiles, sauf sur votre ordre express. Juste le droit d'y évoluer sans problèmes pour pouvoir m'entraîner hors de mes quarts et l'assurance de ne pas me faire embêter. Je laisserai mes armes dans la cabine quand j'irai, afin de ne pas abîmer votre bien. Tout les risques encourus seront de ma responsabilité

Cinq souverains pour crapahuter dans les cordages. C'est qu'il a réellement besoin de ces exercices voyez vous. Personne ne payerait à part lui pour aller se casser la gueule là haut en faisant le singe.

Une fois les formalités accomplie, voilà que Louise y va de son exigence. Du rhum... Quelque bouteilles. Intérieurement, il grince des dents sous des dehors indifférent. C'est qu'elle picole beaucoup trop pour son bien.

Si tout est entendu, dit il, extirpant les cinq souverains de sa sacoche de cuisse avant de les aligner méthodiquement sur le bureau. Pour ma part, je vais me changer et me présenter au rapport mon capitaine.

Hernan s’inclina poliment face à la dame.

- Il sera fait selon vos désirs.

Quitte à puiser dans les réserves de bord, ça ne l’ennuyait pas le moins du monde. Après tout, la noblesse semblait pour une fois, bien moins pointilleuse que ce drôle de gus dont en fin de compte, le capitaine ne savait pas grand-chose…

Autant dire que sa requête au sujet du gréement le laissa plutôt surpris.

- Ce ne sera pas nécessaire, répondit-il à la suggestion de payer un surplus. Il n’avait pas envie de perdre encore plus de temps dans cette négociation qui n’aurait pas dû être. Vous pourrez en disposer du moment que vous ne gênez pas à la manœuvre. Je préviendrai l’équipage que vous avez mon accord pour vous y rendre.

Bien qu’il aurait sans doute affaire malgré tout à Deejah qui se montrait avec son navire, aussi protectrice qu’un félin sur son territoire. Mais pour ça, il préférait lui laisser la surprise de le découvrir, autant pour cet homme que pour la jeune femme.

Une fois la signature de la dame ajoutée, et la moitié du montant du voyage payé, le capitaine s’inclina une dernière fois.

- Je vais donner les ordres immédiatement.

Il quitta alors la cabine, non sans avoir récupérer dans une bourse la somme payée par l’étrange messire, puis donna un premier ordre à Léo, dis le mousse ou encore le gamin, vu qu’il avait à peine treize ans.

- Je te charge de veiller à ce que la dame de Fernel ne manque de rien. A commencer par faire en sorte qu’elle ait toujours du rhum dans la cabine. Tu veilleras à servir ses repas et tu lui demanderas si elle mange seule ou avec son escorte et tu préviendras Sam quand tu auras tous ces renseignements.

Sam Patouche, c’était leur maître coq, ainsi nommé parce qu’il valait mieux ne pas laisser traîner ses mains quand il était en plein travail et encore moins s’aviser de voler dans ses réserves.
Le capitaine s’approcha ensuite de Jeb qui était occupé à ranger les amarres et lui glissa discrètement.

- L’ami de Deejarah a demandé à avoir libre accès au gréement. Il a ma permission.
- Bah qu’est-ce qu’il veut foutre là-haut ?

Hernan haussa les épaules. Et Jeb ajouta avec un sourire amusé.

- J’sens que ça va beaucoup plaire à Deejah.

Le capitaine lui sourit en retour, en ajouta tout bas.

- Garde-le moi à l’œil, je n’ai pas confiance en ce type. S’il y a quoique ce soit, viens me prévenir.
- Bien mon capitaine !

Puis voyant que le vieux mage avait enfin embarqué, il se contenta d’un signe de tête en direction de Yann le bosco qui de sa voix de stentor, ordonna :

- Parés à appareiller !!!

Des hommes se mirent aussitôt en action partout sur le navire, dans une ronde parfaitement orchestrée. Un instant que j’appréciais autant que le reste de l’équipage.

En évitant de me mettre dans les pattes de l’équipage, je gagnai avec Ballast, le gaillard d’arrière, afin de lui présenter les passagers. Quand la dame de Fernel quitta la cabine, peut-être pour profiter du spectacle à chaque fois appréciable du navire quittant le port, je le lui présentai.

- Dame de Fernel ? Permettez que je vous présente mon mestre, le mage Cécias Levante.

Ballast s’inclina pour la saluer en péninsulaire.

- Ma dame, c’est un plaisir de faire votre connaissance.

Son geste se fit très sûr pour la saluer à la façon des péninsulaire. Puis il demanda d’un ton volontairement badin, son regard aveugle fixant un point légèrement au-delà de la jeune femme:

- Alors dites-moi, qu’est-ce qui mène une aussi jolie dame dans la grande cité de Thaar ? Les affaires peut-être, des raisons familiales ? Ho pardonnez-moi je me montre sans doute trop curieux, mais voyez-vous à mon âge, on aime bien apprendre plein de choses.

Haha, il avait vraiment l’art et la manière de faire genre, c’était un pauvre vieux. Je savais qu’il n’en était rien. Mais Ballast n’hésitait jamais à user de la compassion d’autrui pour satisfaire à sa curiosité.

N’empêche, moi aussi j’voulais bien savoir. Mon regard croisa un instant celui de ce jeune gars qui les accompagnait et qui lui ne m’avait pas lâchée des yeux depuis qu’il était monté à bord. Je fis une moue qui se voulait être un sourire, avant de tourner très vite mon attention vers Ballast et la dame de Fernel, pour regarder en fin de compte en direction d’Arun.

- Juste à temps pour nous voir nous éloigner du port. Alors messire, ce voyage en Péninsule a-t-il été à la hauteur de vos attentes ?

Quoiqu’au vu de ce qu’il m’avait dit le premier soir de notre rencontre, je doutais qu’il y avait trouvé un quelconque point positif, sauf peut-être le tournoi…..Ou oui bien sûr, cette jeune femme qui l’accompagnait, ou qu’il accompagnait. Enfin c’était du pareil au même !

Bientôt, les voiles du Vol d’or furent déferlées les unes après les autres, nous faisant gagner en vitesse, et laissant derrière nous les côtes de la Péninsule.

Dante, pour sa part, ne regarde pas la terre qui s'éloigne, mais l'autre direction. La mer, l'immensité vide, d'un bleu céruléen aujourd'hui, et la mer qui lui répond de la même teinte avec l'écume.

S'écartant du groupe, la cape claquant au vent, bougeant les doigts sous ses gants pour els assouplir, il ne regarde pas ce continent de merde qu'il laisse derrière lui. Mais plutôt l'avenir. Il sait qu'il y a des gens qui l'attendent là-bas, par delà les mers. Contemplant l'horizon, il s'avance de l'autre côté du navire.

Levant la tête et humant à pleins poumons l'air marin, son léger sourire de matou se dessine sur le visage tandis que, sans y penser, il bouge les épaules et s'étire la nuque pour échauffer ses muscles. Deux semaines de dur labeur l'attende et cela lui plait énormément. L'estreventin préfère cent fois travailler que faire le beau damoiseau.

Sous la brise, une mèche noire rebelle s'égare sur son front tandis qu'il lève le nez en l'air, l'oreille ronde tendue écoutant les chants des cordages, le claquement des voiles. Immobile, hors des jambes de l'équipage, il se contente de fixer tout là-bas, tout en laissant son corp s'adapter au navire.

Il rentre à Thaar... Cette ville qu'il détestait et qui, maintenant, lui donne plusieurs raisons de revenir. Plongeant sa main dans sa sacoche de taille, Dante en extirpe discrètement une minuscule violette sertie dans du verre, ainsi qu'un collier d'argent au pendentif en forme de Mériale émaillée de bleu et aux yeux de diamants.

J’observai toujours mon maître et la dame de Fernel à la dérobée, tendant discrètement l’oreille, même si mon regard tout comme celui de la passagère, restait le plus souvent, tourné vers les côtes dont nous nous éloignions de plus en plus. Et si dans le port, il n’y avait eu qu’un léger roulis, il se faisait désormais plus signifiant, le courant marin reprenant ici tous ses droits.

Ballast jouait les curieux comme souvent, et si je crus bien l’espace d’un instant le voir se faire envoyer dans les brancards, de manière courtoise, bien-sûr, comme seuls les nobles savaient le faire, je vis son visage s’orner d’un léger rictus amusé à la réponse de la dame. Pourtant si au début elle signifia qu’en effet tout ça ne le regardait pas, elle finit quand même par lui répondre, ce qui lui valut un léger acquiescement de la part du mage, toujours concentré, les deux mains appuyées sur son bâton.

- C’est hélas le triste sort de bien des gens que de se résigner à suivre un destin que d’autres ont tracé pour eux. Je suis donc bien content pour vous, Ma dame d’apprendre que vous avez eu le courage de sortir des sentiers battus. Car il en faut du courage pour se lancer à l’aventure, conclut Ballast avec un sourire en coin.

Et sans doute avait-il noté tout comme moi, cette très claire allusion au fait qu’elle n’était pas comme ces « autres nordiens ». Ouais j’avais eu l’occasion d’en rencontrer quelques uns pendant mon séjour à Papincourt et franchement si la fête avait été au rendez-vous, ils avaient une vue bien trop étriquée des choses. N’étaient-ce que leur vision de la magie, une vision qui sembla intriguer notre voyageuse. Aussi c’est sans la moindre hésitation que Ballast répondit, avec toujours un léger sourire en coin.

- Je suis un élémentaliste de l’air et j’enseigne à cette jeune femme qui nous écoute depuis tout à l’heure.

Je m’empourprai un peu, avant d’hausser les épaules et de me tourner vers Arun. Tiens, il en faisait une de ces têtes. Alors je m’approchai quelque peu pour lui demander ce qu’il avait pensé de son séjour, mais c’est sans me répondre qu’il s’éloigna de moi pour gagner un autre point du pont.

Ohh là làààà, les voyages en mer le rendaient visiblement de mauvais poil ! J’haussai à nouveau les épaules, et désormais de mauvaise humeur à mon tour, je pris la direction des haubans pour grimper jusqu’à la hune, faisant bien attention à ne pas être dans les pattes des gabiers qui terminaient d’attacher les voiles, pour ensuite m’assoir à même cette étroite plate-forme, les jambes balançant dans le vide, saisissant mon ocarina accroché sur mon flanc pour en jouer et essayer de me détendre un peu. Si j’avais imaginé que le voyage serait peut-être plus amusant grâce à la présence d’Arun et de ses compagnons, je venais de déchanter.



Le vent se fit aussitôt plus doux sur mon visage, et les matelots reprirent leurs tâches après un instant de pause, en souriant, apaisés par la mélodie, en espérant que l’effet en serait tout aussi agréable pour nos voyageurs. Yann avait cessé de donner ses ordres. Désormais chacun savait ce qu’il avait à faire. Derrière nous, le soleil grimpait toujours plus haut dans le ciel d’azur, promettant une belle journée sans nuage. C’était un bon départ, avec un vent favorable.

Et moi j’oubliai l’allergie de Dante à ma magie, pour la laisser glisser hors de moi, concentrée sur ma musique et sur mon ocarina, une magie douce et agréable comme le vent, un vent qui se réchaufferait bientôt quand nous approcherions du sud et qui gonflait désormais joliment la voilure pour pousser plus vite le navire vers l'avant, toujours devant....

Ne sachant pas ce qui se passe un peu plus loin, les oreilles pleines des cris des mouettes et des matelots couvrant ceux, moins élégants, de la détresse liquide de ceux qui s'affairent a vomir leur vie.

Plutôt, il tourne autour du mât de misaine, caressant le bois de sa main gantée. Pendant un instant, il regarde en l'air, vers les encablures. Puis, il sourit. Un de ses vrais rares sourires. Défaisant soudainement son manteau, il le roule sur le travers et entortille ses poignets dedans après lui avoir fait traverser l'autre côté du mât.

Un pied botté de cuir souple teste la ruguosité du bois, avant qu'il ne se mette à monter tranquillement, avec une certaine prudence, certes, mais sans aide d'aucun cordage. Il sent les muscles de ses bras et de ses épaules travailler, ses mollets grincer légèrement sous l'effort. L'iode dans ses narines et la liberté absolue, ou presque.

Il n'y a rien d'autre qu'eux et son corp... Il adore ça. Quand il atteint le sommet, à l'aide d'une acrobatie, il se hisse sur la hune, avant de reprendre sa progression de la même façon, jusqu'à monter aux barres de perroquet.

Une main sur le mât, les pieds encrés sur la barre, il marque une pause alors, les prunelles dépareillées embrassant l'horizon vaste et uni, la chevelure noire au vent.

On se les caille, mais il rentre à la maison. Le sourire disparait quand il note que Deejarah est en l'air elle aussi et qu'elle le regarde. Elle lui veut quoi, elle, bordel?

Chaque instant comme si c’était le dernier ? Ballast tourna son regard aveugle vers la jeune femme qui se tourna vers un mouvement plus loin sur le navire. Si son art lui permettait de « voir » malgré sa cécité, il ne lui permettait cependant pas de lire en elle ! C’était le genre de parole venant de quelqu’un qui savait qu’il n’avait plus beaucoup de temps à vivre. Était-elle malade ?

Ou alors, elle essayait d’échapper à quelque chose, ou à quelqu’un. Mais il n’eut pas l’occasion d’approfondir la question car c’est alors elle qui lui en posa des questions. Il semblait que la perspective de découvrir le monde, la rendît plus curieuse et ouverte à ce qui pouvait se passer ailleurs, contrairement au commun des péninsulaires et que tout cela déliait sa langue sur le sujet, ce qui fit sourire le vieux mage. Elle lui demanda s’il manipulait les vents et il répondit quelque peu évasivement :

- En quelque sorte.

C’était bien au-delà d’une manipulation pour lui, et Deejah développait les mêmes dons. Et il ajouta, toujours en souriant pour répondre à ses autres questions.

- Je suppose que cela dépend des cas, pour ma part, ça s’est imposé comme une évidence, c’est le vent qui m’a choisi, comme il a choisi mon apprentie.

Il rit légèrement alors qu’elle expliquait qu’elle n’avait encore jamais vu de mage de l’air.

- Dans ce cas, vous avez de la chance, vous en avez deux à bord, même si Deejarah doit encore apprendre, elle est plutôt douée et deviendra une grande mage quand…quand elle saura dompter son caractère, conclut-il avec un sourire amusé, mais reflétant aussi un certain attachement.

Quant à la dernière question, il leva son visage ridé vers les vergues.

- On peut faire en sorte que les vents nous soient favorables, en effet,…..ou guider le Vol d’or pour qu’il puisse profiter au mieux des alizées, de ces vents capables de nous porter sans jamais nous faire tomber.

Ce que savait déjà faire son apprentie, inspirée par la mélodie de l’Ocarina. Une mélodie qui portée par les airs, avait en outre ce don de rendre les marins plus confiants, enfin c’était pareil aux chants qu’ils pouvaient entamer pour se donner du cœur à l’ouvrage. En l’occurrence, c’était la musique jouée par Deejah qui leur en donnait, sachant que sous sa protection et celle du vieux mage, ils arriveraient à bon port.

Ballast sentit alors l’équilibre de la jeune femme à ses côtés, ciller ,et s’excuser pour s’enfuir vers la cabine, et il sourit avec cet air toujours amusé. Cet art de manipuler les vents, comme elle l’avait dit, ne permettait cependant hélas pas d’éviter le mal de mer à tous ceux qui n’avaient pas le pied marins.
Le mage se détourna pour grimper sur le gaillard d’arrière où devait se tenir le capitaine, son bâton, heurtant régulièrement le plancher sous ses pieds.

….


Pour ma part je restai perdue dans ma musique, le regard profitant de la vue exceptionnelle, sentant le vent m’entourer de toute part, dans cet endroit où j’étais le plus étroitement liée à cet élément que j’avais appris à maîtriser, enfin que j’apprenais encore à maîtriser comme le précisait Ballast.
C’était ici mon royaume, mon  univers où nul n’osait jamais venir me déranger…..
Sauf Arun.

Je perdis ma concentration à l’instant où je le vis grimper au mat de la plus singulière des façons. M’enfin qu’est-ce qu’il foutait ??? Tous les autres gabiers avaient plus ou moins cessé leur manœuvre pour le regarder faire avec l’air sans doute aussi ahuri que le mien. Jusqu’à cet instant où il me dépassa pour grimper plus haut sur le mât.

- Mais qu’est-ce que vous faites ?? lançais-je quelque peu abruptement, laissant retomber mon instrument attaché après son lien de cuir sur ma hanche pour me redresser d’un bond sur la hune, la tête levée vers ce drôle de type qui faisait le singe dans la mâture.

Un ordre lancé en bas par Yann, remit aussitôt tout le monde au travail, sauf moi qui gardai un regard inquisiteur sur l’intrus.